S'il y a une chose que j'ai appris à apprécier à sa juste valeur, c'est la solitude. Et une fois de plus, je reviens d'une escapade à travers les vastes champs qui entourent le Terrier. J'entends déjà Ginny me dire que je suis fou de me promener seul et qu'il est possible qu'un mangemort me tende un piège… Je lui répondrai qu'elle a raison et que cette vision des choses est sans doute plus probable que l'espoir qu'un jour, elle me foute la paix.
Me voilà de retour, et comme dirait une vielle chanson paillarde : « la fatigue me gagne mais mon cœur est content ». Tout ce qui me fallait, me retrouver avec moi-même, sans la moindre interférence pour gêner mon cerveau déjà bien embrumé.
Ma main se pose sur la poignée de la porte et j'entends venir jusqu'à moi les bribes de rire des trois autres. Ca me pince presque le cœur de les entendre rire comme ça… sans moi. En d'autres circonstances, je crois que j'aurais rejoint ma chambre sans même leur faire un signe. Mais je sais que si Ginny ne me voit pas rentrer vivant, elle va se faire un sang d'encre.
Je prend un air d'indifférence et m'avance donc dans le salon, juste à temps pour voir Harry porter ses mains derrière sa tête, dépiter par la défaite que vient de lui affliger Hermione au… Merlin, et voilà qu'en plus ils jouent aux échecs sans moi. J'en étais sûr, à chaque fois, ils attendent que je parte pour sortir le jeu et quand je demande si quelqu'un est prêt pour une partie, on m'envoie rejoindre les gnomes dans le jardin.
Je me laisse tomber sur le canapé, totalement renfrogné et je fais comme si leur indifférence ne me touchait pas.
- Harry… Harry… t'as raison, faut vraiment que tu ailles te coucher… de plus en plus facile de venir à bout de tes pions.
- Ma chère Hermione, les techniques, c'est sur le terrain que je les mets en pratique. Mais tu as raison, ça fait un petit moment que je devrais déjà être au lit.
Et je reçois sur la joue un baiser de ma sœur, sans même réagir au fait qu'elle partait bizarrement dormir en même temps que Harry.
Je fixe le sol et remarque que l'ombre d'Hermione n'a pas bougé, elle. Je relève les yeux et la vois me faire un signe du regard vers le plateau de jeu. Malgré moi, je souris… ça fait un bail que je n'ai pas touché à un plateau d'échec mais je compte pas laissé ce fait à son avantage. Je me mets donc à genoux devant la table basse et la regarde rendre sa tête au roi de Harry d'un coup de baguette magique.
- Dis moi Ron, tu n'as pas peur de perdre ton invincibilité ?
- Tu sais Hermione, dans tout jeu il faut savoir s'arrêter à temps. Je pense que ça aurait été plus judicieux d'aller te coucher sur une victoire.
- Sans doute… mais je n'aurais pas passer du temps avec mon ami…
Je vois, elle a trouvé sa technique pour m'affaiblir : me troubler. Je fixe aussitôt mon regard sur mon jeu et toutes les combines que j'avais appris jusque là me reviennent. Décidemment, y'a des choses qu'on n'oublie pas… l'échec, c'est comme un vol sur un balai, une fois qu'on a appris, c'est pour la vie.
La partie s'éternise et je suis agréablement surpris de la voir jouer aussi bien… au bien sûr que j'aurais pu achever son roi depuis un petit moment, mais il faut croire que moi aussi, j'aime passer un peu de temps avec mon « amie ». Et puis, je m'amuse à la voir mordiller son pouce en poussant avec exaspération sa mèche rebelle derrière son oreille.
- Ca t'amuse de me torturer en plus ?
Je relève la tête en souriant… elle a tout compris. J'avoue je m'amuse à la voir devant un jeu sans échappatoire. Ou presque…
- Quoique je fasse, je suis sûre que tu as déjà prévu le coup de grâce derrière. Comme je suis sûre que tu délibérément ralentie le jeu… C'est de l'anti-jeu Ron !
- C'est de la mauvaise foi Hermione…
Bah quoi c'est vrai non ? Je soupire et la regarde se renfrogner dans son coin comme une enfant de deux ans. Mais si je ne fais pas quelque chose, je ne risque pas de trouver un adversaire avant perpète. Pourtant, je ne peux quand même pas la laisser gagner! Ca va contre toutes mes convictions…
Et une éclair de génie traverse mon esprit (oui ça m'arrive). Je me lève et vient me mettre derrière elle, fixant le plateau la tête sur son épaule. Elle mordille encore son doigt et me fait part de sa découverte :
- Tu crois que si je bouge tout de suite mon cavalier je…
- Tu auras mis en place un suicide en bonne et due forme…
- Oh bah dis moi ce qui faut que je fasse alors…
Bien sûr, c'est ce que je vais faire… mais pas avant d'être sûre que son parfum se sera incéré à ma peau pour toute cette nuit au moins. Mais la voyant perdre patience, je lui dis simplement :
- Va prendre ma place en face… si tu es tellement certaine que j'ai gagné.
Elle s'exécute et je ne peux m'empêcher de regarder tout ce que ses vêtements ne cachent pas tout à fait…
- Oui mais forcément, toi tu savais exactement quoi faire…
- Tu veux reprendre ta place ?
- Non…
Et ce qui devait arriver arriva. En quelques coups bien menés, j'avais réussi à prendre en otage son roi sans qu'elle n'y trouve rien à redire à part :
- J'ai gagné hein ? Quand Harry va savoir ça…
- Tu…
- Rho fais pas cette tête Ron… C'est trop chou de t'être sacrifié pour moi…
A vrai dire, s'il n'y avait pas eu ce baiser sur ma joue qui s'en suivit, je crois que je l'aurais mal pris. A croire que le diabolisme de cette fille n'a pas de limite. Et pour me défendre, je rattrape son bras pour la faire tomber contre moi et la couvrir de chatouilles… oui je sais, c'est puérile mais je n'ai jamais rien trouvé de mieux pour détendre l'atmosphère.
Ca m'amuse de la voir essayer de couvrir chaque parcelle de sa peau nue avec ses petites mains. Je n'ai aucun mal à la faire capituler et c'est à bout de souffle qu'elle me dit :
- Ca va Ron… t'as gagné…
- Hum… dommage… ça m'amusait de te voir te tortiller comme ça…
Elle sourit et je sens sa tête se poser sur mon torse. On est deux grands enfants allongés l'un sur l'autre sur un sol froid, les yeux vers un plafond qui n'est même pas magique.
Si je reste comme ça, je risque de faire une bêtise, alors contre mon gré, je me lève en lui tirant un soupire et dépose un baiser sur son front.
Et je sens ses mains me retenir, ses yeux me chercher et lire dans les miens une inquiétude qu'elle semble capter. Je n'aurais le droit qu'à un frêle frôlement de ses lèvres sur les miennes… Mais j'en suis trop heureux pour me plaindre.
