- Ron, tu peux venir m'aider s'il-te-plaît ?
La différence entre le verbe pouvoir et vouloir tient dans la seule notion de volonté. Je regarde Hermione enfouie sous un tas d'opuscules divers et l'étagère qu'elle essaye de surmonter, il est vrai que si je ne lui vient pas en aide, j'aurais sa mort sur la conscience… ou tout au moins la mienne si elle réussi à survivre.
Je la laisse mijoter un instant, recule ma chaise lentement et de même manière, je cherche Harry des yeux. Va savoir pourquoi c'est à moi qu'elle demande ça ? Je trouve la réponse en voyant mon ex meilleur ami rire aux éclats sous les blagues de ma soeurette. Mon ami… tu as un mage noir à vaincre, cesse de t'amuser. Et je me fais frissonner moi-même sous le méchanceté de mes paroles… enfin la méchanceté n'en est pas une tant qu'elle n'est pas révélée au grand jour n'est-ce pas ?
- Ron !
- J'arrive…
Oui, j'arrive… je tends mes bras sous la masse de ces livres et me rend compte que le poids de la culture est bien dure à supporter. Je ne sais combien il y a de livres dans mes mains mais une chose est sûre, ils ne pourront pas y rester très longtemps. Je la vois s'afférer à les ranger un par un, prenant garde à ne pas se tromper de place… oui si vous ne le saviez pas, les livres ne se portent pas très bien s'ils ne sont pas là où ils doivent être. A vrai dire, l'irrespect des élèves concernant les tranches numérotées est la première cause de déprime chez ces bons vieux livres. En clair, ils nous donnent le bourdon et c'est réciproque.
- Mince… je ne me souviens plus où je l'ai eu celui là… Tu attends, je vais demander de l'aide.
- Hermione, si tu me débarrasses pas de ces livres en moins de deux minutes, c'est moi qui aurait besoin d'aide.
- Et bien, caches ta joie d'être utile.
- Pourquoi faire ? Elle ne se lit pas sur mon visage ?
- Il ne fallait pas venir si tu ne le voulais pas !
- Vraiment ? Rappelles-le moi la prochaine fois…
Une conversation dans le vent car dans deux minutes, elle et moi aurons oublié tout ça. Une histoire qui dure depuis tellement longtemps que ni elle ni moi ni sommes plus sensibles.
Elle pose le fameux livre sortant tout droit de la boîte de pandore et continue son rangement tandis que je retrouve peu à peu l'utilité de mes membres.
- Tu devais pas retrouver Luna ?
- Hum…
Aller savoir pourquoi ça me rend mal à l'aise de parler de ma relation avec celle qui est censée être mon amie ? Je détourne la tête et avise de démonter Harry du regard. De toute façon, il est bien trop occupé pour me voir.
- Bon je te libère… vas la retrouver.
Trop gentil… vraiment. Je la laisse prendre mes livres et m'apprête à rejoindre celle qui est censée m'attendre depuis plusieurs minutes déjà mais me retourne au dernier moment. Histoire de faire le poli en la remerciant.
Elle s'est aventurée à prendre les trois derniers livres en même temps et se retrouve sur la pointe des pieds, tenant les fascicules qui risquent de finir leur course sur le sol niquel de la bibliothèque. Là, une question existentielle vient à se poser : que faire ? Je peux toujours m'amuser à la voir jouer l'équilibriste, ou sortir la baguette pour user d'un sort qui à son goût ne sera pas assez bien effectué.
En moins de temps qu'il ne m'en aurait fallu pour disparaître de cette endroit, je me retrouve derrière elle, mon corps collé au sien, tentant de rendre à Merlin ce qui lui appartient. Enfin… plutôt de rendre à l'étagère ses livres.
Je ne peux imaginer qu'une fille si brillante n'est pu voir qu'elle aurait forcément été incapable de remettre ces fichus bouquins ici. Même moi je n'y arrive pas et ce n'est pas ma peau frôlant la sienne qui va m'aider à faire cela au plus vite. Et pourtant, après avoir bataillé un bon moment contre l'envie de faire traîner ce devoir, les livres sont là-haut, et moi je suis là, me sentant rougir.
C'est bête hein ? Mais en même temps, il faut dire que nos positions plus que suggestives ne sont pas pour aider à se sentir bien.
- Merci…
Je ne réponds pas, détourne la tête et m'enfuie presque en courant. Quelqu'un peut-il m'expliquer pourquoi j'ai eu un court instant, la folle envie de l'embrasser ? Non mais qu'elle piètre crétin je suis. Moi qui n'ai pas le charisme propice à avoir une petite amie, maintenant que j'en ai une, il m'en faut deux. Et la seconde n'est pas des moindres…
Qu'est-ce que je raconte moi… comme si j'avais eu un instant l'envie de faire de Hermione ma petite amie… Bon, je l'avoue… je l'ai eu… mais bon, les désirs sont parfois idiots et incompréhensibles. C'est vrai ! Qui n'a jamais rêvé de voler sans balai ? Où alors de pouvoir connaître les noms de tous les joueurs de quidditch de la planète ? Parfois même d'avoir leur adresse ? De posséder ce jouet que la petite sœur désire tant bien qu'on n'en aurait aucune utilité ? Rien que des choses qui en somme ne nous servent pas à grand-chose. Un désir assouvi qui fini au fond d'un placard à balai.
Je continue dans ces sombres couloirs, destination les jardins de Poudlard… un nouvelle fois. Et dire qu'il pleut en plus. Au détour de l'un d'entre eux, je sens une main se poser sur mon épaule et je sursaute malgré moi. Cet idiot de Erwan McBidule vient de me foutre une sacrée peur. Je lui souris timidement et espère qu'il va me laisser partir rapidement. Non mais manquerait plus qu'un vieux fou aux oreilles anormales me fasse perdre ma petite amie. Bien que je doute que Luna s'énerve pour un retard de quelques minutes… (vingt en fait).
- Bonjour Mr Weasley. Je me disais justement que ça faisait un moment que je ne vous avais pas vu.
Il vient de me retourner d'un geste fort et s'il n'avait pas son âge, je vous jure que je lui aurais bien fait comprendre mon mécontentement. Bon d'accord, j'avoue que j'en n'aurais sans doute pas eu le courage.
- Comment vont vos parents ?
J'avais jamais remarqué que ses yeux paraissaient si bizarres… lui ça ne m'étonnerait pas qu'il soit également célibataire… où alors j'ose même pas imaginer la tête de ses enfants.
- Euh… toujours pareil.
C'est quoi cette question… ça se saurait si quiconque avait pu se remettre de dix heures de pures tortures. Vraiment, s'il me demande ça pour faire le poli, il se fait plutôt passer pour un abruti.
- Oh je suis sincèrement désolé.
Encore un petit effort et je suis sûr que j'arriverai à te croire…
- Ce n'est pas trop dur de ne pas pouvoir les voir chaque jour ?
Bon alors, j'ai trois solutions, premièrement : je ment, deuxièmement : je ment et troisièmement : je ment. Bien sûr, j'opte pour la quatrième.
- Qu'on soit à leur chevet où ici, ils ne voient pas la différence. Quand à nous, nous sommes habitués à ne pas les voir chaque jour depuis que nous sommes à Poudlard. Donc je serais tenté de vous dire non.
- C'est bien, vous êtes quelqu'un de courageux. Et puis, je suppose que des membres de l'ordre viennent les voir de temps en temps non ?
Je reste un instant stupéfait de le voir parler de l'ordre sans faire plus attention. Mais je me rappelle bien vite que ce vieil homme s'est déjà fait attrapé par la sénilité.
- Oui… chaque jour dès qu'ils ont fini ce qu'ils ont à faire.
Quelque chose me dit que je n'aurais pas dû dire ça mais comme bien souvent ces derniers temps, je n'ai pu retenir ces mots qui pourtant étaient loin de me brûler la langue.
