Cher Ron,
Lis cette lettre jusqu'au bout avant d'avoir l'idée de la jeter dans l'eau du Mississipi. Je ne l'ai pas écrite pour te blâmer, mais simplement pour te dire que j'aimerais te revoir rapidement, j'ai des choses à te dire, des choses qui ne peuvent pas se contenter d'un bout de papier pour exister.
Je crois voir ton visage changer d'expression en parcourant ces lignes, je sais et je conçois que tu ne veuilles plus revenir auprès de nous, mais s'il te plaît, il en va de notre futur, fais ce geste. Je te laisserai repartir sans parler de ta venue si tel est ton choix.
Je t'embrasse,
Hermione Granger.
Cette lettre, voilà plus de un an et demi que je l'ai reçue, je n'y ai pas répondu, je n'y suis pas allé. Pourtant, je la garde encore avec moi, un peu pour me prouver, que elle, pense encore à moi. Ce n'est pas une chose qui est rassurante en soi, car si je suis ici, c'est bien parce que je voulais fuir la vie qui n'était plus la mienne là-bas.
Aujourd'hui pourtant, tout est différent, aujourd'hui, mon meilleur ami a décidé de prendre ma sœur pour femme. De ce fait, je suis là devant ma glace brisée à maudire cette cravate que soit disant un témoin se doit de porter.
Il me paraissait complètement idiot de concevoir un mariage dans cette atmosphère de guerre qui est encore la notre aujourd'hui. Mais Ginny, si lucide, a eu le mot qu'il fallait, selon elle, c'est la guerre qui fait la tristesse, mais il ne tient qu'à l'homme de ne pas la laisser nous prendre toutes nos joies.
J'ai écouté, acquiescé et me voilà ici à me ronger les ongles en pensant que d'ici quelques minutes, j'aurais les yeux chocolat de Hermione face à moi. Merlin, pourvu que je ne cède pas.
L'horloge me presse et sa dernière sonnerie me fait comprendre que je risque d'être en retard si je ne me dépêche pas. Dans un claquement, je ferme les yeux pour ne pas me voir arriver dans ce parc londonien si réputé: StJames. Encore une fois, ils ont su nous prouver que la guerre ne leur faisait pas peur. Quelques sorts bien menés par les plus grands des sorciers et ce parc, pendant l'espace d'un instant, n'existe plus aux yeux des moldus.
Le froid de ce mois de décembre me fait frissonner et je tire un peu sur le col de ma robe. Me fiche de savoir qu'on ne verra plus ma cravate, de toute façon, je me demande si je ne l'ai pas nouée à l'envers. Je m'avance vers la robe blanche que ces gens que je n'ose pas regarder admirent. Fallait vraiment que je l'aime ma sœur pour oser revenir ici. Et j'essaie de sourire en la voyant me tendre les bras. Apparemment, elle n'était toujours pas certaine que je viendrais.
Personne ne me parle, ils se contentent de leurs yeux pour se faire une idée sur moi. Ca m'est égal, au moins, Harry a l'obligeance de me faire un brin de conversation que je n'écoute pas. Déjà mon regard fuit vers les alentours, redécouvrant des personnes qui ont bien changées en l'espace de presque deux ans. Je suis hypocrite avec moi même… car je sais où mon regard veut atterrir.
- Ron… on doit te laisser, on doit rencontrer le mage qui va officialiser notre union… une dernière fois. Ca va aller?
Je souris à Ginny et m'éloigne d'eux. Un arbre fera très bien l'affaire, loin de la foule je pourrais observer plus facilement tous ces gens.
Généralement, c'est quand on veut réellement être seul qu'on ne l'est jamais. Et cette fois ne fait pas exception à la règle. Déjà un homme plutôt grand, à la démarche traînante s'approche vers moi. Des cheveux bruns, et son visage rougit qui à l'air de crier « je suis désolé d'être là », me fait ressentir de la sympathie à son égard. C'est donc sans me méfier que je laisse s'adosser à mon arbre et tenter de me faire la conversation:
- Bonjour… c'est impressionnant hein?
Je ne vois pas réellement où il veut en venir mais j'acquiesce par commodité. Puis je détourne mon regard en le voyant me fixer allégrement.
- Vous êtes du côté de la mariée ou du marié?
- Des deux…
- Ah c'est possible ça, chez vous?
Ce qui est possible en tout cas, c'est que cet homme a abusé de la boisson que l'on sert au vin d'honneur. Je souris et tente de faire bonne figure.
- Et vous?
- Hum… en fait, ni l'un ni l'autre. J'accompagne une amie des deux personnes…. A vrai dire je suis un peu perdu ici…
- Où est-elle?
- Oh… elle va arriver je pense. Elle avait quelque chose à régler, étant donné que je suis un… comment vous dîtes déjà… Dolmu?
Je reste perplexe face à ce qu'il vient de me dire. Je n'ai pas encore bu et normalement, j'ai encore la possibilité de réfléchir convenablement. Je tente sans réellement pouvoir y croire:
- Moldu?
- Oui c'est ça.
Je ne sais pas ce qu'un moldu vient faire ici et je souris en imaginant la tête que mon père ferait s'il l'apprenait. En fait, il ferait certainement la même tête que maintenant…
- Imaginer ma tête lorsque j'ai appris qu'il existait réellement des sorciers? Je suis plutôt du genre terre à terre vous comprenez…
- Je comprends.
- Au fait, moi c'est David, je suis tourneur-fraiseur… vous connaissez ce métier?
Je hausse un sourcil, moi qui le croyait sympathique, le voilà qui me prend littéralement pour un imbécile.
- Vous faites des glaces à la fraise?
Je ne comprends pas pourquoi il se met à rire et je ne prends pas le temps de me poser la question, à savoir si je dois m'énerver ou pas. Je la vois… rayonnante comme la fois où je l'ai vue descendre l'escalier au bras de Krum. Et elle s'approche, trop tard pour faire demi-tour. Mais au moins, elle à l'air aussi gênée que moi. L'expression de son visage ne me trompe pas.
- Ron… je te présente David, mon petit-ami.
J'essaie de déglutir et m'étouffe à moitié. Tant mieux, le fait de tousser me fait fermer les yeux. Je pensais juste qu'elle était gênée de me voir… elle l'était plutôt de me voir parler avec son… Merlin pince moi… petit ami.
- Ron ça va?
- Fichu vent d'hiver…
A peine ai-je eu le temps de dire ça que la neige se met à tomber. Il ne manquait plus que ça. Je dévisage l'homme qui tient Hermione par la main et refreine une envie de meurtre.
Je suis un piètre crétin, à quoi voulais-je m'attendre? Je ne pouvais quand même pas concevoir qu'elle ne m'attendrait… pas après mes non-réponses.
- C'était ça que tu voulais me dire?
Je la vois bafouiller et son David s'éloigner dans un sourire gêné. Jusqu'à ce qu'une cloche nous rappelle à l'ordre. Devoir de témoin oblige, elle m'achève avec la seule chose que je ne voulais pas entendre:
- On en parle ensuite tu veux?
Sans même la regarder, je m'éloigne pour rejoindre Harry et faire mon devoir de témoin… Merlin pourquoi n'ai je pas demander à Ginny qui était son témoin? Ca m'aurait évité de subir ce même regard chaud venant d'Hermione… celle qui n'était plus à moi.
Sitôt la cérémonie achevée, je me laisse entraîner vers les grandes tentes qui furent dressées pour l'occasion et le regard vide, j'attends patiemment qu'elle me dise ce qui avait l'air si important pour elle.
- Ron, je suis désolée de te l'apprendre seulement maintenant mais il était très important pour moi de te le dire en face à face… j'ai fait promettre aux autres de ne rien te dire avant moi…
- Hermione… on n'est pas liés l'un à l'autre, tu fais ce que tu veux…
Je suis sincère dans mes paroles mais je ne sais pas pourquoi elle vient de se prendre la tête entre les mains. C'est vrai quoi, elle un copain, ça aurait pu être pire, non? Et voilà une fille qui approche avec un bébé dans les mains, elle n'est même pas capable de voir qu'on ne veut pas forcément être dérangé. Elle a de la chance que je sois déjà trop aux centres des attentions à mon goût pour faire un autre scandale.
Je la laisse s'approcher et dévisager une Hermione pleurante. Puis me regardant avec cet air qui veut dire « et tu ne fais rien toi? », elle me tend machinalement le bambin dont la tête est recouverte d'un bonnet blanc et se penche vers Hermione.
Qu'est-ce que je fais là moi? Un bébé… je n'ai jamais tenu de bébé et celui là me sourit de toutes ses gencives. De grands yeux marron qui me font frissonner et je me prends d'amitié pour un mioche qui confond ma chemise avec un bavoir.
- Hermione… il est adorable ton bébé…
Je comprends désormais que ce frisson venait du cœur… des yeux que je connaissais. Merlin, ne me prends plus aux pieds de la lettre quand je dis que ça pouvait être pire.
