Epilogue : partie I "Il est des blessures qui jamais ne se refermeront"

Au loin l'orage grondait, les nuages poursuivaient leur course effrénée. La pluie avait cessé et la terre était gorgée d'eau. Quelques pâles rayons du soleil pointaient entre les nuées grises. L'air était devenu plus respirable, toute trace de canicule avait été chassée par l'orage.

Tous les volets de la maison étaient clos, l'obscurité était totale dans toutes les pièces et rien ne bougeait. Pas âme qui vive, semblait-il. Pourtant, à l'étage, une silhouette sombre était assise en silence au bord d'un lit. Elle n'esquissa aucun mouvement lorsqu'une forme mouvante ondula sur le plancher : le serpent entreprit de se hisser sur le lit, il vint, comme un chien qui sent la détresse de son maître, appuyer sa petite tête triangulaire contre le bras du sorcier. Le reptile siffla doucement, mais l'homme se prit simplement la tête entre ses bras et poussa un long soupir plaintif. Le serpent insista et répéta son sifflement :

Lucius est en bas, siffla Slaz, il voudrait te voir, il s'inquiète pour toi …

Severus ne répondit rien, il chassa le serpent avec douceur mais fermeté et se leva. Il alla s'appuyer contre la fenêtre aux volets clos.

Il ne se retourna même pas lorsque la porte s'ouvrit pour laisser entrer son ami.

Severus … murmura alors Lucius.

Laisse- moi tranquille …

Lucius fit quelques pas de plus dans la chambre, songeant que c'était déjà une bonne chose : Severus ne l'avait pas encore mis dehors.

Lorsque son ami se retourna finalement, Lucius eut un choc : Severus n'était plus que l'ombre de lui-même. Il avait de grandes cernes sous ses yeux qui avaient perdu leur flammes, une barbe de quelques jours masquait avec peine ses joues creusées ; ses cheveux noirs et graisseux tranchaient avec la pâleur de son teint.

Qu'est-ce que tu fais ici, Lucius ? Je croyais avoir demandé à ce qu'on me laisse tranquille … Est-ce trop demander ?

Je sais, Severus, je sais. Mais je me fais du souci pour toi, Slaz m'a dit que cela fait plusieurs jours que tu n'as pas quitté cette chambre.

Je n'ai envie de voir personne …

Je comprends tout à fait, Severus, mais ce n'est pas une raison pour …

Lucius allait ajouter "te morfondre", mais il se rendit compte qu'il risquait de blesser son ami.

… pour rester tout seul …

Et si j'en ai envie, si je souhaite demeurer seul avec mes souvenirs, puisque c'est toi ce qu'il me reste … Tu veux que je les perde également ?

Ne me fais pas dire ce que je n'ai pas dit …

Je …

Severus s'interrompit, et se retourna de nouveau vers la fenêtre, il posa son front contre la vitre et de son poing gauche, frappa rageusement le mur. Lucius voulut le réconforter, mais il retint son geste et resta le bras tendu devant lui. Il murmura juste quelques paroles qu'il voulait réconfortantes.

Je sais ce que tu ressens … Severus … le vide qu'il y a maintenant.

Tu te trompes, Lucius, répondit doucement Severus, tout en se tournant de nouveau vers le sorcier. Même si le lien qui vous unissait était très fort, jamais tu ne pourras comprendre, ni même imaginer ce que je peux ressentir. C'est très simple : elle était tout pour moi et jamais personne ne saura combien je l'ai aimée …

Un peu honteux, Lucius baissa les yeux devant cet aveu et le regard rempli de souffrance de Severus.

Ils restèrent face à face, en silence. Lucius fut le premier à briser le silence pesant.

Tu sais, elle n'aurait pas voulu que tu te laisses abattre …

Severus acquiesça en silence.

Ne reste pas dans cette chambre lugubre …descendons au moins au salon …

Que ce soit ici ou ailleurs … soupira Severus en parlant plus pour lui-même que pour Lucius. Peu m'importe après tout … je croise des souvenirs dans chaque pièce. Tout autour de moi se souvient d'elle… pourtant je ne reconnais plus rien. Je marche sur ses traces sans les voir, je crois la voir apparaître dans toutes les pièces de cette maison, pourtant je suis seul ici, désormais.

Lucius prit Slaz dans ses bras et escorta Severus jusqu'au salon, il déposa le serpent sur le canapé, pendant qu'il ouvrait en grand les fenêtres et les volets. Un flot aveuglant de lumière envahit alors la pièce : le ciel avait été lavé des dernières traces de l'orage.

Bien, maintenant que tu as réussi à me faire descendre, que proposes-tu, Lucius ?

Avant tout, je crois qu'un grand café bien noir s'impose.

Il disparut dans le cuisine et s'affaira à préparer le café. Pendant ce temps, Slaz vint se blottir sur les genoux de Severus qui le laissa faire sans broncher. Lucius réapparut au bout de quelques instants, deux tasses fumantes dans la main. Il en tendit une à Severus, puis s'assit en face de son ami. Severus but une gorgée puis fit la grimace.

Il est bizarre ton café, qu'as-tu mis dedans ?

Lucius le goûta à son tour et fit lui aussi une drôle de tête, avant de répondre :

Bah du café … c'est vrai que ce n'est pas super …

Es-tu sûr que tu sais en faire ?

Lucius eut alors un petit rire gêné.

Euh … en fait c'était la première fois que j'essayais …

Severus reposa sa tasse sur la table basse, à côté d'un important paquet de lettres.

Qu'est-ce que c'est ?

Ah oui, il y avait tout un tas de lettres par terre quand je suis arrivé, je les ai ramassées.

Laisse-moi t'aider, proposa Lucius, tandis que Severus prenait la première enveloppe. Nous irons plus vite si nous nous mettons à deux.

Severus le remercia d'un petit hochement de la tête.

Une grande majorité était des lettres de condoléances. Cependant une enveloppe attira l'attention de Severus, en haut à gauche, une baguette et un os étaient croisés.

Tiens, qu'est-ce que c'est ? Sainte-Mangouste, lut alors Severus.

Lucius eut soudain l'air paniqué et tenta de prendre la lettre.

Oh,ça … ça doit être une publicité, balbutia-t-il d'une voix qu'il espérait calme. Tu devrais la jeter…

Mais son regard bouleversé interpella Severus. Il commença à décacheter l'enveloppe.

Severus, n'ouvre pas cette lettre ! ne put s'empêcher de crier Lucius.

Le sorcier intrigué reposa l'enveloppe. Il fronça les sourcils.

Pourquoi ne l'ouvrirai-je pas ? Tu as raison, ça doit être une publicité ; alors quel mal peut-il y avoir à la lire ?

Je t'en prie, Severus, débarrasse-toi de cette lettre, ajouta Lucius d'une voix misérable.

Que me caches-tu ? Tu n'as jamais été très doué pour garder ses secrets …

Je ne te cache absolument rien …

Alors donne-moi une bonne raison de ne pas lire ce qu'il y a écrit dessus ?

Résigné, Lucius ne fit que soupirer, lui-même ignorait ce que contenait la lettre, mais il s'en doutait puisque Narcissa avait reçu la même quelques mois auparavant.

Severus déplia la lettre et en commença la lecture. Au fil des mots, son visage déjà très pâle blêmit. Il continua sa lecture jusqu'au bout, puis reposa la lettre. Il regarda Lucius d'une drôle d'expression qu'il ne put déchiffrer, Lucius s'attendit alors au pire.

Tu … Tu étais au courant, demanda-t-il d'une voix très calme.

Non, avoua Lucius, mais Narcissa et moi sommes tombés sur Anae à Sainte-Mangouste … Elle nous a fait jurer le secret jusqu'à ce qu'elle soit sûre … Elle voulait te faire la surprise …

Voyant le visage déconfit de son ami, il préféra se taire.

Lucius …

Oui ?

J'ai besoin d'être seul … Va t'en, s'il te plaît … Il faut … Il faut que je réfléchisse …

Ne va pas faire de bêtises, Severus …Rien de ce que tu pourrais tenter ne la ramènera, elle et le bébé …

Lucius … n'insiste pas. Pars et prends Slaz avec toi !

Le serpent émit des sifflements indignés de protestations.

Je dois vraiment être tout seul …

Lucius capitula, prit Slaz qui se démenait comme un bon diable, jeta un dernier regard inquiet à Severus et sortit.

Epilogue : Partie II :

Severus prit rapidement sa décision, le soir même, il quitta la maison où pendant de trop courtes années, il avait vécu avec Anae. Il jeta un sort très puissant afin que personne ne vienne troubler la quiétude de ces lieux.

Il se transplana aussitôt et se retrouva alors dans un petit cimetière qui semblait abandonné. Personne ici ne venait troubler le repos des morts. Il s'arrêta devant la tombe tout simple d'Anae. Le vent de cette fin du mois d'août emportait au loin ses paroles.

Je sais que ce que je vais faire ne t'aurait pas du tout plu. Mais Lucius a raison, tu ne voudrais pas que je reste à me morfondre dans mon coin…Ce que je fais, je le fais pour toi…

Il essuya les larmes qui coulaient sur ses joues, en se jurant que ce serait les dernières.

Il se transplana à nouveau et aboutit dans un long couloir obscur, couloir qu'il connaissait par cœur désormais. La porte de la crypte était ouverte. Il sortit sa baguette, juste au cas où.

Le Seigneur des Ténèbres semblait l'attendre.

Severus s'avança vers lui, sans aucune hésitation ni appréhension.

Vous savez pourquoi je suis ici, annonça-t-il sans préambule.

Oui.

Lord Voldemort sonda l'esprit de son Mangemort.

Ainsi ta décision est prise, Severus ?

Il hocha la tête en silence.

Et qui as-tu choisi ? demanda le Seigneur des Ténèbres.

Lucius.

Voldemort ricana.

Oui bien sûr …Est-il déjà au courant ?

Non, maître. Il n'en sait rien.

Et bien je te laisse le lui expliquer …

Lucius venait de se transplaner à l'instant, un peu surpris par cette "convocation". Il fut encore plus surpris en écoutant les paroles de Severus.

Mais voyons, c'est de la folie !

Je sais très bien ce que je fais, Lucius !

Rien de ce que je pourrais dire ne te fera changer d'avis ?

En effet …

Tu es libre de refuser Lucius, intervint alors Lord Voldemort.

Jamais, s'insurgea le Mangemort.

Merci Lucius, lui chuchota Severus.

Je persiste à dire que c'est de la folie, mais bon …

Qu'on en finisse, dit Severus.

Le Seigneur des Ténèbres recula et observa ses deux Mangemorts qui se faisaient face, baguettes tendue droit devant eux, leur pointe se touchant presque.

" Que ce serment

Fait en cet instant

A jamais reste caché,

Que le secret

A un seul ne soit confié

Et aux autres dissimulé.

Aucun sort, aucune pensée

Ne pourra le trahir, jamais.

Seul le Gardien

Pourra le révéler."

Un éclair vert émeraude jaillit alors des baguettes et se rejoignit pour former une petite boule lumineuse. Severus retourna sa baguette contre sa tempe et la tourna, un filament argenté s'entortilla autour de la baguette qui se mit alors à briller plus fortement. Severus tendit de nouveau sa baguette devant lui et le filament se retrouva emprisonné dans la boule lumineuse qui scintilla de plus belle. Lucius et Severus se rapprochèrent encore plus et levèrent leur bras libre, au dessus de la boule de lumière. Un éclair rouge jaillit alors de la baguette de Lord Voldemort et toucha les bras tendus des Mangemorts. Leur sang coula sur la boule en un mince filet écarlate.

"Les deux sangs ont été versés

Ils se sont mélangés

Pour garder le secret,

Que personne d'autre ne connaît

Désormais"

La boule grossit encore et changea de couleur : de vert elle passa à un bleu très clair.

Lucius pointa la baguette sur sa tempe et la boule disparut comme aspirée par la tête du Mangemort.

Le Seigneur des Ténèbres prit alors la parole et s'adressa à Severus :

Désormais, Lucius est ton Gardien du Secret. A partir de maintenant, tu as définitivement quitté les rangs de mes Mangemorts, personne d'autre ne saura que tu m'es resté fidèle, que ton rôle d'espion pour Dumbledore n'est qu'une façade. Tu sais ce que tu risques, Severus ?

Oui Maître.

Si certains de mes fidèles partisans veulent te tuer car ils te considèrent comme un traître, je ne pourrais les en empêcher.

Je le sais, Maître.

Bien qu'il en soit ainsi.

Après s'être inclinés, les deux Mangemorts quittèrent la crypte.

Pourquoi as-tu fait ça, Severus c'est de la folie …

Tu sais très bien quelles sont mes motivations, Lucius…La mort d'Anae ne restera pas impunie. Je veux qu'ils payent, tous ! Pas seulement Potter et Black, mais Dumbledore et tous les autres. Il faut les miner de l'intérieur …

Je …

Je sais, Lucius, je sais, soupira alors Severus.

Il s'éloigna et s'arrêta soudain.

Lucius, prends bien soin de Slaz … et merci …

Je …

Lucius ne savait pas quoi dire.

-Bonne chance, Severus, lui souhaite-t-il simplement.

Il vint à la hauteur de Severus et les deux sorciers se serrèrent la main.

Ils se transplanèrent alors chacun de leur côté pour suivre une route différente.

FIN