Ce récit est la suite directe de la saga « Au-delà des étoiles ». A priori, il n'est toutefois pas nécessaire de l'avoir lue pour lire celle-ci. Mais si je mets un peu de temps à sortir les nouveaux chapitres, n'hésitez pas à aller la lire en attendant.

J'ai écrit ce prologue et le premier chapitre en 2016 (pendant la rédaction d'au-delà des étoiles, arc 2), mais il a attendu jusqu'à aujourd'hui pour être publié avec quelques modifications mineures (1). J'avais d'autres récits à faire avant. Pour en arriver jusque ici, le chemin a été long !

Bonne lecture, bienvenue aux nouveaux, et heureuse de vous retrouver aux anciens!


Markus Lanthian soupira en regardant sa montre. Il était presque dix-huit heures et, comme à chaque saison, M. Paillard était en retard. Cela faisait une demi-heure que le géant aux cheveux blonds (presque blancs, en vérité) faisait les cent pas au bord du chemin de terre.

Edouard Paillard faisait partie de ces petits bourgeois ventripotents qui, sous prétexte qu'ils chassent le renard une fois l'an, se prennent pour des modèles de virilité, à qui l'on doit le respect peu importe leur manque patent de civisme.

L'homme arriva enfin, piétinant allégrement les broussailles et soufflant comme une locomotive.

Il présenta fièrement à Markus deux vieux renards pelés et mangés de vermine.

« Ils sont beaux, hein ? Avant de partir, vous voulez bien me prendre en photo avec ? Pour montrer aux copains » demanda Paillard.

Markus soupira encore, pesa les bestioles, les enregistra dans le quota, vérifia le permis de chasse, puis il consentit à prendre l'appareil que lui tendait l'homme rougeaud. Ce dernier prit une pose ridicule, les renards à ses pieds, les doigts faisant le signe de la victoire.

Markus prit la photo, puis il demanda :

« Vous voulez les queues ou je prends tout ? »

« Donnez-moi les queues, ça me fera un joli trophée. »

Il sectionna donc les deux appendices pouilleux et les tendit au quadra, qui les fourra dans un sac plastique, un grand sourire aux lèvres.

« Hé, ben merci bien, M. Lanthian. C'est toujours un plaisir la chasse avec vous, à l'an prochain ! » le salua-t-il en grimpant derrière le volant de sa Peugeot flambant neuve.

« Ouais c'est ça, au revoir » bougonna l'autre, grincheux.

Lorsque le rutilant véhicule eut disparu au bout du chemin de terre, Markus soupira. Il avait enfin fini. Il contempla la plage arrière de son 4x4 et la dizaine de renard morts qui s'y trouvaient. Tous étaient en parfait état, certain avec encore leurs queues. Les chasseurs les tiraient, mais lui laissaient ensuite à lui, le garde-chasse, le soin de se débarrasser des petites carcasses. En un sens, ça l'arrangeait. Il gardait les peaux, qu'il tannait, puis vendait tout, comme les os, une fois bien blanchis. Étrangement, il semblait exister toute une population appréciant acheter des os de toutes sortes d'animaux. Les crânes se vendaient particulièrement bien. Pourquoi quelqu'un voudrait se procurer le crâne d'une bête qu'il n'a même pas traquée et tuée lui-même dépassait Markus. Mais cela ne l'empêcherait certainement pas d'empocher cet argent supplémentaire.

Malheureusement, des deux vieilles bêtes de M. Paillard, il n'y avait rien à tirer : il allait devoir les jeter. Cela l'attristait. Il aimait cette grande forêt sauvage et ses habitants, et il aimait aussi la chasse – mais la chasse bien faite. Abattre de vieilles bêtes malades à la grenaille, ce n'était pas de la chasse, juste une boucherie.

Il mit les deux pauvres dépouilles dans un sac poubelle pour que leurs parasites ne contaminent pas les autres fourrures, puis il entreprit de désarmer son fusil de chasse.

Une fois ce dernier rangé dans sa mallette cadenassée, il put prendre le chemin du retour.


(1) Par exemple, à l'origine, j'avais imaginé de pendant qu'elle était coureuse, Rosanna se serait mis à la sculpture sur os pour gagner quelques sous, et qu'elle aurait donc tout naturellement continué cela par la suite. Comme l'histoire le conte, il en a été autrement.