Je m'avance d'un pas rapide, distançant rapidement Ginny et ses petites jambes. Moi qui croyais ne pas avoir étais touché par la petite discussion qui vient de se dérouler entre Hermione et moi… N'empêche que là, c'est pas la douce euphorie de l'été qui fait palpiter mes tempes. Ce que je peux détester cette fille… Pire que le filet du diable : avec elle plus tu paniques, plus tu t'enfonces et le mieux dans tout ça, c'est qu'elle n'a même pas peur de la lumière.
Je bouillonne intérieurement sans savoir pourquoi quelques minutes auparavant, je m'en voulais de lui avoir dit tant de vérités et risque un regard en arrière. Elle n'est plus là et je m'en fou.
- Qu'est-ce qu'il s'est passé encore ?
Tiens, pendant un court instant, je me suis cru fils unique. Faut dire que ce n'était pas désagréable. Je distance un peu plus Ginny, sans réellement savoir pourquoi. Non, après tout je me fiche de lui dire ce qu'il s'est passé, mais ça m'amuse de la faire soupirer. Les vestiaires sont déjà vides et je vois mon équipe s'agiter dans les airs : au moins là-bas, je suis sûre qu'elle ne viendra pas me chercher pour me parler de la branchiflore ou autre bézoard. J'enfile rapidement mon t-shirt et regarde Ginny s'éloigner sur son balai. J'avais oublié qu'elle volait si bien : légère et agile, elle glisse sur l'air plus qu'elle ne l'affronte… Finalement, on a fait du bon boulot avec celle-là.
L'air est doux et je joue avec le soleil dans le dos, que vouloir de plus ? J'ai une vue superbe sur l'ensemble de Poudlard et je peux même voir Hermione s'approcher du Terrain… S'il y a bien un jour où j'ai fait preuve de perspicacité, c'est bien quand j'ai accepté ce poste de gardien… ou plutôt quand le poste de gardien m'a accepté. Rien de plus tranquille : je fais attention au souaffle et c'est tout… parmi tout cela je m'arrange pour trouver du temps pour regarder les vas et viens des élèves.
Sauf que… une minute d'inattention et je manque de m'écraser sur le sol. Ce fichu cognard m'a arraché l'épaule et je hurle contre Harry qui a omis de me dire qu'il l'avait lâché.
- Tu serais arrivé avant, tu l'aurais peut-être entendu ! C'est pas le self-service ici, t'arrives pas quand ça t'arrange !
Je n'ai aucune idée de ce qu'est un self service mais ce qui est sûr, c'est que quelque chose autre que moi l'a fait sortir de ses gonds. En attendant, j'ai une épaule qui manque de me faire perdre l'équilibre et une fierté qui elle aussi, commence à tomber.
- Peut-être mais le capitaine à le devoir de régir son équipe !
- Parce qu'en plus c'est à moi de regarder à ta place ? Moi aussi j'ai un poste je te rappelle et c'est pas de ma faute si tu n'as pas été capable de voir qu'il y avait un cognard !
Sur ces mots, j'appuies sur le bras de mon balai et avise un atterrissage sans casse… quelle chance Pomfresh est là et je n'aurais aucune excuse pour aller voir ce que mijote Hermione. Bien que j'en ai une petite idée…
- Ce n'est pas bien grave… tiens prends ça et tu seras de nouveau près à voler.
Limite, elle ne me l'aurait pas dit, je l'aurais su de suite. Avec la chance que j'ai, fallait bien que j'écope seulement de la douleur. Même pas une bande pour pouvoir jouer les martyrs, je suis maudit. Encore plus lorsque je vois Hermione s'approcher et demander à Pomfresh comme si je n'étais pas là :
- C'est grave ?
- Douloureux, sûrement…
Je grimace pour la forme… enfin, pour mettre une image à la parole et je suis content de voir Hermione me regarder avec cet air de pitié qui lui est propre à mon égard.
- Grave, certainement pas… il ne doit déjà plus rien sentir.
Là, c'est la boulette… le mot en trop comme on dit. Et sans plus attendre de reproche, je m'envole de nouveau, évitant de croiser son regard. A quelque chose, malheur est bon : elle n'a pas encore découvert la non existence de la fameuse salle.
Je reprends mon poste mais fait plus attention au cognard qu'au souaffle et en moins de temps qu'il ne le faut pour dire « but », je viens de faire de nos poursuiveurs, les meilleurs butteurs au monde. J'essuies les réprimandes de Harry et l'écoute s'en prendre aux autres joueurs. Apparemment, soit personne n'est en forme, soit (et c'est ce qui est le plus probable) Harry à découvert un cheveux dans son jus de citrouille du matin.
Finalement, après une demi heure de hurlements intempestifs, il décide de demander une dérogation pour rejouer cet entraînement un autre jour… Tout le monde s'en fiche pas mal, pourvu qu'il se taise.
Un des moments préférés : le retour dans la douche… Quoique… depuis que Harry a révélé les activités de mimi geignarde, une sorte de psychose s'est installé dans l'équipe. Ainsi, plus personne ne les rejoints sans avoir au préalable, pris le temps de nouer une serviette autour de sa taille et vérifié chaque orifice…
Seulement, ce jour là, différemment de mon habitude, je ne désire pas passer plus de temps à discuter dans les vestiaires avec Harry… et encore différemment, je me dépêche de me déshabiller pour rejoindre la douche la plus isolée. J'oublie ma serviette volontairement, me moquant pas mal de mimi… après tout, je ne pense pas avoir quelque chose à cacher à un fantôme. Et je dépasse les batteurs qui stagnent devant la porte.
Il y a des jours comme ça… il y a des jours comme ça où je m'en veux de ne pas faire comme les autres. Des jours comme ça où je m'en veux de ne pas plus faire attention aux choses qui m'entourent. Des jours comme ça où j'aurais tout donné pour avoir une serviette autour de ma taille… pour ne pas m'être mis à siffloter comme un idiot… pour ne pas l'avoir vu dans les douches des garçons.
Je ne sais pas ce qu'il se passe dans ma tête à ce moment là mais… mais je la vois parcourir mon corps du regard, elle aussi totalement perdue. Je me sens tellement crétin que j'ai du mal à voir son propre mal-être qui ne peut être plus intense que le mien. Et j'entends des rires parvenir jusque moi… Hermione passe devant moi sans me toucher, plaque Harry le long du mur et s'apprête à franchir la porte. Jusqu'à ce qu'une de nos batteurs lui dise :
- Dis donc Granger, t'as trouvé ce que tu cherchais ?
Elle se retourne, refreine son envie de dégainer sa baguette et réponds d'un ton neutre :
- Pour cela il m'aurait fallu faire un sort de révélation… aller savoir pourquoi, il n'a pas voulu que j'use de la baguette…
Je ne réalise pas tout à fait que tous ces rires sont pour moi… je ne réalise pas tout à fait qu'elle vient de retourner la situation à son avantage. Et dépité, effrayé, j'essaie une dernière fois :
- Si tu n'étais pas aussi coincée… c'est pas ta baguette qu'on aurait utilisé…
