- IL A FAIT QUOI?!

Tifa avait, pour la première fois de sa vie, hurler dans son téléphone. En le fixant d'un regard qui aurait pu le tuer. S'il n'avait pas été qu'une foutue machine.

- Euh... Mais tout va bien tu sais! Ils ne savent pas comment s'en servir, donc bon...

Elle s'assit sur le canapé, dans le salon et leva les yeux au plafond, tout en remettant son téléphone à l'oreille. Yuffie venait de l'appeler pour lui raconter leur dernier périple avec les enfants. Et le cadeau de ...

- Je vais tuer ce fantôme.

Oh oui. Elle allait le tuer, encore, le réduire en poussière, encore et le jeter au compost. Une partie de son cerveau lui disait que c'était impossible, qu'il n'était pas tangible. L'autre partie mit une baffe à la première et répondit qu'elle trouverait un moyen.

- Rooo! Tifa! T'es pas marrante! T'aurais vu leurs yeux! Ils étaient tellement heureux!

Son cœur se comprima à l'entente de ces mots. Que les enfants soient heureux loin d'elle, loin "d'eux", la rendait profondément triste. Au fond, elle aurait voulu être là. Elle aurait voulu partager ce moment avec eux... Comme une vraie famille...

- Dis... Tifa? Quand rentres tu? Tu leur manques, tu sais? D'ailleurs, t'es où en ce moment?

- Chez Barret.

Ses yeux se posèrent sur la petite cheminée, dans lequel le foyer crépitait et diffusait une douce chaleur. La maison de son ami était sommaire, mais accueillante et chaleureuse. Son petit périple à Costa Del Sol l'avait rendu nostalgique et encore plus malheureuse. Voir ces familles, ces couples... profiter du soleil, de la plage, des glaces... Tout ça n'avait fait que lui rappeler son insupportable solitude et l'absence cruelle de celui qui obsédait ses pensées, jours et nuits. Quand Barret lui avait proposé de se reposer chez lui, elle n'avait pas hésité une seconde.

- Ah ben ça tombe bien! Il a appelé pour dire qu'il passait les récupérer demain! Tu les verras bientôt!

Un petit sourire se dessina sur son visage, à l'idée que Denzel et Marlène la retrouvent demain. Cela faisait presque un mois que leur petite famille était éclatée et que leurs amis prenaient soin, à tour de rôle, des plus jeunes d'entre eux.

- Dis... Yuffie... Est-ce que tu as des nouvelles de...

Elle n'arrivait même plus à prononcer son prénom, tellement le son de celui-ci lui tordait l'estomac. Partir avait été une erreur. Et revenir paraissait désormais être un obstacle infranchissable.

- Vincent va le voir régulièrement. Et Johnny est sur son dos sans arrêt, apparemment.

Johnny? Que faisait-il avec lui? Le jeune homme avait toujours gardé une certaine distance avec Cloud, toujours trop impressionné pour l'approcher. Et là il serait...

- Sur son dos? Pourquoi? Il s'est passé quelque chose...?

Un mauvais pressentiment la submergea. C'était pas normal. La présence de Vincent était une chose, mais celle de Johnny... Qui aurait vaincu toutes ses craintes pour être au plus près de celui qu'il considérait comme un héro... Un dieu même. Quelque chose s'était produit pour que son ami passe outre toutes les limites qu'il s'était lui-même imposé. Car elle connaissait le jeune homme et son souhait d'aider tous ceux qui en avaient besoin.

- Je... J'en sais rien!

- Yuffie!

- Demandes à Barret!

Demandes à Barret?

- Quoi? Pourquoi Barret? Yuffie!

- Oui papa, j'arrive! Allez Tifa! Faut que je te laisse! Prends soin de toi! Bisous!

- YUFFIE!

Elle avait raccroché. Elle. Avait. Raccroché.

- C'est pas vrai!

Le téléphone vola à travers la pièce avant de percuter un mur et retomber péniblement sur le sol. Tifa détestait ce sentiment... Celui qui apparaissait violemment quand les autres vous mentaient ou vous cachaient quelque chose d'important. Ses mains et ses jambes se mirent à trembler. Barret n'était pas là. Et lorsqu'il était sur la route, il ne décrochait pas son téléphone. Elle posa ses mains sur ses genoux pour tenter de calmer l'ensemble. Son corps tout entier avait envie d'exploser. Il fallait qu'elle sache!

Ses yeux captèrent l'image de son téléphone, gisant sur le sol. Johnny. Si elle l'appelait... Il lui donnerait des nouvelles. Il n'avait jamais su lui dire non.

Il fallait qu'elle sache!

- Dis moi que tu n'es pas mort.

Ces paroles, destinées à un pauvre appareil en souffrance, dont l'écran s'alluma tout de même, firent tilter son cerveau. A qui s'adressait elle, en réalité...?

- Allez... Décroches...

Ses jambes infernales l'emmenèrent dans une marche rapide à l'intérieur même du salon de 15m2. Elle allait et venait devant la cheminée, à l'écoute de la tonalité d'appel. Bientôt, il ne resterait rien de ses ongles.

- Johnny...?

La tonalité s'était arrêtée mais le silence au bout de la ligne l'inquiéta. Elle entendit une respiration. Quelqu'un avait bien décroché.

- Cloud...?

Sa poitrine allait s'ouvrir et son coeur partir, lui qui tapait si fort dans sa cage. Elle avait prononcé son prénom, sans y penser, avec prudence et douceur, mais son corps, tout entier, tremblait. Sa voix se brisa.

- Cloud... C'est toi?

Seul le bruit d'un sanglot se fit entendre et cela suffit à la faire complétement chavirer. Tifa s'effondra, en larmes, sur le sol, le téléphone tenu de ses deux mains tremblantes pour ne jamais quitter son oreille... Pour ne pas rompre cet échange irréel.

- Parles moi...

Mais elle n'entendit que des larmes et...

- Tifa?! C'est toi? Tu vas bien? Qu'est ce qu'il se passe?!

- Johnny...

Elle s'était assise par terre, face aux flammes et la chaleur de celles-ci lui donna envie de se jeter dedans, tellement elle avait froid.

- Attends Tifa! Quittes pas! Cloud... Bon sang! C'est mon téléphone, pour commencer! Pourquoi t'as décroché... Viens, assis toi. Tiens.

Son cœur ne battait plus... Il ne faisait que se tordre, s'écraser sur lui-même... C'était si douloureux que d'une main libre, elle pressa sa poitrine avec force, espérant le faire disparaitre... Il pleurait... Cloud pleurait... Et elle aussi pleurait... Loin l'un de l'autre... L'un à cause de l'autre...

- Tifa?! T'es toujours là?!

Elle renifla et épongea maladroitement ses larmes avec les manches de son pull.

- Oui... Oui je suis là... Désolée...

Johnny souffla dans le combiné.

- Tu vas pas t'y mettre aussi? Arrêtez un peu de vous excuser tout le temps!

Tifa concéda un sourire, tout en continuant de sécher ses larmes qui n'en finissaient pas de sortir. La tension sur son cœur se relâchât un peu et elle remercia intérieurement son ami d'être aussi naturel dans un moment pareil.

- C'est ma faute en plus! J'aurai pas du laisser mon téléphone sur la table... Bon, je te demanderais bien comment tu vas, mais je crois que c'est pas la peine.

Son ami avait toujours eu beaucoup d'empathie pour les autres, mais la justesse de ses propos était surprenante.

- Johnny... Je veux savoir... Comment il va... Les autres ne me disent quasiment rien, je... Je ne sais pas quoi faire... J'ai peur... Je...

- Calmes toi. Attends.

Le bruit d'une porte se fermant se fit entendre, et la voix de son ami reprit.

- Qu'est ce que tu veux que je te dise, Tifa?

La question la prit complétement de court, et ses yeux cherchèrent désespérément une ancre, autour d'elle, pour ne pas se perdre...

- Je... La vérité... S'il te plait...

- Je ne peux pas. Pas comme ça. Où es-tu?

Mais qu'avaient ils tous... Pourquoi... Pourquoi ne lui répondait il pas...

- Chez Barret...

- C'est bien. Il rentre bientôt je crois. J'ai eu des nouvelles de Denzel. Si mes souvenirs sont bons, il doit passer les chercher chez Yuffie et les ramener chez lui pour quelques temps. Tu lui demanderas à ce moment là.

- Pourquoi... Vous m'en voulez c'est ça? Tout est de ma faute... J'aurai dû...

- Hein?! Non!

Ses mots se noyèrent de nouveau dans les larmes, devenues torrents. Il s'était passé quelque chose de grave et elle en était responsable... C'était sa faute... Elle qui n'avait jamais su être à la hauteur...

- Tifa! Ecoutes moi. Ecoutes moi, s'il te plait.

La voix de son ami se fit incroyablement douce.

- Je suis désolé. Je suis un peu fatigué. Ne prends pas mes paroles pour une condamnation. Il n'y a ni responsable, ni coupable. Seulement des êtres qui souffrent, d'accord?

- Dis moi... S'il te plait...

Johnny souffla de nouveau.

- Non, Tifa. Je ne peux pas tout te raconter. Barret le fera quand il rentrera. En attendant, tu devrais aller dormir et saches que... Ecoutes, tu l'as entendu tout à l'heure. Il est pas mort. Et je le surveille. Je lui fais même à manger! Et de temps en temps, il râle. Donc tu vois! Vu le contexte, c'est pas si mal!

La lumière du soleil se fit chaude, presque rouge, à travers les fenêtres du salon. Le soir tombait, doucement, sur les montages enneigées du Mont Corel et Tifa eu l'impression de s'éteindre avec cet astre fabuleux, son cœur prit dans une glace mortelle.

- Tifa... Ne t'en fais pas, d'accord? On gère de ce côté. J'ai même fait la connaissance de Vincent et je suis bien content qu'il soit là. Puis, tu sais, il y a des hauts et des bas, mais dans l'ensemble, il tient debout. Je...

Le jeune homme fit une pause et elle entendit le bruit d'une porte s'ouvrir... Et se refermer.

- Excuses moi, je vérifiais quelque chose. Ah oui! Je l'ai emmené à l'orphelinat! Et il y va presque tous les jours maintenant. C'est assez fun de le voir interagir avec les gosses. Bon. Il passe son temps à tirer une tête pas possible et à râler, mais il n'hésites jamais à filer un coup de main. En ce moment, Cloud leur apprend les bases de la mécanique. On a récupéré un vieux rover et il nous aide à le remettre en état. Tout en faisant participer les gamins!

Le comportement de Johnny avait radicalement changé à l'évocation des activités de Cloud. Tifa sourit bêtement, devant la vision de celui qui n'était nul autre que l'amour de sa vie, les mains dans le moteur, en train de s'énerver faussement... En débardeur... Des perles de sueur dévalant une peau dorée par le soleil... Mayday. Cette journée allait la tuer.

- Bref! Tu devrais prendre soin de toi. Et nous faire confiance sur ce coup. Vous êtes pas en état de prendre soin l'un de l'autre, pour le moment... Déjà que vous n'arrivez même pas à aligner deux mots au téléphone... Sans blague.

Tifa reconnu sans mal la voix qui criait à l'arrière "J'AI ENTENDU!", suivi d'un "ON ECOUTE PAS AUX PORTES, BARBARE!" tonitruant de Johnny.

Ses nerfs se brisèrent et elle éclata de rire. Oui, cette journée allait la tuer.

- Tu vois! Il a de la ressource!

Les larmes au coin des yeux, elle tenta de reprendre son souffle et de calmer ce rire nerveux.

- Et toi aussi, on dirait.

Sa voix était si douce qu'elle pouvait certifier qu'il souriait.

- Merci Johnny... Merci d'être là...

- Je t'en prie! Et nous rirons de cela quand tout sera derrière nous!

Que pouvait elle répondre? Le futur la terrifiait. Et en rire? Johnny se trompait... Ses yeux se posèrent sur le feu dans l'âtre, bien moins vaillant mais toujours présent. Elle avait saluer son ami, en le remerciant une nouvelle fois et celui-ci avait raccroché, en lui faisant promettre de rester au chaud, d'attendre Barret et de se reposer.

Ces conversations téléphoniques l'avaient épuisé. Toute la vérité n'avait pas été dite, mais la plus importante de toute était sortie. Cloud était toujours vivant. Il n'avait pas commis l'irréparable. Et leurs amis étaient à ses côtés.

Le son de ses sanglots revinrent à sa mémoire et elle ne put s'empêcher de fermer les yeux, pour retenir ses propres larmes. Elle n'aurait pas du partir... Elle qui n'avait pas grand chose avant, n'avait plus rien maintenant. Elle aurait du s'en contenter... Ce n'était pas si mal... Elle avait été égoïste...

Epuisée, elle ne sentit pas le sommeil la saisir et l'emporter, à même le sol, au plus près des flammes.

Elle, qui avait si froid, s'était endormie, recroquevillée autour de son téléphone, que sa main refusait de lâcher.


- Cloud! Viens, il faut qu'on parte! Maintenant!

Son corps ne lui répondait pas. Il ne se sentait... Pas là. Ses yeux se détournèrent de la personne qui lui parlait et dont les mots lui semblaient confus. Il était tellement fatigué...

- Allez! Lèves toi! Il faut partir d'ici!

Une force inconnue tira sur ses bras, pour l'obliger à s'assoir. Lui qui n'arrivait même plus à lever les yeux.

- C'est pas vrai... Cloud... je t'en prie...

Il sentit un poids contre son épaule... La personne devant lui venait de caller sa tête, à côté de la sienne. Il entendait...

- Je t'en supplie... Réveilles toi...

Elle pleurait... Mais ses yeux, à lui, restèrent éteints. Il ne voyait pas bien... Il n'était pas vraiment là...

- Allez! Debout!

La personne s'écarta de lui et tira à nouveau sur ses bras, obligeant son corps à se mettre debout. Il flancha.

- Non non non! Allez! Encore un petit effort!

Il l'entendait renifler contre lui. Elle qui le soutenait. Lui qui était un fardeau...

- Partez d'ici, vite! Quittez la ville! Allez dans les montagnes! Mettez vous à l'abri!

D'autres personnes... Ils couraient tous. Ils allaient plus vite que lui. Plus vite qu'eux... Lui qui était si lent...

- Encore un petit effort Cloud... On y est presque !

Il sentait à peine cette main qui le tenait fermement par la taille... Et l'autre qui lui tenait le bras, passé par dessus ses épaules... Si fragiles...

Ses jambes avançaient... Il ne savait comment. Lentement.

- Allez...

L'air frais ne provoqua aucune réaction chez lui. Son cerveau percuta à peine qu'ils étaient dehors... hors d'un bâtiment... Il ne savait plus lequel.

- Tiens b...

Un autre souffle, puissant, les propulsa en avant, sans que son corps ne réagisse. Il entendait... Il entendait des gens hurler...

Il entendait... Tifa l'appeler.

Ses yeux la regardaient, involontairement, pendant leur chute interminable.

Tifa l'appelait...

Sa vision se brouilla à l'instant même où tout son être plongea dans une eau devenue brasier.

Tifa pleurait.


- CLOUD!

Ses yeux s'ouvrirent difficilement à l'entente de son prénom.

- Cloud! Oh par Minerve... J'ai eu tellement peur!

Il fut mis doucement sur le dos, et pu distinguer les visages de ses amis. Vincent et Johnny. Tous deux assis à côté de lui... Qu'avait-il bien pu se passer?

- Tu vas bien? Tu as mal quelque part?! Cloud! Combien j'ai de doigts?

Johnny lui colla sa main devant le visage, grande ouverte. Pourquoi était-il si inquiet? Il avait mal à la tête... Il avait tellement mal...

- Pourquoi... Pourquoi vous êtes là?

Ses amis semblèrent complétement surpris. C'était un peu plus difficile à distinguer chez Vincent, mais il voyait nettement ses sourcils s'arquer d'étonnement.

- T'es tombé dans les escaliers, Cloud. Depuis l'étage...

- Il faut qu'on l'emmène voir le Doc'. Ca peut plus durer.

Tombé? Comment aurait-il pu tomber...

- CLOUD!

Une voix puissante raisonna dans sa tête et ses mains se plaquèrent sur ses oreilles par réflexe. Il entendait...

- CLOUD! REVEILLES TOI!

Son corps tout entier se recroquevilla, les mains toujours sur les oreilles... Il ne voulait plus... Il ne voulait plus la voir pleurer... Ses yeux se fermèrent.

- CLOUD!

D'autres mains attrapèrent les siennes et il vit...

- Cloud! Tout va bien, d'accord? Tu es en sécurité. Nous sommes chez Johnny. Tu te souviens?

Ses yeux se raccrochèrent à ceux de son ami, mais tout son corps tremblait. Le sol n'était que magma. Les murs se faisaient dévorer par les flammes. L'incendie allait les dévorer.

- J'appelle le Doc! Il faut qu'on l'emmène!

- CLOUD! AU SECOURS!

- Maman...

Il fallait qu'il se lève... Elle était encore à l'intérieur...

- CLOUD! Lèves toi, je t'en prie...

Son coeur se souleva à l'image de Tifa qui pleurait... Ils étaient dans un hôpital... Elle voulait qu'il se lève...

D'un geste rapide, Vincent le bascula sur le côté et toute la pression accumulée dans sa gorge se déversa sur le sol. Ses mains n'arrivaient pas le soutenir et tout son corps tremblait. Il allait mourir... Si cela ne s'arrêtait pas...

- Vincent! Merde... C'est pas vrai... C'est de pire en pire... Tu peux le soulever? J'ai garé le pick-up devant la maison. Le Doc nous attend!

- Allez Cloud... Laisses toi faire. Tout va bien se passer.

La voix rassurante de son ami lui permettait de rester ancrer dans une réalité sécurisante. Mis en position assise, sa tête bascula.

- Faut qu'on lui mette son manteau! Il fait un froid glacial dehors!

- Trouves une couverture. Cloud. Regardes moi.

Des yeux carmins le fixèrent intensément mais il ne put s'empêcher de détourner le regard, la tête lourde. Il avait chaud... Il transpirait tellement...

- Tiens!

Quelque chose de cotonneux vint l'envelopper et son corps fut arracher du sol qu'il avait rejoint plutôt. Quelqu'un le portait... Il ne voyait rien... C'était blanc et cotonneux...

- Maman...

- Hey! Pourquoi tout le monde me prend pour sa mère? Et tu es trop vieux pour être mon fils...

Il avait si froid... Il ne voyait que du blanc... Partout...

- Cloud! Restes avec nous! On est bientôt arrivé!

Du blanc... Tout était blanc...

- Cloud... Réfléchis Cloud. Cloud? Ah, ah, ah!... Oh, excuses moi. Tu n'as jamais eu de nom...

Sa respiration se coupa et il ouvrit les yeux. D'une main, il saisit la gorge de son ennemi qu'il se mit à écraser violemment.

- 'Tain, Doc! Fais quelque chose! Il va le tuer!

Avant de sentir toute force le quitter, et la nuit l'envahir...

Il avait si froid...


Johnny était allongé sur une banquette dans ce qui faisait office de salle d'attente. Ils avaient débarqué dans la petite clinique du Doc, il y avait déjà plusieurs heures et il fixait désormais le plafond.

Il ne comprenait toujours pas comment il s'était retrouvé là. Lui qui croyait avoir la situation sous contrôle s'était bien foutu le doigt dans l'œil jusqu'au coude.

Il aurait dû écouter le doc depuis le début. Maintenant qu'il se repassait leur conversation en mémoire, les mots de celui-ci lui revinrent clairement.

- Ce que tu me décris ressemble à un syndrome post-traumatique. Ton ami a besoin d'aide. D'une aide médicale et psychologique. Il ne s'en sortira pas autrement.

Mais Johnny n'avait pu se résoudre à emmener Cloud devant le médecin, après ce qu'il lui avait révélé. Et puis, il avait bien vu ses réactions à chaque fois qu'il n'avait ne serait ce qu'évoquer le mot "docteur".

Il y avait quelque chose de viscérale et d'imprévisible chez cet homme. Pourtant il avait été persuadé que le sortir de sa routine, de le mettre au contact de gens fragiles, de lui donner des missions utiles et bienveillantes, suffiraient à lui faire remonter la pente.

Il s'était complètement planté.

- Tiens.

Une tasse de café apparue dans son champ de vision.

Vincent se tenait debout à côté de lui, sans qu'il n'ait perçu sa présence plutôt. Mais il était tellement fatigué qu'il n'avait plus la force de sursauter.

- Comment t'as réussi ce miracle?

Assis, la tasse chaude dans les mains, il attendit que son nouvel allié dans cette galère sans fin, s'installe sur une chaise, non loin de lui.

- Le bar, au coin de la rue. Le gérant était sur le point de fermer, mais il a accepté de me vendre une thermos de café.

Dans la salle d'attente, où ils étaient seuls, la voix de Vincent se fit douce et envoûtante. Il semblait ailleurs, le regard fixé sur une porte blanche.

Porte derrière laquelle se trouvait une pièce bien plus grande, et une dizaine de lits, répartis dans des box de fortune.

Après le météore et les géostigmates, Migdar ne s'était pas relevée. Les trois quarts de la cité avaient été détruits et une grande partie de la population avait périt. Encore aujourd'hui, le nombre de victimes total restait inconnu.

De la cité ultramoderne, il ne restait que des cendres.

Les survivants avaient alors naturellement créé Edge. Une ville annexe, greffée à l'ancienne, que les nouveaux habitants faisaient vivre avec un certain entrain.

Il n'y avait pas de gouvernement. Seulement des survivants. Et chacun tentait de se faire une place, en fonction de ses talents.

C'était comme ça qu'il avait rencontrer le Doc.

Erik Bach. Un grand gars tout sec d'une quarantaine d'années, cheveux courts noir et regard sombre. A cause de sa blouse blanche et de son savoir qui semblait infini, tout le monde l'avait rapidement surnommé le Doc.

Et à Edge, les toubibs étaient rares...

- Faut appeler Barret.

- Demain.

Vincent avait répondu calmement, sans quitter la porte des yeux. Etait-il capable de voir au travers?

Comment savoir?

Johnny avait très vite apprécié cet homme dès plus énigmatique, de part son fonctionnement similaire à celui de son idole et de sa relation avec ce dernier. Ils parlaient peu, mais semblaient profondément se comprendre. Sans compter la puissance énorme qui irradiait de lui, à chacun de ses mouvements.

Ouais. Johnny était à la fois fasciné, envieux et... compatissant.

Car il fallait être aveugle pour ne pas voir la souffrance qui se logeait vicieusement au plus profond de leur âme. A ces deux là. Et leur lien étrange venait sans doute de là.

Un jour... Un jour il demanderait des réponses.

- Je ne sais plus quoi faire... Il... Il t'a carrément attaqué! Si ça avait été le Doc ou moi, on serait...

Jamais il n'avait vu Cloud dans une telle rage. Ses yeux s'étaient mis à briller et tout son corps s'était retrouvé entouré d'une aura d'un bleu électrique. Et quand il avait saisi la gorge de Vincent...

- Je vais bien. Ce n'est rien.

Sans l'intervention du Doc, il était évident pour Johnny que seul Vincent aurait pu réussir à contenir Cloud. En espérant que le second n'ait pas le dessus sur le premier...

- Tu ne devrais pas t'en vouloir. Rien de tout ça n'est de ta faute.

En entendant ces mots, ses lèvres esquissèrent un léger sourire.

- J'ai toujours rêvé d'être comme vous... D'appartenir à un groupe d'amis comme le vôtre. Et si je comprends à quel point vos vies sont éloignées de tout ce que j'avais pu imaginer... j'aurai au moins voulu être utile...

Comme tout les survivants, Johnny voulait se rendre utile pour ceux qui comptaient. Mais là... C'était vraiment pire que de s'occuper d'orphelins. C'était vraiment effrayant.

- Grâce à toi, il a tenu. Mais ni toi, ni moi, ne pouvons le sauver.

Ce terrible constat raisonna à travers la pièce, percutant les murs et ne trouvant aucune échappatoire. Johnny souffla et serra un peu plus sa tasse de café. Il ressentait une profonde injustice. Pour Cloud, pour Tifa, pour Vincent, pour leurs amis... Pour Denzel et Marlène... Pour tous les orphelins...

Son cœur fut saisi d'une pression soudaine, qu'il ne connaissait pas. Comment avait-il pu penser... Comment avait-il pu croire qu'il serait capable de sauver qui que ce soit? Lui qui ne savait, finalement, que causer des problèmes ou les aggraver. Il avait envie de pleurer... Il était tellement fatigué...

- J'étais tellement persuadé... Qu'il allait mieux...

Il avait été aveugle.

- On ne fait qu'éviter les situations qui pourraient nous faire revivre le passé. Au bout d'un moment, on ne s'en rend même plus compte. Cela ne demande aucun effort. Ne rien ressentir devient une habitude. Parfois des souvenirs reviennent, mais uniquement à cause d'éléments extérieurs.

Les propos de Vincent le surprirent, mais ne répondit pas, attentif.

- Nous nous croyons alors guéris. Alors que nous faisons que tricher avec la vie.

Et Johnny commença à douter.

- Mais... Ca voudrait dire que le départ de Tifa...

- A réveillé tous ses démons.

Bon sang. C'était vraiment sans fin. La seule personne qui connaissait réellement Cloud était elle-même dans une telle souffrance, qu'elle était actuellement incapable de lui venir en aide. C'était une quête impossible.

- Vous êtes toujours là?!

Johnny releva brutalement la tête en entendant cette voix qu'il n'espérait plus. Vincent, qui n'avait pas quitter la porte des yeux, les avait désormais posé sur l'homme qui venait d'en surgir.

Le Doc s'essuyait les mains qu'il venait probablement de laver. Il semblait épuisé. Quelle heure était-il? Aucun d'eux ne semblait ou ne voulait le savoir...

- Il a vraiment de la chance de vous avoir, celui-là. J'ai bien galéré à le faire dormir. Je peux vous piquer une tasse de café?

Vincent attrapa machinalement la thermos et une tasse, pendant que le Doc tira une chaise jusqu'à eux, sur laquelle il s'assit.

- Merci. Désolé. Vous vous êtes pointés pendant que j'opérais en urgence un pauvre gars qui s'était fait percuté par un camion, un peu plus tôt. D'ailleurs... J'ai remarqué que votre ami avait un paquet d'hématomes plus ou moins anciens. Sans compter les fractures dues à sa dernière chute.

- Il va s'en sortir?

Johnny se sentait un peu sidéré par la situation.

- Hein? Oh, pour ça, j'en doute pas une seconde. Il a vraiment une constitution hors normes. Et il est franchement résistant aux drogues. Avec la dose de Propofol que je lui ai envoyé, j'ai du le coller sous respiration artificielle. Mais il pionce enfin. D'un sommeil profond.

- Mais?

Vincent avait les bras croisés et le regard fermement posé sur le soignant.

- C'est plutôt son état psychique qui m'inquiète. Vu cette dernière crise, il semble vraiment à bout.

- Qu'est ce qu'on peut faire?

- Rien pour le moment. Vous devriez aller dormir. Revenez demain. On parlera de mes honoraires!

L'homme avait dit ça en se levant, un petit sourire aux lèvres.

- On trouvera de quoi payer.

- J'ai pas besoin d'argent. Mais d'équipements. Et vous tombez à pic. J'aurai une mission pour vous. Mais nous verrons ça quand tout le monde aura dormi quelques heures.

Vincent et Johnny se levèrent aussi, le premier rangeant précautionneusement la thermos et les tasses dans un sac. Le second récupérant leurs affaires, laissées ici et là. Mais la couverture avait été laissée à Cloud. L'hiver s'était installé avec aplomb et un grand nombre de bâtiments manquait d'une isolation efficace. La clinique du Doc ne faisait pas exception.

- T'es sur qu'on peut le laisser seul? Et s'il se réveille? Il va paniquer, c'est sur.

- Et vous ferez quoi? Je ne vous laisserai pas l'assommer.

Vincent ne disait rien, prêt à partir. Il semblait vérifier quelque chose sur son téléphone. Mais Johnny était vraiment inquiet.

- John, reviens demain. Ton ami est en sécurité et je pense en avoir suffisamment vu dans ma vie pour faire face à un soldat traumatisé. J'ai deux inf avec moi, qui arrivent dans...

Il regarda sa montre et jura.

- Bordel, j'en ai marre de ces journées de tarés. Elles arrivent dans deux heures. Allez, oust, dehors. Et merci pour le café!

Comme Johnny montrait clairement son souhait de rester dormir sur la banquette, Vincent lui attrapa le bras pour l'amener à l'extérieur. Le jeune homme était complétement perdu. Il ne savait plus quoi faire et se sentait coupable, de n'avoir pas su aider son ami... Quel abruti... Combien de fois lui avait-il répété qu'ils étaient amis, justement? Combien de fois avait-il dit, à Cloud, mais aussi à Tifa, qu'ils pouvaient lui faire confiance?

Il avait juste l'impression de leur avoir menti.

Bêtement, il avait pensé que son expérience avec les orphelins, qui avaient traversé guerres et catastrophes, lui avait donné les clés pour comprendre la souffrance des autres.

Mais cela n'était clairement pas suffisant... La honte le submergea.

- Arrêtes de ruminer. Tous ceux qui ont causé ce désastre sont morts. Tu n'es coupable en rien.

Le jeune homme leva des yeux fatigués vers son ami, qui l'avait miraculeusement ramené chez lui. A se demander s'il n'avait pas la capacité de lire dans les pensées des autres. Mais il n'avait pas la force de demander.

- Je vais passer chez lui. je ramènerai quelques affaires demain.

Johnny hocha la tête et regarda Vincent disparaître dans la nuit.

Sans coupables, justice et réparations pouvaient elles être obtenues?

Une tristesse immense l'envahie, alors qu'aucune réponse ne lui venait.


Prochain chapitre :

- Kwaa?

- Quoi? Comment ça Kwaa? Qu'est ce qu'il me veut ce piaf?

- Kwaa!