- Ron !
Vous connaissez la maladie du réveil énergique ? C'est ce dont sont victimes Hermione et Harry. Je ne sais pas quelle est cette manie de réveiller les gens de cette manière, pour quelconque raison, moi je dis que les croissants et café chaud valent bien mieux qu'un haussement de voix insupportable. Je relève la tête et bougonne, me rends compte que depuis que Hermione m'a réveillé pour m'annoncer que mes parents n'étaient pas rentrés, j'ai toujours cette pointe d'appréhension. Alors je m'efforce de me réveiller plus vite, histoire de ne pas être pris au dépourvu.
- Quoi ?
- Réveille-toi !
- Parce que tu crois que je dors là ?
Je me lève totalement pour finir de l'en persuader et le regarde dans les yeux, il ne semblerait pas que lui ait pris la peine de dormir. Finalement, ça fait un bout de temps qu'il ne dort plus… Sous peine d'être plus que jamais amené dans les pensées de vous savez qui. Je passe ma main derrière ma nuque, par habitude et attends patiemment qu'il se décide à parler.
- Suis-moi…
Ca veut tout dire, il ne veut pas parler en présence de nos colocataires de chambrée, j'en déduis donc qu'il s'agit d'une affaire Voldemoresque. Cette fois, plus besoin de me persuader que d'ici quelques heures je pourrais retrouver mon lit. Non, c'est inutile, je n'ai plus la moindre envie de dormir. Je rejoins la salle commune et vois Hermione nous attendant dans sa chemise de nuit, puis Ginny fait son apparition et de nouveau, nous sommes amenés à suivre le « survivant » à travers les dédales de couloirs. Je souris malgré moi en imaginant la tête qu'il ferait en m'entendant l'appeler comme ça, mais sa mine renfermée et l'aura de méfiance qui l'entoure me ramène sur terre.
Enfin nous arrivons devant une statue que je connais très bien, enfin surtout par les dires des jumeaux et m'engouffrant dans le tunnel qu'elle couvre, je sais que si continuant par là, nous arriverons à pré au lard. Mais pour quoi faire ?
La réponse me saute aux yeux quand nous nous arrêtons au bout de quelques minutes de marches seulement. Et Harry commence ce qui, je le savais, allait être un calvaire pour nous tous.
- Il y a quelques jours, nous avons eu certains échos concernant un groupe de mangemorts évadés. Nous savions déjà depuis un petit moment que tout comme nous, ils avaient eux-mêmes un endroit où se rassembler, et où… mettre à profit… leurs… leurs quêtes.
Une quête… il ne m'en faut pas plus pour comprendre que mes parents étaient une simple quête. Harry nous regarde, moi et Ginny tour à tour, il sait que l'on a compris. Bizarrement, je me sens totalement désarmé, Harry fait parti de l'ordre, pas moi. Harry a l'air de savoir ce que sont devenus mes parents, pas moi. Harry se bat contre sa conscience… doit-il nous le dire ? Je sais que rien de tout cela n'aspire à quelque chose de bon. Mes parents sont morts… sans doute… Je m'y attendais.
- Je sais qu'on ne vous a pas dit grand-chose sur… sur vos parents. Mais on a cru qu'il valait mieux vous préserver de tout espoir ou déception. Aujourd'hui, nous savons qu'ils ont bien été enlevés.
J'entends un petit cri strident sortir de la bouche de Ginny, et machinalement, elle vient se coller à moi. Je ne sais pas quoi faire, quoi lui dire. Finalement, je le savais. Je le savais à partir du moment où j'ai vu cette soupe étalée sur le sol de la cuisine. J'attends patiemment le fin mot de l'histoire, luttant contre l'envie d'hurler. On nous a caché tant de choses, nous prenant pour les enfants que nous n'étions plus. Je comprends désormais ce que Harry a bien pu ressentir face à toutes ces questions qui le torturaient.
- Nous avons plusieurs endroits en vue… Pour… pour rechercher leur… enfin…
Je hoche frénétiquement la tête, refusant d'entendre ce mot que de toute façon, il n'arrivera pas à prononcer et je le pousse à poursuivre.
- Les membres de l'ordre sont partis dès ce soir … Plusieurs pièges ont été mis en place pour déserter ces lieux de rencontres. Mais il reste un risque que certains soient restés.
Je bouillonne en moi à l'entente de ces phrases… Comme si je découvrais pour la première fois que plusieurs hommes étaient coupables de l'enfer que nous vivons depuis quelques mois.
- On m'avait interdis de vous dire tout ça… parce qu'il ne faut pas prendre le risque qu'on nous entende. Car dans ce cas là, on mettrait la vie de plusieurs personnes en danger. Mais… je suppose qu'ici on ne risque rien et… et surtout, je ne pouvais pas garder une chose comme ça pour moi.
Je n'écoute plus ses excuses, j'ai l'impression que tout cela ne sont que des belles paroles pour effacer tous les autres non-dits. J'en veux à la terre entière, oui c'est vrai. Mais la terre entière n'est pas devant moi alors je me contente de Harry Potter. Mon meilleur ami.
- Si j'ai choisi aujourd'hui, c'est que… j'ai… enfin… j'ai cru voir… j'ai cru voir une armoire que… j'avais déjà vu.
- Dans tes rêves ? M'entends-je dire.
- Disons que je l'ai revu dans mon rêve mais que j'ai pu identifier l'endroit ou je l'avais vu pour la première fois. Je… elle était dans le magasin de Barjow and Burk. Et… je sais que c'est là-haut que l'on doit commencer les recherches.
Je lis dans ses yeux cette détermination que j'envie bien souvent. Au moins, il a l'air sûr de lui et bizarrement, ça me rassure. Et puis, s'il nous a dit ça c'est qu'il compte bien nous emmener avec lui cette fois. C'est ainsi que nous nous retrouvons quelques minutes plus tard, déambulant dans l'allée des embrumes, et sursautant à chaque bruits sourds. Nous essayons de tenir la cadence sous une cape d'invisibilité toujours trop petite et nous arrivons après quelques sorts de paralysie et d'oubliettes à fausser les curieux qui ont pu voir quelques bouts de nos habits. J'ai toujours été certain qu'Hermione était la meilleure pour ça. La meilleure aussi pour forcer les portes…
Et nous nous retrouvons dans un magasin malheureusement pas vide. Je frissonne à voir ces hommes heureusement trop saouls pour avoir les idées claires mais que l'alcool rend plus violents que jamais. Je sais que je ne suis pas le seul à avoir peur, la main d'Hermione tremble tellement que sa baguette ne cesse de venir s'appuyer contre ma jambe en envoyant des étincelles qui rendent inutile notre cape. Et j'entends Harry chuchoter :
- A trois… Un… Deux… TROIS !
Il tire sur la cape et nous voici pris d'assaut pas des éclairs d'un vert aveuglant. Je sais que si l'un d'eux nous touche, nous ne serons plus en mesure de vivre, plus en mesure de sauver le monde. J'évite d'y penser et me colle dos au mur, rejoignant ainsi Hermione dont la concentration déforme le visage. Et je me mets à lancer tous les sorts qui me passent par la tête. Bientôt, les lumières s'éteignent et je comprends que tout est fini, nous avons vaincu, nous ne sommes pas blessés… Ayant eu l'avantage du nombre mais aussi celui de la sobriété.
Sans chercher à comprendre, je fonce vers cette trappe que déjà Harry a ouvert et panique en le voyant s'arrêter sur la dernière marche. Je comprends… je comprends en voyant le corps de mes parents avachis comme des pantins désarticulés que nous serons… à jamais seuls.
Je cours vers eux et renverse ma tête sur celle de ma mère… ma chère maman… Merlin, aide moi à espérer encore.
