- Je rêve… faire ça à son âge…

La ballade que j'avais commencé en solitaire se transforme en un marathon et je me demande comment de si petites jambes peuvent aller aussi vite…

- Hermione ? Je peux savoir ce que tu fais là ?

- Je profite du soleil pour réviser à la lumière naturelle. Mais maintenant, si tu as autre chose de plus intéressant à faire, je ne te force pas à me suivre.

Quel idiot… si j'avais espéré qu'elle me dise : « je ne voulais pas te laisser tout seul et je me disais qu'un moment en tête à tête serait agréable… », c'est foutu. Rho et puis quoi encore… comme si un moment avec Hermione pouvait être agréable… elle ne peut s'empêcher de faire naître en moi ce sentiment d'infériorité, sentiment d'être un parfait crétin courtisant la femme la plus cultivée de Grande-Bretagne… Même Hagrid aurait plus de chance au près de la vieille McGonnagall. En même temps, je ne peux pas dire que ce fut désagréable de partager le même lit…

Je me laisse entraîner au beau milieu d'une place désertée par les élèves et m'allonge sur la couverture magiquement installée.

- Pourquoi tu n'es pas venue avant ?

- Parce que je pense qu'il est plus facile de réviser dans un endroit où il n'y a rien pour nous déconcentrer.

Je soupire une nouvelle fois, elle n'a pas compris ma question. Décidemment, on ne pourra jamais être sur la même longueur d'onde. Personnellement, j'aurais préféré un : « Je pensais que tu avais besoin d'être un peu seul ». Et comme pour mieux faire affluer le venin qui coule dans mes veines, je l'entends poursuivre :

- Je crois que j'avais besoin d'être un peu seule. Mais bon, je t'ai vu parler avec cet homme et à vrai dire, j'étais assez curieuse de savoir qui ça pouvait être.

Et bien voilà, Ronald Weasley, tu peux mourir sur le champ, tu auras au moins su qu'un vieil homme aux oreilles déformées et plus attirant qu'un gamin assommé.

Je reprends ma position fétiche, mains derrière la tête, je ferme les yeux et repart dans pensées en me laissant bercer par l'odeur de volupté que je perçois de ma voisine. Un moment de court répit quand je sens un tome de 724 pages retomber sur mon torse. Comment je peux être aussi précis ? Vu le temps dont j'ai eu besoin pour reprendre mon souffle, je peux même vous dire qu'il a parcouru 123 cm en chute libre avant de s'écraser lamentablement.

Je bougonne pour la forme et sans me lever, je dépose le livre sous ma tête et reprend mon activité là où je l'avais laissé. Fou ce que finalement, ce livre peut m'être utile.

- Ron… tu pourrais faire un effort ! Je suis là pour t'aider à réviser car je sais que tu as l'esprit dissipé et toi tu…

- Je t'ai pas demandé de me suivre.

- Quoi ?

Merlin dit moi que je n'ai pas dit ce que je crois m'avoir entendu dire sans vouloir le dire ?

- Je t'ai pas demandé de me suivre.

Merci Merlin, je n'en étais pas tout à fait sûre mais aujourd'hui, c'est fait. Je viens de signer un pacte avec la mort… Une fois de plus, j'abaisse mon regard, incapable de soutenir le sien plus longtemps et attends la sentence qui devrait aller jusque trois jours fermes de paroles froides à mon égard. Enfin, trois jours si je deviens en quelques secondes un très bon avocat. Autant dire qu'avec moi, la prison d'Azkaban serait pleine de voleurs à l'arrachée.

Mais pourquoi est-ce que je ne sais pas retenir ma langue ? C'est effrayant quand même ! Encore heureux que je n'étais pas en train de penser aux perspectives plus joyeuses qu'aurait pu amener notre tête à tête…

- Merci Ron, je le retiendrai !

- Oh ça va, prends pas le doxys ! Tu pars au quart de tour aussi !

- Parce que tu crois que je m'énerve pour rien là ?

- Je… je dis pas ça mais… enfin c'est juste que… disons que j'aurais…

Non Ron, ne regarde pas ses yeux ! NON RON ! Pas ses… trop tard…

- Préféré que tu sois là pour une autre raison que pour les fichus cours.

Elle regarde les oiseaux, puis Neville qui vient de trébucher, encore les oiseaux, mes yeux, Lavande et Paverti en plein cours de Toga (ou yoga), encore mes yeux, elle ouvre la bouche, la referme, puis l'ouvre de nouveau, se lève, soupire, encore les oiseaux et…

- Je ne pensais pas que tu descendrais aussi bas que ça !

- Que quoi ?

- Mentir aussi ouvertement sur une chose que… Et tu pensais certainement que ça allait marcher hein ? REPONDS MOI !

- J'espérais que ça allait marcher mais apparemment, tu es assez intelligente pour délier le faux du vrai…

Vous avez en face de vous le premier avocat qui va arriver à augmenter la peine encourue par son client : c'est-à-dire moi.

Cette fois, alors que je crois bien avoir tout gâché, je la vois se rasseoir de nouveau et reprendre sa lecture là où elle l'avait arrêté. Je sais que je ne devrais pas mais l'envie de savoir me pousse au suicide :

- Tu restes là ?

- Tu sais ce que les moldus disent : ce sont les plus gênés qui s'en vont…

- Bien…

Je me rallonge de nouveau, sachant pertinemment que l'entraînement de quidditch va commencer d'une minute à l'autre. Mais si je m'en vais maintenant, elle va réellement croire qu'elle a gagné.

- T'as pas un entraînement ?

- Si.

- Tu n'y vas pas ?

- Et te laisser gagner ? Sûrement pas.

- Tu es pathétique.

Faudrait que je me renseigne mais il me semble que ce mot est à la mode… du moins, chez Hermione.

- Tu sais quoi Ronald…

- Non mais te connaissant, je suppose que tu vas me le dire. Quoi que… attends je devine… Je suis un crétin… Je peux bien louper mes examens, tu m'auras prévenu et je n'aurais plus qu'à pleurer sur mon sort… Même Graup a plus de cœur que moi… Même Malefoy était moins blessant dans ses propos… Tu en as marre de moi et… et moi je te demanderai : bien dans ce cas là, qu'est-ce que tu fais là ? Oh attends, je crois que je suis fort pour les devinettes en ce moment… Tu es là parce que tu ne supportes plus d'être seule depuis que tes parents sont morts… Parce que… tu voulais te donner bonne conscience et t'assurer que je révise bien… Ou bien parce que tu trouves injuste d'être la seule à souffrir des révisions et que tu veux les infliger à autrui… Parce que Harry s'est éclipsé comme souvent… Ginny n'est pas disponible en ce moment… En clair, je suis sois ton souffre douleur, soit ton bouche trou.

Elle n'a même pas relevé la tête et mon cœur hurle de douleur. Quelque chose ne va pas chez moi… Allez savoir pourquoi j'ai dit toutes ces choses là, comme si… Comme si le mensonge s'envolait en passant la frontière de mes lèvres. Je me décide à récolter ce que j'ai semé jusqu'à ce que la silhouette de Ginny se détache de la banalité et m'accoste d'une voix fraîche :

- Ron… on t'attend tous… et moi qui te croyait pressé de rejoindre… comment elle s'appelle déjà ? Enfin, l'entrée doit être dans la douche des garçons comme je ne l'ai jamais vu… Vous en avez de la chance !

Cette fois Hermione relève la tête intriguée par la conversation et je tente un pas en avant :

- Hermione… je t'ai juste dit la vérité.

Merlin que je me sens mieux… mais le plus dur reste à venir : lui avouer que cette fichue salle n'existe que dans mon esprit tourmenté. A moins qu'elle ne l'ai déjà remarqué…