Troisième carte: l'Impératrice. C'est la carte du spirituel. En tant que représentante du monde spirituel, je trouvais qu'Ifalna, la maman d'Aeris et dernière Cetra pure, faisait très bien l'affaire.

III. L'impératrice : Ifalna

J'ai contribué à bâtir l'essence de cette Planète. Je l'ai enfantée, la vie de ce monde est le fruit de mes entrailles : J'ai enfanté les arbres et les fleurs, j'ai enfanté les poissons de la mer et les oiseaux du ciel; j'ai enfanté les bêtes qui courent, qui mangent et qui meurent. Je n'étais évidemment pas seule, mais grâce à mon aide, cette Planète connaît un cycle de vie et de mort où l'esprit de chaque chose importe.

Et me voilà maintenant en simple part de ce cycle.

La mort est douce et lente quand elle veut nous faire souffrir.

Lorsque je suis arrivée sur cette planète en compagnie des autres Cetras, j'étais enthousiaste. Un nouveau monde à bâtir, il fallait relever nos manches, travailler ensemble, main dans la main, cœur contre cœur. C'est ainsi qu'on peut produire la matière nécessaire à l'élaboration de la vie. Faire de cette soupe de molécules stupides un endroit vraiment intéressant.

Puis elle est venue. L'usurpatrice. Elle a tué les miens, lente agonie. Ils lui ont tendu leurs mains et leurs mains se sont effritées. Leurs corps se sont mués en poussière fine.

Nous qui n'avions jamais connu la mort que par celle de nos créatures, nous en avions maintenant l'exemple le plus douloureux et le plus effroyable.

Nous avons chassé l'usurpatrice, mais il était trop tard. La maladie se propageait comme le vent et décimait nos rangs.

Ce fut l'exode et la dispersion. Pour mieux nous protéger, nous avons emprunté les enveloppes charnelles de nos créatures.

La mort est douce et lente quand elle veut nous faire souffrir.

OoOoO

-Madame!

D'où vient cette voix? Pourtant, dans cette région reculée des glaciers, personne ne vient me voir, personne ne sait que j'existe… Pourtant, cette voix, on m'appelle…

Je me retourne, et je vois un homme couché dans un lit de brindilles. Son sang coule, sa vie ne tient qu'à un fil. Il m'implore du regard. Ses lèvres sont bleues.

Je m'avance vers lui et je pose ma main sur son front. Puis je pose mes lèvres sur les siennes, lui insufflant mon souffle de vie. Avec ses nouvelles forces, l'homme pose son bras sur mon dos, me retenant contre lui.

Il m'embrasse. Je ferme les yeux et je réponds à son baiser, lui insufflant toujours plus de bribes d'existence nouvelle. Et nous finissons par faire l'amour dans la neige, échangeant la vie, l'amour, la passion.

Je me sens soudainement si humaine et vulnérable entre ses bras…

Et je ne connais même pas son nom…

OoOoO

Gast m'apprend qui il est et d'où il vient. Comble de l'ironie, il a étudié les Anciens toute sa vie, et il fallait qu'il tombe sur moi, la dernière de ce peuple! Comme le destin peut être étrange…

Nous vivons avec le fruit de notre union, Aeris, alors qu'il continue ses recherches. Je n'ai jamais été aussi humaine de toute mon existence. Jamais je n'aurais pensé fonder un foyer et couler des jours aussi heureux, aussi simples…

-Hé, chérie, c'est bizarre… on dirait qu'il y a quelqu'un à la porte…

-Va ouvrir, mon ange, s'il te plaît.

J'avais déjà prévu le coup de feu qui tuerait mon Gast. Mais je ne peux pas me permettre de perdre ma vie et celle d'Aeris. Je t'aimais, Gast. Je sais que tu comprends que le sang de mon peuple doit être épargné peu importe le prix.

Moi qui me sentais si humaine il y a quelques instants, je me sens maintenant si… étrangère…

OoOoO

Je suis condamnée. Ils m'ont rattrapée, ils m'ont blessée. Si ce n'était que cela, ça ne serait pas si mal, je me régénère très vite… mais je sens en moi grandir la pestilence de l'usurpatrice. Je suis condamnée.

Alors je me laisse mourir afin que ma fille vive.

Et les courants de la Rivière de la Vie emportent mon âme.

C'est étrange de faire partie de ce cycle que j'ai mis en place. Mais enfin j'ai droit à l'éternité, bien plus réelle que celle de ma vie de Cetra.

La mort est douce et lente quand elle veut nous faire souffrir.