Je tenais vraiment à faire une fic sur ce petit événement... voilà, c'est chose faite.

L'hermite (oui, ça prend vraiment un h) est une carte de savoir dissimulé, diffusé de façon discrète. C'est la carte du philosophe. C'est aussi la carte de la solitude et de l'isolement. J'ai donc choisi Gast, même si on en connait très peu sur lui.


IX. L'hermite : Gast

Ainsi ai-je dû m'exiler, dans le froid et la neige, après cet échec que je ne pouvais me pardonner. J'ai tenté l'impossible, j'ai joué avec le feu, j'ai serré la main du diable; pourquoi mon échec me surprend donc autant?

J'ai voulu ouvrir la voie vers le monde des esprits, et malgré moi la mort a été semée. Il ne me reste plus qu'à partir, m'isoler et mourir.

-Professeur? Professeur?

C'est sa voix. La voix de l'enfant. Sa petite voix si fluette de jeune garçon. J'ai envie de m'enfuir en courant, mais évidemment, je ne peux pas. Il m'appelle. Quelles questions se poserait-il en voyant un adulte s'enfuir devant lui alors qu'il l'appelle?

Je me tourne vers lui. Ses cheveux bruns commencent à tourner au gris argenté à cause de ses longues expositions au Mako. Et ses yeux… j'évite son regard de mon mieux.

-Qu'est-ce qu'il y a, Sephiroth?

-Je voulais juste savoir… quand sera ma prochaine promenade? Le professeur Hojo ne m'a pas sorti depuis deux bonnes semaines, je m'ennuie.

Comme il est difficile d'éviter son regard, si vert, si perçant…

-Je ne sais pas, Sephiroth. C'est à Hojo que tu devrais poser la question, non? C'est lui qui s'occupe de toi, maintenant.

Ô Shiva, ô Odin, ô Hadès, pourquoi ai-je fait de cet enfant ce qu'il…

Je serre ma lourde valise dans mes mains. Lourde, bien sûr, je pars. Je m'en vais loin de cet enfant, de mes assistants, de la Compagnie… et surtout, je m'éloigne d'elle. Arrête de me ralentir, Sephiroth, laisse-moi…

-Hojo ne me raconte jamais rien, dit le jeune garçon en baissant piteusement la tête. Il me fait de drôles de tests. Je ne l'aime pas du tout. Pas comme vous.

Il relève la tête, me fixant à nouveau. Je sens quelque chose se briser à l'intérieur de moi. Sephiroth, je ne peux pas partir sans… sans te dire…

-Bon, tu vas venir avec moi, Sephiroth. Nous allons nous promener dehors, d'accord? Pas longtemps, il ne me reste plus beaucoup de temps, mais ça sera mieux que rien, non ? Allez, viens !

Je lui tends la main, et son visage s'éclaire d'un magnifique sourire d'enfant. Il saisit ma main et il marche joyeusement, presque en sautillant, à mes côtés le long du corridor qui mène à l'extérieur du laboratoire. Puis nous prenons les ascenseurs vitrés, et je ne peux m'empêcher de sourire en voyant Sephiroth coller son nez contre la vitre alors que nous descendons. Finalement, nous atteignons le bas de la Tour, et nous sortons, toujours main dans la main. Pauvre enfant, qui ne peut jamais sortir seul… et pour ne rien voir d'autre que le béton infini de Midgar et le ciel couleur de cendre.

Sephiroth lâche ma main et se précipite hors de la Tour, respirant l'air vicié à pleins poumons. Il est vrai que c'est encore mieux que l'air climatisé et recyclé de la Tour, mais comment ne pas avoir pitié de cet enfant ? Cet enfant, un peu le mien… un peu celui d'Hojo… un peu celui de Lucretia… mais aussi…

Il vient me rejoindre, s'accrochant à ma taille. Je sais qu'il m'aime beaucoup, il m'aime comme un père. Cela lui fera de la peine quand il saura que je suis parti pour ne plus jamais revenir.

Mais il m'oubliera bien vite. Ou plutôt, il oubliera son affection pour moi bien assez tôt. Il se croit orphelin, sans foyer autre que la Compagnie, un enfant trouvé. Il croira ce qu'on lui dit de croire, il fera ce qu'on lui dit de faire. Je sais qu'il sera éduqué afin de devenir une arme humaine si puissante qu'elle pourrait briser des armées. Une arme humaine

Je le repousse doucement, alors seulement il semble remarquer la tristesse sur mon visage. Je m'accroupis devant lui et il passe doucement une de ses petites mains sur ma joue.

-Qu'avez-vous, professeur ?

-Je suis seulement fatigué, ne t'en fais pas. Allez, tu devrais jouer, non ?

-Je ne peux pas jouer si vous êtes triste. Je vais me promener avec vous, dit-il, décidé.

-Je suis désolé, Sephiroth, mais je ne peux t'emmener bien loin.

Je caresse aussi sa joue avec mes doigts. Il me fait horreur depuis que j'ai découvert le secret horrible de ce que nous avions cru être la plus grande des bénédictions, mais je ne peux m'empêcher de l'aimer. Il est un peu ma création, un peu mon fils…

-Vos doigts sentent la cendre…

J'ai fait brûler tous mes rapports te concernant, Sephiroth. Bien sûr, il reste Hojo et Lucretia qui savent toute la vérité à ton sujet, mais certains détails échapperont pour toujours à la Shin-Ra, dorénavant. La Compagnie ne mérite pas ce savoir.

Nous nous promenons ensemble, silencieusement, dans les rues autour de la Tour. Nous sommes en plein jour, et pourtant, tout me paraît si sombre…

-Professeur ?

-Pardonne ma faiblesse. Je dois commencer à être vieux.

-C'est peut-être parce que votre vie est trop lourde que vous êtes si courbé !

Quelle intelligence, quelle vivacité d'esprit pour un enfant ! Et quelle innocence ! Je soupçonne que cette innocence ne durera pas éternellement… ah, pourquoi dois-je le laisser entre les mains d'Hojo ?

-Peut-être… un homme comme moi a beaucoup de secrets.

-C'est évident, vous savez tant de choses !

-Plus un homme en sait, plus il se rend compte de son ignorance.

-Je suis sûr que vous savez plein de choses quand même ! Vous ne sauriez pas quelque chose sur moi ? Sur mes parents, même s'ils sont morts ? Sur ce qu'il m'est arrivé avant que vous me connaissiez ?

-Sephiroth, je…

Je n'ai plus le cœur à lui mentir. Mais je ne me sens pas le courage de…

Non, il le faut. Alors que nous reprenons le chemin vers la Tour, je reprends mon souffle. C'est d'un si grand effort… mais il doit savoir.

-Je connais le nom de ta mère.

-Oh ? Vraiment ?

Il a l'air si content, si excité !

-Écoute bien, Sephiroth. Le nom de ta mère est Jenova.

Il me regarde avec de grands yeux interrogateurs, puis il semble réfléchir. Ce nom lui est évidemment inconnu, et j'espère qu'il le restera éternellement.

Je le confie à un garde de la porte de la Tour. Il m'envoie la main et me remercie poliment, puis il me dit au revoir. Je n'ai même pas le courage de lui dire adieu en face. Tout ce que je peux faire, c'est m'enfuir tranquillement. Je pars vers le froid éternel du continent du Nord. Seul. Je vais continuer mes recherches, pour moi seul. Car ce que je vais apprendre sera probablement insupportable pour le reste du monde.

Adieu, Sephiroth.