CHAPITRE 14 : Tête à tête avec le Seigneur des Ténèbres
La salle ne retint que quelques instants les échos du dernier mot :
… Père …
Anae plaqua sa main devant la bouche, presque horrifiée par ce qu'elle venait de dire.
Pour Lucius et Severus, le choc était grand.
Severus était comme assommé. Abasourdi, il regarda, incrédule, Anae et le Seigneur des Ténèbres successivement.
Lucius aussi était sous le choc, mais pas pour les mêmes raisons, il était dans la confidence depuis longtemps, mais il craignait pour son amie : lien de parenté ou pas, elle venait de risquer la colère de Lord Voldemort en s'opposant à lui.
Anae fit signe à Lucius et à Severus de la laisser seule. Ils quittèrent donc la crypte, Anae les suivit des yeux jusqu'à ce que la porte se referme, puis elle se retourna vers son père. Il ne disait rien, mais plus que les mots, son regard était éloquent : ses yeux noirs étaient chargés de haine.
Pourtant lorsqu'il parla, ce fut d'une voix douce ; ce qui ne laissait présager rien de bon pour la suite, Anae en était parfaitement consciente.
Très bien, peut être pourrais-tu m'expliquer les raisons d'une telle attitude ?
Père … je …
Lord Voldemort l'interrompit aussitôt :
Aurais-tu soudainement perdu ta langue ?
Anae soupira.
-Non Père, répondit-elle d'une voix soumise. C'est juste que je tiens beaucoup à lui, et je crains qu'il n'ait encore plus ennuis avec ces idiots ! Je ne voulais pas vous contredire …
Lord Voldemort fit quelques pas vers Anae, avec un sourire presque triste. Il caressa les cheveux puis la joue de sa fille avec beaucoup de douceur.
Anae … Anae, soupira-t-il. Ton attitude m'a énormément contrarié … Tu m'as déçu.
Anae acquiesça en silence, résignée sachant ce qui l'attendait.
Tu sais ce qui se passe pour ceux qui me déçoivent.
Oui, Père.
Et ne vas pas croire que parce que tu es ma fille, tu auras droit à un traitement de faveur…
Je n'y ai jamais pensé une seule seconde, s'exclama-t-elle avec vigueur.
Lord Voldemort se recula un peu, puis tendit sa baguette vers sa propre fille.
L'éclair du sortilège Doloris la frappa de plein fouet. Sous le choc, elle tomba à genoux, une main à terre pour l'empêcher de s'effondrer au sol. Des ondes de souffrance la parcouraient des pieds à la tête, la faisant violement trembler. Pourtant, pas une seule plainte ne franchit la barrière de ses lèvres. Seules quelques larmes ruisselèrent sur ses joues, sans qu'elle puisse les retenir. La douleur semblait ne vouloir jamais s'arrêter.
Puis tout fut fini.
Anae se releva avec lenteur et difficulté.
Un filet de sang coulait de sa bouche et venait goutter sur sa robe, elle se l'essuya du revers de son bras, mais le flot écarlate ne se tarissait pas.
Ses cheveux étaient décoiffés, mais comme si rien ne s'était passé, elle tenta d'y mettre un peu d'ordre puis regard fièrement son père qui s'en amusa.
J'espère que tu auras retenu la leçon.
Oui, Père.
A moins que tu ne trouves une autre solution, ton ami devra surveiller le filleul de Dumbledore et ses amis. Est-ce bien clair, Anae ?
Très clair, Père, marmonna-t-elle.
C'est parfait, alors.
Il la congédia d'un petit geste sec.
Anae s'en alla sans un regard pour son père. Elle se retint de claquer trop fortement la porte …
Une fois dans le long couloir, elle dut s'adosser contre la paroi glacée. Comme la marée qui arrive à la vitesse d'un cheval au galop et qui emporte tout sur son passage, la souffrance envahit le corps d'Anae.
Elle se mit à trembler fortement, ses jambes refusaient de la soutenir et elle se recroquevilla sur elle-même, attendant que la douleur s'apaise. Un flot de sang jaillit plus fort de sa bouche et elle fut prise d'une quinte de toux caverneuse. Sa robe était fichue, les grosses taches sanglantes s'élargissaient de plus en plus.
Elle se mit alors à pleurer en silence. Elle voulut essuyer ses larmes, mais elle ne réussit qu'à se barbouiller de sang, ce qui la fit encore plus pleurer.
Elle resta de longues minutes dans la pénombre, emprisonnée dans sa souffrance. Le moindre mouvement, même le plus infime l'emmenait au bord de l'évanouissement et de la nausée.
Elle sentit soudain une présence à ses côtés. Quelque chose de froid la frôla et elle reconnut son plus fidèle ami : Slaz. Le serpent tenta tant bien que mal de la consoler et de la réconforter. Avec beaucoup de mal, il parvint à la convaincre de remonter.
Avec beaucoup de lenteur et de précaution, en s'appuyant contre le mur, elle regagna la lumière du jour.
La montée des marches fut difficile et elle s'arrêta plusieurs fois, de nouveau vaincue par la douleur.
Elle parvint dans le hall d'entrée, celui-ci était désert. Pourtant une voix l'interpella.
Mais que t'est-il arrivé ? Anae ! Que s'est-il passé ? Regarde dans quel état tu es !
Anae esquissa un timide sourire à la femme du tableau.
Ce n'est rien, Mère … Rien du tout.
Anae sentit les larmes lui monter aux yeux, mais elle respira fortement, bien décidée à ne plus laisser transparaître sa douleur et sa peine.
La mère d'Anae se mit à hurler.
Comment a-t-il osé toucher un seul de tes cheveux !
Elle était folle de rage.
Ton père va avoir de mes nouvelles !
Mère, soupira Anae, je vous en prie. Ce n'est rien. C'était de ma faute …
Chapitre 15 : Souffrances
Les protestations indignées de la mère d'Anae avaient fait sortir Lucius du salon. Il courut soutenir Anae qui chancelait. Elle s'effondra dans ses bras.
Sans mot dire, Lucius prit les choses en mains. Il souleva Anae et la porta jusque dans sa chambre, elle se laissait aller contre lui, tachant au passage la robe de son ami.
Laisse moi m'occuper de toi. Tu vas te reposer un peu…
Malgré ses protestations, il la força à s'allonger dans son lit.
Arrête de jouer les fortes têtes, Anae. Reste un peu tranquille !
Mais … Lucius …
Il n'y a pas de "mais" qui tienne. Reste couchée, je reviens dans deux minutes.
Anae ferma les yeux et se laissa aller, tentant d'oublier la douleur, qui, comme le flux et le reflux, inondait ses membres. Lucius revint bien vite, il apportait une petite bassine remplie d'eau et des serviettes. Avec beaucoup de délicatesse, il passa un linge légèrement humide sur le visage de son amie qui se laissait faire sans rien dire. Les marques sanglantes s'effacèrent, mais pas sa douleur.
Il s'assit sur le lit et prit la main d'Anae.
Le mal allait et venait, mais son intensité baissait à chaque fois. Semblable au feu qui s'éteint lentement mais qui couve encore sous les cendres, Anae ressentait maintenant une douleur diffuse qui était désormais supportable.
Elle se redressa dans son lit et s'adossa contre les oreillers, au grand dam de Lucius qui aurait préféré la voir se reposer encore peu, devant son air inquiet, elle esquissa un petit sourire timide.
Je vais mieux. Ne t'en fais pas.
Anae … Anae …
Je t'assure, Lucius, la douleur est presque partie ! Cesse donc d'avoir cet air renfrogné !
Mais, enfin qu'est-ce qui t'a pris ?
J'ai pas réfléchi, c'est tout … J'étais sûre que cela allait arriver et les mots sont sortis tous seuls ! Avec ces imbéciles qui jamais ne nous laissent tranquilles, je me suis inquiétée pour Severus.
A la mention du nom du jeune sorcier, Lucius fit une drôle de tête qui ne passa par inaperçue aux yeux d'Anae. Elle le questionna aussitôt.
- Que se passe-t-il ?
Lucius ne répondit rien.
Lucius ? Dis-moi quelque chose ! Il est déjà reparti ? Il t'a dit quelque chose ?
Lucius soupira.
En fait, nous étions à peine remontés que son père et lui sont repartis. Il ne m'a rien dit, mais …
Oui ?
… C'est juste une impression que j'ai eue, je me trompe sans doute, mais il semblait fâché par cette révélation.
Voyant la mine défaite d'Anae, il s'empressa d'ajouter :
Ne t'en fais pas, je dois faire fausse route. Et puis, ça lui a fait un choc de découvrir la véritable identité de ton père.
C'est bien ce que je craignais, se reprocha Anae.
Allons, allons, ne dis pas des choses pareilles !
Il serra Anae contre son cœur et tenta de la tranquilliser tant bien que mal. En silence, chacun garda sa douleur bien au chaud, au plus profond de leur cœur.
Ils finirent par séparer, Anae voulait s'occuper pour cesser de s'apitoyer sur son sort. Elle assura à Lucius que la douleur était partie et il consentit à la laisser se lever.
Le regard attendri de la mère d'Anae suivit la descente de sa fille, soutenue par Lucius qui prenait très au sérieux son rôle de protecteur.
Ils s'installèrent dans la bibliothèque, l'unique pièce qui n'avait pas subi les outrages du temps et de l'abandon : pas une seule trace de poussière. Trois des quatre murs étaient recouverts d'étagères remplies de livres. Le dernier mur était occupé par une immense cheminée, dans laquelle flambait un bon feu. Au centre de la pièce trônait un bureau qui faisait face à deux fauteuils. Le parquet était recouvert d'un épais tapis. Mais il disparaissait sous des piles de vieux livres, grimoires et des manuscrits antiques recouverts de diverses écritures et symboles.
Eh bien ! s'exclama Lucius. Quel chantier !
Je sais, il n'y a plus de place pour ranger tous nos ouvrages. Tous ces livres traitent de magie noire, ajouta-t-elle avec fierté.
Et moi qui croyais que tu allais passer tes vacances à réviser pour tes BUSE ! Au lieu de ça, tu te plonges dans des ouvrages peu recommandables …
Ne t'en fais pas, Lucius, je révise quand même.
Effectivement, les livres et les parchemins qui étaient entassés sur le bureau étaient les manuels scolaires et les devoirs d'Anae.
-Désolée de te décevoir, mais j'aurai de meilleurs résultats que toi aux examens !
Anae faisait tout pour paraître gaie et enjouée, mais ce n'était qu'une habile façade pour rassurer son ami. Lucius n'en était pas dupe et Anae le savait parfaitement, ils jouaient tous deux le jeu. Anae s'approcha d'une pile de livres dans l'intention de lui montrer un volume bien précis, mais ses forces l'abandonnèrent soudainement. Elle chancela et eut le réflexe de se retenir à un mur pour ne pas tomber. Lucius vint soutenir son amie et la conduisit jusqu'à un fauteuil, il lui fit part de son appréhension et elle lui répondit un peu rudement, plus énervée contre sa propre faiblesse que contre la sollicitude de son ami.
Ils discutèrent de choses futiles jusqu'au départ de Lucius.
Epuisée par toutes les épreuves de la journée, Anae se coucha de bonne heure, pourtant le sommeil la fuyait. Slaz s'était enroulé dans ses anneaux, sur l'oreiller immaculé tout contre la tête de sa maîtresse, qui frôlait de temps à autre pour la réconforter.
La vieille pendule du salon égrenait son tic-tac et Anae entendit sonner toutes les heures. Minuit était passé depuis longtemps, quand Anae entendit des voix dans l'entrée. Elle ne put en saisir le sens, mais par moment, le ton montait. Puis ce fut le silence, rompu peu après par des bruits de pas dans les escaliers puis dans le couloir.
Sachant qui se tenait devant la porte de sa chambre, elle se tourna vers la fenêtre, ferma les yeux et fit semblant de dormir. Quand la porte s'ouvrit sans un bruit, elle se força à respirer calmement. Une haute silhouette noire se dessinait dans la clarté du couloir. A l'approche de l'intrus, Slaz se redressa de toute sa hauteur et darda sa langue en émettant un discret sifflement, pour prévenir qu'il montait la garde. L'ombre lui intima l'ordre de se taire, et le serpent se recoucha.
La silhouette se pencha comme si elle allait embrasser les cheveux d'Anae, pourtant, elle suspendit son geste et resta immobile quelques secondes. Lord Voldemort se redressa et caressa simplement la longue chevelure de sa fille puis s'en retourna.
Anae attendit que les bruits de pas se furent éteints. Elle s'assit, adossée contre une pile d'oreiller. A la lueur tremblante de la petite flamme d'une bougie, elle prit le coffret que Lucius lui avait offert. Elle l'ouvrit et les notes de la mélodie s'égrenèrent et se dispersèrent dans la nuit, la petite fée tournoyait encore et encore ; lorsque la musique s'arrêta, elle prit son envol, ses minuscules ailes de libellule nacrées scintillaient. Elle s'assit sur le rebord de la boîte, posée en équilibre sur les genoux d'Anae. Slaz avait pris sa place favorite : il s'était enroulé autour du cou de la jeune sorcière. Ses yeux noirs fixaient avec attention la petite fée, comme s'il voulait l'hypnotiser. Sa queue fouettait l'air avec vigueur tandis que la fée apeurée priait pour ne pas servir d'en-cas au reptile.
La scène échappait à Anae, occupée à ôter son bracelet. Depuis qu'elle l'avait reçu, le cadeau de Severus n'avait jamais quitté son poignet. A regret, Anae le rangea dans le coffret. Avec soulagement, la fée reprit sa place quand Anae rabattit le couvercle. Elle reposa la boîte sur sa table de chevet, près de la photo de ses parents qui ne la quittait jamais.
Ses yeux étaient embués de larmes qui coulaient sans qu'elle s'en rende compte.
Impuissant face à sa peine, Slaz se contentait de frotter sa tête contre la joue d'Anae.
Elle se recroquevilla, blessée au plus profond de son être et de son cœur.
Elle pleurait en silence…
… Sur ce qu'elle avait perdu …
… Severus qui ne lui parlait plus …
… Sa mère dont elle ne gardait que quelques souvenirs…
… Sa mère dont la présence éthérée et constante dans cette maison rendait le manque encore plus cruel…
… Son père qui avait sillonné le monde pendant de trop nombreuses années …
… Son père qui lui était revenu sous un nouveau nom, plus puissant, plus maléfique que jamais …
… Son père qui était devenu un véritable étranger pour sa propre fille.
Anae pleurait et pleurait.
… Sur des souvenirs à jamais perdu …
… Sur un passé qui jamais ne reviendrait …
… Sur un bonheur que jamais elle ne retrouverait …
L'aube la trouva, prostrée dans son lit, ses sanglots s'étaient envolés, la blessure de son cœur toujours vive.
Les jours qui suivirent passèrent rapidement comme les oiseaux frileux qui se dépêchent de gagner des régions plus clémentes.
Les larmes d'Anae s'étaient séchées depuis plusieurs jours mais les nuages et l'orage qui avaient traversé ses pensées et son cœur menaçaient encore.
Elle envoya sans succès plusieurs fois Hécate porter des lettres à Severus ; aucune réponse ne lui parvint. Ce silence plus que tout était pesant.
À l'inverse, quotidiennement, Moràs apportait une lettre de Lucius ; les quelques mots tracés à la plume apportaient énormément de réconfort à Anae.
Le dernier soir des vacances, Anae s'entretint brièvement avec son père qui lui réitéra ses ordres concernant ses derniers mois de l'année à Poudlard. Les réponses d'Anae furent laconiques et brèves : elle était bien décidée à ne plus s'attirer les foudres de son père.
Le retour au collège dans le Poudlard Express fut morose : Severus s'était caché d'Anae et ne lui avait pas adressé la parole. Cette dernière partageait un compartiment avec Lucius, Narcissa et Bella. Les deux sœurs furent surprises du changement d'attitude de Severus, cependant, elles renoncèrent à poser les questions qui brûlaient leurs lèvres en voyant les têtes que faisaient Anae et Lucius. Ils passèrent donc la majeure partie du voyage en silence. Narcissa voyait toute cette histoire d'un très mauvais œil, craignant qu'Anae ne tombe dans les bras de Lucius. La complicité qui unissait ces deux-là rendait Narcissa jalouse et inquiète ; elle avait peur de perdre le garçon qu'elle aimait.
La reprise des cours fut une catastrophe pour Anae : elle négligea ses leçons et ses devoirs, se trompa dans la préparation d'une potion réputée pourtant facile à faire. Elle était souvent dans la lune et il lui arrivait d'oublier ses livres ou de prendre des notes. Lucius dût la rappeler plusieurs fois à l'ordre. Les professeurs attribuèrent cette baisse de niveau au stress des BUSE : il faut dire que toutes les cinquièmes années étaient dans un état d'excitation et de stress incommensurable : madame Pomfresh fut appelée plusieurs fois à la rescousse pour administrer des calmants.
Severus, déjà taciturne à l'ordinaire, s'était encore plus renfermé. Il n'adressait plus la parole à quiconque et restait seul dans son coin. Les seuls moments où il paraissait s'intégrer aux autres élèves étaient lorsqu'il suivait à distance un certain groupe de Gryffondors.
Anae avait affirmé à Lucius qu'elle n'en avait rien à faire si ces idiots lui jetaient un sort. Mais tous deux savaient que c'était un mensonge de plus pour faire croire que tout allait bien et que la peine d'Anae avait disparu. Elle s'était enveloppée dans un muet désespoir. Narcissa avait appris à Lucius que tous les soirs, elle entendait Anae sangloter. Anae démentit cette rumeur et gratifier son amie d'un regard glacé et réprobateur. Depuis, elle restait souvent tard dans la salle commune, attendant que le dortoir se soit endormi pour monter se coucher à son tour ; elle mettait à profit ce temps pour rattraper le petit retard qu'elle avait accumulé. Ce qui lui permit de retrouver son ancien niveau, et même de le dépasser : désormais, elle excellait dans toutes les matières, même si le cours de divination lui posait encore quelques problèmes. Anae s'était rendu compte qu'elle n'avait aucun don pour lire les signes du futur au moyen des différents procédés qu'on lui enseignait. Pour la jeune sorcière, le fait que le vent soit orienté au Nord n'était rien de plus qu'un phénomène météorologique et non pas la marque d'un malheur à venir.
Chapitre 16 : Slaz à la rescousse
Les jours passaient et la situation ne s'améliorait pas, elle n'empirait pas non plus. Elle stagnait tout simplement.
Lucius était excédé de voir sa meilleure amie souffrir en silence. Il décida de prendre le dragon par les cornes. Il alla d'abord trouver Anae et ils discutèrent si longuement qu'ils en ratèrent le dernier cours de la journée : celui de botanique. La vitesse à laquelle Anae démentait les constatations de Lucius lui prouva que cette dernière était loin de paraître aussi enjouée et heureuse qu'elle le laissait entendre. Lucius tenta d'évoquer ses crises nocturnes de larmes, mais Anae les mit sur le compte du stress engendré par l'approche des BUSE. Elle détestait montrer que cette histoire la mettait dans un tel état, surtout à Lucius. Mais il la connaissait si bien qu'elle ne pouvait rien lui cacher. Ils se chamaillèrent, le ton monta un peu car tous deux campaient sur leurs positions.
Au fond d'elle, Anae était touchée par l'inquiétude de Lucius. Elle finit par le lui faire savoir.
Tu sais, lui confia-t-il, pour une fois que c'est moi qui prend de soin !
Ce n'est pas drôle, Lucius.
Je sais, mais j'ai au moins réussi à te faire rire un tout petit peu …
Anae eut une ébauche de sourire qui rendit Lucius encore plus content.
Mais ce qui lui fit le plus plaisir, c'est qu'elle capitula et lui livra tout ce qu'elle avait sur le cœur et qu'elle taisait. Tout y passa : ses joies, ses peines, ses craintes. Elle avait rompu une digue et noya son ami sous un flot de paroles et d'images. Elle lui ouvrit son cœur et son esprit comme elle ne l'avait jamais fait auparavant. Puis comme ses forces s'enfuyaient avec les mots et les souvenirs, une grande lassitude la saisit. Lucius la prit dans ses bras et la berça doucement tout en lui parlant à l'oreille.
Merci, merci de me faire toujours autant confiance, ma belle.
Ce serait plutôt à moi de te remercier, tu ne m'as jamais fait faux-bond, quelque soit la distance qu'il y a pu avoir entre nous, tu as toujours été là pour moi : une oreille pour m'écouter, une main tendue, une épaule pour pleurer.
Ils étaient toujours dans les bras l'un de l'autre et ne faisait pas attention au monde autour d'eux, ils n'entendirent pas des voix qui se rapprochaient.
… Tu devrais essayer … Je t'assu …
La voix de Narcissa, puisque c'était elle qui discutait avec Severus, s'interrompit brusquement : elle venait de surprendre Anae et Lucius enlacés.
C'est trop fort ! Et dire que je me faisais du souci pour toi, au lieu de ça tu passes du bon temps avec ta copine, cracha Narcissa hors d'elle;
Lucius sursauta, lâcha Anae et fit quelques pas vers Narcissa qui sortit en courant de la salle commune. Il se jeta à sa poursuite.
Severus lança un regard chargé de mépris à Anae et soupira tristement. Il passa près d'elle en silence regagna son dortoir.
La jeune sorcière était trop effondrée pour faire quoique ce soit. Elle avait peur d'envenimer encore plus les choses. Elle monta dans son propre dortoir, se jeta sur son lit, tira le rideau pour s'isoler. Slaz qui s'était enroulé sous les couvertures vint réconforter sa maîtresse.
Plus que les mots, la simple présence de l'animal apaisa Anae.
Les jours suivants, Slaz disparaissait de longues heures, avec le retour des beaux jours, il aimait sortir et se dorer sous les premiers rayons du soleil. Il jouait au lézard comme il aimait le signaler à Anae. Avec l'arrivée de la chaleur et du beau temps, il se lança dans des chasses palpitantes, il délaissa les couloirs et les salles poussiéreuses pour la douce caresse des premiers brins d'herbe. Le parc de Poudlard avait pris ses couleurs de printemps, et tous les petits animaux vaquaient en toute innocence à leurs occupations sans se savoir surveillés par Slaz. Il fit des ravages parmi les rangs des rongeurs et des passereaux qui nichaient à même le sol.
Même s'il passait le plus clair de son temps à digérer au soleil, son dernier repas ; il restait inquiet pour sa maîtresse. Aussi, il décida de passer à l'attaque.
Il se mit à suivre en silence, une fois n'est pas coutume, Severus où qu'il aille. Au début ce dernier ne s'en formalisa pas, après tout, il n'avait rien contre le serpent. Cependant plus le temps passait, plus la présence du reptile devenait pesante. Peu importait le lieu, il lui suffisait de se retourner pour voir dans son sillage Slaz. La bête ne disait rien, dévisageait simplement Severus avec un drôle de regard chargé de reproches. Finalement, excédé par cette filature, Severus interpella Slaz qui gardait étrangement le silence. Cette chasse dura plusieurs jours. Pas un sifflement ne sortait de la gueule du serpent. A croire qu'il n'était qu'une ombre venue hanter le jeune sorcier. Voyant qu'il ne pourrait pas se débarrasser facilement de Slaz, Severus opta pour une autre tactique, celle d'ignorer la bête. Ce qui fit le bonheur de Slaz qui mit à exécution la deuxième partie de son plan : rappeler sans cesse son bon souvenir à Severus. Il se mit donc à frotter ses écailles de telle façon qu'elles produisent un crissement déplaisant. Ce fut la seule fois où Slaz envia ses congénères serpents à sonnette : il n'aurait pas eu à se démener comme un beau diable pour attirer l'attention. Après les bruissements désagréables, Slaz fit plein de sifflements aigus, dès que Severus se retournait de mauvaise humeur, Slaz se redressait comme un cobra et se mettait à siffler de manière incohérente. Le jeune sorcier en devenait presque fois, sa colère atteint son paroxysme, quand Slaz décida que les livres de Severus lui fournissaient un lit parfait. Dès qu'il s'absente quelques instants, en laissant ses livres sans surveillance, il pouvait être sûr de retrouver le serpent enroulé sur les manuels, faisant semblant de dormir. Comme ces scènes avaient lieu en public, Severus ne pouvait pas dire grand-chose sous peine de montrer aux autres qu'il était Fourchelang. Cependant, un soir n'y tenant plus, il prit un peu rudement le serpent et sortit dans le couloir qui était vide. Il le posa à terre violement et le sermonna de longues minutes, lui demandant des explications. Slaz ne répondit rien, laissant Severus faire exploser sa colère. L'orage prendrait fin bien assez tôt. Voyant que le serpent restait muet, Severus abandonna la partie et commença à s'éloigner. A ce moment, Slaz l'interpella :
Attends, siffla-t-il.
Severus s'arrêta brusquement et très lentement se retourna. Ses yeux noirs flamboyaient et lançaient un regard dédaigneux au reptile. Content d'avoir toute l'attention du sorcier, Slaz se redressa fièrement sur ses anneaux et lança une seule phrase avant de disparaître.
-Tu pourrais en parler avec elle.
Désormais, à chacune de leurs nombreuses rencontres orchestrées par le reptile, ce dernier gratifiait systématiquement Severus du même reproche :
Tu pourrais en parler avec elle.
C'était mieux qu'un fantôme qui hantait quelqu'un. C'était mieux qu'un ange gardien qui suit partout son protégé. C'était mieux qu'une malédiction.
Finalement, vaincu par la bête, Severus capitula un soir, alors qu'il venait d'entendre pour la énième fois de la journée la même réprimande.
D'accord, d'accord, tais-toi, Slaz, je n'en peux plus de voir derrière chacun de mes pas et de t'entendre constamment me reprocher la même chose.
Si le serpent avait pu sourire, il aurait offert à Severus le plus beau sourire de satisfaction qu'on aurait pu voir. Mais il se contenta de lui siffler simplement :
Bien, je vois que tu te montres enfin raisonnable !
Que veux-tu que je fasse pour que tu cesses de m'importuner ?
Va parler avec elle !
Severus eut un petit rire de résignation.
Pff ! De toute façon, je doute qu'elle veuille encore discuter avec moi !
N'en sois pas si sûr. Voilà ce que je te propose, si j'arrive à la convaincre, tous deux vous aurez une petite discussion pour mettre les choses au clair !
Severus soupira et pensa tout haut.
… Pour mettre les choses au clair … marmonna-t-il. Pour moi les choses sont très claires !
Slaz avait tout entendu, avec agilité il bondit et vint s'enrouler autour du poignet de Severus et il ouvrit la gueule, menaçant. Il montra ses deux crochets et l'avertit.
Surveille, tes paroles, Severus. Je t'aime bien, pourtant je n'hésiterait pas une seule seconde à te punir pour ton insolence. Je sais que je n'ai pas de venin, mais ma morsure est quand même douloureuse.
Il raffermit un peu plus fortement sa prise, puis tout aussi soudainement, il déroula ses anneaux et disparut dans l'obscurité, sans laisser le temps à Severus de répondre.
Slaz était très fier de ce qu'il venait de faire, sa part du travail était presque terminée : ce serait un jeu d'enfant que de convaincre Anae. Après ce serait à eux de jouer.
Il attendit le lendemain pour parler à Anae, il tâta le terrain et se rendit compte qu'elle en voulait toujours à Severus. Ce ne serait pas si facile que ça. Il décida d'opter pour la ruse. Il lui annonça qu'il avait quelque chose d'important à lui dire et il lui fit promettre de venir dans cette fameuse salle abandonnée où aucune oreille indiscrète ne viendrait les déranger.
Pourquoi tant de mystères ? Tu ne peux pas me le dire maintenant ? Pourquoi faut-il attendre la fin d'après-midi ?
Parce que premièrement, siffla Slaz, tu as cours maintenant et deuxièmement, je meurs de faim, je vais aller chercher une petite souris à me mettre sous la dent ! Ne sois pas en retard !
Et il planta là une Anae toute étonnée de l'attitude de son serpent.
Slaz mourrait effectivement de faim, pourtant avant d'aller repaître son féroce et célèbre appétit, il alla trouver Severus :
Ce soir, 18h00, dans "votre salle" !
Puis il partit sans autre mot.
Chargée d'une montagne de livres, Anae pestait contre son serpent qui lui avait donné rendez-vous au fin fond du collège. En chemin, elle aperçut Peeves qui s'amusait à bombardes des premières années de bouteilles d'encre. Son rire résonnait dans le couloir à chaque que son projectile atteignait sa cible. Anae se fit toute petite, espérant passer inaperçue. Peeves était trop content de trouver des élèves qui ne pouvaient se défendre pour s'occuper d'autre chose.
Lorsque Anae arriva dans la salle, Slaz n'était pas encore là, elle laissa tomber tous ses livres qui s'écrasèrent dans un fracas et un nuage de poussière. Son sac suivit le même chemin, puis elle-même s'affala dans un fauteuil.
Slaz finit par faire son apparition, il glissait vers Anae sans se presser.
C'est pas trop tôt, Slaz ! J'ai plein de boulot qui m'attend. Que voulais-tu me dire qui ne pouvait pas être révélé dans la salle commune.
Il serait préférable que tu lances un sortilège d'Impassibilité, faudrait pas que ce qui sera dit ici tombe entre de mauvaises oreilles !
Allons, Slaz, tu sais bien que nous sommes si peu nombreux à parler le Fourchelang ! Même Dumbledore l'ignore, je ne vois pas ce que tu ….
Elle s'interrompit car au même moment s'ouvrit la porte pour laisser entrer Severus. Anae fut surprise de le voir là.
Bon et bien, moi, je vais vous laisser, vous avez sans doute plein de choses à vous dire, siffla Slaz.
Attends un peu ! Ne crois pas que tu vas t'en tirer comme ça ! Je peux savoir ce qui se passe ! Qu'est-ce que tu as été encore inventer ?
Pendant les questions d'Anae, Slaz s'était dirigé vers la porte, mais il n'eut pas le temps d'en franchir le seuil : d'une geste de sa main, Anae l'avait refermé à distance.
Toi, bouge pas et explique-moi !
Slaz se retourna lentement en frottant ses écailles, signe d'agacement.
Moi, j'ai rien à dire. C'est plutôt à vous deux de vous expliquer et de cesser de vous faire la tête !
Puis, il longea la porte, se glissa dans un minuscule interstice et disparut.
Anae soupira. Severus se tenait toujours près de la sortie, se demandant s'il devait rester ou partir. Comme Anae ne lui montrait pas ouvertement que sa présence le gênait, il décida de rester. Il allait s'asseoir dans le fauteuil qui faisait face à Anae. Ils se regardèrent comme des chiens de faïence, attendant que l'autre prenne la parole en premier. Anae finit par se jeter à l'eau.
Puisque tu es là, autant en profiter : ta présence se fait de plus en plus rare ces derniers temps …, lui reprocha Anae.
Bien, alors je t'écoute !
C'est la meilleure ! s'exclama Anae. Tu m'écoutes ! Ce serait plutôt l'inverse ! Voilà des semaines que tu ne me parles plus, que tu m'évites et ce serait toi qui attendrais des explications ! Si tu en avais voulu, tu n'aurais pas dû te sauver comme un voleur !
Anae était remontée, elle faisait les cent pas dans la salle, furieuse.
Je t'ai envoyé des hiboux, mais en vain. J'ai essayé de te parler, mais à chaque fois tu me fuyais comme la peste !
Le rouge avait envahi les joues de la sorcière et lorsqu'elle passa devant la fenêtre, une vitre se fendilla. Elle était hors d'elle.
J'étais sous le choc, lui répondit calmement Severus.
A son second passage devant la fenêtre, la vitre se craquela un peu plus et la troisième fois qu'Anae passa à proximité, elle explosa littéralement.
- Sous le choc ? D'accord, je peux comprendre, mais tu devrais t'en être remis depuis le temps !
- Je voulais qu'on en discute et l'autre soir, quand je t'ai vu dans les bras de ton cher Lucius, ça m'a rendu furieux !
- C'est lamentable comme excuse. Il n'y a rien entre lui et moi !
-Pourtant vous êtes tellement proches : il connaît tout de toi … C'est à se poser des questions !
- Il connaît tout de moi, effectivement, nous avons pratiquement été élevés ensembles ! Je n'ai aucun secret pour lui !
- Ca, je l'avais remarqué, mais pour moi, tu en as des tas ! rétorqua-t-il amer.
- J'étais tellement sûre que tu le prendras mal, j'ai même pas essayé !
- Tu aurais dû ! D'accord, j'aurais été tout autant surpris, mais là … je me suis senti trahi … et un incapable ! Pourquoi ne pas vouloir que je m'occupe de Potter et de ses amis, je ne suis pas assez bien pour ça ?
- Arrête, ce n'est pas ça, tu le sais bien ! Je craignais pour toi : ils nous mènent déjà la vie dure, je ne voulais pas que ça empire !
Anae soupira avant de continuer.
Je tiens tellement à toi, je ne supporterai pas de les voir s'en prendre à toi …
Sa voix s'était radoucie et comme la dernière fois, ses mots sortirent tous seuls.
Je t'aime …
Elle s'arrêta brusquement, prenant conscience de ce qu'elle venait de dire. Elle essaya de se rattraper mais ne fit que s'enfoncer davantage.
La colère avait quitté Severus et maintenant ses grands yeux noirs regardaient avec douceur Anae. Il s'approcha d'elle et voulut la prendre dans ses bras, mais elle recula.
Attends, c'est un peu trop facile !
Mais …
Et si tu viens à découvrir d'autres choses sur moi qui ne te plaisent pas ! Tu vas encore m'ignorer pendant des semaines ? Je ne le supporterai pas une seconde fois, Severus, pas une seconde fois…
Je te promets …
Si c'est une promesse que tu ne tiendras pas, ce n'est pas la peine …
Mais …
Anae ne le laissa pas finir.
Très bien, je te propose un marché : je te raconte tout, absolument tout, des choses dont même Lucius ignore l'existence. Si après ça, tu veux toujours de moi, on en reparlera …Ca te convient ? Tu ne pourras plus jamais dire que j'ai des secrets pour toi …
Très bien.
Anae retourna s'asseoir et allait commencer l'histoire de sa vie quand elle fut interrompue par la réapparition de Slaz.
Je voulais juste voir si vous ne vous étiez pas entre-tués ! Apparemment non !
Il glissa jusqu'au pied du fauteuil où s'était installé Anae et grimpa sur ses genoux.
J'adore quand tu racontes des histoires ! Je peux rester, siffla-t-il.
Il prit le silence d'Anae pour un oui et s'enroula confortablement.
Chapitre 17 : Le récit d'Anae
Commençons donc par le début : mon vrai nom est Anae Jedusor. Calisté était le nom de jeune fille de ma mère et lorsque je suis venue à Poudlard, mon père a préféré que je m'inscrive sous le nom de Calisté.
Je suis née au solstice d'hiver et le soir même de ma naissance, je l'ai appris bien plus tard, mes parents m'ont soumise à un sortilège très puissant de Protection. C'était une ancienne tradition dans la famille de ma mère…
Les souvenirs de cette époque restent, malgré tout, vagues, même s'il subsiste des moments très précis : les serpents, par exemple. Je crois que, depuis toute petite, j'ai toujours eu un ou plusieurs reptiles à mes côtés. Un jour que ma mère devait s'absenter, pour vérifier si le sang de Salazar coulait bien dans mes veines, je me suis retrouvée avec un mamba dans mon berceau ! La bête ne m'a fait aucun mal, mais lorsque ma mère est rentrée, elle a piqué une colère noire, même si elle savait pertinemment que je ne craignais rien. C'est aussi à cette époque que j'ai rencontré Lucius : nos mères étaient les deux meilleures amies du monde et elles se voyaient très souvent, ce qui fait que Lucius et moi avons grandi ensembles. Nous avons fait nos premiers pas ensembles, nous avons appris à parler, puis à lire et à écrire en même temps. C'est aussi à cette époque que nous avons montré notre aptitude à la magie. Lucius avait dérobé la baguette de sa mère, on devait avoir dans les trois ans …
