Première piste pour Amelia.

Merci, katymyny, tu me donnes le sourire chaque fois que je te lis ;) en plus, j'aime bien l'idée d'être lue à l'autre bout du monde ! Cœur avec des pouces verts :)

Bonne lecture !

Chapitre 8 : L'expérience

Novembre 1990 – Poudlard

« – et donc, comme c'est un papillon qui pond à la tombée de la nuit, il suffirait de fermer la serre avant la tombée de la nuit. »

Le professeur Chourave contemplait d'un air dubitatif la page 218 de Papillons ravageurs des cultures ornementales.

« S'il n'y a pas de ponte, il n'y a pas d'œufs, » reprit Amelia, « et s'il n'y a pas d'œufs, il n'y a pas de chenilles. »

La démonstration est claire, pourtant, s'exaspéra intérieurement Amelia en voyant le regard sceptique de sa tutrice.

« Et s'il n'y a pas de chenilles… »

« Oui, merci, je pense que j'ai compris le raisonnement, » coupa le professeur Chourave.

Elle jeta un dernier coup d'œil à l'illustration du papillon, puis repoussa le livre en direction d'Amelia.

« Faites votre expérience, » déclara-t-elle simplement.

Amelia se retint de sauter de joie et opta plutôt pour un sourire.

« Je vous donne un mois, » avertit le professeur Chourave en voyant son apprentie refermer le livre. « Dans un mois, si vos résultats ne sont pas à la hauteur, nous reprendrons les traitements. »

« C'est noté, » accepta Amelia.

Elle remit le livre dans son sac.

« Je voulais vous demander autre chose. »

« Je vous écoute. »

« Les traitements contre les insectes ou contre les champignons… »

« Oui ? »

« Depuis combien de temps sont-ils utilisés à Poudlard ? »

Le professeur Chourave prit quelques secondes pour réfléchir.

« Au moins depuis que j'enseigne, » répondit-elle finalement, « c'est-à-dire depuis une quinzaine d'années. »

« Et les élèves… »

« Les élèves n'y touchent pas, ce n'est pas dans leur cursus. »

Amelia hocha la tête pensivement.

« Amanda, » fit le professeur Chourave avant qu'Amelia n'ait pu sortir de son bureau.

« Professeur ? »

« Tenez. »

Et le professeur Chourave sortit d'un des tiroirs de son bureau un petit trousseau de clés.

« Vous en aurez besoin pour fermer la serre. »

Amelia faillit lui faire remarquer qu'elle n'avait besoin que d'une clé pour cela, mais préféra se taire. Le professeur Chourave lui faisait confiance, c'était tout ce qui comptait.

Le soir-même, avant le dîner, quand le soleil commençait à décliner au loin, au-delà des collines qui bordaient Poudlard, Amelia retourna aux serres après avoir passé l'après-midi à la bibliothèque, à faire des recherches plus poussées sur le Cacyreus pelargonii.

Le Cacyreus était, contrairement à la plupart des papillons, une espèce hiémale, « d'hiver », c'est-à-dire que le papillon était actif de l'automne jusqu'à la fin de l'hiver. Au printemps, les derniers œufs pondus s'ouvraient, mais les chenilles qui en sortaient, plutôt que de se transformer en adultes, tissaient autour d'elles-mêmes un cocon isolant, qui les protégeait de la chaleur du printemps et surtout de l'été, avant d'en sortir, en septembre, quand les nuits commençaient à se rafraîchir. C'est alors que la chenille muait en papillon adulte, qui cherchait à se reproduire et se mettait à pondre.

Et jusqu'au printemps suivant, les générations se succédaient, adultes-œufs-chenilles-adultes, avec à chaque génération une multiplication des chenilles dévoreuses de géraniums. Les potions anti-chenilles devaient ainsi être appliquées régulièrement, sans interruption, jusqu'à ce que l'hiver passe et que les températures douces du printemps forcent les dernières chenilles à se tisser un cocon.

Amelia avait donc tout intérêt à prouver, au moyen d'une expérience, qu'il était possible d'empêcher le Cacyreus adulte de pondre sur les géraniums dentus, en refermant simplement les serres à la tombée de la nuit.

La difficulté, à mettre en place cette expérience, était de partir sur une base « saine », en particulier s'il restait des œufs à éclore sur les feuilles : si les œufs s'ouvraient et qu'Amelia n'appliquait plus de traitement, les chenilles allaient se développer et dévorer les géraniums, et l'expérience ne servirait à rien. Il fallait donc commencer l'expérience en fermant les serres avant la nuit tombée, mais en appliquant tout de même le traitement pendant encore une semaine, le temps que tous les œufs déjà pondus éclosent et que les chenilles qui en sortent soient détruites par l'anti-chenilles. Entre-temps, le fait de fermer les serres avant la nuit empêcherait les adultes de pondre de nouveaux œufs. Et même s'il lui faudrait encore trouver une solution pour ne plus avoir à appliquer l'anti-pucerons des mandragores et l'anti-moisissures du ficus sauteur, cela ferait déjà un traitement de moins – ce qui arrangeait Amelia qui n'avait pas l'intention de finir dans La Gazette du Sorcier, intoxiquée par les vapeurs de potions.

Au bout d'une semaine et après un dernier traitement qui détruisit les dernières chenilles sorties de leurs œufs, Amelia put enfin laisser l'anti-chenilles dans le range-bordel – ou « local à traitements », comme l'appelait le professeur Chourave.

Il fallait maintenant s'astreindre à fermer la serre avant que la nuit ne tombe, ce qui nécessitait d'autant plus d'anticipation que les jours raccourcissaient. Le professeur Chourave, comme à son habitude, se chargeait des autres serres en quittant son bureau, avant le dîner, ou bien même après le dîner, si la journée avait été ensoleillée et qu'il fallait laisser les serres s'aérer et se rafraîchir.

Le matin, quand Amelia arrivait, les serres étaient encore fermées, bien souvent, le temps de regagner quelques degrés avec le soleil qui se levait de plus en plus tard. Bientôt, quand l'hiver serait là, il ne faudrait quasiment plus ouvrir les serres. Un jour, le professeur Chourave expliqua qu'il serait sans doute nécessaire de protéger les serres avec un charme homéotherme, pour maintenir une température minimale et éviter le gel.

« Mais ce ne sera qu'en janvier ou février, » précisa-t-elle en ouvrant le cadenas qui verrouillait la serre aux mandragores.

« Vous lancerez le charme vous-même ? » demanda Amelia, inquiète à l'idée de se voir confier la tâche.

« Je demande généralement à Filius de le faire. »

Le professeur Chourave posa ses clés sur une paillasse et se tourna vers Amelia. « Vous n'aimez vraiment pas utiliser votre baguette, » dit-elle.

Sentant une charge invisible lui tomber sur le cœur, Amelia ne sut pas quoi répondre à ce qui n'était même pas une question. Mais le professeur Chourave ne la laissa pas y réfléchir longtemps. « Peu importe, » coupa-t-elle.

Elle chercha quelque chose du regard puis se pencha sous la paillasse.

« Vous êtes compétente pour ce que je vous demande, » continua-t-elle, la voix légèrement étouffée en fouillant dans les affaires éparpillées sous la paillasse, « et même très compétente. »

Elle se redressa, posa sur la paillasse la paire de cache-oreilles qu'elle venait de trouver. Puis elle leva de nouveau les yeux vers Amelia, qui se sentit étonnamment petite face à ce regard inquisiteur. « Surtout, entendez bien ce que je vais vous dire, Amelia, » avertit le professeur Chourave.

« Professeur ? » fit Amelia avec une certaine appréhension. Ce n'était jamais un hasard quand le professeur Chourave l'appelait par son vraie prénom.

« Vous n'êtes pas sans savoir que votre… réticence, dirais-je, à faire de la magie n'est pas forcément bien vue dans ce château… »

« Vous voulez parler du professeur McGona – »

« Peu importe de qui je parle, » l'interrompit le professeur Chourave. « Ce que je vais vous dire vaut pour quiconque cherchera à remettre en question votre légitimité à être apprentie ici, à Poudlard. »

Elle chercha un instant ces mots, puis attrapa Amelia par le bras, gentiment, mais avec fermeté. « L'expérience que vous êtes en train de mener, par rapport aux chenilles et aux traitements, c'est une initiative formidable. »

« Je… »

« Nous ne connaissons pas encore le résultat, je sais » devança le professeur Chourave. « Mais vous avez pris cette initiative. Vous avez cherché à analyser le problème des chenilles, vous avez trouvé certaines réponses, et maintenant, vous mettez en œuvre une solution potentielle pour contourner l'obligation des traitements… Visiblement, vous n'avez pas besoin de savoir métamorphoser une souris en tabatière pour parvenir à faire preuve d'esprit critique, » conclut-elle.

Elle adressa un sourire franc à Amelia, qui sentit sa poitrine s'alléger. « Vous avez toute votre place ici, Amelia, ne laissez personne vous en faire douter. »