Chapitre 17 : Le récit d'Anae
Commençons donc par le début : mon vrai nom est Anae Jedusor. Calisté était le nom de jeune fille de ma mère et lorsque je suis venue à Poudlard, mon père a préféré que je m'inscrive sous le nom de Calisté.
Je suis née au solstice d'hiver et le soir même de ma naissance, je l'ai appris bien plus tard, mes parents m'ont soumise à un sortilège très puissant de Protection. C'était une ancienne tradition dans la famille de ma mère. Je n'ai que de vagues souvenirs de mes quatre premières années, pourtant certains faits sont plus vivants que d'autres. Je me rappelle très bien d'avoir passé tout un après-midi en compagnie d'un mamba. En l'absence de ma mère, mon père voulait vérifier si le sang de Salazar coulait bien dans mes veines, aussi il m'a laissé avec un énorme mamba noir. Ce serpent s'est révélé totalement inoffensif : je crois même m'être bien amusée avec ; pourtant quand ma mère est revenue et s'en est aperçue, elle est rentrée dans une noire colère. Cependant, au fond d'elle, elle savait que je ne craignais rien. C'était plus pour faire enrager mon père. Elle ne voyait pas d'un très bon œil le fait qu'il voulait que je trempe dans la magie noire dès mon plus jeune âge. Elle devait souvent s'absenter pendant plusieurs heures et mon père en profitait : il me montrait de vieux grimoires, je n'y comprenais rien du tout, je regardais sans trop d'effroi les horribles planches qui accompagnaient les descriptions des maléfices. Je savais à peine parler, que déjà je maîtrisais le Fourchelang : au lieu de jouer avec des peluches, mes compagnons de jeu étaient un mambo, deux cobras et le python de mon père. Mon père m'apprenait aussi à prononcer correctement quelques formules magiques de base. Cela remplaçait les comptines ou les histoires. Ma mère n'en savait rien, mon père faisait tout cela lorsqu'elle n'était pas à la maison : car, à cette époque, elle était déjà malade et presque quotidiennement elle devait se rendre à Ste-Mangouste pour y subir divers traitements. Les guérisseurs n'ont jamais vraiment su quel mal la rongeait. Mais c'était inéluctable, petit à petit elle s'éteignait. Pourtant, à aucun moment, elle ne le montrait. Seul mon père était au courant. Elle ne l'a jamais avoué à sa meilleure amie, la mère de Lucius. C'est pour cela que je suis tellement liée à lui. Nous nous sommes connus au berceau, et nous nous voyions très souvent, presque chaque jour en vérité : nous avons fait nos premiers pas ensemble, nous avons appris à parler, puis à lire et à écrire en même temps sous la conduite de la mère de Lucius. C'est comme si nous étions frère et sœur. On a tout fait ensemble : les pires bêtises aussi ! On devait avoir trois ans à l'époque, quand Lucius a décidé que lui aussi voulait avoir sa propre baguette, il avait déjà essayer de prendre celle de sa mère ou de son père, mais à chaque fois, ses parents s'en étaient rendu compte. Je m'en souviens comme si c'était hier. Nous étions chez lui, dans le parc. Il avait grimpé dans le tilleul plusieurs fois centenaire pour arracher deux branches, sauf que, bien entendu, la branche sur laquelle il avançait, a fini par craquer … Il est tombé de plusieurs mètres, et c'est là, pour la première fois que j'ai montré mon vrai pouvoir, sans m'en rendre compte, j'ai ralenti sa chute et il s'en tiré avec une grosse frayeur ! et une bonne punition, puisque ses parents ont tout vu, moi j'ai eu droit aux honneurs, pour lui avoir évité le pire ! Nous nous sommes revus le lendemain et tout fier de lui, Lucius a brandi les deux branches qu'il avait réussi à sauver. Il a été très déçu lorsqu'il s'est aperçu qu'on ne pouvait rien en tirer… Je crois que, à chaque fois qu'on se voyait, il nous arrivait toujours des tas de problèmes de ce genre … C'était mes années d'insouciance dont le souvenir est lointain et presque effacé.
Anae s'interrompit quelque instant, elle était plongée dans ses pensées, tandis que Severus la fixait avec douceur.
L'été de mes quatre ans fut le dernier que je passais avec ma mère. Son état de santé s'était dégradé d'un seul coup sans qu'on ne puisse rien faire. Elle est partie très vite, un jour pluvieux d'octobre. Je n'étais pas à la maison, lorsque cela s'est passé, sur la fin, elle avait demandé à la mère de Lucius de me garder chez elle, elle ne voulait pas que je la vois dépérir. Je n'avais que quatre ans, pourtant ce soir-là, quand mon père est venu me chercher, j'ai tout de suite compris que plus jamais je ne reverrai ma mère. Il m'a ramené à la maison, sans rien dire. Et je l'ai perdu lui aussi ce soir-là. Peu de temps après, nous avons quitté cette maison, remplie de souvenir et par la suite j'ai partagé mes années entre trois maisons : celle de mon père, celle de mes grands-parents maternels et le manoir des Malefoy. Je ne voyais presque plus mon père. Il était toujours par monts et par vaux. Il parcourait le monde pour apprendre de nouveaux sortilèges et pour développer ses connaissances en magie noire. Il a été auprès des plus puissants sorciers et ses pouvoirs se sont encore accrus. Très peu de sorciers pouvaient désormais rivaliser avec lui. Lorsqu'il revenait en Angleterre, pour quelques jours ou quelques semaines, il me prenait avec lui et m'enseigner ce qu'il savait. Avant même d'avoir ma propre baguette magique, je maîtrisais déjà certains sortilèges et maléfiques très compliqués. Après le décès de ma mère, jamais plus il ne m'a témoigné la moindre marque de tendresse, il était devenu un véritable étranger à mes yeux. C'est comme si sa dernière part d'humanité était partie avec ma mère. Tom Jedusor avait disparu, pour le monde entier, il était désormais Lord Voldemort… Pourtant, j'étais tellement contente de le voir revenir, à chaque fois. Quelque soit son attitude à mon égard, il restait mon père et je voulais qu'il soit fier de moi, c'est pour cela que je m'appliquais à jeter tous les sorts qu'il m'enseignait et que j'écoutais attentivement tout ce qu'il m'apprenait. J'avais juste droit à un simple bravo ou à quelques froids encouragements, mais je m'en contentais. Personne n'avait la moindre idée de ce qu'il m'apprenait, mes grands-parents auraient tout fait pour l'en empêcher s'ils avaient eu le moindre soupçon. Ils ne l'avaient jamais vraiment apprécié et lorsque ma mère s'était mariée, ils ne s'étaient même pas déplacés au mariage. Les idées et l'ambition démesurée de mon père leur déplaisaient grandement. C'est avec joie, qu'ils avaient sauté sur l'occasion de me soustraire à son autorité pendant quelques mois et qu'ils avaient proposé de s'occuper de moi pendant ses absences. Je ne me plaisais pas chez eux et j'étais bien contente de pouvoir m'évader en allant chez les Malefoy, je retrouvais Lucius et tous les deux nous nous lancions dans de nouvelles expériences magiques. Il m'arrivait de lui apprendre certains sorts qui m'avaient été transmis par mon père. Le plus souvent, nous les expérimentions sur les gnomes qui peuplaient les alentours du manoir ou sur les malheureux lutins de Cornouaille qui croisaient notre route. Les Malefoy ne voyaient pas cela d'un mauvais œil, au contraire, ils étaient fiers des connaissances que nous avions déjà acquises. Pour éviter que le Ministère ne se rendent compte que nous transgressions de nombreux interdits, ils renforcèrent les sortilèges de protection autour du manoir : ainsi, tant que nous restions dans l'enceinte de la demeure des Malefoy, notre magie était indétectable. Lorsque j'eus dix ans, monsieur Malefoy m'ouvrit les portes de sa bibliothèque. Elle n'était pas aussi fournie que celle de mon père, mais il y avait de nombreux ouvrages de magie noire très rares et très précieux. Je passais la plupart de mes après-midi dans cette pièce, étendue par terre, devant la cheminée, je faisais la lecture à Lucius et ensuite, nous tentions de passer à la pratique. La plupart du temps, cela se soldait par des échecs, car à dix ans, quelques soient les pouvoirs que nous possédions, nous n'étions pas assez puissants pour maîtriser tous les arts des Ténèbres. C'est à cet âge-là que Lucius devint imbattable et incollable dans la préparation de diverses potions plus ou moins inoffensives … Pendant ce temps, moi, j'étais passée maître dans les lancers de sortilèges sans baguette. C'est une technique que peu de sorciers maîtrisent car elle est difficile à acquérir, mais comme je ne possédais pas encore ma propre baguette, je lançais des sorts sans aucune aide. Bien sûr, Lucius avait gardé sa mauvaise habitude d'emprunter en douce celle de ses parents, mais la plupart du temps, c'était impossible : on se débrouillait comme on pouvait, sans baguette.
Mon père m'avait appris que je ferais ma rentrée à Durmstang, qui était versé dans la magie noire. J'appréhendais ce moment, car pour la première fois, je ne verrais pas Lucius pendant de longs mois, puisque, lui devait faire toute sa scolarité à Poudlard. Mon père était rentré en Angleterre et j'ai passé tout mon été avec lui, ce fut une étrange période, un semblant de retour à la vie familiale. Au tout début du mois de juillet, j'eus enfin ma propre baguette. J'étais très fière : je pouvais m'entraîner à jeter des sorts qui jusqu'alors m'étaient refusés. Je crois bien que j'ai épaté mon père, car pour la première fois, je l'ai vu me sourire. Ces leçons avaient porté ses fruits au-delà de ses espérances. Pourtant, il me restait encore une importante épreuve à passer, pour me montrer digne de lui. Je n'ose même pas imaginer ce qui ce serait passé si j'avais refusé, hésité ou échoué.
Anae se tut. Elle dévisagea avec insistance Severus. Elle frissonna comme si l'évocation de ce souvenir en particulier lui était difficile.
Ce que je vais te dire, maintenant, personne ne le sait, pas même Lucius. Puisque tu veux tout savoir de moi, voici les plus noirs de mes secrets …
Sans laisser à Severus le temps de répliquer quoique ce soit, elle reprit le fil de son récit en soupirant.
C'était une mise à l'épreuve, ou plutôt trois tests. Un soir, c'était le douze juillet, cette date hante mon esprit désormais, mon père m'a proposé une promenade. C'était inhabituel de sa part, j'ai accepté. Nous sommes sortis, pendant que nous marchions, il m'a annoncé que ce que j'avais fait jusqu'à présent était du bon travail, mais que je devais maintenant passer à des choses plus sérieuses. Il m'a demandé si j'avais retenu tout ce qu'il m'avait enseigné pendant toutes ces années, je lui ai répondu que oui. Il a eu un petit rire et a ajouté que nous le verrions bientôt. C'est là que j'ai compris ce qu'il attendait de moi. Sans le vouloir, j'ai ralenti le pas, il s'en est rendu compte et s'est arrêté, il s'est retourné et m'a lancé que c'était bien, que je comprenais vite. Je n'ai pu qu'acquiescer. Nous avons repris notre route et nous sommes arrivés devant une vieille cabane abandonnée.
Tu sais ce qu'il te reste à faire, Anae.
J'ai hoché la tête, il s'est effacé pour me laisser entrer en premier dans la bicoque. Tout s'est passé très vite, et le moldu qui était là n'a rien vu venir.
Après avoir lancé mon éclair vert, je me suis retournée vers mon père et pleine de défi, je lui ai dit que cela était trop facile. Il a éclaté de rire et m'a confirmé que ce n'était que la première partie, un amuse-gueule, en quelque sorte. Il m'a demandé si j'étais prête et j'ai haussé les épaules, et je lui ai répliqué qu'il valait mieux en finir tout de suite. Lorsque je lui ai demandé qui c'était, il m'a dit qu'il ne voulait pas me gâcher la surprise. Nous sommes retournés à la maison. Avant de me laisser rentrer dans le salon, mon père m'a dit que ça ne me ferait pas de mal de m'amuser un peu, avant. Lorsque j'ai vu le petit sourire de satisfaction qu'il affichait, avant même de pénétrer dans le salon, j'ai su qui m'y attendait.
A mon entrée, mes grands-parents se levèrent et esquissèrent un pâle sourire qui s'effaça bien vite quand mon père arriva à ma suite. Il vint se placer derrière moi et posa une main sur mon épaule. Je brandis ma baguette devant moi et successivement, je lançais deux sortilèges de Doloris, et tandis que mes grands-parents se tordaient de douleur devant moi, mon esprit était vide de tout remord. Puis je ne leur laissa pas même le temps de se relever, l'éclair vert frappa d'abord ma grand-mère. Le second Avada Kedavra terrassa mon grand-père en un clin d'œil, tandis que mon père partait d'un grand éclat de rire. Je me tournai vers lui et lorsqu'il me regarda, pour la première fois depuis des années, je reconnus dans son sourire, le père que j'avais connu il y a si longtemps. Je me suis rendu compte que d'avoir jeté ces Sortilèges Impardonnables ne me faisait aucune peine. Peut être juste un goût amer en surface, alors que tout au fond de moi, je restais une certaine joie et de la fierté pour ce que je venais d'accomplir. Mon père s'en rendit compte aussitôt compte et me dit qu'il était très fier de ce que sa fille venait d'accomplir. "Sa fille", ses paroles résonnèrent longtemps en moi, car jamais encore auparavant, il m'avait ainsi appelée…
Voilà, tu sais tout, Severus : comment à dix ans, j'ai tué un moldu et deux sorciers, que, parmi les premiers sorts que j'ai jetés avec ma baguette, figurent le sortilège de Doloris et l'Avada Kedavra, que je n'ai jamais éprouvé aucun remord pour ce que j'ai fait et que jamais je n'en éprouverai …
Anae ne put continuer, Slaz venait de se redresser et sifflait avec rage.
Je ne suis pas d'accord, tu as oublié une partie très importante ! Et moi, dans tout ça ? Tu n'en parles même pas ?
L'intervention du serpent détendit l'atmosphère. Anae n'empêcha son rire de résonner.
Très bien Slaz, tu as raison, comment ai-je pu t'oublier ? Comme tous les dignes descendants de Salazar, je me devais d'avoir un serpent. Mon père m'a offert Slaz le jour qui suivit la mort de mes grands-parents. Et depuis ce jour, ajouta Anae avec malice, cette affreuse bestiole me fait subir son caractère de cochon …
Elle tapota avec tendresse la tête du boa qui boudait. Slaz se retourna, jeta un regard dédaigneux à sa maîtresse et s'éloigna en râlant avec force de sifflements. Anae le suivit des yeux un instant, puis elle reporta toute son attention sur Severus qui n'avait encore rien dit.
Alors, ta soif de connaissance a-t-elle été abreuvée ? lui lança-t-elle, d'un ton vif, presque méchant.
Elle se leva et vint se poster devant la fenêtre, observant les jeux de la lune et des étoiles qui lentement se levaient au-dessus de la Forêt Interdite.
Elle sentit tout à coup une présence derrière elle. Ses longs cheveux volèrent autour d'elle, alors qu'elle se retournait vivement. Aussitôt, elle se retrouva dans les bras de Severus.
Pardonne-moi, lui murmura-t-il à l'oreille, je ne voulais surtout pas te blesser, j'ai été un véritable idiot.
Lorsqu'il se pencha pour l'embrasser, elle ne se déroba pas à son étreinte. Au contraire, elle répondit avec passion à son baiser.
