Grrr fichu soleil… moi qui croyait être habitué aux mauvais réveils. Il doit être neuf heures et je suis courbaturé faute d'un matelas trop potable… Les yeux collés et un mal de tête carabiné, me voilà déambulant dans les couloirs de cette maison qui jadis était la mienne.
Mes pas mal assurés me traînent jusqu'à la cuisine par habitude, déçu de ne pas sentir cette familière odeur de bacon qui va habituellement avec les lieux.
Je me laisse tomber sur une chaise et je pose mon regard sur la vitre qui me donne un piètre aperçu de mon allure. Toujours pas rasé… les cheveux plus hirsutes que Harry... et vêtu d'un simple caleçon. La solitude m'a fait prendre de mauvaises habitudes. Oh et puis, personne n'est là pour me blâmer ce manquement à la bienséance… Quoique… un bruit de pas se fait distinctement entendre. Moi qui pensait être seul dans cette maison… Harry et Ginny partis pour Merlin sait où.
Me voilà collé au mur, la baguette en avant et guignant le moindre signe suspect. Je sais qu'il se trouve dans le salon et le mur qui me sépare de cet intrus ne sauvera pas sa vie. L'expérience de tels moments et l'habitude me fait agir comme par mécanisme. Je ne bouge plus, ne respire plus et me voilà à attendre qu'il passe la porte… Ce qu'il fait… elle fait.
J'ai la baguette collée sous la gorge d'une Hermione qui hurle, complètement effrayée. Je n'ai pas le temps de réagir, pas cette fois, ses yeux me pétrifient et je n'ai pas le courage de lui demander le mot de passe.
Complètement paniquée, elle se laisse tomber le long du mur avant de se rattraper à moi, le souffle saccadé. Voilà comment moi, Ron Weasley, jeune homme en caleçon, vit ses retrouvailles avec Hermione Granger.
Machinalement, mes mains se posent dans ses cheveux et me révèlent des sensations que j'avais oubliées. Son parfum me revient, les souvenirs aussi. Merlin que j'ai pu souffrir dans ses bras mais je suis incapable de lui en vouloir de nouveau. Incapable de rester là.
Son visage se décolle de ma peau et elle semble remarquer mon manque certain d'habits dans un moment pareil. Peut-être se souvient-elle… Je dois arrêter de penser à ça, au risque que la réaction de mon corps trahisse le désir que je découvre entretenir à son égard.
- Tu m'as fais peur…
On aurait pu imaginer mieux comme mot de bonjour.
- Désolé, je pensais être seul.
Et elle aurait pu imaginer mieux comme mot de bonjour… Je détourne ma tête et m'éloigne d'elle, presque instinctivement. Je sais qu'elle me suit du regard et cette sensation n'est pas pour me mettre bien à l'aise.
Je me dirige vers les escaliers sans un mot, m'habille aussi rapidement que possible et rassemble mes affaires dans ce sac miteux.
Je ne ressemble pas plus à quelque chose que lorsque j'avais mon caleçon… mon polo est de travers et n'est pas boutonné, mon pantalon trop grand est à moitié replié sur mes chaussures usées mais je me fiche de tout. Je n'ai à plaire à personne.
Et dire qu'elle est toujours dans la cuisine. Je passe devant elle, cherchant désespérément ce que je pourrais lui dire. Je me décide pour une phrase toute simple :
- Bon bah euh… salut !
Je sens sa main froide diffuser des frissons dans tout mon corps au moment où elle m'attrape le bras pour me retourner vers elle.
- Tu t'en vas comme ça ? Ca fait deux ans qu'on ne s'est pas vu Ron et tu t'en vas comme ça !
Sa voix tremble et je ne sais pas si c'est de colère ou de tristesse. Je ne peux affronter son regard pour en être certain.
- Bah oui…
- Bah oui ! C'est tout ce que tu trouves à me dire ?
- Bah…
- Ne dis pas oui ou je te tue Ronald Weasley !
J'avais oublié comme sa voix était mélodieuse quand elle dit mon nom en entier…
- Va-t-en ! VA-T-EN !
Et bah… comme quoi les filles sont vraiment lunatiques. Faudrait savoir quoi, soit je reste soit je pars mais qu'elle ne me fasse pas partir pour me rappeler deux minutes après.
Elle me lâche enfin et je sens un vide m'envahir. Je ne peux quand même pas rester là.
- Si tes amis ne valent pas le coup pour que tu leur offres quelques minutes de ton temps va-t-en !
Elle n'a pas l'air de comprendre que notre dernière rencontre a fait de nous plus que des amis. Je lâche mon sac sans le vouloir et m'assois face à elle, elle relève enfin ses yeux mouillés vers moi.
Je ne sais pas quoi lui dire… je ne peux quand même pas lui avouer que ma vie vaut bien plus que tout une existence auprès d'elle. Pas quand ma vie et la sienne sont suspendues au bout d'un fil si fragile…
Les secondes se font longues, assis l'un en face de l'autre… et elle coupe ce silence d'une manière qui ne m'est pas des plus agréable.
- Harry revient chaque semaine…
- Je ne suis pas Harry, Hermione.
- Alors je compte plus aux yeux de Harry qu'aux tiens ?
Que répondre à ça ? Rien du tout… je me lève et sors deux tasses pour y verser cette substance que l'on appelle café. Meilleure moyen de rattraper un réveil difficile. Je lui tend une tasse et l'écoute continuer.
- Pourquoi deux ans Ron ?
- …
- Je sais que tu n'es pas très « amis » et encore moins lettres… mais quand même !
- Hermione… je t'en prie… Je crois que tu es la mieux placée pour savoir que tes propos ne vont avoir aucune incidence sur ma façon d'être. Je suis là… tu voulais qu'on parle. Alors parlons mais par pitié, ne me fais pas de remontrances qui vont me donner l'envie de faire demi tour.
- Si c'est ce que tu veux…
- Tu sais très bien que ce n'est pas ce que je veux.
J'avais presque oublié ce que je reprochais à Hermione. Mais j'ai retrouvé… voilà deux minutes que nous sommes en face à face et je n'ai eu le droit qu'à des reproches. Faut que je me dépêche de boire ce fichu café pour partir au plus vite de cet enfer.
- Tu te souviens de la dernière chose que l'on a faite ensemble ?
C'est un piège hein ? Comment oublier cette nuit là ? Même dans l'état dans lequel nous étions, je ne peux que m'en souvenir. Curieux de savoir ce qu'elle en pense, je réponds :
- Je suppose que l'on s'est dit au revoir…
- Peut-être… mais avant… C'était pas une journée banale.
- Ca s'est sûr…
- Je veux dire… parfois j'y pense… tu aurais pu partir n'importe quel jour. Mais il a fallut que ce soit après l'anniversaire de Harry. Après un jour de fête… J'aurais sans doute préféré un jour normal… je m'en serais peut-être souvenu.
Je lâche ma cuillère dans ma tasse. Ai-je bien entendu ? Elle ne s'en souvient plus ?
- Tu… tu ne te rappelles pas de ce jour ?
- Non… je crois que j'avais réellement trop bu… je suis incapable de savoir ce qui s'est passé cette nuit là.
- Même pas un vague souvenir ?
- Rien… mais tu vas peut-être pouvoir m'éclairer ?
Comment avouer à sa meilleure amie qu'on lui a fait perdre sa virginité alors qu'elle était ivre ? Surtout, comment peut-elle avoir oublié ça. Une boule se forme dans ma gorge et j'ai bien envie de tout envoyer valser. Je hais cette fille qui n'aura jamais fini de me torturer.
- Ron ?
- Je… ne me souviens plus non plus…
Tant pis pour elle… je suppose qu'elle n'en mourra pas.
