CHAPITRE LXVI : SLAZ A LA RESCOUSSE
Les jours passaient et la situation ne s'améliorait pas, elle n'empirait pas non plus. Elle stagnait tout simplement.
Lucius était excédé de voir sa meilleure amie souffrir en silence. Il décida de prendre le dragon par les cornes. Il alla d'abord trouver Anae et ils discutèrent si longuement qu'ils en ratèrent le dernier cours de la journée : celui de botanique. La vitesse à laquelle Anae démentait les constatations de Lucius lui prouva que cette dernière était loin de paraître aussi enjouée et heureuse qu'elle le laissait entendre. Lucius tenta d'évoquer ses crises nocturnes de larmes, mais Anae les mit sur le compte du stress engendré par l'approche des BUSE. Elle détestait montrer que cette histoire la mettait dans un tel état, surtout à Lucius. Mais il la connaissait si bien qu'elle ne pouvait rien lui cacher. Ils se chamaillèrent, le ton monta un peu car tous deux campaient sur leurs positions.
Au fond d'elle, Anae était touchée par l'inquiétude de Lucius. Elle finit par le lui faire savoir.
- Tu sais, lui confia-t-il, pour une fois que c'est moi qui prend de soin !
- Ce n'est pas drôle, Lucius.
- Je sais, mais j'ai au moins réussi à te faire rire un tout petit peu …
Anae eut une ébauche de sourire qui rendit Lucius encore plus content.
Mais ce qui lui fit le plus plaisir, c'est qu'elle capitula et lui livra tout ce qu'elle avait sur le cœur et qu'elle taisait. Tout y passa : ses joies, ses peines, ses craintes. Elle avait rompu une digue et noya son ami sous un flot de paroles et d'images. Elle lui ouvrit son cœur et son esprit comme elle ne l'avait jamais fait auparavant. Puis comme ses forces s'enfuyaient avec les mots et les souvenirs, une grande lassitude la saisit. Lucius la prit dans ses bras et la berça doucement tout en lui parlant à l'oreille.
- Merci, merci de me faire toujours autant confiance, ma belle.
- Ce serait plutôt à moi de te remercier, tu ne m'as jamais fait faux-bond, quelque soit la distance qu'il y a pu avoir entre nous, tu as toujours été là pour moi : une oreille pour m'écouter, une main tendue, une épaule pour pleurer.
Ils étaient toujours dans les bras l'un de l'autre et ne faisait pas attention au monde autour d'eux, ils n'entendirent pas des voix qui se rapprochaient.
- … Tu devrais essayer … Je t'assu …
La voix de Narcissa, puisque c'était elle qui discutait avec Severus, s'interrompit brusquement : elle venait de surprendre Anae et Lucius enlacés.
- C'est trop fort ! Et dire que je me faisais du souci pour toi, au lieu de ça tu passes du bon temps avec ta copine, cracha Narcissa hors d'elle.
Lucius sursauta, lâcha Anae et fit quelques pas vers Narcissa qui sortit en courant de la salle commune. Il se jeta à sa poursuite.
Severus lança un regard chargé de mépris à Anae et soupira tristement. Il passa près d'elle en silence regagna son dortoir.
La jeune sorcière était trop effondrée pour faire quoique ce soit. Elle avait peur d'envenimer encore plus les choses. Elle monta dans son propre dortoir, se jeta sur son lit, tira le rideau pour s'isoler. Slaz qui s'était enroulé sous les couvertures vint réconforter sa maîtresse.
Plus que les mots, la simple présence de l'animal apaisa Anae.
Les jours suivants, Slaz disparaissait de
longues heures, avec le retour des beaux jours, il aimait sortir et
se dorer sous les premiers rayons du soleil. Il jouait au lézard
comme il aimait le signaler à Anae. Avec l'arrivée de
la chaleur et du beau temps, il se lança dans des chasses
palpitantes, il délaissa les couloirs et les salles
poussiéreuses pour la douce caresse des premiers brins
d'herbe. Le parc de Poudlard avait pris ses couleurs de printemps, et
tous les petits animaux vaquaient en toute innocence à leurs
occupations sans se savoir surveillés par Slaz. Il fit des
ravages parmi les rangs des rongeurs et des passereaux qui nichaient
à même le sol.
Même s'il passait le plus clair
de son temps à digérer, au soleil, son dernier repas ;
il restait inquiet pour sa maîtresse.
Aussi, il décida de passer à l'attaque.
Il se mit à suivre en
silence, une fois n'est pas coutume, Severus où qu'il aille.
Au début ce dernier ne s'en formalisa pas, après
tout, il n'avait rien contre le serpent. Cependant plus le temps
passait, plus la présence du reptile devenait pesante. Peu
importait le lieu, il lui suffisait de se retourner pour voir dans
son sillage Slaz. La bête ne disait rien, dévisageait
simplement Severus avec un drôle de regard chargé de
reproches.
Finalement, excédé par cette filature,
Severus interpella Slaz qui gardait étrangement le silence.
Cette chasse dura plusieurs jours.
Pas un sifflement ne sortait
de la gueule du serpent. A croire qu'il n'était qu'une ombre
venue hanter le jeune sorcier. Voyant qu'il ne pourrait pas se
débarrasser facilement de Slaz, Severus opta pour une autre
tactique, celle d'ignorer la bête.
Ce qui fit le bonheur de Slaz qui mit à exécution la deuxième partie de son plan : rappeler sans cesse son bon souvenir à Severus.
Il se mit donc à frotter ses écailles
de telle façon qu'elles produisent un crissement déplaisant.
Ce fut la seule fois où Slaz envia ses congénères
serpents à sonnette : il n'aurait pas eu à se démener
comme un beau diable pour attirer l'attention. Après les
bruissements désagréables, Slaz fit plein de
sifflements aigus, dès que Severus se retournait de mauvaise
humeur, Slaz se redressait comme un cobra et se mettait à
siffler de manière incohérente.
Le jeune sorcier en
devenait presque fou, sa colère atteint son paroxysme, quand
Slaz décida que les livres de Severus lui fournissaient un lit
parfait.
Dès qu'il s'absentait quelques instants, en
laissant ses livres sans surveillance, il pouvait être sûr
de retrouver le serpent enroulé sur les manuels, faisant
semblant de dormir. Comme ces scènes avaient lieu en public,
Severus ne pouvait pas dire grand-chose sous peine de montrer aux
autres qu'il était Fourchelang.
Cependant, un soir n'y tenant plus, il prit un peu rudement le serpent et sortit dans le couloir qui était vide. Il le posa à terre violement et le sermonna de longues minutes, lui demandant des explications. Slaz ne répondit rien, laissant Severus faire exploser sa colère. L'orage prendrait fin bien assez tôt ... Voyant que le serpent restait muet, Severus abandonna la partie et commença à s'éloigner. A ce moment, Slaz l'interpella :
- Attends, siffla-t-il.
Severus s'arrêta brusquement et très
lentement se retourna. Ses yeux noirs flamboyaient et lançaient
un regard dédaigneux au reptile.
Content d'avoir toute
l'attention du sorcier, Slaz se redressa fièrement sur ses
anneaux et lança une seule phrase avant de disparaître.
-Tu pourrais en parler avec elle.
Désormais, à chacune de leurs nombreuses rencontres orchestrées par le reptile, ce dernier gratifiait systématiquement Severus du même reproche :
- Tu pourrais en parler avec elle.
C'était mieux qu'un fantôme qui hantait quelqu'un. C'était mieux qu'un ange gardien qui suit partout son protégé. C'était mieux qu'une malédiction. ... C'était ... Slaz ...
Finalement, vaincu par la bête, Severus capitula un soir, alors qu'il venait d'entendre pour la énième fois de la journée la même réprimande.
- D'accord, d'accord, tais-toi, Slaz, je n'en peux plus de voir derrière chacun de mes pas et de t'entendre constamment me reprocher la même chose.
Si le serpent avait pu sourire, il aurait offert à Severus le plus beau sourire de satisfaction qu'on puisse avoir. Mais il se contenta de lui siffler simplement :
- Bien, je vois que tu te montres enfin raisonnable !
- Que veux-tu que je fasse pour que tu cesses de m'importuner ?
- Va parler avec elle !
Severus eut un petit rire de résignation.
- Pff ! De toute façon, je doute qu'elle veuille encore discuter avec moi !
- N'en sois pas si sûr. Voilà ce que je te propose, si j'arrive à la convaincre, tous deux vous aurez une petite discussion pour mettre les choses au clair !
Severus soupira et pensa tout haut.
- … Pour mettre les choses au clair … marmonna-t-il. Pour moi les choses sont très claires !
Slaz avait tout entendu, avec agilité il bondit et vint s'enrouler autour du poignet de Severus et il ouvrit la gueule, menaçant. Il montra ses deux crochets et l'avertit.
- Surveille, tes paroles, Severus. Je t'aime bien, pourtant je n'hésiterait pas une seule seconde à te punir pour ton insolence. Je sais que je n'ai pas de venin, mais ma morsure est quand même douloureuse.
Il raffermit un peu plus fortement sa prise, puis tout aussi soudainement, il déroula ses anneaux et disparut dans l'obscurité, sans laisser le temps à Severus de répondre.
Slaz était très fier de ce
qu'il venait de faire, sa part du travail était presque
terminée : ce serait un jeu d'enfant que de convaincre Anae.
Après ce serait à eux de jouer.
Il attendit le lendemain pour parler à Anae, il tâta le terrain et se rendit compte qu'elle en voulait toujours à Severus. Ce ne serait pas si facile que ça. Il décida d'opter pour la ruse. Il lui annonça qu'il avait quelque chose d'important à lui dire et il lui fit promettre de venir dans cette fameuse salle abandonnée où aucune oreille indiscrète ne viendrait les déranger.
- Pourquoi tant de mystères ? Tu ne peux pas me le dire maintenant ? Pourquoi faut-il attendre la fin d'après-midi ?
- Parce que premièrement, siffla Slaz, tu as cours maintenant et deuxièmement, je meurs de faim, je vais aller chercher une petite souris à me mettre sous la dent ! Ne sois pas en retard !
Et il planta là une Anae toute étonnée de l'attitude de son serpent.
Slaz mourrait effectivement de faim, pourtant avant d'aller repaître son féroce et célèbre appétit, il alla trouver Severus :
- Ce soir, 18h00, dans "votre salle" !
Puis il partit sans autre mot.
Chargée d'une montagne de
livres, Anae pestait contre son serpent qui lui avait donné
rendez-vous au fin fond du collège.
En chemin, elle
aperçut Peeves qui s'amusait à bombarder des premières
années de bouteilles d'encre. Son rire résonnait dans
le couloir à chaque que son projectile atteignait sa cible.
Anae se fit toute petite, espérant passer inaperçue.
Peeves était trop content de trouver des élèves
qui ne pouvaient se défendre pour s'occuper d'autre
chose.
Lorsque Anae arriva dans la salle, Slaz n'était pas encore là, elle laissa tomber tous ses livres qui s'écrasèrent dans un fracas et un nuage de poussière. Son sac suivit le même chemin, puis elle-même s'affala dans un fauteuil.
Slaz finit par faire son apparition, il glissait vers Anae sans se presser.
- C'est pas trop tôt, Slaz ! J'ai plein de boulot qui m'attend. Que voulais-tu me dire qui ne pouvait pas être révélé dans la salle commune.
- Il serait préférable que tu lances un sortilège d'Impassibilité, faudrait pas que ce qui sera dit ici tombe entre de mauvaises oreilles !
- Allons, Slaz, tu sais bien que nous sommes si peu nombreux à parler le Fourchelang ! Même Dumbledore l'ignore, je ne vois pas ce que tu ….
Elle s'interrompit car au même moment s'ouvrit la porte pour laisser entrer Severus. Anae fut surprise de le voir là.
- Bon et bien, moi, je vais vous laisser, vous avez sans doute plein de choses à vous dire, siffla Slaz.
- Attends un peu ! Ne crois pas que tu vas t'en tirer comme ça ! Je peux savoir ce qui se passe ! Qu'est-ce que tu as été encore inventer ?
Pendant les questions d'Anae, Slaz s'était dirigé vers la porte, mais il n'eut pas le temps d'en franchir le seuil : d'une geste de sa main, Anae l'avait refermé à distance.
- Toi, bouge pas et explique-moi !
Slaz se retourna lentement en frottant ses écailles, signe d'agacement.
- Moi, j'ai rien à dire. C'est plutôt à vous deux de vous expliquer et de cesser de vous faire la tête !
Puis, il longea la porte, se glissa dans un minuscule interstice et disparut.
Anae soupira. Severus se tenait toujours près de la sortie, se demandant s'il devait rester ou partir.
Comme Anae ne lui montrait pas ouvertement que sa présence le gênait, il décida de rester. Il allait s'asseoir dans le fauteuil qui faisait face à Anae. Ils se regardèrent comme des chiens de faïence, attendant que l'autre prenne la parole en premier. Anae finit par se jeter à l'eau.
- Puisque tu es là, autant en profiter : ta présence se fait de plus en plus rare ces derniers temps …, lui reprocha Anae.
- Bien, alors je t'écoute !
- C'est la meilleure ! s'exclama Anae. Tu m'écoutes ! Ce serait plutôt l'inverse ! Voilà des semaines que tu ne me parles plus, que tu m'évites et ce serait toi qui attendrais des explications ! Si tu en avais voulu, tu n'aurais pas dû te sauver comme un voleur !
Anae était remontée, elle faisait les cent pas dans la salle, furieuse.
- Je t'ai envoyé des hiboux, mais en vain. J'ai essayé de te parler, mais à chaque fois tu me fuyais comme la peste !
Le rouge avait envahi les joues de la sorcière et lorsqu'elle passa devant la fenêtre, une vitre se fendilla. Elle était hors d'elle.
- J'étais sous le choc, lui répondit calmement Severus.
A son second passage devant la fenêtre, la vitre se craquela un peu plus et la troisième fois qu'Anae passa à proximité, elle explosa littéralement.
- Sous le choc ? D'accord, je peux comprendre, mais tu devrais t'en être remis depuis le temps !
- Je voulais qu'on en discute et l'autre soir, quand je t'ai vu dans les bras de ton cher Lucius, ça m'a rendu furieux !
- C'est lamentable comme excuse. Il n'y a rien entre lui et moi !
-Pourtant vous êtes tellement proches : il connaît tout de toi … C'est à se poser des questions !
- Il connaît tout de moi, effectivement, nous avons pratiquement été élevés ensembles ! Je n'ai aucun secret pour lui !
- Ca, je l'avais remarqué, mais pour moi, tu en as des tas ! rétorqua-t-il amer.
- J'étais tellement sûre que tu le prendras mal, j'ai même pas essayé !
- Tu aurais dû ! D'accord, j'aurais été tout autant surpris, mais là … je me suis senti trahi … et un incapable ! Pourquoi ne pas vouloir que je m'occupe de Potter et de ses amis, je ne suis pas assez bien pour ça ?
- Arrête, ce n'est pas ça, tu le sais bien ! Je craignais pour toi : ils nous mènent déjà la vie dure, je ne voulais pas que ça empire !
Anae soupira avant de continuer.
- Je tiens tellement à toi, je ne supporterai pas de les voir s'en prendre à toi …
Sa voix s'était radoucie et comme la dernière fois, ses mots sortirent tous seuls.
- Je t'aime …
Elle s'arrêta brusquement, prenant conscience de ce qu'elle venait de dire. Elle essaya de se rattraper mais ne fit que s'enfoncer davantage.
La colère avait quitté Severus et maintenant ses grands yeux noirs regardaient avec douceur Anae.
Il s'approcha d'elle et voulut la prendre dans ses bras, mais elle recula.
- Attends, c'est un peu trop facile !
- Mais …
- Et si tu viens à découvrir d'autres choses sur moi qui ne te plaisent pas ! Tu vas encore m'ignorer pendant des semaines ? Je ne le supporterai pas une seconde fois, Severus, pas une seconde fois…
- Je te promets …
- Si c'est une promesse que tu ne tiendras pas, ce n'est pas la peine …
- Mais …
Anae ne le laissa pas finir.
- Très bien, je te propose un marché : je te raconte tout, absolument tout, des choses dont même Lucius ignore l'existence. Si après ça, tu veux toujours de moi, on en reparlera …Ca te convient ? Tu ne pourras plus jamais dire que j'ai des secrets pour toi …
- Très bien.
Anae retourna s'asseoir et allait commencer l'histoire de sa vie quand elle fut interrompue par la réapparition de Slaz.
- Je voulais juste voir si vous ne vous étiez pas entre-tués ! Apparemment non !
Il glissa jusqu'au pied du fauteuil où s'était installé Anae et grimpa sur ses genoux.
- J'adore quand tu racontes des histoires ! Je peux rester, siffla-t-il.
Il prit le silence d'Anae pour un oui et s'enroula confortablement sur sa maîtresse.
