Le fouet.
Le lendemain matin, lorsque Palifico vint à elle, persuadé de la trouvé endormie, ou pire, morte, il fut soulagé de constater que Lilith se tenait debout devant la porte de sa cellule, parfaitement réveillée et très attentive. Il ne put qu'être étonné et bien évidemment agréablement surpris par ce comportement et il se promit d'en toucher un mot, au capitaine, lorsque ce soir, ils discuteraient tous deux, en compagnie de Maccus et Jimmy Legs du cas de cette dernière. Il la gratifia d'un léger signe de tête auquel elle lui répondit par un sourire charmant. Il s'en étonna d'ailleurs, car entre hier et aujourd'hui, elle semblait avoir gagné en confiance et ne cherchait plus à l'observer comme s'il était une drôle de créature. Même si en réalité, c'était ce qu'il était. Il faut dire que Lilith avait eu toute une nuit pour songer à l'endroit où elle se trouvait et comment elle devait agir avec les membres de l'équipage. Finalement, il en résultait que si elle souhaitait être encore en vie dans quelques jours, il lui fallait mieux être discrète et la plus agréable possible avec les autres, de sorte à ce que tous en arrivent presque à oublier sa présence. Du coup, elle s'était réveillée aux aurores avec la motivation et l'envie d'en faire davantage pour le navire. Et avec un peu de chance, ils la ramèneraient chez elle -ou à proximité- dès qu'ils le pourraient. Bon, elle n'avait pas grand espoir en cela, mais une toute petite part d'elle ne pouvait s'empêcher d'y croire. Juste pour ne pas avoir envie de passer par-dessus bord par ses propres moyens. Palifico la laissa passer mais plutôt que de la faire monter sur le pont pour qu'elle nettoie ce dernier comme hier, il l'entraina ailleurs. Elle dut descendre un escalier étroit et sinueux avant de finalement arriver dans une partie du navire qu'elle n'avait pas encore pas eu l'occasion d'explorer. Là, Palifico lui tendit, comme hier, un seau d'eau et une brosse, puis avec un petit sourire, lui désigna les lieux.
« - Il faudrait décrasser tout ça. Normalement personne ne viendra par ici, sauf Ogilvey. Mais si tu fais bien ton travail tout ira bien. Je reviens ce soir, comme hier, pour ton repas. Mérite-le. »
Puis il s'éloigna lentement. Lilith, à nouveau seule, ne put que craindre cette idée. Elle qui n'aimait pas la solitude d'ordinaire se sentait de plus en plus mal à l'aise. Est-ce qu'on essayait de la mettre à l'écart ? En même temps, elle ne devait pas s'en plaindre, au moins, comme ça, elle était certaine de n'importuner personne et, c'était tout ce qu'elle désirait. Se faire la plus petite possible. Alors, avec son seau dans la main et sa brosse dans l'autre, elle s'assit par terre et comme hier, elle se mit à frotter, tête baissée, ignorant les rares passages dans son dos. Dans le silence que l'océan imposait, elle se surprit même à être plus sereine, plus calme, comme si l'eau avait eu un effet apaisant sur elle. Par moment, les manches de sa chemise trop grande glissaient et elle devait s'arrêter et souffler pour remettre ses dernières en place, mais dans tous les cas, elle ne s'autorisait pas à faire une pause. Elle sentit midi approcher lorsqu'une bonne odeur de nourriture lui parvint aux narines, mais elle ne chercha même pas à savoir si elle pourrait en avoir, car Palifico lui avait parlé d'un repas le soir et non avant. Alors, c'est le nez dans son seau d'eau de mer qu'elle perçu des bruits de pas s'approchant d'elle et, c'était toujours tête baissée que sous ses yeux passèrent deux bottes, bottes qui s'éloignèrent, emportant avec elle la douce odeur d'un potage de légumes. Inconsciemment, elle se lécha les lèvres d'appréhension. Le repas du soir sentirait-il aussi bon ? Elle priait intérieurement pour que ce soit le cas. Les bottes ne partirent pas, elles allèrent s'immobiliser plus loin, près de ce qui semblait être un canon très ancien et Lilith devina que le propriétaire s'était assis quelque part pour manger. La jeune femme, qui s'était immobilisée l'espace de deux ou trois secondes se reprit et lentement, elle continua de frotter.
« - Eh ! Toi !.. »
Cette vois graveleuse et comme sortie d'outre-tombe, Lilith l'avait déjà entendu, lorsque seule dans le noir, elle attendait muettement que le capitaine ne décide de son sort. C'était cette voix qui lui avait conseiller de prier, celle-là même qui lui avait arraché un frisson d'horreur. La jeune femme ignora l'interpellation, persuadée qu'il devait appeler là quelqu'un d'autre et qu'elle se ferait probablement découper en rondelle s'il lui prenait l'envie de relever la tête.
« - Eh ! Fillette ! Je te parle là ! »
Elle tiqua légèrement. Elle était -et c'était d'ailleurs presque une certitude- la seule femme à bord de ce navire alors, à moins qu'il n'insulte quelqu'un, il y avait de très fortes chances pour qu'il s'adresse à elle finalement. Toujours assise, elle se redressa légèrement et tourna la tête vers l'homme qui l'interpelait de la sorte. Après avoir rencontré Palifico, elle s'était demandé si tous les membres de l'équipages était identique de par leur drôle d'aspect et elle avait fini par en conclure elle-même que c'était fort probable, malheureusement, si elle s'était attendue à ce qu'ils soient tous plus hideux et difformes les uns que les autres, l'homme qui lui faisait face ne semblait plus avoir d'humain qu'une vague silhouette. Elle se retint de grimacer et tenta de camoufler sa surprise pour se contenter de regarder simplement ce qui lui faisait face. Une boule de corail sombre, proche de la pierre en guise de tête, avec un seul œil, rouge et une bouche tordue en un rictus effrayant. Un corps sombre, caché fort heureusement par quelques morceaux de tissus. Une silhouette imposante mais dérangeante. Une silhouette qui la fixait, elle.
« - Tu as faim ? »
Elle fut de nouveau surprise et d'un coup, se mit à se méfier. Qu'un illustre inconnu lui propose de la nourriture l'aurait déjà rendue méfiante, mais, sur ce navire, elle savait d'ores et déjà qu'il ne lui fallait faire confiance à personne. Alors, suspicieuse, elle tenta de sonder le visage de l'homme pour tenter d'y déceler la moindre moquerie ou quoi que ce soit qui pourrait lui prouver qu'il se jouait d'elle. Mais rien. Et ce n'était pas vraiment étonnant puisque son visage n'avait plus rien d'humain. Elle grimaça et secoua négativement la tête. Elle mourrait d'envie de manger, mais Palifico avait parlé d'un soupé et non d'un déjeuner. Et Lilith ne voulait absolument pas risquer d'être piégée ou quoi que ce soit d'autre de ce genre. Elle reprit donc sa tâche, continuant de frotter le sol avec ardeur.
« - C'est bon, viens, j'vais pas te manger. J'te propose mes restes, pas mon repas. Tu fais pitié, personne n'en saura rien. »
Pitié. Elle faisait pitié. La jeune femme avala sa salive avec difficulté et tenta de ne pas se rebiffer. A quoi s'était-elle attendue à la fin ? Continuant de frotter le sol, elle jugea bon d'ignorer délibérément l'homme qui au bout d'un moment, fort heureusement, sembla se désintéresser totalement d'elle. Elle avança dans sa tâche et pendant des heures, il n'y eut plus le moindre bruit.
Lorsque Palifico revint, le soir -très probablement- Lilith avait terminé sa tâche et avait même profité du peu de temps qu'il lui restait pour ranger certains boulets de canons qui s'étaient retrouvés éparpillés un peu partout -non sans mal vu le poids que pesait chacun d'entre-eux. Il vint s'asseoir à côté d'elle, lui tendant un bol de ce fameux bouillon de légumes alors que lui-même entamait le sien. Elle le remercia à peine, d'un signe de tête avant d'en avaler une première cuillère. L'eau chaude, au gout si particulier, descendit dans sa gorge et se perdit dans son estomac alors qu'elle fermait les yeux, retenant un soupire de satisfaction.
« - J'ignorais que la cuisine du chef avait autant de succès chez notre nouvelle pensionnaire. » ,
Cette voix graveleuse, c'était celle du type qui lui avait proposé ses restes quelques heures plus tôt. Interdite, Lilith replongea son nez dans son petit bol alors qu'elle devina que ma silhouette de Palifico s'agitait légèrement à côté d'elle.
« - Ogilvey.
- Puis-je me joindre à vous ? Demanda l'intéressé. »
Lilith devina que son ange gardien avait accepté car l'instant d'après, une masse sombre et forte vint s'asseoir sur un canon juste en face d'elle. La jeune femme, un peu inquiète, décida pourtant de faire confiance à Palifico qui depuis qu'elle était là, semblait veiller sur elle.
« - Le capitaine t'a parlé du truc qu'il cherchait ? Demanda la voix sombre et effrayante de l'homme qu'elle craignait.
- Non. Il reste discret là-dessus. Personne n'en sait rien, répondit Palifico, visiblement avec dépit.
- Frustrant. Parce que pendant qu'il s'occupe de ça, certains en profitent pour assouvir leurs pulsions, si tu vois ce que je veux dire…
- Pourquoi crois-tu qu'elle se trouve en cale aujourd'hui ? »
Sans parvenir à s'en empêcher, Lilith redressa la tête. Elle savait que c'était d'elle dont il était question. Elle jeta un léger coup d'œil à Palifico, mais ne parvint pas à discerner la moindre émotion chez ce dernier. Alors, sans trop savoir pourquoi, elle tourna ensuite la tête vers le fameux Ogilvey. Finalement, lui non plus n'avait quasiment plus rien d'humain. Sa peau était tout aussi bleutée que celle de Palifico et son visage était couvert de corail si bien qu'on discernait à peine un œil rougeâtre et une bouche qui était naturellement tordue. Avec appréhension, Lilith avala sa salive en constatant qu'une de ses mains avaient été remplacée par un crochet effrayant. Ou avait-elle atterrit ? Sur le bateau de Frankenstein ?
« - Fais profil bas fillette. Jimmy Legs n'aime personne et encore moins les femmes. »
Même si elle ignorait qui était Jimmy Legs, elle comprenait parfaitement qu'elle avait tout intérêt à ne pas se faire remarquer dans les jours à venir. Elle hocha doucement la tête et acheva son repas dans le plus grand des silences avec la curieuse impression qu'elle venait de se faire un ami en la personne d'Ogilvey. Et si tous le craignait comme elle, alors c'était un allié de poids dont elle aurait besoin à l'avenir.
Ce soir-là encore, Palifico la raccompagna ensuite dans sa cellule et l'y enferma, comme il semblait en prendre peu à peu l'habitude. Sans un bruit, elle s'allongea à même le sol et tira sur elle la couverture miteuse. Heureusement, la fatigue aidant, elle trouva bien vite le sommeil.
Malheureusement pour elle, elle fut tirée de son sommeil par un coup brusque et désagréable dans le ventre. Instantanément, Lilith ouvrit les yeux. Sa cellule était éclairée et un homme, ou plutôt une murène géante lui faisait face avec un sourire vicieux. Ses côtes la faisaient souffrir et elle hoqueta de douleur, tentant de reprendre son souffle. Une main s'empara de ses cheveux et elle fut contrainte de se relever alors qu'elle tentait toujours de s'accommoder de la sensation cuisante qui lui cisaillait le ventre.
« - Jimmy trouve que tu fais pas du bon boulot poulette ! Va falloir passer à la cocotte ! »
La cocotte ? Jimmy ? Son esprit s'embruma alors qu'elle tentait vainement de comprendre ce qu'elle avait bien pu faire de mal pour mériter un tel traitement. Contrainte d'avancer, elle remarqua que le drôle d'homme à l'allure de poisson géant l'entrainait sur le pont. Pont ou l'attendait déjà un petit comité. Elle ne comprit que tardivement leurs sourires goguenards et leurs airs sadiques. Et c'est à peu près au même moment qu'elle commença à réaliser qu'elle était visiblement en danger. Jimmy, était très probablement le Jimmy Legs dont il fallait qu'elle se méfie, et si elle avait tout suivi, elle avait probablement fait quelque chose qui n'avait pas ravis le moins du monde l'homme.
Le ciel gronda alors que quelques gouttes commencèrent à s'abattre sur le navire. Un orage menaçait. Pourtant, Lilith était plus inquiète de son sort que d'une tempête en pleine mer. Avalant sa salive, elle fut soudainement contrainte de s'arrêter pour faire face à un autre homme poisson -probablement croisé avec un piranha ou quelque chose de la sorte- qui semblait s'amuser de la situation.
« - Sept coups de fouets, pour les sept pêchés que les femmes incarnent. »
Des rires gras, des ricanements, et Lilith se retrouva brusquement plaquée contre un filet tendu. On lui arracha chemise et soutien-gorge, et elle ne put retenir le frisson désagréable qui parcourut son dos à une vitesse folle. Elle ne comprit que trop tard qu'elle venait d'assister à son propre procès et ce n'est que lorsqu'elle réalisa qu'elle allait devoir subir -injustement- sept coups de fouets, qu'elle frémit. Mais la peur commença à la paralyser. Que devait-elle faire ? Elle ne voyait personne à sa droite ou à sa gauche pour lui venir en aide et il lui semblait que Palifico n'était absolument pas dans les parages, car il n'aurait jamais cautionné un tel acte. Pas vrai ?
Le premier coup arriva lorsqu'un éclair déchira le ciel devant elle, dans un boucan désastreux. Elle ne sentit pas tout de suite le fouet s'abattre sur elle. Ce n'est que lorsqu'il se décrocha de sa chaire à vif qu'elle comprit qu'elle aurait très mal. L'instant d'après, ses yeux s'exorbitaient alors que ses muscles se contractaient brusquement. Incapable de crier tant elle avait mal, elle resta muette et figée sous les rires de plus en plus présents dans son dos. Jamais elle n'avait tant souffert de toute son existence et sa noyade quelques jours plus tôt avait tout d'une promenade dans les bois en comparaison. Son dos semblait être une plaie béante alors que ses jambes tremblaient, menaçant de céder à la moindre bourraque. Ses mains s'agrippèrent aux cordes du filets alors que son visage se tordait dans une grimace incontrôlable.
Elle devait encore en subir six et même si c'était totalement fou et désespéré de sa part, elle se raccrocha à ce nombre dans l'espoir qu'il l'aide à passer outre la douleur.
A nouveau le coup parti à l'instant où la foudre déchirait le ciel. Le bateau roulait sous les vagues mais personne ne semblait s'en soucier. Tous étaient visiblement trop occupés à rire de la situation dans laquelle elle se trouvait. A nouveau, aucun son ne parvint à sortir de sa bouche. Elle l'avait pourtant ouverte sous la douleur, dans un geste inespéré pour supplier son bourreau de la laisser tranquille. Lilith cherchait désespérément à canaliser la sensation qui devenait à chaque seconde plus dense. La pluie, calme au départ, tombait désormais avec force, ruisselant sur son dos nu et lui arrachant des frissons de douleur. Même la brise du vent, qui se faisait de plus en plus menaçante, lui causait du tort.
Le troisième coup arriva bien plus vite qu'elle ne pouvait s'y attendre et sous la surprise, ses jambes la lâchèrent. Elle s'effondra sur le sol, hoquetant lorsque ses genoux rencontrèrent abruptement le bois du navire. Ses yeux, qui fixaient jusqu'à présent l'horizon, glissèrent jusqu'à la mare ocre dans laquelle elle baignait alors qu'elle réalisait qu'il s'agissait de son sang. Elle saignait. La terreur qui l'avait maintenu immobile jusqu'à présent sembla se muer peu à peu en un sentiment d'angoisse profond. Et au fond d'elle, une colère sourde commençait à germer. Elle eut un nouveau hoquet de douleur lorsqu'on l'attrapa par les poignets pour la relever. Lilith eut le bref espoir que quelqu'un lui vienne en l'aide, mais l'instant d'après, elle réalisa avec dépit que deux matelots lui attachaient les poignets aux cordages du filet pour qu'elle évite de tomber à nouveau. Monstres de sadismes, ils rigolaient, visiblement satisfait du châtiment qu'elle était en train de subir.
Le quatrième coup ne tarda pas à arriver, dans le bas de son dos cette fois-ci, l'obligeant à se courber sous la douleur. Il ne lui semblait pas possible d'avoir plus mal qu'à cet instant précis. Lilith se senti devenir folle lorsqu'elle eut l'impression très désagréable que des morceaux de chair semblaient se détacher en lambeaux dans son dos. Néanmoins, comme elle était attachée, elle ne put pas faire le moindre geste pour s'assurer que son dos -qui devaient être dans un piteux état- ne se transformait pas en quelque chose d'abominable.
Le cinquième coup heurta son dos à vif au moment même ou la foudre tomba dans l'eau, non loin d'eux. Ainsi, Lilith fut incapable de savoir si elle prit peur sous la douleur, ou à cause de la présence d'une tempête qui se faisait de plus en plus violente. Outre la sensation plus que désagréable de douleur qui lui parcourait tout le corps désormais, la peur prit à nouveau possession d'elle. Son cœur s'affola alors qu'elle remuait les poignets dans l'espoir de ne plus à subir le moindre coup de fouet. Elle voulait fuir très loin d'ici, elle qui n'avait jamais rien fait pour éveiller la contrariété de son bourreau.
Le sixième coup lui sembla être le pire de tous car il creusa sa peau sanguinolente jusqu'à l'os. Les larmes commencèrent à couler sur les joues de la jeune femme qui commença à implorer silencieusement n'importe qui pouvant lui venir en aide. Si seulement quelqu'un avait pu percevoir sa détresse ! Elle aurait fait n'importe quoi pour que quelqu'un -n'importe qui d'ailleurs- mette fin au carnage qu'elle était en train de subir.
Elle attendait le dernier coup fatidique lorsqu'elle remarqua que plus personne ne riait. Hormis la tempête et le vent sifflant dans ses oreilles, Lilith ne parvenait plus à percevoir le moindre son. Etaient-ils parti en la laissant là ? Probablement. Pourtant, la douleur devenait tout bonnement insupportable. L'eau s'infiltrait dans la moindre de ses plaies, l'obligeant à subir une douleur sans pareil. Les coups de fouets n'étaient visiblement qu'un avant goût de la souffrance qu'elle ressentait maintenant.
On trancha ses liens et elle tomba quasiment immédiatement à même le sol. Elle ne releva même pas la douleur qu'elle ressenti au moment où ses genoux entrèrent à nouveau très rudement en contact avec le sol. Quelqu'un lui couvrit le dos mais la douleur, bien loin de s'atténuer, redoubla d'intensité. Elle s'arqua brusquement, grimaçant et arrachant le tissus qui s'accrochait à ses plaies sanguinolentes. Puis, par instinct, elle tourna la tête vers l'endroit d'où provenaient les coups encore quelques secondes plus tôt. Elle assista là à une scène qui lui glaça le sang. Jimmy legs, la main en l'air, s'apprêtait à abattre son fouet -visiblement sur elle. Sauf que son poignet était bloqué par la pince qui servait de main à une créature qui le dominait d'au moins une tête. Ce n'est qu'à la lueur des yeux bleus de cette créature que Lilith reconnu le capitaine. Ce dernier s'était visiblement interposé juste au bon moment pour qu'elle n'ait pas à subir le dernier coup qui lui avait été promis.
« - Pourquoi un tel châtiment ? Demanda le capitaine d'une voix grave.
- Elle n'a pas sa place ici capitaine, répondit Jimmy Legs. »
Sa voix pourtant, trahissait une certaine inquiétude. Nul doute qu'il devait quelque peu craindre son capitaine et la réaction de ce dernier.
« - Tu remets en doute les décisions du capitaine ? »
Cette voix, juste à côté de Lilith, lui était quasiment inconnue. Elle ne se souvenait pas l'avoir un jour perçue. Pourtant, le propriétaire devait avoir un certain pouvoir sur le navire car quelques murmures s'élevèrent dans l'assemblée. Elle décela le mot « mutinerie » dans l'un des chuchotis et elle comprit que la situation était peut-être plus grave que sept coups de fouets donnés injustement.
« - Combien de coups lui as-tu donné ? Interrogea le capitaine qui ne sembla pas se soucier du bruit de fond.
- Deux. »
Lilith voulu protester face au mensonge éhonté qu'il venait de prononcer mais sa tête tournait et il lui semblait que ses forces l'abandonnaient. Il allait s'en tirer, c'était certain ! Pourquoi est-ce que les autres ne cherchaient pas à le dénoncer ?
« - Je vois six marques distinctes sur son dos. »
Cette voix, c'était celle de Palifico, elle en était certaine. Ses yeux se fermèrent de soulagement l'espace d'une seconde. Dieu merci, il était là. Et même si c'était totalement stupide, elle avait le sentiment que désormais, Jimmy Legs ne pourrait plus lui faire le moindre mal. Palifico était son sauveur en toutes circonstances après tout. A l'annonce de ce dernier sur le sort qu'avait subit Lilith, le capitaine tourna la tête pour la toiser du regard. Bien que faible, elle l'affronta comme elle l'avait déjà fait par le passé. Il se détourna finalement, l'air colérique.
« - Tu sais ce qu'il va t'arriver dans ce cas. »
Le visage de Jimmy Legs changea du tout au tout et il lâcha son fouet brusquement, visiblement très apeuré. Quelque chose bougea dans le dos de Lilith mais comme la douleur semblait avoir raison d'elle, elle ne s'en soucia guère. Elle perçut vaguement un mouvement de foule et des protestations de la part du bourreau, mais c'était loin d'être sa préoccupation actuelle. Seule la voix sèche du capitaine flotta un instant dans les airs.
« - Dans ma cabine. Occupe-toi d'elle. »
L'instant d'après, elle était soulevée du sol comme une poupée de chiffon. Mais, bien loin d'être soulagée, elle frémit et ne put s'empêcher de gémir. Un son semblait enfin pouvoir franchir la barrière de ses lèvres. Son dos lui faisait mal plus que de raison et sous la douleur, elle se senti partir.
