Hello !

On reprend avec une absence assez conséquente, mais me revoilà :) On approche de la fin mine de rien, puisque 35 chapitres sont prévus en tout... j'espère que ça vous plait toujours !

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Lorsque les trois hommes eurent rejoint la rive principale, dans un silence pesant habité de réflexion, il sembla à Harry que le monde était un peu moins beau. Toute sa vie, il avait aimé la magie et ce qu'elle apportait, ce qu'elle permettait. Il avait aimé les sortilèges, leurs bruits et leurs couleurs. Il avait même aimé les potions, leur odeur caractéristique et leurs multiples textures. Aujourd'hui, sous un ciel bleu qui lui semblait gris, Harry se demandait si l'existence de la magie n'était pas un problème.

Il soupira profondément, pour essayer d'expulser ces pensées qui n'avaient pas leur place dans son esprit. Il avait plus à gérer, plus important, même si à ce moment il aurait aimé se réveiller dans son placard sous l'escalier comme si toutes ces années n'avaient été que le rêve d'un cerveau d'enfant.

Une fois de plus, dix minutes de silence et de route suffirent à arriver à leur nouvelle destination. Il s'agissait de la maison dans laquelle avait vécu George Affré. Elle se trouvait au sud de Fenouillet, au bout d'une allée, à plusieurs centaines de mètres de la seule autre maison de la rue. Le chemin s'arrêtait là, sur le pas de la porte. Plus loin, on entendait le bruit de l'eau qui coulait dans le canal, calme, si proche et pourtant si loin.

Harry et Owen quittèrent la voiture, Alaric fit de même mais proposa de rester là afin de surveiller leur cargaison. Aucun d'eux ne voulait risquer de perdre les baguettes, ils acceptèrent donc. Harry avait une sensation étrange, sur laquelle il n'arrivait pas à se concentrer suffisamment, mais qui l'obsédait. Un genre de tâche de fond gênante qui tentait de démêler les fils d'une intrigue secondaire. Alaric agissait étrangement. Il était silencieux, passif. Avant d'ouvrir la porte, Harry se tourna vers le Conjureur de sorts. Il s'était attendu à croiser son regard, mais ce ne fut pas le cas.

Alaric, adossé à la voiture, regardait vers le canal, parfaitement immobile dans le vent frais qui l'enveloppait. La brise semblait passer sous ses vêtements, emmêler ses cheveux, puis passer sur ses lèvres avant de continuer sa route. Harry vit ses lèvres bouger dans un murmure, et le vent retomba. C'était de la belle magie. Si Harry avait bonne mémoire, on l'appelait Messager du Vent. Il ne l'avait jamais utilisé, car il préférait communiquer avec son miroir ou par le biais de son patronus corporel. Mais puisqu'Alaric ne pouvait pas en faire apparaitre… c'était sûrement ce qui se rapprochait le plus de ses besoins.

Le Commandant des Aurors étaient sur le point de détourner la tête en entendant Owen ouvrir la porte, quand il le vit. C'était discret. S'il n'avait pas été habitué à percevoir les plus petits détails, il ne s'en serait pas rendu compte. Ce n'était presque rien, mais c'était bien présent. Alaric, stoïque, inexpressif, silencieux, était en train de pleurer.

— Harry ?

L'intéressé se tourna vers Owen, qui venait de l'interpeller. Il se sentait mal à l'aise, il avait la sensation d'avoir vu quelque chose de profondément intime et secret. Il entra dans la maison, et son esprit se tourna de nouveau vers l'enquête, pas entièrement encore mais suffisamment pour qu'il puisse y réfléchir convenablement. Il voyait encore la larme unique couler sur la joue d'Alaric avant de s'évaporer subitement, comme en contact avec une surface brûlante.

— C'est plutôt grand, commenta Owen. C'est de plein pied mais il y a sûrement un grenier. Je vais essayer de trouver comment on y accède, je te laisse commencer ici.

Harry approuva. Pour le moment, ils se trouvaient tous les deux dans une entrée assez large. Contre le mur de gauche, un porte-manteau bien utilisé, à droite un banc sous lequel s'alignaient des chaussures qui se ressemblaient toutes. Harry commença par fouiller les poches des manteaux, mais n'y trouva rien d'intéressant, juste un calepin dont certaines pages semblaient avoir été arrachées pour ne laisser que celles qui étaient vierges, et un stylo définitivement moldu. Il décida de les emporter malgré tout, au cas où les pages manquantes viendraient à refaire surface.

Cela fait, il regarda rapidement derrière les quelques tableaux accrochés au mur, ainsi que derrière le miroir poussiéreux. Ni ce qu'ils représentaient ni ce qu'ils cachaient n'était digne d'intérêt. Il passa dans le salon, avec un pessimisme grandissant. Il avait peur qu'Owen et lui ne trouvent rien, et en même temps il avait peur de ce qu'ils pourraient finir par trouver.

Le salon était dans un désordre naturel, il y avait des ouvrages qui trainaient un peu partout, un plaid sur un gros fauteuil de cuir, une bibliothèque mal rangée, quelques tasses sur le guéridon et quelques verres sur la table basse. Une bouteille de Whisky qui semblait n'avoir jamais été ouverte était utilisée comme serre-livre sur un buffet contenant un peu vaisselle. Harry fouilla consciencieusement l'endroit, vérifiant chaque livre, chaque coussin, chaque verre, chaque tiroir. Tout cela sans succès. Une fois de plus, Harry se demanda s'il était soulagé ou déçu, sans réussir à le définir réellement. Une fois de plus, il s'imagina ouvrir les yeux sur le plafond pentu de sa vieille chambre sous l'escalier.

Harry enchaina avec la cuisine. En voyant les placards et le frigo plein, Harry se fit la réflexion que personne n'avait dû venir récupérer les affaires du vieux fabriquant de baguettes. Sans doute n'avait-il pas de famille et d'amis, ce qui expliquait en quelques sortes pourquoi il avait choisi une parfaite étrangère pour apprentie. L'odeur était assez épouvantable ici, et le Commandant des Auror lutta avec difficulté contre une nausée grandissante.

Il fit le tour du frigidaire rapidement, sans rien y trouver d'autre que des produits périmés, des fruits et légumes en décomposition et une bouteille de lait dont le contenu était devenu plus solide que liquide. Les placards où se trouvaient la majorité des ingrédients secs avaient été visités par les rats, le reste des ingrédients avaient dû faire la rencontre de quelques pigeons d'après les plumes que Harry trouva autour de quelques sacs en papier vidés de leur contenu.

Harry déplaça une boîte en fer qui semblait contenir du café pour voir derrière elle, mais il l'entendit tinter légèrement. Malgré la peur de ce qu'il pourrait y trouver de répugnant, Harry décida de l'ouvrir et de regarder à l'intérieur. Il y avait des grains de café, mais Harry savait qu'il avait entendu du fer contre le métal. Il décida de vider le contenu de la boîte directement sur le plan de travail, et il s'en félicita : dans les grains de café se cachait une clé en fer. Il la récupéra et la glissa dans sa poche en attendant de trouver ce qu'elle ouvrait.

La cuisine fouillée, Harry passa dans la salle à manger. Owen se trouvait là, scrutant le plafond à la recherche d'une trappe.

— Je commence à me demander si y a vraiment un grenier…

— Va regarder dehors, proposa Harry. Fait le tour de la maison, si y a pas de fenêtre en hauteur c'est qu'il n'y a pas de grenier.

Owen hocha la tête de mauvaise grâce, sans doute aurait-il préféré y penser avant, mais Harry comprenait qu'il ait préféré vérifier directement de l'intérieur : ils avaient trop souvent manqué de passer à côté de quelque chose parce qu'ils avaient été trop vite. Owen parti, Harry commença à fouiller la salle à manger. Il déplaça les chaises, dont certaines grinçaient légèrement, et souleva la nappe de la table sur laquelle quelques oiseaux semblaient avoir relâché leur attention. Le reste de la pièce était plutôt dénudé, et Harry se retrouva démuni quand il se rendit compte que vérifier la table était tout ce qu'il pouvait faire. Il jeta un coup d'œil au plafond, et le lustre attira son attention.

Il y avait une ombre dans l'un des globes abritant une ampoule. Harry fronça les sourcils en se rendant compte que la maison semblait utiliser de l'électricité. George Affré était né dans une famille de sorciers, il avait vécu dans la magie depuis toujours, pourtant il utilisait un frigidaire, un four, une cafetière, des ampoules… Evidemment beaucoup de sorciers, de leurs jours, avaient craqué pour l'électricité moldus, des méthodes avaient été trouvées pour faciliter leur utilisation malgré la présence de la magie dans l'air. Pourtant, la plupart des représentant de l'ancienne génération y étaient assez fermés.

Harry monta sur une chaise puis sur la table. Etant donné qu'il avait trouvé une clé dans un pot de café, il ne lui semblait pas totalement impossible que quelque chose d'important se trouve là. Et en même temps, cela pouvait être n'importe quel animal mort. Il inspira profondément et dévissa la boule en faisant de son mieux pour garder ses distances. Dès qu'elle se détacha de sa base, l'objet tomba et Harry fut persuadé de reconnaitre un genre d'oisillon mort. Il recula rapidement et se retrouva au bord de la table qui bascula sous son poids. La chute fut rapide mais elle sembla passer au ralentis : l'autre côté de la table se soulevait pendant que Harry tombait en arrière, venant heurter le lustre qui se décrocha du plafond et vola vers Harry. Celui-ci n'eut pas le temps de sortir sa baguette, pourtant il sentit le voile de la magie se lever devant lui.

Le verre brisé des ampoules, la structure en fer, les fils, tout se transforma en poussière et Harry n'eut qu'à fermer les yeux. Il atterrit au sol en douceur, sa tête ne heurtant même pas le mur sur lequel il se retrouva adossé. Il tourna la tête vers la porte, où Alaric se trouvait avec un sourire amusé.

— Si jamais tu te posais la question, non : tu ne seras pas cascadeur.

— Très drôle, marmonna Harry en se relevant. Merci, pour ton aide.

— Je t'en prie. Je venais juste te signaler qu'Owen a trouvé quelque chose derrière la maison, il essaye d'ouvrir une porte qui a l'air de donner sur un sous-sol.

Harry le remercia une nouvelle fois en hochant la tête. De nouveau sur pied, il fit le tour de la table et des chaises renversées pour trouver ce qu'il avait libéré du lustre. Il soupira de soulagement en réalisant qu'il ne s'agissait en fait que d'une petite peluche en forme de hibou. Elle était grise, et semblait faire moins de dix centimètres. Il la ramassa et la retourna. Il fut surpris de voir que le hibou avait les ailes croisées sur son ventre, tenant une autre clé. En fer également, elle semblait presque identiques à celle qu'il avait trouvé dans la cuisine. Harry les compara. Elles étaient effectivement semblables, mais leurs dents n'étaient pas positionnées de la même façon, elles devaient donc ouvrir deux serrures différentes.

Le Commandant des Aurors devait encore fouiller la chambre et la salle de bain, mais l'une de ces clés permettraient peut-être à Owen d'ouvrir la porte qu'il avait trouvé. Harry se dirigea vers la chambre qui se trouvait à l'arrière de la maison et ouvrit la fenêtre avec prudence.

— Owen !

— Harry ?

L'Auror arriva au niveau de la fenêtre quelques secondes après. La porte sur laquelle il s'acharnait devaient se trouver à une dizaine de mètre de là. Harry lui donna les deux clés, en lui indiquant où il les avait trouvé. Dans le doute, il lui confia également le hibou qu'Owen regarda avec un air circonspect bien qu'il ne fasse aucun commentaire sur le sujet. Il le remercia et disparu de nouveau pendant que Harry se retournait vers la chambre.

Il ne l'avait pas regardé avec attention en entrant et s'arrêta donc en premier sur le mobilier. Le lit double était impeccablement fait, un plaid en laine multicolore était posé par-dessus la couverture blanche. Une armoire en bois blanc occupait tout un mur de la pièce, Harry entreprit de la fouiller en premier. Il ne trouva rien dans les poches des pantalons et vestes qui y étaient suspendus, ni dans les tiroirs qu'il fouilla minutieusement. Pas de boite cachée, ni de double fond énigmatique.

Harry referma les portes de l'armoire, puis il se tourna vers la commode. Elle était en bois également, mais beige cette fois-ci. Il ouvrit les tiroirs les uns après les autres mais n'y trouva rien de particulier. Les quelques calepins qu'il feuilleta étaient plein d'informations peu utiles, le reste n'était que des piles, ampoules, quelques vêtements et torchons, rien de captivant donc.

Harry regarda sous le lit, et y trouva une malle qu'il attira à lui. Elle n'était pas verrouillée ce qui lui permit de l'ouvrir immédiatement. Elle contenait seulement de vieilles robes de sorciers, dont une qui semblait dater directement de ses études à Beauxbâtons. Il n'y avait rien de très intéressant dans tout cela, une fois de plus, et Harry remit la malle sous le lit après quelques minutes d'investigation. Il regarda rapidement sous les oreillers puis dans les deux tables de chevet sur lesquelles reposait deux lampes et un livre. Là encore, rien ne semblait digne d'intérêt.

Le moral de Harry commençait à en pâtir sérieusement, il avait la sensation de ne pas avancer et, quoi que renferme le sous-sol, il avait l'étrange sensation que cela ne leur apporterait rien de concret. En réalité, cette maison aurait aussi bien pu ne pas être celle du fabricant de baguettes tant elle semblait anodine. A l'exception des clés dissimulées, bien évidemment.

Le Commandant des Aurors passa dans la salle de bain, un coup d'œil lui suffit à faire le même constat qu'avec les pièces précédentes : rien d'intéressant. Il fouilla un peu malgré tout pour se donner bonne confiance, ouvrant chaque pot dans l'espoir de trouver une nouvelle clé sans que cela ne se produise. Quelques minutes plus tard, il sortait de la maison par devant.

Alaric était retourné à la voiture, il s'était assit sur le siège conducteur en laissant la portière ouvert. Il tenait sa baguette à la main mais ne semblait pas le moins du monde concentré, son regard perdu dans l'immensité vide qui descendait vers le canal. Harry le fixa quelques secondes, comme pour déceler un signe qui lui expliquerait pourquoi il se comportait de façon si étrange, puis il se détourna et fit le tour de la maison.

Il trouva Owen devant l'accès au sous-sol. C'était une trappe en bois légèrement inclinée dont le contour en pierre brute s'enfonçait dans la terre. Il avait réussi à l'ouvrir et lançait un Lumos quand Harry passa le coin de la maison.

— J'allais t'appeler. Tes clés n'ont pas servi, j'ai du forcer l'ouverture.

Harry hocha la tête et le rejoignit. Ils regardèrent ensemble vers le bas des marches. Le sous-sol était plongé dans le noir et la lumière qui venait de l'extérieur ne suffisait pas à l'éclairer suffisamment. Il voyait des marches taillées dans la pierre, une rambarde de bois, et une ampoule qui pendait du plafond, à côté d'un fil. Harry descendit de quelques marches pour tirer dessus et la lumière s'alluma, de faible intensité elle permettait tout de même de mieux voir où il se trouvait.

Le sous-sol de la maison était assez petit, une trentaine de mètre carrés environ à vue d'œil. L'endroit était principalement vide, si bien qu'Owen sembla près à remonter dès qu'il atteignit le bas des marches. Ils décidèrent de fouiller tout de même, au moins par acquis de conscience. Il y avait quelques vieux meubles abimés, des boites vides, et au fond de la pièce un secrétaire fermé. Owen essaya les deux clés sur la serrure, et la seconde fit entendre un cliquetis salvateur : au moins, ils avaient une chance de trouver quelque chose…

Ils ouvrirent le meuble, dévoilant une surface d'écriture abimée et tâchée d'encre. Quelques papiers qui ne renfermaient aucune information utile étaient éparpillés là. Harry feuilleta un petit calepin à la couverture noire, au toucher il reconnu de la peau de dragon, un matériaux de qualité que l'on retrouvait généralement sur les gants et les bourses plutôt que les calepins. Le contenu de ce dernier était assez clair : il s'agissait apparemment d'une liste de client et de baguette. Chaque baguette vendue semblait y être écrite, décrite, et associée à son nouveau propriétaire. Certains noms étaient suivit, dans la marge, d'annotation sur la personnalité du sorcier et sur des réflexions que le vieux fabricant de baguette avait pu se faire à leur sujet. Ce calepin étant assez peu rempli, il était clair qu'il y en avait d'autres.

Au-dessus de la surface dédiée à l'écriture se trouvait un tiroir. Owen essaya la deuxième clé dessus et le déverrouilla sans difficulté. A l'intérieur se trouait d'autres calepins noirs, en cuir de Dragon. Harry les récupéra, et une intuition le poussa à chercher celui qui correspondrait à l'année à laquelle Alexandra avait dû se procurer sa baguette. Après avoir vérifié trois carnets, il trouva finalement son nom. Dans la marge, on pouvait lire quelques notes écrites de la main de George Affré :

« Prometteuse. Curieuse. Semble emprisonnée dans les attentes de ses parents. Son entrée à Beauxbâtons pourrait être un déclencheur de bon ou de mauvais. A suivre. »

Cela ne permettait pas vraiment de résoudre l'enquête, pas du tout même, mais c'était la première fois qu'Alexandra n'avait pas l'air parfaite : elle était soumise aux attentes de ses parents, autrement dit il s'agissait d'une enfant décidée à cadrer avec leurs attentes, mais pas d'une perfection sans faille. Owen donna un léger coup de coude à Harry.

— Regarde.

Harry tourna les yeux vers la ligne du calepin qu'il lui montrait, et se mordit un peu la lèvre. Il aurait aimé ne pas fouiller, évidemment. Il avait même fait de son mieux pour ne pas chercher… mais puisqu'Owen avait trouvé…

« Alaric Keeling – Bois de Chêne Cœur en corne de Basilic – 29,5cm, épaisseur moyenne, élastique – Enfant particulièrement intelligent, semble sujet à la dépression, n'arrive pas à rester en place. S'il parvient à se canaliser il fera de grandes choses, sans cela il court à la catastrophe. A surveiller de près. »

Rien de très intéressant, au final, même si le fabriquant de baguette semblait décidément avoir une certaine aptitude pour analyser les enfants qui entraient dans sa boutique. Le regard de Harry fut attiré sur le bas de la page où une note avait été ajoutée concernant Alaric, précédé d'une astérisque : « Venu à la boutique seul ». Cela provoqua un petit pincement au cœur de Harry. Même lui n'était pas venu seul, Hagrid avait été là pour l'accompagner. Alaric n'avait il donc eu personne à ses côtés dans un moment aussi important ?

Harry se força à chasser ces pensées de son esprit. Owen referma le calepin mais ils décidèrent de tous les emporter par précaution, mieux valait prendre le temps de les examiner au cas où il s'y cache quelque chose d'important.

— Y a quelque chose que je comprends pas, dit Owen alors qu'ils quittaient le sous-sol.

— Hm ?

— La baguette de Alaric, c'est pas du Chêne.

— Tu en es sûr ?

— Certain, ça ressemble plutôt à de l'acajou.

Harry ne répondit pas. Ils se dirigèrent ensemble vers la voiture, contournant la maison. Alaric avait toujours sa baguette à la main, et Harry ne put empêcher son regard de s'y attarder. Owen avait raison, c'était trop orange pour du chêne. Il ne faisait même aucun doute que c'était de l'acajou. Une question de plus s'ajoutait à une pile déjà bancale de questionnement et, cette fois-ci, s'en était trop pour Harry qui s'arrêta à côté de la portière côté conducteur. Alaric leva les yeux sur lui, sans réagir particulièrement.

— Ce n'est pas ta baguette, n'est-ce pas ?

Si Alaric était surpris, il n'en montra absolument rien. Il se contenta de faire rouler la baguette entre ses doigts sans lâcher Harry des yeux pendant quelques secondes. En temps normal, Harry se serait sans doute attendu à une attaque, il aurait reculé en sortant sa propre baguette, prêt à se protéger et à contre-attaquer. Au lieux de ça, il resta immobile, à un mètre à peine d'Alaric.

— Effectivement, répondit finalement ce dernier. C'est celle d'un ami.

— Pourquoi est-ce que c'est toi qui l'a ?

— Parce qu'il n'en a plus l'utilité.

Harry ferma les yeux une seconde. Il s'était attendu à une réponse de ce genre et, maintenant, il s'en voulait d'avoir attaqué Alaric de front de cette façon, avec si peu de considération pour lui. C'était agaçant, à la longue… Il avait sans cesse l'impression que les réponses qu'il effleurait du bout des doigts se multipliaient en un milliers d'autres questions. Qui était cet ami ? que lui était-il arrivé ?

Le conjureur de sort démarra la voiture et Harry en fit le tour pour monter côté passager sans poser plus de question. Owen s'installa à l'arrière cette fois-ci, et se plongea dans la lecture des calepins. Cette fois-ci, le trajet durerait environ quarante-cinq minutes, et Harry en profita pour observer Alaric du coin de l'œil. Celui-ci s'en rendit sans doute compte mais il ne laissait rien voir, pas la moindre faille, si bien que Harry se demanda s'il n'avait pas rêvé cette larme unique dans le tableau trop parfait d'un Alaric entouré par le vent.

— Harry, j'ai trouvé quelque chose.

Owen se détacha pour se pencher vers les sièges à l'avant. La voiture commença à émettre un bip d'alerte qu'Alaric désactiva avec un naturel qui força Harry à se demander s'il prenait souvent ce mode de transport. Il tourna son attention tout entière sur Owen malgré tout, et prit le carnet qu'il lui tendait. Sur la page se trouvaient les noms de plusieurs loups-garous qu'ils avaient arrêtés avec un détail de leur baguette. Plusieurs étaient suivis d'une astérisque, et le bas de page indiquait qu'ils avaient achetés de nouvelles baguettes, dont les informations se trouvaient dans « le carnet de commande ».

— On le trouvera sûrement à la boutique, dit Harry, mais je crois qu'on peut déjà être à peu près sûr qu'il s'agit de baguettes en Bois de Lune.

Owen hocha la tête en signe d'approbation et retourna à sa lecture des calepins. Le reste du trajet se passa sans aucune découverte notable de la part d'Owen et même si Harry avait envie de questionner Alaric il s'abstint de le faire. Ils entrèrent dans Montauban puis continuèrent vers le nord presque jusqu'à en sortir. La boutique se trouvait sur l'une des rues principales du village. Aux yeux des moldus, il n'y avait là que des maisons raisonnablement espacées avec leurs jardins bien entretenu qui conservait des apparences naturel et sauvage. Pour des sorciers, en revanche, il était impossible de rater le magasin dont la devanture en bois gravé à la flamme indiquait « Baguettes Affré ». Aucune date n'indiquait l'année d'ouverture de la boutique, et Harry en conclu que George devait être le premier de la famille à se passionner pour l'art noble de la confection de baguettes.

Ils entrèrent sans grande difficulté : la porte était magiquement verrouillée mais Alaric vint à bout du sortilège de Collaporta avec un sort de sa création. L'intérieur était bien entretenu, et assez différent de la boutique d'Ollivanders : il y avait de grandes bibliothèques renfermant des boites de baguettes mais, ici, elles étaient classées très efficacement. Chaque bibliothèque contenait un bois différents, chaque étage correspondait à un cœur et, au sein de ces étages, les baguettes étaient triées en fonction de leur taille, de leur épaisseur et de leur souplesse.

Là où les sorciers anglais essayaient systématiquement plusieurs baguettes jusqu'à sentir la bonne, il semblait que George Affré s'était donné pour mission de toujours savoir exactement ce qu'il fallait aux personnes qui franchissaient sa porte. Owen, Alaric et Harry se mirent à fouiller l'endroit, de la boutique à la réserve, sans rien laisser au hasard.

Plutôt que de s'interrompre chaque fois qu'ils trouvaient quelque chose, ils décidèrent de finir leur fouille avant de partager les informations. Tous les trois avaient une bonne mémoire, ils sauraient lier les différents éléments une fois que tout serait examiné. Une heure plus tard, ils se rejoignaient devant le comptoir.

— J'ai trouvé un casier vide dans l'arrière-boutique, commença Harry. D'après l'étiquette, c'était des baguettes en Bois de Lune. J'ai fouillé le livre des comptes, à part celles qui ont été vendus aux loups-garous que l'on connait, aucune autre n'est censée avoir quitté la boutique.

— Je pense que c'est Alexandra, dit Owen. J'ai trouvé des notes d'Affré, ajouta-t-il en tendant un petit carnet sans couverture à Harry. Il écrit qu'il pense qu'elle a volé de la marchandise, des baguettes seulement. Il ne parle pas de celles en Bois de Lune mais de plusieurs autres, apparemment c'était une habitude.

— Si c'est le cas, on trouvera sûrement des informations dans des quartiers peu recommandables, indiqua Alaric. Elle doit sans doute les revendre à la sauvette. C'est plus facile qu'on ne le croit de vendre une baguette volée. Je peux essayer de contacter quelques personnes à ce sujet.

— Oui ce serait un bon début, approuva Harry. Mais si Alexandra a finit par voler des Baguettes en Bois de Lune… Cela signifie soit qu'elle savait à qui les vendre, en quel cas elle est en danger, soit qu'elle n'en savait rien…

— En quel cas elle est aussi en danger, compléta Owen.

Harry hocha la tête. Ils restèrent silencieux quelques instants, chacun réfléchissant au meilleur moyen de traiter cette affaire. Le plus urgent était, dans tous les cas, de retrouver Alexandra. Qu'importe son trafic illégal de baguette, elle était en danger si elle se mettait à faire du commerce avec les membres de l'Organisation pour le Droit à la Pleine Lune.

— J'imagine qu'on doit commencer par trouver un équivalent à l'allée des embrumes dans cette région, soupira Harry. Alaric ?

— Oui, c'est en centre-ville.

— Alors on retourne à Toulouse.

Tous les trois approuvèrent, puis ils sortirent de la boutique. Harry était inquiet pour Alexandra : cette enquête semblait liée à celle qui les occupait à Londres, et l'idée qu'une innocente adolescente se retrouve au beau milieu de tout ça… Disons qu'il avait la sensation que les choses risquaient de déraper, et qu'Alexandra pourrait bien ne jamais rentrer chez elle.

La voiture démarra dans un silence que Harry ne remarqua pas vraiment, plongé dans ses pensées. Tout ce qu'il pouvait faire pour le moment, c'était chercher l'adolescente. Le trajet fut particulièrement long, bien qu'il n'ait en réalité duré qu'un peu moins d'une heure : Harry était stressé, et chaque seconde passée sur la route lui donnait envie de transplaner au risque d'emporter avec lui la voiture et ses occupants. Le risque était trop grand évidemment, et même en quittant la voiture il ne connaissait pas leur destination et Alaric ne semblait pas être un grand amateur de transplanage.

Le conjureur de sorts se gara finalement tout près d'une grande place entouré de terrasses et d'un marché à ciel ouvert. Un immense bâtiment en pierre rouge et blanche surmonté de quelques colonnades semblait être l'élément principal de la place.

— Où est-ce qu'on est ? demanda Owen en regardant autour d'eux.

— C'est la place du capitole. L'accès est par là.

Alaric les dirigea droit vers le capitole. Harry et Owen échangèrent un regard incertain mais ils ne pouvaient que faire confiance à leur accompagnateur : s'il disait que l'entrée était dans un endroit aussi visité… ils ne pouvaient que le croire. Ils passèrent les portes ouvertes qui donnaient sur une cours intérieure. Après le second pilier, Alaric tourna à droite.

Ils s'arrêtèrent sous une arche et Alaric s'adossa nonchalamment au dos du pilier. Un passant les dépassa sans leur prêter la moindre attention. Quand l'endroit fut désert, un instant seulement car on entendait déjà approcher des visiteurs, Alaric posa sa main sur la brique.

— Vous aurez besoin de vos baguettes, contentez vous de la poser là et de dire « intrare ».

Alaric avait à peine fini de donner ses instructions qu'il disparu dans le mur, exactement comme lorsque les élèves de Poudlard et leurs accompagnant traversait l'accès à la voie 9 ¾. Owen tira sa baguette rapidement, une seconde plus tard il avait disparu lui aussi, sans doute inquiet à l'idée de laisser Alaric seul trop longtemps dans un endroit qui semblait peu recommandable.

Harry regarda rapidement autour de lui pour s'assurer que personne ne prêtait attention à lui puis il tira sa baguette. Pourtant, lorsqu'il en colla l'extrémité contre la pierre, il ne dit rien. Il avait envie d'essayer, lui aussi. Savoir s'il en était capable. La magie sans baguette nécessitait de savoir canaliser sa puissance magique directement dans son corps, lui faire traverser les pores de la peau, la laisser ruisseler dans le sang. En théorie, il en était capable, mais il ne l'avait jamais fait réellement consciemment.

Harry inspira profondément et prit sa baguette dans l'autre main, pour poser la première contre la brique. Il ferma les yeux, se concentra sans vraiment savoir sur quoi, essayant de se remémorer des sensations. C'était faible. Une sensation étrange d'engourdissement au bout des doigts, comme des fourmis, peu agréable mais pas douloureuse pour autant. Il la sentait, informe, incolore, venir habiter son sang, s'échapper de sa peau et enserrer ses doigts.

— Intrare.

Il l'avait à peine murmuré, mais il sentit sa main s'enfoncer dans la brique. C'était une sensation différente de d'habitude. Traverser des murs n'était pas une chose nouvelle mais c'était la première fois qu'il le faisait en toute conscience, et surtout en se concentrant si fort sur la sensation de la magie qui refluait en lui. Il sentit la brique contre son corps, il la sentit devenir immatérielle puis se reconstituer dans son dos. Un instant plus tard, il était de l'autre côté.

— Qu'est ce qui t'a pris tout ce temps ?

Harry roula un peu des épaules, il n'avait pas envie de partager ça avec Owen pour le moment et se contenta donc de lui dire qu'il avait dû attendre qu'un petit groupe ait fini de passer. Owen ne chercha pas à insister, convaincu sans doute, mais Alaric avait les yeux posé sur la baguette de Harry, dans la main qu'il n'utilisait décidément pas habituellement. Le Commandant des Aurors rangea sa baguette en évitant soigneusement le regard trop affuté d'Alaric.

— C'est par où ?

Harry leva la tête sur son nouvel environnement en posant la question. Ils se trouvaient dans un genre de copie conforme du bâtiment qu'ils venaient de quitter, dans une cours agréable qui donnait sur des murs hauts. La différence était que les murs en question étaient occupés par des boutiques sur plusieurs étages, des sorciers s'arrêtaient sur une dalle au sol qui s'élevait immédiatement pour les mener à la boutique qu'ils désiraient visiter avant d'être remplacé par une autre. Ca n'avait rien à voir avec La Chemin de Traverse.

— Tu vois la zone avec plein de monde, des enfants qui rient et des petits vieux qui donnent de l'argent de poche à leurs petits enfants ?

— Euh… Oui ?

— Eh bah c'est pas là de toute évidence, soupira Alaric.

Il indiqua de la tête une autre zone que Harry n'avait même pas remarqué. Une boutique qui semblait abandonnée, tout au fond de la cour. La porte était entrouverte, les vitres sales, l'endroit n'était ni éclairé ni emprunté à première vue. Ils s'y dirigèrent tous les trois, slalomant entre les dalles qui s'élevaient sans prévenir. Owen posa son pied sur l'une d'entre elle et se serait retrouvé par terre s'il n'avait pas eu le réflexe d'y poser son second pied pour en sauter ensuite en lui jetant un regard mauvais. En traversant, Harry regarda avec plus d'attention le fonctionnement des étages supérieurs.

Les sorciers y montaient bien avec des dalles, puis il pouvait marcher sans se soucier de rien : les briques se détachaient des murs pour former un chemin chaque fois que leurs pieds survolaient le vide. Il fallait avoir une grande confiance en la magie pour évoluer ici… Il était d'ailleurs facile de voir quels étaient ici les enfants nés moldus, ils cherchaient résolument à s'accrocher à leurs parents ou à prendre appuie sur les murs. Si l'endroit était résolument magique, Harry préférait la simplicité du chemin de traverse qui avait l'avantage de ne pas jouer avec la gravité.

Alaric s'arrêta devant la boutique abandonnée et en poussa la porte avec prudence. Un regard autour d'eux et Harry se rendit compte qu'on les dévisageait d'un air mauvais. Visiblement, il était difficile de se montrer discret quand on voulait faire affaire au marché noir… Cela pourrait jouer en leur faveur. Les habitués pourraient peut-être leur dire s'ils avaient vu passer Alexandra, si jamais ils ne trouvaient rien.

Ils entrèrent dans la boutique.

Dès qu'ils furent à l'intérieur, le décor changea : la boutique abandonnée et sale, poussiéreuse avec ses vitres cassées et sa porte entrouverte, était maintenant pleinement éclairée et décoré comme un salon victorien, avec des fauteuils pleins de dorures et un chandelier de cristal imposant.

— Tu es sûr qu'on est au bon endroit ? questionna Harry

— Sûr, je viens ici plus souvent que je ne devrais l'admettre, répondit Alaric avec un sourire.

— Tu ne devrais pas te vanter de ça…

Alaric se contenta d'un haussement d'épaule. Ils passèrent dans une seconde pièce où quelques sorciers échangeaient en buvant du thé dans des services qui devaient coûter une petite fortune. Finalement, une dernière porte les mena dans une rue adjacente.

La lumière vacillante poussa Harry à lever la tête vers le ciel : ils étaient sous une immense arche de pierre, le tunnel s'étendant à perte de vue. Le pavé humide au sol, les capes qui frôlaient les semelles, les têtes baissées sous des capuches, cet endroit ressemblait bien plus à ce à quoi Harry s'était attendu que la boutique qu'ils venaient de quitter.

— Euh Alaric, commença Owen. La boutique qu'on vient de traverser… ?

— Faut pas y faire attention, répondit-il. C'est le seul accès, mais c'est tenu par des abrutis.

— C'est-à-dire ?

— Des royalistes qui regrettent que la révolution ait eu lieu et se croient encore en 1788.

— Ah. Je vois.

Owen jeta encore un regard derrière eux, visiblement mal à l'aise. Harry regarda la rue dans laquelle ils se trouvaient plus en détail : toutes les devantures se ressemblaient, les passants défilaient en s'ignorant soigneusement, certains faisant même des écarts d'un ou deux mètres pour être sûrs de ne frôler personne.

Alaric se mit en marche et les deux aurors le suivirent. Ils décidèrent de commencer par questionner les habitués d'un bar tout proche dans lequel Alaric avait ses habitudes. Ils passèrent une porte anonyme, au bois rongé par les années, pour se retrouver dans un bar qui rappelait à Harry l'ancienne Tête de Sanglier, en un peu plus propre.

Il y avait des tables désordonnées un peu partout, des chaises qui n'étaient pas assortis, et un barman à l'air sévère qui les scrutait avec autant de désintérêt que s'ils avaient été trois feuilles mortes balayés par le vent. Encore qu'étant donné l'absence d'arbre dans la rue, elles auraient sans doute eut plus d'attention qu'eux.

— Salut Franck, lança Alaric en français avec un sourire éclatant.

Le barman posa une chope sur le bar avec un grognement pour seule réponse. Cela sembla suffire pour leur souhaiter la bienvenue car Alaric se dirigea droit sur lui. Il prit la choppe avec un sourire tranquille.

— Ils vont prendre la même chose, dit-il au barman.

Harry ne comprit ce qu'Alaric avait dit dans son agaçant français que quand le barman posa deux nouvelles pintes sur le bar.

— Alaric, soupira Harry. On a pas le temps pour…

— Ne sois pas grossier, coupa Alaric. On ne questionne pas un barman sans boire un verre.

Harry et Owen échangèrent un regard mais il était difficile d'aller à l'encontre de ça : ils étaient en France, loin de leur juridiction, pas en mission officielle malgré ce qu'ils avaient dit aux Chevaliers, autrement dit ils n'avaient pas vraiment d'autre choix que de suivre les recommandations d'Alaric, aussi agaçant soit-il.

Ils s'installèrent donc sur un des tabourets de bar. Harry demanda à voix basse, à Alaric, si le barman parlait anglais. Ce dernier posa un torchon sur le bar en grognant légèrement.

— Il parle anglais, répondit Franck d'une voix bourrue. Contrairement aux anglais, on apprend la langue de nos voisins en France.

Harry eut un sourire poli pour cacher sa profonde antipathie. Cet échange commençait très mal, il préféra cependant ne pas relever, d'autant qu'effectivement on enseignait pas les langues aux anglais avec autant d'assiduité qu'aux autres.

— Je ne voulais pas sous-entendre que vous n'en étiez pas capable, juste m'assurer que vous seriez à l'aise pour échanger de cette façon.

— Je l'suis, répondit l'homme sans plus de gentillesse. Qu'est-ce que vous me voulez ?

— On recherche une jeune fille. Elle a environ 17 ans, et cherche à revendre des baguettes.

L'homme ne répondit pas, et Harry préféra continuer en décrivant physiquement la jeune fille, sans que l'homme ne décroche un mot pour autant. Franck tourna la tête vers Alaric et ce dernier lui dit quelque chose en français que Harry ne parvint pas à saisir.

— Très bien, grogna Franck. Elle est passé devant le bar y a une heure. J'sais pas où elle allait, mais si elle veut vendre des baguettes ça dépend de si elle a déjà des clients ou pas.

— C'est-à-dire ?

— Si elle a pas de clients, soit elle va chez un revendeur soit elle s'en occupe elle-même en allant dans l'allée sud. Si elle a déjà des clients, j'imagine que le meilleur point de rendez-vous ce serait la place des arches.

Harry tourna la tête vers Alaric qui lui confirma qu'il savait où se trouvaient ces endroits. Harry remercia le barman et se releva mais un regard appuyé d'Alaric lui fit se raviser. Il porta la choppe à ses lèvres. Le breuvage, d'une couleur argentée, ne semblait pas répugnant, loin de là. Harry en but une gorgée qui lui brûla la gorge.

— Qu'est-ce que c'est ? parvint-il à demander après une quinte de toux.

— Un gin de licorne, répondit Franck.

Harry pâlit légèrement en baissant les yeux sur le contenu de sa chope. La couleur argenté était-elle dû à du sang de licorne ? Venait il d'en consommer ? Alaric en consommait il régulièrement ? Il se sentait mal à l'aise et nauséeux, mais Alaric ricana à côté de lui.

— Pas de panique. C'est distiller avec du crin, pas du sang. Techniquement ça revient à boire le cœur d'une baguette avec de l'alcool.

Le Commandant des Aurors lâcha un soupir de soulagement, imité par Owen qui avait dû avoir la même impression que lui. Ils finirent leur choppe en quelques minutes, le breuvage étant trop fort pour être bu d'une traite. Quand ils se retrouvèrent dehors, Owen peinait à marcher complètement droit et se tenait la tête.

— C'était une super mauvaise idée… pourquoi il sert ça en choppe… c'est pas censé se boire dans un tout petit verre un machin comme ça…

— Si, sourit Alaric. Franck est du genre à servir les clients qu'une fois par soirée, alors il fait des quantités en conséquence. On est pas censé boire si vite.

— T'as l'air d'aller bien, toi, remarqua Owen.

— Je tiens bien l'alcool, Harry aussi à première vue.

Harry fixa sur Alaric un regard qu'il aurait voulu plus colérique que vaseux. Un haut le cœur lui fit fermer les yeux une seconde. Il ne tenait pas mieux l'alcool qu'Owen, mais il parviendra à donner le change le temps qu'il faudrait.

— Tenez.

Owen et Harry tournèrent de nouveau les yeux vers Alaric qui leur tendit deux petites boules marrons. Harry reconnu des billes de bezoar, faites pour être transportées et consommer directement. Il en prit une et l'avala, de même qu'Owen. Deux minutes plus tard à peine, la pierre avait fait son office et absorbé l'alcool qu'ils avaient ingéré. Sans aller jusqu'à se sentir parfaitement bien, Harry et Owen se sentaient un peu plus solides sur leurs appuis.

— Plus jamais, grogna Owen.

— Espérons qu'on ait jamais d'autres questions à poser à l'adorable Franck, soupira Harry.

Alaric rit un peu puis leur indiqua de le suivre. Ils avancèrent dans la rue large dont toutes les boutiques se ressemblaient. Il était difficile d'imaginer que quelqu'un puisse se repérer dans un endroit pareil. Même marcher donnait une impression désagréable d'éternellement recommencement. La perfection avec laquelle les pavés étaient alignés n'aidait pas. Après quelques dizaines de mètre, Harry s'arrêta net. Il regarda autour d'eux, sourcils froncés, cherchant à comprendre la sensation étrange qui lui tordait l'estomac.

— Tu as remarqué ?

Alaric souriait, arrêté quelques mètres plus loin. Owen s'arrêta à son tour, sans vraiment comprendre ce que Harry était censé avoir remarqué. Le Commandant des Aurors regarda le sol une seconde, puis il fit un pas. A peine eut-il posé le pied sur le pavé qu'il était à un mètre à peine d'Alaric et Owen. Ce dernier sursauta et recula d'un pas qui le mena cinq mètres plus loin.

— On transplane en boucle ?

— C'est ça. Chaque pas fait environ cinq mètres.

— Exactement la distance d'une porte à l'autre, constata Harry.

Alaric hocha la tête. Le système était assez simple : l'architecture de la rue permettait de camoufler un peu la sensation de transplaner, mais cette dernière se faisait naturellement à chaque pas, comme si chaque bâtiment existait individuellement. Le signal était clair : personne n'était là pour se promener et chiner, on faisait ses petites affaires et on s'en allait aussi sec.

Une fois qu'on l'avait remarqué, il devenait compliqué de ne pas le ressentir à l'extrême. Harry, tout comme Owen, sentait sous estomac se tordre à chaque pas, chaque fois que la porte à leur droite était remplacée par la suivante, parfaitement identique. C'était comme faire du surplace, et cela expliquait pourquoi la lumière vacillait ainsi : chaque pas correspondait avec un moment d'assombrissement pour atténuer l'effet désagréable d'une image qui se répète inlassablement.

Harry n'aimait décidément pas cet endroit, ni sa rue à transplanage, ni sa boutique de royaliste, ni son chemin de dalles et de briques volantes. Il avait envie de rentrer à Londres dans la sécurité agréable du Square Grimmaurd.

— On y est, c'est le seul revendeur de baguettes de la rue.

— Sérieusement ? s'étonna Owen. Avec toutes les boutiques qu'il y a…

— On est très organisé même dans le crime : chacun son domaine. Celui de Maeva, c'est les baguettes.

Harry soupira en comprenant qu'Alaric connaissait également la vendeuse de cette boutique. Il se demanda un instant s'il connaissait les vendeurs de toute la rue mais il n'avait aucune envie de lui poser la question.

Ils entrèrent dans la boutique qui ressemblait à un atelier de baguette tout à fait classique : des bibliothèques entières de boites de baguettes décoraient les murs, des escaliers exigus menaient à un étage tout aussi chargé, des échelles hautes permettaient d'accéder aux étagèrent les plus hauts. Au beau milieu de ce désordre se trouvait un comptoir en bois brute qui semblait crouler sous les boîtes de baguette lui aussi.

Alaric, Owen et Harry décidèrent de rester un peu en retrait : la vendeuse, Maeva, était en train de discuter avec une cliente emmitouflée dans une cape. Harry tendit l'oreille par habitude, mais il se concentra sur les baguettes devant lesquelles il passait. Il reconnu les signatures de quelques artisans baguettiers, notamment quelques créations d'Ollivanders qui lui serrèrent le cœur dans leurs vieilles boites abimées par le temps.

— Ecoute je peux t'en prendre deux ou trois pour voir si ça se vend, mais pas tout, soupira Maeva.

— D'accord, répondit la cliente d'une voix faible et hâtive.

Harry ne tourna pas la tête vers elles tout de suite. Il n'avait pas totalement compris l'échange mais il lui semblait avoir saisi le propos principal. Avant d'agir, avait besoin de cartographier la zone dans son esprit. Une seconde plus tard c'était comme s'il était au-dessus de la scène, localisant ses pions pour savoir exactement comment agir. Alaric était le plus proche du comptoir, sur les marches juste à côté de ce dernier. Owen était derrière, dans le dos de Maeva, mais il avait déjà la main sur sa baguette.

Le Commandant des Aurors expira doucement et tourna les yeux vers le comptoir. Une boite qu'il reconnu parfaitement passa de la main de la cliente à celle de Maeva, qui la posa sur deux autres boites identiques.

— … Mademoiselle Baulne ?

Les épaules frêles de la jeune cliente se tendirent brusquement, ses doigts se crispant sur le comptoir. Maeva tourna les yeux vers Harry, puis vers Alaric. En une fraction de seconde elle avait sorti sa baguette. Les deux Aurors firent de même mais Alaric ne bougea pas.

— Igne Magicum ! lança Maeva

Harry n'eut pas la possibilité de contre-attaquer, ou d'essayer de comprendre ce que faisait ce sortilège : brusquement, sa baguette le brûla comme si elle venait de s'enflammer et il la lâcha par réflexe, tout comme Owen. Alexandra se rua sur la porte, mais Alaric plaqua sa main contre cette dernière et la referma d'un geste sec. Alexandra se heurta au bras du Conjureur de sorts et recula en trébuchant.

— Alaric ! s'indigna Maeva. Laisse ma cliente sortir !

Elle pointa sa baguette sur Alaric mais ce dernier se contenta de lever un sourcil réprobateur.

— Et ? Je n'ai pas ma baguette. Qu'est-ce que tu vas faire ? Me jeter un sort directement ? On sait tous les deux que tu détesterais ça.

Maeva resta silencieuse, sa baguette toujours pointé sur Alaric, ses doigts crispés sur le bois. Elle semblait plus agacée qu'autre chose. Finalement, elle redressa la tête et les épaules et lâcha avec un sourire moqueur :

— Imperium Magicum. Aguamenti.

Alaric ferma les yeux avec une expression qui ressemblait presque à un abandon, alors que dans sa poche sa baguette déversait un torrent d'eau sans qu'il ne puisse rien y faire.

— Finite, dit avec un sourire satisfait.

— Très malin. Vraiment, grogna Alaric.

Une seconde après, pourtant, Alaric était parfaitement sèche grâce à un sortilège de vent chaud qui l'enveloppa sans qu'il n'ait à bouger. Il posa de nouveau les yeux sur Alexandra avant de relever la tête sur Harry. Ce dernier, sans avoir tout compris, avait déjà suffisamment d'information pour prendre la suite.

— Owen, range ta baguette.

Owen s'exécuta et Harry ramassa sa baguette avec précaution. Une rapide vérification lui indiqua que sa baguette allait très bien, et il la glissa dans sa poche non sans une pensée pour le sortilège qu'avait lancé au Conjureur de Sort.

— Madame, s'il vous plait, tenta Harry dans un français à l'accent très marqué.

— Mademoiselle.

Mareva baissa sa baguette malgré tout et la posa sur son comptoir, au beau milieu de plusieurs autres baguettes comme si elle aurait pu utiliser n'importe laquelle d'entre elles.

— Merci, dit Harry avant de se tourner vers Alexandra qui se relevait.

L'adolescente tremblait de tout son corps, jetant des regards affolés partout autour d'elle pour trouver une échappatoire. Elle semblait en bien piteux état, avec ses vêtements abimés et froissés et ses cheveux sales et emmêlés, mais son regard effrayé était vif, et ses lèvres semblaient murmurer pour elle-même des réflexions qui fusaient dans son esprit.