« La meilleure façon de marcher, c'est encore la notre ! C'est de mettre un pied devant l'autre et de recommencer ». Cette chanson moldue me trotte dans la tête depuis que je parcours le jardin de Poudlard. Aussi débile qu'elle soit, elle me rappelle des souvenirs que je découvre n'être pas si lointains. C'est étrange comme une relation entre deux personnes peut changer du jour au lendemain… étrange comme l'environnement n'y est pas étranger… mais bonjour l'angoisse si l'on doit vivre dans un monde moldu pour être heureux.
Je longe le lac sans prendre garde aux adultes qui semblent plus prendre du bon temps au soleil qu'à surveiller les élèves et me laisse tomber au pied d'un arbre. Ici au moins, je suis certain de ne pas être dérangé. Mais par qui ? Personne ne semble se préoccuper de ma présence, et pendant un quart de secondes, je réalise que j'aurais souhaité qu'au moins Harry me suive.
Il me semble plus que jamais avoir besoin de ces moments de simplicité, comme si allongé à l'ombre d'un chêne, je deviens intouchable… Comme si réellement, le malheur ne pouvait passer les portes de Poudlard quand le soleil veille sur lui. Réellement, je suis si perdu que le moindre petit événement prend des allures de tremblements de terre… J'envie les niffleurs qui n'ont qu'un seul et même but : retourner la terre et se faire aimer en ramenant de l'or. Mais même en faisant ça, elle serait capable de me dire que je suis dégoûtant… Peut-être qu'en me faisant pousser une corne sur la tête elle me trouvera mignon ? Et puis, ça doit pas être plus dur que de cracher des limaces… Ou alors, faudrait peut-être que je sente le moisi comme cette fichue bibliothèque pour qu'elle trouve de l'intérêt en ma personne…
Je garde les yeux fixés vers le ciel sans sourciller en réalisant la portée de mes paroles… Depuis quand est-ce que je veux me faire aimer par Hermione moi ? Elle qui n'envisage le mariage qu'avec « l'histoire de Poudlard » et serait capable de divorcer en réalisant que ce livre lui aurait caché certains faits… Comme la salle des détenteurs… Fichue salle… qui n'existe toujours pas.
Je referme les yeux et passe mes mains derrière ma tête jusqu'à ce que je crois être un gros nuage, me prive de la douce chaleur du soleil. Je rouvre alors les yeux et sursaute à la vue brouillée qui s'offre à moi. Mon mouvement de panique me fait perdre la notion de fermeté et je me retrouve à faire un duel de force avec les racines qui me servaient d'oreiller.
- Mr Weasley ?
Je continue à bougonner en frottant frénétiquement ma tête, les sons résonnent, les images se brouillent et j'ai envie de transformer cet homme que je ne connais pas en scroutt à pétard.
- Vous ressemblez tellement à votre père…
Ah oui et qu'est-ce qu'il lui fait penser ça ? Les cheveux roux qu'on traîne comme une malédiction de génération en génération ? Ceux que mon père n'a plus sur le dessus de la tête et qui chez moi viennent de finir leur course, arrachés par une écorce d'arbre ? La bosse dont j'écope sur la nuque et que lui gardera à vie ? Les larmes qui noient mes yeux comme celles qui ne cessent de rouler sur ces joues depuis que… ?
C'est fou ce qu'une simple chute peut ressembler à une attaque de mangemorts !
Je me relève pour avoir plus de dignité et observe l'homme aux cheveux blancs. Il doit passer des heures entières à nous surveiller et c'est bien la première fois que je le remarque… Finalement, il existe plus ignoré que moi.
- Oh excusez-moi, je m'appelle Erwan McElian. J'étais un collègue de votre père…
J'ai beau me répéter son nom en boucle, je ne connais personne qui ait pu porter un prénom aussi bizarre que celui-là. Je détourne mon regard quand je le vois froncer des yeux, visiblement peiné. Je me gifle intérieurement… décidemment Hermione a raison, je n'ai aucun tact.
- C'est moi qui ait pris sa suite au… j'étais là au mariage de votre frère !
Je ne relève même pas ma tête, aucun souvenir de ce soir là, je n'en aurais sûrement pas d'un homme qui paraît si banale. Rien chez lui ne sort de l'ordinaire, même pas sa robe noire aux manches retroussées.
- Je suis désolé, je ne me souviens plus.
- Mais si voyons ! Je… tiens regarde !
Il dégage ses oreilles de ses cheveux blancs et se met à les faire tourner dans une danse frénétique. Je ne peux que sourire à un tel spectacle et surtout à l'idée que Fleur ait pu voir cela à son mariage.
- Ah ! Je savais bien que tu t'en rappellerais !
Je n'ose pas lui dire que ce n'est pas le cas, mais je garde les yeux rivés sur lui. Ca me réconforte d'avoir à côté de moi quelqu'un qui semble avoir connu mon père d'une façon dont je ne le verrais jamais. Un peu comme si on avait une chose en commun finalement.
Je continue à observer ses fameuses oreilles pendant que lui me parle de ce mariage. Il s'avère qu'au bout du compte, il ne devait pas être dans un état meilleur que le mien ce jour là. Il ne semble garder pour seul souvenir que le buffet du début… à moins que réellement, ceci fût la chose la plus intéressante de la soirée.
Je suis persuadé qu'il sait que je ne l'écoute qu'à moitié car de temps à autre, il remue de nouveau ses oreilles et je perçois alors une cicatrice plutôt vilaine à l'arrière de la droite. Je me retiens contre l'envie de lui demander ce que ça peut-être et j'en arrive à prier que quelqu'un vienne me sauver de ce monologue entêtant. Un sauvetage qui apparaît en la présence de Hermione.
Je la vois arriver de loin, un livre à la main, comme toujours et les cheveux remontés sur sa nuque. C'est une manie qui est toute récente semble-t-il ou alors, je n'y avais jamais fait attention. Je continue à la suivre des yeux, essayant de lui envoyer des messages subliminaux et abaisse la tête quand elle passe près de nous.
- Oh, je crois que je vous ai vu aussi au mariage…
- Au mariage ?
- Oui, celui de… du frère de…
Il fait un signe de tête vers moi et j'entends Hermione reprendre d'un ton faussement poli :
- Je vois... Vous êtes ?
- Erwan… Erwan MacIlian.
Je suis devenu sourd ou cet homme vient de changer de nom de famille en quelques minutes ? Je secoue la tête en me disant qu'il faut réellement que je fasse plus attention à ce que disent les gens autour de moi.
A peine ai-je de nouveau tourné les yeux vers Hermione pour voir où elle en est que je la vois grimacer, allègrement dégoûtée devant le spectacle que lui offre une fois de plus le vieil homme. Et en moins de temps qu'il nous en faut pour lui dire au revoir, elle m'a déjà tiré ailleurs, continuant de grimacer comme une gamine que je découvre.
