- Il m'énerve mais il m'énerve.
Je garde les yeux rivés sur un vieux bouquin de métamorphose tout en essayant d'ignorer Ginny. Voilà dix bonnes minutes qu'elle ne cesse de piailler sa haine (passagère) contre Harry. Ce n'est pas l'envie qui me manque de m'en mêler mais bien ma conscience. Bah oui… devinez quelle est la cause de ce soudain dédain ? Calamité Granger… celle qui en embrassant mon meilleur ami a aussi embrassé l'ex petit ami de ma sœur. En d'autres termes, elle a fichu une belle pagaille. Harry ne cesse de rougir à chaque fois qu'il croise son regard, moi je ne lui parle plus et Ginny… Ginny joue la fille libertine qui ne voit aucun problème à l'échangisme.
- Comment il fait pour ne pas réagir…
Je vais finir par croire qu'elle devient folle. Pourquoi continue-t-elle à parler toute seule en sachant très bien que je ne lui répondrai pas. C'est simple, cette histoire est bel et bien finie pour moi, pas question de remuer tout ça. Néanmoins… tant qu'elle ne me demande pas de participer, ça ne me dérange pas de l'entendre démonter Hermione…
- Et il croit que ça va me troubler ! Nan mais il n'est pas le centre du monde non plus ! Je ne vais pas passer ma vie à penser à lui. J'ai autre chose à faire.
Elle est incroyable… c'est bien ça, incroyable. Ca fait dix minutes qu'elle s'égosille en solitaire sur le même sujet et elle trouve le moyen de dire qu'elle ne passe pas son temps à le faire. Je ne vois qu'une raison à cela : elle est Harrycolique. Et je ne vois plus qu'une solution: une réunion des Harrycoliques anonymes dans les plus brefs délais pour qu'elle retrouve son indépendance.
J'ai cessé de regarder ce fichu livre qui ne comporte même pas d'images et observe ma sœur d'un air plutôt idiot. Je commence à sentir une chaleur sur mon front à force de froncer les sourcils et je me rends finalement compte, bien trop tard, que Ginny a remarqué ma soudaine attention.
- T'en penses quoi toi ?
J'en pense que des choses négatives et finalement, ce n'est peut-être pas le genre d'idées qui pourraient la réconforter et pourtant… je me laisse avoir et lui dis sans lâcher ses yeux du regard :
- J'en pense qu'il ne te doit rien. Il t'a dit clairement les raisons pour lesquelles vous ne pouviez pas rester ensemble. Maintenant, je comprends que pour toi ce soit dur à accepter car il faut être franc… son raisonnement et un peu bizarre. Si tu veux savoir ce que je crois qu'il pense… c'est très simple : il a cherché une raison comme une autre pour rompre et c'est…
Mon débit de paroles cesse au moment ou elle a baissé ses yeux. Merlin, je n'en reviens toujours pas de ce que je viens de lui dire. Je suis un piètre abruti, même pas capable de veiller sur sa petite sœur. Et dire que je m'étais juré de toujours lui épargner la douleur, quitte à user du mensonge. Je ne suis même plus capable de ça. Et je vais devoir subir sa foudre d'ici quelques secondes… Qui peut se venter d'avoir survécu à tant d'éclairs en si peu de temps ? Peut-être moi.
- Je ne sais pas ce qui cloche chez toi Ron mais t'as pas besoin de faire passer ta frustration sur les autres. Ca fait vingt minutes que je m'exerce à un monologue en tentant de te faire réagir sur ce qu'il s'est passé. Et toi tu ne bouges pas d'un cheveu !
- Peut-être parce que ce que tu racontes ne m'intéresse pas !
Comment je peux lui dire de telles choses en la regardant dans les yeux ? J'en arrive à me faire peur à moi-même.
- Peut-être que ça ne m'intéresse pas non plus mais que je fais ça pour te rendre service.
- Et tu peux me dire comment ça peut me rendre service de t'entendre parler de tes amours d'adolescente frustrée ?
- Frustrée ? Tu ne sais même pas ce que ça veut dire !
Là-dessus, elle marque un point. Mais bon, comme j'entends souvent Hermione me dire ça, je suppose que ça doit tenir la route. Suffit juste que je garde cette assurance et c'est bon. Elle ne me laisse pas répliquer (Merlin, merci) et reprend :
- Et c'est pas de mes problèmes dont je parlais !
Elle ne me prendrait pas pour un Troll particulièrement bête là ? Je ne suis pas devenu fou, même si je faisais semblant de ne pas l'écouter, je l'ai quand même bien entendu parler de sa rupture avec Harry ! Je n'en suis même plus sûr. Elle a dû lire mon interrogation car aussitôt, sa voix se fait plus calme et elle reprend :
- Enfin… le but était pas de te parler de moi !
Oui ça je le sais mais est-ce qu'elle m'a parlé de sa rupture avec Harry ?
- Ron…
Oh… je n'aime pas le ton de sa voix qui fait très officiel. Là je sais d'ores et déjà que l'issue n'ira pas à mon avantage.
- Le truc du baiser… c'était prévu. Hermione m'en a parlé et… enfin.
Adieu culpabilité, ma chère Ginny, tu as mérité les mots qui ont perforé ton pauvre petit cœur. Nan mais sans blague… me faire ça à moi !
- Rho Ron, ne fais pas celui qui ne comprend pas !
Sérieusement, j'ai vraiment la tête de celui qui ne comprend jamais rien à rien ? Le pire c'est que ça doit être naturel car là, il me semble avoir tout compris. Je soupire pour me donner une autre expression et attend le verdict :
- Elle voulait se venger en quelque sorte…
- Attends, je t'arrête tout de suite… je vois pas réellement ce que ça peut me faire qu'elle embrasse quelqu'un d'autre. Merlin merci, c'est pas ma petite amie !
Je vois Hermione passer en trombe devant moi. Je ne sais pas si elle était planquée derrière un livre pour réellement réviser ou si son simple but était de surprendre cette pseudo conversation.
- Bien joué Ron…
- Bien joué ? Non mais j'étais censé savoir qu'elle était là en plus ?
- Elle ne faisait que passer…
Oui c'est ça et Harry est le descendant direct de Merlin… Oups, faut peut-être pas que je dise, quand je vois qu'ils ont été capables de penser qu'il était l'héritier de Salazar Serpentard…
- Donc si je comprend bien… vous avez usé de Harry, qui n'avait rien à voir là-dedans pour soit disant vous venger de ce que je n'ai pas fait.
Voyons Ron, répète ta phrase, elle ne veut rien dire… quoique… on va bien voir, si Ginny répond, c'est gagné.
- Non… j'avais besoin de voir sa réaction vis-à-vis de moi… mais c'est pas ça le problème. Est-ce que réellement, ça ne t'as fait ni chaud ni froid de…
- Je t'arrête tout de suite Ginny. Je ne vais pas me mettre aux pieds d'Hermione pour qu'elle m'apprécie. Ca, c'est certain. Maintenant, je tire un trait sur ce qu'il s'est passé… et c'est tout.
Merlin, j'ai réussi à lui mentir… je relève la tête et la vois finalement se lever en soupirant. Ronald Weasley, tu vas pouvoir reprendre ta petite vie tranquille.
