J'avance en soulevant le bas de mon pantalon pour ne pas qu'il se mouille d'avantage, histoire d'être quand même un peu plus présentable. On vient de quitter la gare de King cross et je me sens perdu comme un enfant parmi ces gens qui marchent pressés et qui, s'ils le pouvaient, nous piétineraient sans même se rendre compte de notre présence.
Je regarde Hermione, les poings crispés sur son vieux sac en bandouillère, je lis dans ses yeux une détermination sans pareil. J'avais oublié un instant que ce monde était aussi le sien.
Je m'écarte pour laisser passer une dame poussant une drôle de charrette dans laquelle dort un bébé. Je me tourne vers Hermione, espérant comme à chaque fois qu'elle répondra à ma question avant que je n'ais à la lui poser, mais j'ai aussi oublié qu'elle avait d'autre préoccupation qu'un ami qui est là de son plein grès.
L'envie de lui demander ce qu'on va faire me brûle les lèvres mais la pluie qui devient plus désagréable de secondes en secondes me fait comprendre qu'elle ne doit pas le savoir plus que moi. Si on reste là, on risque d'en sortir fripés et ridés comme ces personnes âgés qui traversent la route sous ce que les moldus appellent un parapluie. Harry avait raison, ce n'est pas seulement un objet magique comme celui qu'a Hagrid.
- Qu'est-ce qu'on fait ?
Mince… je l'ai posé. Trop absorbé par toute ces drôles de choses qui m'entourent, je me suis laissé surprendre par cette question plus qu'habituelle lorsque je suis en compagnie d'Hermione.
Je grimace et détourne le visage, pas assez pour ne pas la voir me regarder à son tour. La pluie a collé des mèches sur son front et le froid fait rougir ses joues. Cette couleur fait contraste avec le blanc morbide qui attriste son visage depuis la nouvelle.
Elle laisse alors tomber son sac sans se fier à la boue qui désormais l'habille. Et elle… Merlin Hermione ne fait pas ça. Elle s'agrippe à mon cou et je sens ses doigts fins et froids frôler ma peau.
Qu'est-ce qu'un ami est censé faire là ? Que ferait Harry ? Sans avoir pu répondre à ma question, ma main se glisse sous son bras et trouve refuge dans son dos. Voilà, deux amis enlacés dans une rue de Londres, se moquant pas mal de la pluie qui va finir par les achever et de ces gens qui les regardent en se disant que décidemment, les jeunes de nos jours n'ont plus aucunes retenues.
Puis elle se décolle, me faisant ressentir le froid de cette rupture. Cette fois, c'est certain, nous ne pourrons plus être plus mouillé que ce que nous le sommes déjà.
Un bruit sourd se fait entendre et je perçois le nom d'Hermione retentir parmi la foule de gens toujours aussi pressés. Elle se retourne et court vers cet homme qui porte un drôle de manteau beige descendant jusque ses genoux. Je la regarde s'éloigner et réalise que si je reste là, je serais bien capable de me perdre pour de bon.
Il a prit sa tête entre ses mains et lui décolle ces mèches qui souillent encore son visage. Je l'entends murmurer et je me sens de trop, presque coupable d'entendre ce qu'il lui dit. Je détourne la tête et retourne à ma contemplation de ce monde jusqu'à ce que :
- TU VAS BOUGER DE LA OUI !
Merlin, une voiture semblable à celle de mon père vient de s'arrêter à quelques centimètres de moi. L'homme étrangement ressemblant à l'oncle de Harry vient de passer sa tête par le carreau et me tend un poing aussi gros qu'un melon. Je reste là, pétrifié jusqu'à ce qu'une main me tire enfin de ce mauvais pas. J'entends Hermione murmurer :
- Oncle Nigel, je te présente mon ami Ronald Weasley.
- J'ignorais que tu serais accompagnée… Je… au et puis, on verra ça plus tard. Bienvenue Donald.
Il me prend la main et la serre de lui-même alors que je suis trop occupé à tourner dans tous les sens ces deux mots : « Mon ami », je suis son ami. Pas un ami, mais son ami, moi Donald Weasley, Ronald.
Il m'embarque dans sa vieille voiture noire qui néanmoins sent le cuir neuf et je regarde défiler les maisons en me demandant devant laquelle il va bien pouvoir s'arrêter. Et enfin, alors que je regrette d'avoir autant mangé ce midi et me demande ce qu'il va bien pouvoir en ressortir, Hermione me pousse au dehors et je me retrouve devant une grille de fer semblable à celle de toutes les autres maisons du quartier. En fait, tout est semblable, comme si les architectes avaient eu peur de faire des jaloux s'ils donnaient dans l'originalité.
Je les regarde s'avancer tous les deux, oubliant sans doute qu'en plus de ne pas être de leur famille, je ne suis même pas de leur monde. Et je me décide enfin à les suivre, attiré par cette drôle de cloche devant la porte d'entrée. Et dire que papa m'avait dit qu'ils en faisaient des ecletiques maintenant. Je prend le sac d'Hermione au passage et la dépasse sans même la regarder puis, je m'arrête devant ce morceau de métal que je crève d'envie d'agiter.
- Ah je vois que vous vous intéressez aux vieilles choses Donald. Si au moins mon fils pouvait être comme vous. Celle-ci vient d'une fonderie qu'avait créé un de mes ancêtres. En d'autres circonstances je vous l'aurais fait visiter mais… Ca vous intéresse n'est-ce pas ?
Je fais oui de la tête même si je n'ai aucune idée de ce que peut bien être une fonderie et je le suis à l'intérieur de cette maison.
On arrive dans un couloir aux murs blancs, recouvert de chaque côté par de grands miroirs aux formes arrondies. Je vois Hermione retirer sa veste qui n'a plus aucunes formes et goutte sur le carrelage pourtant éclatant de propreté de cette pièce et son regard me supplique d'en faire autant. Je le pose à mon tour sur ce que j'avais pris pour une personne sous-alimenté et je la suis dans ce dédale de couloir. Alors lorsqu'elle s'arrête subitement devant une porte vitrée, je me rends compte que je la suivais d'un peu trop près.
- Ron… soupire-t-elle.
- S'cuse.
Mais je ne m'éloigne pas pour autant. La pièce dans laquelle nous entrons respire cette sensation de bienvenue, des couleurs chaudes et des tableaux tristes d'immobilités. Finalement, cette maison n'est pas si grande que je l'aurais imaginé.
Et je n'ai pas le temps de regarder Hermione pour m'assurer que je ne fais rien de mal, que déjà deux bras l'entourent et l'étreignent à lui en faire perdre la conscience.
- Oh, tu as ramené un ami ma chérie. C'est bien ça… tu ne dois pas rester toute seule, pas dans ces moments là.
Je vois Hermione agiter la tête et celle que je déduis être sa tante m'oublie aussi vite qu'elle m'avait remarqué.
- Oh je suis totalement désolée ma puce… ils étaient si gentils.
Je remarque alors que ses moldus ne sont pas plus doués que moi pour réconforter. Elle est désolée… à croire que c'est elle qui les a tué. D'ailleurs, de quoi sont-ils morts ? Décidemment, je ne sais vraiment pas ce que je fais là… Et puis, ils étaient si gentils… Pourquoi, il n'y a que les méchants qui risquent de mourir ?
- Allez viens mon ange, on va t'installer toi et ton ami.
Mon ange… finalement, ça lui va bien. Belle métaphore… Oui, elle ressemble à un ange, ses cheveux que la pluie a fait friser et sa peau laiteuse que l'on a envie de caresser.
- Tu vas t'installer dans la chambre d'amis qu'il y a à l'étage et pour ton ami… comment s'appelle-t-il déjà ?
- Donald.
Le dénommé oncle Nigel est passé devant nous, m'arrachant un bras en même temps que la besace d'Hermione et est monté par cet escalier de bois semblable à celui du Terrier.
