Jardin… paisible… lueur frêle de fin de journée… senteur d'été.

Les yeux dans le vague, je me tiens face à la barrière qui sépare le jardin du Terrier à la nature elle-même. Une broutille… rien d'utile… qui pourtant me rend service. Merlin, pourquoi suis-je comme ça ? Pourquoi suis-je incapable de tenir sur mes jambes à ce moment même ? Peut-être parce qu'elles sont dignes de moi : Molles. C'est ça, je suis mou, je me laisse porter par le destin, sans chercher à comprendre si oui ou non je peux l'influencer. Voilà peut-être pourquoi je suis le seul… solitaire. Aucune attache… personne qui puisse réellement se souvenir de moi dans trois générations… Ron… Oncle Ron voilà ce que je serais tout au plus.

- Ron… je suis désolée…

Surtout ne pas se retourner. Ne pas replonger… l'oublier.

Je continue mon observation des brins d'herbes et tente d'écourter la conversation, peine perdue lorsque l'on connaît un tant soit peu Hermione.

- Il n'y a pas de problème… j'ai juste été… surpris.

Surpris, c'est le mot, autant qu'à ce moment même, lorsqu'un gazouillement se fait entendre. Je ne bouge pas la tête et tente tout de même un regard discret.

La peau blanche et de grands yeux, il n'a pas réellement changé, juste vieilli, c'est un fait. Il porte un chapeau sans doute ficelé de manière magique puisqu'à la manière dont il tire dessus, il faudrait un miracle pour ne pas qu'il tombe. Il grimace, et je comprends d'où venait le couinement qui couvre presque nos voix.

- C'est lorsqu'on vient le week-end… Ginny trouve que c'est plus pratique de mettre un lit d'enfant…

- Hum.

Que veut-elle que je réponde à ça ? Elle me fatigue avec ses questions, tout autant que les braillements du môme qu'elle tient dans ses bras.

- Tu veux le prendre ?

Je détourne le visage et grimace. Pourquoi voudrait-elle que je le prenne ? C'est sûr, j'en ai envie… mais il a un père cet enfant, et s'il n'est pas capable de veiller sur lui, qu'il ne compte pas sur moi. C'est débile ce que je dis, bien sûr qu'il peut… compter sur moi.

Néanmoins je lutte, et après un énième cri, je ne trouve qu'à lui dire :

- Tu ne veux pas lui retirer ce chapeau, il n'aime pas ça tu le vois non !

- Peut-être mais c'est dangereux de laisser un enfant au soleil sans le couvrir un minimum.

- Quel soleil ? On est à la fin de la journée, il ne risque plus rien.

- Il a la peau très fragile Ron… je…

Je ne la laisse pas finir et m'éloigne à petits pas pendant que je l'entends soupirer :

- Il ne changera jamais…

- Je t'ai entendue Hermione…

Je me retourne et la voit poser l'enfant à terre. Le voilà qui court d'un pas assuré vers Merlin seul sait où. Il a réellement grandi… assez pour savoir marcher… parler… mais quel âge peut-il bien avoir ?

- Alors pourquoi est-ce que tu t'enfuis toujours au lieu d'affronter ce qui te dérange ?

- Parce qu'on nous a créé assez de problèmes comme ça pour s'en faire d'autre.

Je regarde l'enfant sautiller sur place sans aucune raison apparente… mais c'est dingue comme cette vision peut me réchauffer le cœur. Aucun problème pour lui, autre que ce fichu chapeau.

- Tu te rends compte que je n'ai jamais pu avoir une seule conversation sérieuse avec toi depuis…

- Et bien, je ne t'empêche pas de me parler si encore tu trouves quelque chose d'intéressant à me raconter.

- Parce que pour toi, un enfant, ce n'est pas une chose intéressante ?

Comme elle, mon regard se tourne vers le petit qui vient de tomber à terre et nous regarde larmoyant. Il n'a pas eu mal, c'est certain… juste un coup à l'ego sans doute.

- C'est ta vie… ça ne me regarde pas et tu es libre de faire ce que tu veux.

Puis soudain, l'explosion des deux côtés. D'abord le petit qui hurle des mamans à tout va et de l'autre, la mère elle-même qui me prend pour une personne dénuée d'une sensibilité auditive.

- C'est ce que tu penses Ronald ! Tu crois que tu n'as pas de place à prendre dans ma vie ? Dans Sa vie ? Bien…

La voilà qui s'éloigne de nouveau, sans que cela ne me fasse ni chaud ni froid… pourquoi a-t-il fallut qu'il dise Papa devant moi. Comme si ce n'était pas assez dur de… Merlin, éloigne son moldu de père de mon passage.

Me voilà de nouveau seul dans un jardin bien calme… je me contente de regarder le soleil se coucher en imaginant quelle immondice va bien pouvoir m'arriver… Et c'est après avoir dû me rendre à l'évidence : ni chute de pot de fleur, ni attaque d'abeilles tueuses, que je me décide à rentrer enfin. Aujourd'hui n'était pas mon jour, voilà tout.

Je ne saurais dire pourquoi j'ai laissé mes fichus pas me ramener une fois de plus dans ma chambre… peut-être parce que les paroles de Hermione sont restées collées à mon palet… Elle voulait que je prenne part à sa vie… Pourquoi ? Elle n'a pas besoin de moi… tout comme j'essaie de ne pas avoir besoin d'elle.

J'ouvre la porte doucement pour ne pas faire couiner un de ces jouets en plastique et je m'avance vers le lit de bois sans prendre garde à la pénombre qui ne laisse entrevoir que des ombres.

Il est là… bien grand pour un si petit lit… il a une belle carrure. J'approche ma main doucement et lui caresse le visage, la main tremblante. Je ne veux pas le réveiller mais j'avais besoin de faire ça. On voit encore les marques des larmes, vestiges de la bataille qu'il y a dû y avoir avec sa mère. Sans doute n'a-t-il pas voulu aller dormir.

Et voilà que deux petits yeux me toisent de haut en bas… je l'ai réveillé finalement et mon seul réflexe est encore de lui dire « chut ». En vain…

- Papa…

Mon sang ne fait qu'un tour dans mes veines et je sens mes joues rougirent. Sans le froisser, je prends le temps de lui répondre :

- Il n'est pas là… rendors-toi…

- Papa…

Mot plus fort que le précédent, il va alerter toute la maison. Ma main se pose derrière sa tête et je le soulève jusqu'à moi. Sa tête vient se nicher dans mon cou, dans un ultime « papa » et me voilà à bercer un enfant qui n'est même pas le mien. Mais peu importe à ce moment là… je suis sans doute le plus maladroit mais au moins, il s'est apaisé et ma tête repose sur la sienne.

- Il te ressemble tu sais…

- Ginny… tu… devrais dormir.

- Je vais y aller Ron mais… j'ai entendu du bruit et je voulais vérifier que tout aller bien.

Je me sens soudainement bête de me retrouver dans cette position… plus qu'étrange. Je tiens dans mes bras l'enfant de mon ex-petite amie.

- C'est rien… il m'a pris pour son père.

Et la voilà qui gémit dans un sourire qui me fait frissonner.

- Qu'est-ce qui te fais sourire ?

- La vérité sort de la bouche des enfants Ron… ne me dis pas que tu n'avais pas compris avant…

- Compris quoi ?

- Il te ressemble beaucoup… vraiment beaucoup…

Elle disparaît et mes yeux louchent sur l'enfant qui s'endort au creux de mon épaule. Un pyjama frappé au prénom de William, des taches de rousseur témoins de sa fragilité de peau et… Merlin, elle a raison… des cheveux roux qui suffisent à envoler tous les doutes…