Qui lit pense,

Qui pense raisonne

Je lis donc je suis

Je lis donc j'existe

-Victor Hugo

Jamais Jade n'aurait pu croire qu'elle serait un jour enfermée à Poudlard pendant sept jours, et nous n'étions que le premier. Même la pensée d'aller prendre son petit déjeuner avec des oeufs cuits au plat accompagné de lard fumé n'attisait pas son envie. Maintenant, elle avait besoin de digérer toutes les informations de la veille, elle ruminait dans son coin... Ses condisciples devaient se demander où elle était mais cela lui était bien égal.

Voulant être seule, et de préférence le plus loin possible de Severus et de ses méfaits, elle s'était isolée dans la bibliothèque du quatrième étage et ses milliers d'étagères baignées dans son atmosphère feutrée. Comment diable peut-elle ressentir une forme d'amour pour lui? Elle songeait à démissionner et de reprendre le poste vacant d'étude des moldus de Poudlard.

La bibliothécaire, qui fort heureusement était absente, n'avait guère l'air très commode. En passant devant son bureau, elle vit cette note pour le moins antipathique écrite sur toutes les fiches d'emprunt de livres :

" Vous êtes prévenus : Si vous avez l'imprudence ou la négligence de tordre, plier, tâcher ou soullier par des larmes ce livre ( ce n'est pas de la faute des livres si vous êtes bon à rien!) de quelque manière ce soit, de lui manquer de respect ou de vous en servir pour d'autres fins qu'un usage intellectuel, vous subirez des conséquences pire que le sortilège d'endoloris.

À bon entendeur,

Irma Pince, bibliothécaire de Poudlard. "

En face du bureau de la fameuse bibliothécaire, assise autour d'une longue table en bois

cirée à la perfection, elle étudiait méticuleusement un manuel de défense contre les forces du mal. La chaise vide en face d'elle lui servait de punching-ball lorsqu'elle essayait de nouveaux sortilèges, la pauvre ne tenait plus que sur un pied par la magie.

Pour contenter son ventre vide, elle prenait de temps à autre une bonne poignée de guimauves qu'elle avait emballée dans un sac plastique, un reste du buffet de la veille. Elle se comportait comme une petite fille qu'on avait punie à rester dans sa chambre toute une journée.

Quand elle eût terminée sa lecture, elle alla remettre le manuel là où elle l'avait emprunté. La jeune femme aux yeux gris était d'humeur ambivalente, elle ne savait plus vraiment ce qu'elle voulait lire à présent. Elle prit d'autres livres, grimoires, manuels... Allant de la section des dragons jusqu'à celle des magasines, en évitant soigneusement la réserve, qui contenait les ouvrages traitant sur les formes de magies les plus obscures.

Après avoir empilé le plus de livres possible sur la table, elle ouvrait parfois ces derniers quelques minutes avant de directement se lasser.

Un grand Maine Coon aux yeux jaunes flamboyant se frottait contre les chaises pour y laisser son odeur, Jade l'attira jusqu'à elle avec une guimauve et vit le médaillon du félin, avec le nom " Miss Teigne " gravé dessus.

- Qui a bien pu t'appeler comme ça? Demanda Jade en lui caressant le museau. Est-ce que ton maître ou ta maîtresse t'aime vraiment ?

La chatte se contentait de dévorer le morceau de guimauve en ronronnant.

Par un ennui certain, elle feuilleta un vieil album photo qu'elle avait trouvé grand ouvert sur le bureau de la bibliothécaire. La date " 1941" était inscrit sur la première de couverture,

avec les photos vivantes d'une centaine d'élèves de la maison Serpentard datant de cette époque. Elle défila de photos en photos, jusqu'au moment où elle tomba

sur ce qu'elle ne voulait pas forcément voir :

" Tom Elvis Jedusor

Meilleur élève de l'année dans la branche défense contre les forces du mal "

Sur la photo, ses cheveux coiffés en arrière lui donnait un air séduisant et modeste, loin de ce monstre aux yeux rouges qu'il deviendra par la suite... Comment un élève " comme les autres " en est-il arrivé là ? Quelque part, elle était soulagée que ses parents aillent finit par le trahir. Page suivante...

" Eileen Prince,

Présidente du Club de Bavboules de Poudlard."

Eileen...Il s'agissait de la mère de Severus. La comtesse Mazette de Beeth y avait déjà fait allusion, mais elle était restée plutôt évasive sur le sujet... Et Severus, lui, ne parlait jamais de sa famille, Jade se demandait si ses parents étaient encore en vie. La présidente du club de bavboules avait un regard noir qui là fixait avec la même intensité que Severus l'avait déjà fait, mais elle avait un sourire plus vif et pétillant que lui. Il était rare de voir un homme ressembler autant à sa mère : Elle avait des cheveux longs également noir, un nez busqué et un visage fin aux joues creusées.

Elle tourna la page après être restée un certain temps scotchée dessus... Chez les sorciers, l'expression moldue " le monde est petit " prenait tout son sens. Et en ce monde magique, lorsque l'on pense à une personne, tout finit par nous ramèner à elle.

Un vieux bout de parchemin vierge avait été rangé (ou dissimulé) entre les deux pages suivantes, que pouvait-il bien cacher? Elle le plaqua contre une lampe, pensant que cela révélerait un mode d'écriture secret, puis dans le noir en allant dans la réserve, mais il ne révéla pas ses secrets.

-Aparecium, incanta-t-elle plusieurs reprises sur le parchemin.

Même ce sortilège capable de révéler les encres et les écritures invisibles n'y faisait rien, il devait s'agir d'un simple bout de parchemin. Perplexe, elle le replaça alors à l'endroit initial et continua d'observer les photos des anciens élèves de Serpentard.

Elle ne remarqua pas de tout suite, qu'appuyer contre le bureau de la bibliothécaire, une homme avec une barbe de quelques jours, mince aux cheveux longs mais dégarni sur le crâne l'observait d'un regard malicieux.

Il tira sur la ficelle d'une des lampes et commença à l'allumer et a l'éteindre de façon frénétique.

- Allumer, murmura-t-il de façon malsaine, éteinte, allumer... Éteinte, allumer, éteinte...

Jade se tourna et le regarda avec des yeux ronds.

- Monsieur ? Dit-elle comme si elle parlait à un enfant. Je peux vous aider?

Il plissa ses yeux globuleux et montra du doigt l'album photo qu'elle avait en main, celui qu'elle avait pris sur le bureau de la bibliothécaire.

Miss Teigne poussa des miaulements stridents et alla rejoindre le disgracieux qui l'attrapa de ses longues mains aux ongles jaunes.

- Ah Bien Miss Teigne, ma chatte... Seigneur, continua-t-il en s'adressant à Jade, j'en connais une qui va avoir des ennuis...

Avant qu'elle n'ait eu le temps de dire quoi que ce soit, une dame qui avait l'âge d'être à le retraite entra en trombe dans la bibliothèque, faisant exprès de taper le plus fort possible ses talons contre le sol pour marquer son arrivée. Absolument tout était noir chez elle, c'était saisissant : Son regard, son vernis, son maquillage, ses cheveux, ses vêtements... Elle avait un nez busqué et les joues légèrement creusées. On aurait dit le double maléfique de Minerva McGonagall.

- Merci Argus, dit-elle en levant un sourcil, un redressage de bretelles s'impose, tu peux nous laisser.

- Je suis là pour ça Irma, ricana le maître de Miss Teigne avant de s'éclipser.

Elle ne l'avait pas vue de la soirée, pas vue de la matinée, et maintenant voilà que cette bibliothécaire de malheur débarquait de nulle part, se plaint Jade dans sa tête. Il y avait-il vraiment un endroit où elle pouvait être seule dans ce château?

Irma se dressa de toute sa hauteur devant la jeune femme aux yeux gris qui était assise et qui n'osait plus bouger d'un poil.

- Que faites-vous avec cet album? demanda-t-elle en lui arrachant des mains. Espèce de dépravée, voleuse!

En premier réflexe, la bibliothécaire ouvra l'album pile là où Jade savait que le parchemin vierge se trouvait, ce qui ne fit que confirmer les impressions de Jade : ce parchemin cachait un secret et Irma Pince avait visiblement peur qu'elle lui dérobe.

- J'en ait pris soin Madame, Jura Jade d'une voix tremblante, je voulais juste... M'occuper.

Pendant plusieurs minutes, la bibliothécaire inspecta minutieusement l'album sous toutes ses coutures, pages par pages à la recherche de la moindre irrégularité.

- Traces de doigts tâchés par du sucre de guimauves ! Conclut Madame Pince d'une voix sifflante. Dégradé... Profané ! IL EST INTERDIT DE MANGER DANS MA BIBLIOTHÈQUE !

- Je suis désolée... Répondit Jade en se levant le plus loin possible d'Irma Pince.

Au bord de l'attaque, la bibliothécaire leva sa baguette. Dans un sortilège informulé, elle fit lever dans les airs toutes les mouches et araignées mortes qui tapissaient les recoins de la pièce et les firent voler en direction des cheveux de Jade.

À la volée, Jade lança un sortilège de reparo sur la chaise qu'elle avait abimée, courra vers la porte et descendit à toute vitesse les quatres étages sans s'arrêter, en entendant les échos de mécontentement de la bibliothécaire derrière elle, toujours poursuive par une armée de cadavres d'insectes.

Elle remercia Merlin que personne n'ait assisté à cette scène et que les couloirs soient vides. Elle se cacha derrière une colonne en marbre le temps de reprendre son souffle et de se faire oublier. Alors qu'elle se croyait tirée d'affaires, elle quitta sa cachette et tomba nez-à-nez avec les mouches et les araignées mortes-volantes qui fonçaient droit sur elle.

Jade leva sa baguette et repensa à un sortilège que Severus utilisait pour faire disparaitre ses potions ratées.

- Evanesco!

Le maléfice d'Irma Pince disparu, et Jade eût une forme de colère contre elle-même de toujours penser au maître des potions