La tête me tourne et je me sens tout d'un coup nauséeux. Un coup de massue qui me fait prendre en compte le changement dans nos vies… Dans sa vie. Moi qui étais certain de pouvoir retrouver le monde tel que je l'avais laissé, je me rends compte que rien n'est plus comme avant. Rien ne le sera désormais plus. Ma sœur est mariée avec mon meilleur ami et Hermione va sans doute en faire de même avec cet homme qui lui a donné ce fils.

Merlin que cette cabane qui me sert de maison est pitoyable… vide… l'expression totale de la vie de celui qui l'habite. Oui c'est ça… je suis un homme désespérément ennuyeux.

- Ron… ça va ?

Je ne lève pas la tête. Harry vient d'arriver et je n'ai plus le courage de lui faire remarquer qu'il n'est pas chez lui ici et qu'il devrait frapper avant d'entrer.

- Tu veux qu'on parle ?

- Parler de quoi ? J'ai été assez bête pour croire que tu me le dirais s'il se passait quelque chose d'important dans nos vies !

- Je le fais…

- Et ? Un bébé n'est pas une chose importante à tes yeux ?

- Tu ne voulais plus entendre parler d'Hermione… et elle voulait être la seule à te le dire. Maintenant, je ne pense pas que ce soit à moi qu'il faut que tu t'en prennes…

Et voilà qu'il veut encore me faire passer pour celui qui repose tous les malheurs du monde sur les bras des autres. Cette fois, il ne gagnera pas… il ne peut pas gagner, j'ai toutes les raisons du monde de lui en vouloir.

- Mais ce genre de choses… enfin… tu aurais pu me forcer à aller la voir ! Tu étais au courant et… Merlin mais pourquoi est-ce qu'elle n'est pas venue ? Oh et puis, je m'en fiche, elle refait sa vie et c'est très bien !

- Enfin une parole censée…

Je mords ma lèvre pour éviter de lui foncer dessus. Mais pour qui se prend-t-il ? Depuis quand a-t-il l'esprit si suicidaire ? Et l'idée me vient. Il me paraît clair qu'une fois de plus, entre moi et elle, son choix a été vite fait.

Mon regard d'indifférence a dû le faire raisonner car le voilà qui reprend sur un ton d'excuses :

- Enfin Ron… voilà je ne sais combien d'années que tu veux nous faire croire que tu es quelqu'un de libre, sans aucune attache. Tu crois réellement que ton comportement avec Hermione te rendait crédible ?

- Ne cherche pas à jouer dans l'ironie… je suis aussi heureux de sa nouvelle vie que je le suis de la tienne… je ne fais aucune différence entre vous deux… moi.

- Qu'est-ce que tu veux dire par là ?

Son regard se fait plus froid, et je sais que le moment de la confrontation est arrivé. Ca fait tellement longtemps que je rumine tout ça que je ne peux laisser passer cette occasion, coûte que coûte, je dois en avoir le cœur net.

- Tu te souviens le tournoi des trois sorciers en quatrième année ?

- Bien sûr mais où veux-tu en venir ?

- La seconde tâche… sous l'eau… Tu es venu me rechercher… moi… la chose la plus importante à tes yeux.

- Ah je vois, et tu veux savoir si c'est toujours le cas maintenant ? Ron ! C'est une conversation de gamins !

- Non… ce que je veux savoir, c'est… si Krum avait eu d'autres amis que Hermione… si elle n'avait pas été sa chose précieuse. Lequel des deux serais-tu allé rechercher.

- Tu te rends compte de ce que tu me demandes là ? Je te rappelle, que ce n'est pas moi qui ai choisi de te faire descendre sous l'eau, et que j'aurais sans doute été incapable de… de faire un choix.

- Je m'en doutais… Je te demande d'être franc… pour une fois.

- Tu veux que je sois franc ! Alors je vais l'être ! Tu me demandes qui je choisirais entre toi et elle ? Alors je vais te le dire clairement.

Sa main emmêle un peu plus ses cheveux et je suis maintenant sûr qu'il ne reculera pas. Suis-je réellement certain de vouloir la réponse à cette question ?

- Je choisirais celui qui n'aura pas l'audace de me demander de faire un choix. Celui qui sera assez intelligent pour comprendre que je ne peux pas choisir. En gros Ron… je n'ai jamais pris partie pour l'un ou pour l'autre mais si tu veux que je le fasse, alors je vais le faire.

Je le vois se diriger vers la porte et une boule se forme dans ma gorge…

- Bonne soirée Ron.

Me voilà de nouveau chez moi, avec pour seule compagnie une culpabilité qui refroidit l'atmosphère du lieu.

Ma main vient frapper le mur et laisse une trace de sang sur la peinture écaillée. J'ai réellement tout perdu aujourd'hui… ma sœur… mon meilleur ami et celle à qui je me raccrochais.

Voilà bien la première fois que je me l'avoue… elle était sans doute la personne la plus probable d'épouser un crétin comme moi.

Hermione maman… qui l'aurait cru…. Pas moi en tout cas. L'égoïste que j'étais, pensait qu'elle n'irait pas voir ailleurs après… Et puis, elle est bien trop jeune pour ça… et puis… et puis c'est la guerre, pas un monde qui est fait pour accueillir un bébé. Un bébé qui n'aura pour seule protection qu'un moldu de père qui ne connaît rien du mage noir et de sa cruauté… Qui va lui apprendre à voler sur un balai ? Pas lui… pas Hermione. D'ici quelques temps, ils vont déménager loin d'ici et on aura pour seules nouvelles qu'un hibou tous les quinze jours. Encore, par beau temps. Avec moi, au moins, on aurait pu transplaner… en quelques minutes, on aurait fait le tour de la famille… le tour du monde. Je leur aurais montré les chutes du Niagara et les merveilleux toits bleus de Santorin. Je lui aurais raconté les malédictions des temples égyptiens et on aurait bu une bièraubeurre en regardant le soleil se coucher sur les dunes du Sahara.

Merlin, me voilà à dérailler complètement… je ne peux casser un couple même par de simples pensées. Je ne peux souhaiter qu'un couple se sépare, lorsqu'il est histoire d'un enfant… Je ne peux revenir sur des avis mûrement réfléchi depuis longtemps. Non, Hermione Granger n'est pas pour moi. Je dois l'oublier… pour de bon cette fois.