Ne pas oublier… c'est facile à dire… moins à faire. Ce jour là est bien trop flou dans ma mémoire et je me plais à l'ignorer au fil des jours. Voilà seulement ce que je sais.

Ce réveil là ne fut celui que j'avais souhaité qu'il soit. Le jour où j'ai appris qu'il y avait de l'alcool dans le punch… En plus d'un mal de tête carabiné, je me suis vu allongé, complètement nu, à côté de ma meilleure amie. Je ne me suis pas demandé ce que j'avais bien pu faire, la réponse me faisait bien trop peur. Des voix traversaient ma tête et m'empêchaient de réfléchir distinctement, et c'est quand j'ai réussi à percevoir les hurlements de Harry que je suis descendu.

La guerre était au pas de notre porte… étendue aux quatre coins du monde, on avait eu la mauvaise surprise de découvrir que plusieurs armées avaient vu le jour. Déjà ma sœur pleurait son amour envolé pour l'Amérique. A cet instant, je me souviens l'avoir prise dans mes bras et lui avoir promis de veiller sur elle. J'entends encore sa voix qui me dit : « Non, pas sur moi Ron… il ne m'arrivera rien ». Voilà comment j'ai signé mon billet pour les USA.

A-t-on idée de prendre de telles décisions après une soirée arrosée ? Mes malheurs n'étaient pas finis… Hermione franchissait à son tour le pas de la cuisine et déposait sur mes joues deux chastes baisers amicaux. Je n'avais plus de remords, je partais sur le champ.

Voilà deux ans que je traîne mes guêtres dans des paysages divers. J'ai perdu l'innocence de l'enfance et je ne connais plus le verbe pleurer que par de vagues souvenirs. Totalement blasé, le monde de détresse me montre chaque jour les « pire que moi » que Hermione ne cessait de me rabâcher à l'époque. Qu'il me semble loin ce château…

Voilà où j'en suis… à dormir dans une cabane, attendant les trois heures du matin pour commencer cette fichue réunion.

- Vieux… on doit y aller…

Harry… celui qui se mouille le plus dans cette sale histoire. Si on le perd… cette guerre n'aura plus aucun sens. Je ne crois plus en rien, sauf en cette prophétie. Mais lui au moins a gardé le contact avec le monde d'avant… je ne peux plus le faire. Je ne peux plus affronter ma maison, ma famille, mes amis tant que je ne serais pas serein pour eux, tant que je ne serais pas certain que le passé ne s'est pas totalement enfui. Pourtant… cette dernière lettre de Ginny m'a poussé à faire une entorse à cela. Ce soir je serais chez moi. Enfin, si Merlin le veut.

Cette fois, une grotte nous sert de point de rencontre. Sombre et humide, une cachette parfaite. On s'assoit à même le sol et je laisse les mots glisser sur moi. Je sais que les informations seront toujours les mêmes… Un traître parmi nous… discret depuis deux ans… mais qui peut réapparaître d'un moment à l'autre. J'évite d'y penser ou le souvenir de ma mère défunte par sa faute me pousserait à toutes sortes de folies pour retrouver cet…

- Ron… quelque chose à rajouter ?

- Euh… oui. On a besoin de volontaires pour assurer la protection de Salem… Ce jusque la fin de la guerre. Dans le cas contraire, le directeur de l'école nous a d'ores et déjà annoncé sa fermeture prochaine. Avec deux morts ce dernier semestre, les parents souhaitent envoyer leurs enfants dans d'autres établissements encore ouverts…

- Dont Poudlard ?

On dirait bien que cette vieille McGonnagall n'a pas perdu le nord. Je hais quand on me coupe comme ça et elle a la chance d'être ce qu'elle est car je l'aurais déjà envoyé brouter l'herbe avec les scroutts à pétard.

- Dont Poudlard.

Un brouhaha se fait entendre et je m'en fiche, à moins que quelqu'un me cherche, j'ai fini mon rapport pour aujourd'hui. La voix de Harry s'élève de nouveau et je perçois à peine ses paroles.

- Vous avez tous compris… il nous faut des volontaires…

Je lève ma main, lassé d'attendre. De toute façon, la plupart de mes actions se font ici. Alors quitte à être sur place, autant ne pas dormir dans une vieille cabane. Après maintes négociations, nous sommes enfin au complet et je sais ou je finirai l'année.

Le soleil de ce mois de juin est encore timide… rajouté à ça l'heure matinale, rien n'est d'humeur à motiver les troupes. Et voilà Harry qui s'approche de moi. Si je n'étais pas conscient d'être à deux doigts de perdre mon meilleur ami chaque jour, il y a bien des fois ou je l'aurais envoyé valser.

- Tu m'attends pas je vais rentrer un peu plus tard…

Alors ça, c'était pas réellement prévu… et dire que ses yeux mentent et qu'il croit que je ne le vois pas. Novice en la matière mon cher Harry. Le menteur ici, c'est moi.

- Bon dis moi tout de suite ce que tu ne veux pas que je sache.

- Arrête de psychoter tu veux… tu viens d'entendre comme moi qu'il y avait un camp suspect dans le comté de Tyrone.

Parce que c'est vrai qu'il faut deux heures pour faire le chemin Irlande/Angleterre en transplanant.

- Tu es sûr que tu étais réellement à cette réunion ?

Je hoche les épaules, s'il croit m'amadouer comme ça…

- Je vois… Hermione… stressé de la revoir ?

- Pourquoi le serais-je…

- Elle l'est en tout cas. Tu ferais bien d'y aller. Décalage horaire…

Merlin, comment ai-je pu oublier ça ? Moi qui croyait avoir un peu de temps devant moi… Je viens de réaliser que je ne pourrais même pas me changer.

En un claquement me voilà à rassembler mes minces affaires et à prendre le départ de ma « maison ».

Le terrier respire un parfum d'été, enivrant et apaisant, il m'emmènerait presque dans un monde de nostalgie. Rien n'a changé ici… si ce n'est cette aura orange qui couvre chaque maison depuis le début officiel de la guerre. Tout le monde a jeté le même sort sur sa maison, pas très efficace mais rassurant psychologiquement.

Je n'ai pas le temps d'envoyer un faisceau de lumière vers la porte que déjà Ginny m'a vu et m'ouvre d'une traite. Sans comprendre ce qui m'arrive, je la sens m'éteindre et me retrouve assis dans la cuisine avec une tranche de bacon dans mon assiette.

- Je suis tellement contente de te revoir.

- T'aurais pas oublié de me demander le mot de passe ?

- Toujours un truc à redire toi ! Je te connais par cœur Ron… je ne pouvais pas me tromper.

- Tu ne dois avoir confiance en personne Ginny…

- Je ne suis plus une enfant Ron ! Arrête de jouer le rabat joie et laisse moi profiter des quelques heures que tu vas passer ici.

Je fronce des sourcils et elle m'a vu. Il est clair que je ne vais pas rester plus d'une demie journée ici. Au risque de ne pas trouver le courage de repartir.

- Tu ne pourrais pas faire un effort ? Juste le week-end ?

- A moins que cette chose pour laquelle tu m'as fait venir en vaille vraiment le coup.

Elle s'assoit rapidement et son teint passe au blanc. Pas une grosse surprise, un mensonge de plus pour me faire venir et j'ai marché dedans. Je ne la lâche pas des yeux et l'entends me dire d'une voix faible :

- On en reparle tout à l'heure tu veux ?

Je baisse la tête vers mon assiette de bacon et la dévore en un rien de temps. Voilà un moment que je n'avais pas mangé un repas digne de ce nom. Et je crois que Ginny a fait des progrès en la matière ou alors… j'ai tellement faim que je mangerais un escargot vivant avec sa coquille.

- Tu veux que je te coupe les cheveux ?

- Pourquoi veux-tu me couper les cheveux ?

Elle se lève et passe la main sur ma tête. Ce contact me procure des frissons intenses… j'avais oublié le mot tendresse.

- Et cette barbe, tu aurais pu te raser.

- Tu crois que je n'ai que ça à faire ?

- Tu as du travail mais ça ne t'empêche pas de te rendre présentable… si ce n'est pour avoir du succès…

- Je t'arrête là…

Je me lève et fouille dans la poche de mon pantalon. J'en retire une cigarette que je porte à ma bouche nerveusement… une truc moldu… mortel… comme la vie que je mène chaque jour. Ginny grimace et je m'en fiche. Ici, c'est moi l'adulte. Et puis, c'est quoi sa question ? Elle ne veut pas que je lui déballe ma vie sexuelle par-dessus le marché ? Est-ce que j'ai du succès ? Je m'en fiche de le savoir, je me contente de ces filles qui me font passer le temps contre un peu d'argent.

Et un flop se fait entendre… je sursaute et ne peut empêcher Ginny de fondre vers Harry. Encore une fois, elle a oublié le mot de passe.

Ce qui reste de ma journée s'écoule et je comprend de nouveau pourquoi j'aime tant être tout seul. Bien sûr que j'aime ma sœur, mais je n'aime pas la Ginny Weasley qu'elle est devenue : une jeune femme qui en plus d'être bien foutu se met à dos les trois quarts des femmes de la Terre en s'entichant du célèbre Harry Potter et accessoirement, meilleur ami du crétin Ron Weasley.

Il y a des choses qui ne sont pas morales. L'une d'entre elle est de rejoindre la chambre de la sœur de son meilleur ami sans même prendre garde de se cacher. Je sais, c'est idiot, mais s'il croit que ça va se passer comme ça…

Je monte deux à deux les marches menant à l'étage et l'idée me vient de me faire une infusion à la verveine. Mais bien sûr… je ne trouve plus la verveine.

Porte close, et je tends l'oreille, histoire de ne pas être le plus gêné en les surprenant pendant un moment… quelle horreur de penser ça. Sans donner la chance à mon esprit de s'enfoncer un peu plus dans de telles immondices, je frappe et rentre en entendant Ginny grogner un vague « quoi » digne des plus grands batraciens.

Debout devant une armoire ouverte, elle semble mettre de l'ordre pendant que Harry dort. Lui vraiment, je crois qu'il a quelque chose de cloche… se retrouver dans une chambre avec une fille et dormir… a moins qu'ils n'aient déjà… Merlin ait pitié de moi !

- Ron tu vas me dire ce que tu veux au lieu de grimacer ?

Je grimaçais moi ? En fait je n'ai aucune idée du pourquoi je suis là. Enfin si… mais cette idée dort dans le lit de ma sœur… Oui, dort bien sagement, fatigué de sa longue journée.

- Euh… de la verveine… tu as ça ?

- Tu veux me dire pourquoi tu veux de la verveine ?

- Une infusion, je n'ai pas la chance de dormir moi !

- Tu sais que maintenant, les infusions, tu ne les fais pas toi-même ?

A vrai dire, je n'en sais rien, j'aime pas les infusions.

- Bon bah dis moi ou elles sont alors…

- Avec le chocolat…

- Ok… je…

Je m'apprête à sortir car le regard de Ginny semble trop suspicieux. Je me suis fait griller comme un grand, ceci est un suicide en bonne et due forme.

- Tu veux la passoire aussi ?

Pourquoi une passoire ? C'est un piège ? Je ne bouge plus me battant pour sortir une phrase qui cette fois ne serait pas idiote. Espérons que celle-ci marche.

- Laisse tomber… je vais boire un café, ça sera mieux.

- Pour dormir ?

Bah finalement, c'était pas l'idée de l'année.

- Ron, dis nous ce que tu voulais…

Aïe et voilà Harry qui se réveille et en rajoute une couche. Il me regarde fixement et décidemment, je suis sûr qu'un mensonge ne lui suffirait pas. J'essaye sur fond de rigolade :

- Voir ce que vous faisiez.

- Ca va te paraître bizarre mais la nuit, c'est bien pour dormir.

- Oui c'est bien ce que je me disais.

- Maintenant si tu veux la vérité… je pense que nous allons profiter de ce moment d'intimité pour nous découvrir un peu plus et ne pas dormir tant que ça. Bon c'est sûr qu'on ne voulait pas forcément te le dire… disons que Ginny est réticente à parler de ses activités nocturnes avec son grand frère…

Merlin, parle Ron ! Tu te fais passer pour un idiot là !

- C'est… plus crédible.

Il m'a eu et je pars avec une belle matière à méditer pour cette nuit, sans oublier de ficeler un sort d'insonorisation sur leur porte.