Ma main se crispe et se décrispe sur le journal que Hedwige vient d'apporter. Mon sang bouillonne dans mon cerveau et m'empêche de réfléchir, m'empêche de respirer. Je ne sais pas quoi faire ni même si je dois faire quoique ce soit, et j'ai peur finalement que cette histoire ne soit qu'une sale blague pour les lecteurs trop crédules comme celui que je suis.
Une main se pose sur mon épaule et des lèvres effleurent ma joue sans réellement réussir à me faire sortir de la torpeur qui m'emprisonne.
- Ron, je te laisse William, si tu as le moindre problème, tu appelles Ginny, ok ?
- …
- Tu es sûr que ça va aller, hein ? Si ce n'est pas le cas, je peux le prendre avec nous, je suis sûre que David n'y verra aucun inconvénient.
Mais que m'arrive-t-il ? Je hoche machinalement la tête sans savoir si c'est pour ce fichu article où si c'est pour la rassurer. Ce qui est certain, c'est que j'aurais dû la retenir et lui dire de laisser partir ce David. Une fois de plus, je n'en fais rien car je sais que c'est le mieux qu'il puisse lui arriver. Un mari franc et respectueux qui a un emploi stable… un emploi qui me manque… mais que je pourrais sans doute avoir.
Après ce « floc » qui me confirme le départ d'Hermione, je me sens soulevé de terre et poussé par une force qui m'était devenue inconnue : l'espoir. L'espoir de pouvoir croire que tout cela est vrai, l'espoir de pouvoir croire que j'allais devenir quelqu'un, d'ici quelques minutes. Mes yeux se posent sur le morceau de journal qui trempe dans le café que j'ai rejeté et je reprends ma respiration. Assez pour rejoindre l'étage en courant et attraper au passage la cape de mon fils.
Le petit dort profondément et je m'en veux presque de le réveiller. J'ai dit presque… D'une main assurée, je pose ma main soudainement trop grande derrière sa tête et le fait venir jusque moi. Il me regarde avec ses grands yeux ensommeillés et une moue vient à déformer sa bouche.
Un cri perçant me transperce les oreilles et me voilà à balbutier des « chut » qui n'ont aucune incidence sur ce petit être machiavélique.
Je m'affère à passer sa tête dans l'antre de son vêtement et je l'entends redoubler la sonorité de sa symphonie. Merlin pourquoi est-ce qu'on ne peut pas faire ce genre de chose magiquement ? Je ne sais pas si je dois tirer un peu plus sur le morceau de tissus ou alors refaire sortir sa tête dans l'autre sens… Il faut que je me dépêche, ses cris me font dire qu'il n'apprécie guère son séjour forcé dans le noir.
Finalement, je cède et le défait de sa cage de tissus, une couverture fera aussi bien l'affaire. Je le tiens toujours d'une main et essaye de me remémorer les conseils d'Hermione concernant les sorties du petit.
Toujours de l'eau… je tourne machinalement la tête et trouve enfin un biberon. Je ne sais même pas si c'est le sien, même pas s'il est propre et même pas si c'est réellement de l'eau qu'il y a dedans. D'un coup de baguette je le nettoie, le remplis et le fais glisser dans mon sac en bandoulière.
Toujours un chapeau en cas de soleil… Et il fait quel temps dehors ? Je n'ai même pas regardé. Avec la chance que j'ai, il doit pleuvoir… Je fais voltiger une casquette à l'effigie d'une certaine équipe de football et pense à demander des comptes à Hermione sur l'existence de ce certain Beckham.
De la crème solaire, toujours pour le soleil… Par Merlin, je l'ai déjà dit, je ne sais pas quel temps il fait et si je ne me presse pas, je vais être en retard. Je peux savoir pourquoi il faut mettre de la crème à un enfant alors qu'on a pris soin de le couvrir contre le vent et de lui mettre une casquette. On la met où la crème ? Sur les mains ? J'arrache le tube de la table à langer et le glisse également dans le sac, y'aura plus qu'à longer les murs.
Merlin, un trou de mémoire… de quoi un gamin si petit peut-il avoir besoin pour une sortie qui prendra au pire une bonne heure ? D'une baby-sitter plus compétente que son père, c'est certain.
Et mes yeux se posent sur ce sac qui me nargue depuis le début… Par la fée Morgane, elle m'avait dit « prends le sac » ! Mais sérieusement, elle me voit me balader avec un sac qui représente une grosse peluche avec une tétine dans la bouche ? Je n'oserais même pas faire porter ce sac à Will.
Je repose l'enfant dans son lit en lui arrachant d'autres cris et vide le contenu de « nounours » dans ma bandoulière. Je ne sais pas ce qu'il y a là dedans mais je n'ai vraiment pas le temps de chercher le doxys. Je soulève une nouvelle fois William qui décidemment a bien le caractère de sa mère et nous descendons jusqu'à la cheminée. Direction le ministère de la magie.
Le lieu n'a toujours pas changé… inutile d'espérer comprendre en quelle année nous sommes ici. Je déambule dans le hall en rougissant sous les regards de ces gens qui croient que je maltraite mon enfant. Je suis certain qu'ils se disent : encore quelqu'un qui ne sait pas s'occuper de son fils. Et le pire c'est qu'ils ont raison mais ce n'est quand même pas de ma faute s'il est grognon parce qu'il a peu dormi. Quoique… je pourrais bien être le responsable finalement.
Je fais glisser William sur mon autre hanche et le prie de se taire en vissant sa casquette sur ses oreilles. Merlin… non seulement ça l'a fait taire mais en plus de ça, ça cache ses larmes aux yeux de ses curieux. Enfin ces ascenseurs s'offrent à moi, le pire là dedans c'est que je n'ai jamais su lequel je devais prendre. Au pire, je m'enfonce dans le premier qui arrive et sens les notes de papier frôler ma tête trop haute.
Quelle idée ces notes volantes, il ne se passe pas une seconde sans que l'une d'entre elle rentre en contact avec mon visage et reparte en faisant un bruit de balai cassé sans doute dû à leur aile froissée.
Les niveaux défilent devant moi jusqu'au deuxième. La voix de femme m'annonce « Département de la justice magique, Service des usages abusifs de la magie, Quartier général des Aurors, Services administratif du magenmagot », et fait remonter de la même façon une boule dans ma gorge déjà bien serrée.
Neuf heures… les bureaux doivent tout juste ouvrir. Et je déchante en voyant la queue qui s'est déjà accumulée devant LE bureau. Je soupire et me laisse tomber dans une chaise.
Je ne vais pas pouvoir rester très longtemps… Will commence déjà à s'agiter et le jeu des marionnettes ne marche déjà plus. Je me laisse dix bonnes minutes et je pars… je sais que ça ne sera pas assez mais… par Merlin, William, comprends que c'est pour notre futur à tous les deux et cesses un peu de pleurer !
- Monsieur ?
Je lève la tête vers une jeune femme aux cheveux tirés par quatre épingles. Je dois avoir l'air totalement ahuri et je sens quelque chose de gluant couler sur mon cou. Il fallait bien sûr qu'il me rejette son jus de fruit à ce moment précis… D'un geste je tire une serviette de mon sac et je m'essuie en continuant de fixer mon interlocutrice.
- C'est votre enfant ?
Pour toutes réponses je soulève la casquette de Will qui se met à rugir. Je ne sais pas pourquoi je fais ça… enfin si… j'aime voir les yeux des gens s'écarquiller et un sourire se former sur leurs lèvres. En effet ça marche.
- Oh… Et bien, suivez-moi ! On ne va pas faire attendre ce petit bout plus longtemps.
Je me lève et la suis en subissant les remontrances de ces hommes qui attendent depuis bien plus longtemps que moi. Et oui les gars, parfois ça a des avantages d'être père.
Un bureau qui est réellement un bureau de femme… des fleurs à pertes de vue. Je tourne mon visage vers les fenêtres magiques et vois soudainement qu'il neige. Bizarre… pour un mois de juin.
- Je suppose que vous avez lu l'article de la gazette du sorcier ce matin ?
- En effet.
Pourquoi est-ce qu'à ce moment là je me sens complètement idiot d'avoir fait comme tout le monde ? J'ai l'impression de venir mendier un boulot que je ne crois pas mériter.
- Vous avez donc participé activement à la grande guerre ?
- Oui… je me suis occupé des retranchements en Amérique et j'ai participé à la défense de l'école de Salem. J'ai filtré les derniers mangemorts juste avant la chute de Vous-savez-qui.
- C'est tout ?
Non ce n'est pas tout mais je ne suis pas venu là pour me vendre. J'ai fais ce que je devais faire… un point c'est tout.
- J'ai passé cinq ans de ma vie… oh et puis…
- Vous savez, je me dois de vérifier vos informations… Vous avez vu par vous-même le nombre de personnes qui prétendent avoir été d'une aide importante. A votre avis, combien disent réellement la vérité ?
- Peu…
- Exactement. Je ne veux pas dire par là que je ne vous crois pas… Ecoutez, il me faut vos nom et prénoms. Vous avez une semaine pour nous renvoyer des attestations écrites de personnes qui pourrons commenter votre aide durant cette époque. Comme vous avez dû le lire, il serait mieux de rassembler le plus de témoignages possibles… et il nous faut la preuve d'au moins deux ans de service. Et… pour votre enfant… il faudra trouver un autre moyen de garde.
- Je le sais.
- Bien, vous renverrez tout cela à ce service et nous verrons si oui ou non vous pourrez avoir un entretien qui déterminera votre acceptation ici… Nous sommes d'accord Mr… Mr ?
- Weasley. Weasley Ronald Bilius.
Je vois ses yeux s'écarquiller et me sens de nouveau léger.
