Comment se faire avoir en beauté par sa sœur en trois petites leçons : premièrement, accepter son invitation basée sur un mensonge; secondement, la croire quand elle vous regarde avec sa moue d'enfant de six ans en vous suppliant de rester encore un jour et pour finir, refaire le secondement quinze jours d'affilés avec toujours autant de scepticisme.
En clair, cette maison est redevenue la mienne et je ne trouve même plus le courage de m'en plaindre (même quand le bacon est toujours aussi immangeable chaque matin).
Ce soir pourtant, va sortir de l'habitude. Enfin presque… toujours une soirée prévue à tenir la chandelle entre Harry et Ginny en compagnie de Hermione. D'ailleurs, ils ne m'ont toujours pas annoncé officiellement qu'ils étaient ensemble. Mais cette fois, nous allons changer d'endroit et nous rendre chez Hermione, en plein cœur de Londres.
Le fait est qu'elle n'a jamais eu le courage de revendre la maison de ses parents. Elle a donc emménagé là-bas comme une grande, prenant avec elle les dossiers dont elle a la charge. Je sais qu'une fois plus, nous allons passer la soirée à parler de son fameux travail au sein de l'ordre, une fois de plus je vais m'effacer et une fois de plus j'aurais l'impression qu'elle ne parlera de ça que pour me faire comprendre qu'il est inutile de partir pour être utile. Certes… je me tairais en noyant ma colère dans un verre de vin. Je ne peux plus la supporter…
Allez savoir pourquoi à chaque fois que je la vois, je n'ai qu'une envie : lui déballer les pires insalubrités, la pousser à bout jusqu'à voir ses larmes couler et lui lancer un « tu comprends ce que je ressens ».
C'est bête, elle ne comprendra jamais, même moi j'en suis incapable. Hermione est juste une amie et finalement, je devrais plutôt être content qu'elle ne se rappelle pas de ce pas de côté. Non, la vérité vraie… c'est que je la déteste… je la déteste pour ne pas avoir fait de moi cette personne que je voulais être : plus que ce que j'ai toujours été pour elle, plus qu'un ami…
J'enfile mon pull d'un geste las sans prendre garde à la forme de mon col. Et j'entends une porte s'ouvrir alors que je cherche désespérément ce fichu trou pour sortir ma tête.
- Ron… on y va.
- Oui mais là je risque d'avoir un petit problème pour trouver mon chemin.
J'entends ma sœur s'esclaffer et je souris moi-même de la situation.
- Ca ne serait pas arrivé si tu m'avais écouté. On sort Ron, tu vas pas mettre un pull aussi…
- Aussi quoi ?
- Tu ne peux pas mettre autre chose ? Je ne sais pas… une chemise tiens…
- Si tu trouves une chemise dans mes affaires, je la mets. Mais en attendant, ça fera aussi bien l'affaire.
Je l'entends s'éloigner et je respire enfin en trouvant la sortie de ce pull. Certes, je suis habillé mais plus du tout coiffé. Et voilà la tornade Ginny qui repasse en trombe dans ma chambre et me jette sur le lit une chemise si blanche que je serais capable de la salir rien qu'en la regardant.
- Je ne vais pas mettre ça !
- Tu ne mettras pas ça non plus…
Elle tire sur mon pull et le roule en boule. Ca c'est sûr, je ne risque plus de le mettre.
- Et je mets quoi avec ça ?
Elle me regarde et lève ses yeux au ciel. C'est typique des filles ça… comme si la réponse se trouvait là-haut. Si c'est si évident pour elle, ça ne l'est pas pour moi en tout cas.
- Gardes ton jean.
- Ah ok… tu me rappelles pourquoi je fais tout ça ?
- Parce que tu as pitié de ta sœur et que tu ne veux pas qu'elle ait la honte de se promener avec un énergumène habillé comme un plouc.
Je ne sais pas ce qu'est un plouc mais je compatie. J'étais persuadé qu'elle m'avait dit qu'on mangeait chez Hermione… en même temps, comme je ne l'écoute qu'une fois sur deux, il vaut peut-être mieux que je me taise. J'aurais dû m'en douter finalement… depuis quand Hermione sait-elle faire la cuisine ?
- C'est à qui cette chemise ?
- Pose pas de questions…
- Ginny…
- C'est… une des chemises de papa.
- Ah… ok.
- Ok ? C'est tout ce que tu dis ?
- Bah oui que voulais-tu que je dise ?
- Je… ne sais pas… que… que je ne devais pas prendre ses affaires… que…
Je rêve là ? Elle me demande de l'engueuler pour une chose aussi futile ? Vraiment, je ne les comprendrais jamais.
- Papa me l'aurait prêté… alors je ne vois pas où est le problème… sauf que j'ai l'air d'un moldu là-dedans…
Le pire c'est que je ne mens pas, j'ai pas l'impression de troubler le respect d'un mort. Normal, il ne l'est pas… encore.
Je secoue la tête pour me remettre les idées en place, ça fait un moment que j'ai décidé d'oublier que mon père jouait l'équilibriste sur le fil de la mort. Il mourra… un jour. Peu importe quand, il est un homme inconscient et parfois je me dis qu'il vaut peut-être mieux que je l'oublie, comme lui l'a fait.
Je descends quatre à quatre les marches et me retrouve dans une cuisine où je vois que Harry a eu la chance d'échapper à la chemise. Un simple polo… et dire que je dois me trimballer avec ces fringues qui me donnent l'air d'un homme dont l'esprit a vieilli plus vite que le corps. Je regarde mon traître de meilleur ami qui aurait pu compatir à ma situation et porter lui aussi l'uniforme du parfait coincé et lui demande :
- Alors ?
- Alors quoi ?
- La destination ? Je ne vais pas transplaner sans savoir où je vais…
- Chez Hermione.
- A moins qu'il y ait un restaurant qui porte son nom, je croyais qu'on mangeait dehors…
- Et bien on va la chercher avant…
C'est ce qu'on appelle un piège… et moi, auror presque confirmé, je plonge dedans la tête la première. Je soupire, disparaît et me voilà face à un dilemme… Sonner ou ne pas sonner ? Telle est ma question au moment ou ce bouton blanc semble me narguer.
Je me tourne désespérément vers ce jardin qui est toujours vide, je ne sais quoi faire… mais finalement, l'illumination vient m'aider : il est de notoriété publique que quoi que je fasse, ça n'est jamais assez bien pour Miss Granger. Alors je sonne et par automatisme, colle de nouveau mes mains sur mes oreilles. Je sais, j'ai l'air d'un imbécile mais au moins je ne suis pas devenu sourd et j'ai pu l'entendre arriver.
Resplendissante… rien ne me sert de mentir puisque de toute façon, elle ne peut pas m'entendre. Quoique…
- Ron ça ne va pas ? Je te conseillerais de fermer ta bouche, il y a beaucoup de moucherons à cette époque.
Je m'exécute, ahuri, et rentre à sa suite dans cette maison qui a repris des couleurs. Finis les murs blancs, bonjour les tableaux et miroirs qui égayent le tout. Ca brille, c'est sûr, mais pas autant que mes yeux quand je vois cette femme qui n'est plus une enfant ajuster ses cheveux et mettre ses boucles d'oreilles en argent.
Je ne peux m'empêcher de la regarder de haut en bas. Une robe magnifiquement simple… elle ne gâche rien de la vraie nature de celle qui la porte.
Je suis tiré de mon rêve par cette sonnerie infâme et je réalise que finalement, j'avais fait le bon choix. Harry et Ginny apparaissent de l'autre côté de la porte, un sourire qui n'a rien de naturel accroché aux lèvres. Je sens que la suite des événements ne va pas me plaire. Et j'en suis sûr lorsque Hermione demande :
- Où va-t-on ?
Ils se regardent tous les deux et déjà j'ai compris… je m'adosse au mur et mords ma lèvre inférieure pour m'empêcher de dire une de ces vulgarités qui polluent mon vocabulaire depuis mon émigration de l'autre côté de l'atlantique. Enfin Ginny répond et je me retiens de la tuer :
- Vous je ne sais pas, mais nous loin d'ici…
Et les voila hors de portée tandis que je me décide à rejoindre la porte avant d'entendre :
- C'était à peine prévisible…
Hermione se tourne vers moi et je suis comme stupéfié. Non seulement elle le savait mais ça ne l'énerve pas plus que ça. La curiosité me pousse à essayer de comprendre pourquoi… et voilà comment une soirée en tête à tête commence.
