- Les canons de Chudley ont perdu leur gardien… des fois je me dis que j'aurais pu le remplacer. Si je n'étais à des milliers de kilomètres de là et si j'étais vraiment doué pour ce sport.
Je ne sais pas pourquoi je me fatigue à lui parler. Visage pâle et fermé, il ne sait même qui je suis. Pas plus d'importance aux yeux de mon père que le médicomage qui vient lui piquer le postérieur chaque jour.
Je me laisse tomber dans le fauteuil et fais glisser ma main sur la sienne. Rien ne se passe, je la retire avant que quelqu'un ne surprenne cet excès de tendresse.
Je m'ennuie… y'a rien à dire, je m'ennuie. J'ai envie de partir et faire comme je l'avais si bien fait jusqu'à maintenant : oublier mon père mourrant dans ce lit.
Et finalement, je me lève, rageant contre ma sœur qui m'a laissé l'espoir que tout avait changé. J'ai bien vécu en me croyant orphelin jusqu'à maintenant, je ne vois pas pourquoi ça changerait. Je referme la porte sans un regard arrière et me dirige nonchalamment vers la zone de transplanage.
- Mr Weasley ! Vous partez déjà ? Nous allions lui donner à manger…
Qu'ils ne comptent pas sur moi pour rester ébahi devant un homme qui mange sa soupe, comme s'il s'agissait d'un bébé.
Je sers la main qu'on me tend et articule :
- Je dois y aller…
- Oh… vous êtes un homme occupé… Mais vous repasserez non ?
- Je pense…
- Et bien bonne journée Mr Weasley.
- 'journée.
Cette fois, je pars pour de bon avant que d'autres personnes n'aient une idée lumineuse pour accroître ma culpabilité.
Un claquement… bonjour le chemin de Traverse… bonjour les glaces sur la terrasse ensoleillée. Mouais… avec la chance dont je fais preuve aujourd'hui, je serais capable de croiser une connaissance.
Je commande mon sorbet de bièreaubeurre et m'installe au fond de la salle aménagée, les yeux rivés sur cette rue qui a retrouvé sa popularité. Jusqu'à ce que…
- Ron… ne me dis pas que tu n'y es pas allé…
Hermione s'approche de moi, une glace à la violette dans sa main droite et un bouquin dans l'autre. Elle dégage une chaise et s'installe à côté de moi, pas moyen d'échapper à son regard.
- Et toi… c'est comme ça que tu travailles ?
- C'est pas ce que tu crois…
Tiens, Hermione qui se sent gênée… prise au piège elle panique pour chercher un échappatoire. Moi qui ne croyais pas vivre assez vieux pour goûter à ce plaisir. Je souris malgré moi et je lui dis :
- Bien, j'oublie que je t'ai vu ici et tu en fais de même.
- Ron… c'est pas sérieux… il faut réellement que tu ailles le voir. Tu le sais non ?
Est-ce que je dois réellement lui avouer que je suis passé le voir et que je n'ai rien lu d'autre dans ses yeux que la vague représentation du néant. Lui avouer que des larmes sont restées coincées dans ma gorge. Lui avouer que j'ai eu l'envie de le ramener avec moi…
- Tu ne peux pas t'empêcher de gâcher les plaisirs simples que je m'offre… une bonne glace…
Je la lèche avidement elle la voit sourire malgré elle. J'avais oublié que son sourire illuminerait même les plus sombres tavernes. Elle va me faire craquer et elle sera fière d'elle. C'est injuste… injuste qu'elle ait cet avantage sur moi.
- Je n'arrive pas à rester avec lui…
Voilà, j'ai réussi à le dire. J'aurais pu en rester là… mais comme d'habitude, il faut que je me fasse passer pour plus crétin que ce que je suis.
- J'ai peur je crois… comme quand tu te retrouves seul dans un pièce que tu ne connais pas et que les torches viennent de s'éteindre.
- Ron l'auror a peur dans le noir ?
- Presque auror… je ne risque pas de le devenir si cette nouvelle fait le tour du pays.
- Sérieusement Ron… c'est important pour lui.
- Il ne se rend même pas compte de ma présence.
- Il ne te le montre pas… mais il la ressent. J'en suis certaine.
Pourquoi faut-il qu'elle ait toujours des phrases en réserve pour démonter tout ce que je dis hein ?
- Je vais venir avec toi…
- Hermione… j'y suis déjà allé.
- Et bien ça fera que la seconde fois en deux ans.
Sûr qu'elle avait préparé le coup… sûr qu'elle a tout fait pour m'amener à dire ça. Et le pire c'est que ça a marché. Et malgré moi, je me lève à mon tour et la suis dans cette rue bondée, avant de me faire rattraper.
- Ron… attends…
Sa main attrape la mienne et mon cœur accélère malgré lui. Merlin pourquoi se rapproche-t-elle autant. Je ferme les yeux et ouvre légèrement la bouche, alors que son doigt se pose sur mon nez.
- Voilà, t'es plus présentable là.
De la glace sur le visage… elle a juste essuyé de la glace. Je me gifle mentalement pour avoir cru un court moment qu'elle allait m'embrasser. Quel idiot… ça n'arrivera plus… au vu du fait que je l'ai trahie, salie et prise pour une gourgandine.
Et je me laisse porter pour la seconde fois à travers les couloirs aux murs blancs, comme un enfant qui doit aller voir le médicomage pour un simple rhume.
- Oh Mr Weasley, vous voilà déjà ? Vous êtes accompagné… mais vous savez que seule la famille peut venir le voir en ce moment. Votre père est très fatigué…
Hum… je ne sais pas comment il a pu voir que mon père était fatigué… un regard plus vide que d'habitude ? Pas possible. Je lance un S.O.S à Hermione par le regard et elle y répond en me prenant la main.
- Je suis sa femme.
- Oh… j'ignorais que Mr Weasley était marié… Eh bien allez-y. Je suis certain que votre père va être content de vous revoir.
Oui, tellement content qu'il va peut-être bouger le petit doigt. Mais je m'en fiche. Moi Ronald Weasley suis marié à Hermione Granger pour au moins le temps que je serais entre ces murs.
Elle a menti pour moi… et quel mensonge.
