Un an et demi… un an et demi et déjà un enfant… Décidemment, il y a des choses auxquelles je n'arriverais jamais à me faire.
Ma baguette vise les différents coins de mon appartement et je ficelle ma valise en quelques minutes rapides. Voilà six mois que le monde sorcier a retrouvé un semblant de paix, six mois que je suis au chômage technique, faute de mangemorts à se mettre sous la dent. Six mois que je lutte contre Ginny pour rester ici, loin d'eux… loin d'elle.
Elle a poussé le vice jusqu'à me trouver un travail de gardien dans ce journal qu'elle dirige… Je sais que je ne dois pas faire la fine bouche… je n'ai aucun diplôme et j'ai passé l'âge de faire des études. Je dois me contenter de ce qu'on m'offre, la guerre finie, je suis quelqu'un comme tout le monde. Mais ce travail n'est pas pour moi… je ne peux pas me résoudre à la croiser chaque jour que Merlin fera.
Ainsi donc, ma décision était prise : dépérir ici… Enfin, jusqu'à ce que ma petite sœur trouve encore une bonne idée pour me faire bouger de ce trou : la naissance de leur premier enfant.
Ginny maman… après Hermione, je pensais avoir tout vu. Enfin, je suppose que je dois être heureux du fait qu'elle ait attendu d'être mariée… elle.
Inlassablement, mes pensées se tournent vers celle que je m'étais promis d'oublier. Elle est maman… et bientôt l'épouse d'un moldu fabriquant de glace à la fraise. Il n'y a rien à faire, je n'arrive pas à m'y faire… Je ne voulais pas qu'elle devienne ma femme… je ne voulais pas qu'elle perde son temps avec un crétin comme moi… mais j'aurais préféré que… Merlin, empêche moi de finir cette phrase.
Sans laisser le temps à ma conscience de me faire regretter ce voyage, je disparais dans un claquement et retrouve le doux effluve estival du Terrier. Rien n'a changé ici et l'odeur du lilas fait remonter dans mon esprit des souvenirs enfouis.
Je sers mon sac contre moi et laisse mes pas chancelants me mener jusque la porte ouverte de la cuisine. Merlin comme la guerre nous fait oublier bien des choses…
Je me surprend à m'arrêter face à elle, le regard flou, je tente de percevoir les bruits qui pourraient me renseigner sur la présence de… mais que ferait-elle ici ?
- Ron !
Harry vient d'apparaître et essuie d'un geste vif une larme qui menaçait de quitter ses paupières. Je ne peux m'empêcher de sourire et oublie qu'il y a peu de temps, je luttais contre l'envie de faire de lui de la chair à hippogriffe.
- C'est une fille !
Il y a deux secondes, j'aurais dit mauvaise nouvelle… une fille et des problèmes en perspectives. Inutile d'imaginer la future manipulatrice qu'elle sera mais également les garçons qu'il faudra repousser. Là je dis… après tout, je ne suis pas son père…
Mes pas s'enchaînent aux siens et m'entraînent vers leur chambre. Je m'arrête un instant sur le pas de la porte, soudainement intimidé de rentrer de cette manière dans l'intimité de leur couple. Et un soupir enfantin me décide.
Déjà Harry s'avance vers moi en serrant contre lui une étoffe aussi blanche que de la neige. Et je coupe ma respiration de peur de gêner cet ange dans son sommeil. Puis mon regard se porte vers le bonheur qui se lit dans les yeux de mon meilleur ami. Il est papa… et toute la fierté du monde tient dans le regard qu'il porte à son enfant. Je ne suis pas heureux… c'est un fait.
- Ca ne va pas ?
Sa voix se fait faible et son regard se reporte aussitôt sur sa fille. Je ne sais pas quoi lui répondre… lui avouer que je suis jaloux ? Oui je le suis… jaloux de ne pas être celui qui porte cet enfant… l'autre enfant. Un regard chocolaté que je n'ai su oublié, ignorant que lui aussi avait dû grandir.
- Comment s'appelle-t-elle ?
Voilà la seule chose que mon corps me laisse dire. Et une nouvelle fois, je baisse mon regard en voyant cette lueur détestable luire dans ses yeux.
- Lily-Anne Molly Potter. Tu veux la prendre ?
Il s'approche de moi et je me recule sans réellement le vouloir. Je n'ai jamais porté de bébé… juste… ce garçon dont je ne sais même pas le prénom.
- Je… plus tard.
Il n'insiste pas et je sais qu'il n'avait aucune envie de me léguer sa fille… égoïste. Sa main caresse les cheveux de son bébé et la toile tombe… Elle est rousse… c'est une Weasley en plus d'être dotée de ce nom de famille réputée.
- Tu es vraiment bizarre vieux…
- Juste… laisse moi le temps de me faire à l'idée… Je… fatigué.
Ma porte d'échappatoire. Je file en douce direction ma chambre… ou du moins, celle qu'elle fut. Car à peine eu-je ouvert la porte qu'un couinement insupportable se fait entendre, aussitôt suivit par un cri plus strident encore.
Dans un claquement, je referme la porte et reste pétrifié… ce qui fut à moi n'est plus. Il ne reste de moi que des posters usagés… un mobilier d'adolescent remplacé par celui de bébé. Face à moi, un lit à barreaux et il me faut du temps pour réaliser que quelque chose bouge à l'intérieur… quelque chose qui crie encore…
- Ron… tu…
Je fais volte face et me retrouve face à… Merlin elle n'a pas changé.
- Désolé… je ne savais pas.
Je ne mens pas… Réellement, je ne savais pas… je ne savais pas que ma chambre était devenu celle de son fils… je ne savais pas que je la retrouverais ici… je ne réalise toujours pas.
Dans ce qui semble être un réflexe mal assuré, me voilà qui dévale deux à deux les marches de cette maison qui n'a plus rien de semblable à celle qu'elle fut jadis. Je ne suis plus chez moi.
