Auteur : Epayss

Titre : Les loups se cachent pour mourir

Date : 2005-02-14

Dans les couloirs de Sainte-Mangouste

« Chaudron Baveur ! » dit clairement Harry.

Sa silhouette disparut dans un tourbillonnement de flammes vertes. Ron le suivit quelques secondes plus tard.

Et tous les deux se retrouvèrent dans le pub familier des Sorciers. L'obscurité ambiante cachait suffisamment leurs visages pour que personne ne puisse les reconnaître, et d'ailleurs, en arrivant, seuls quelques enfants avaient tourné la tête vers eux, tandis que les autres clients, habitués au bruit d'une arrivée par poudre de cheminette, n'y avaient pas fait attention. Harry et Ron, après avoir réajusté leurs sacs sur leurs épaules, se dirigèrent vers le couloir menant aux salons privés du Chaudron Baveur.

« C'est bon, on est déjà arrivé sans encombre jusqu'ici. » soupira Ron.

« Tu n'y croyais pas ? »

« Quand tu m'as dit que nous n'allions pas utiliser la cape d'invisibilité pour venir au pub j'ai cru que tu étais devenu fou. »

« Non, simplement je me suis dit que nous n'aurions pas tenu à deux dans la cheminée avec la cape sur nous et que nous serions certainement tombés à l'arrivée, et ça, ça aurait attiré l'attention. Et puis ne t'en fais pas, on va l'utiliser tout de suite la cape. » répondit Harry. « J'ai eu bien plus peur que Mme Weasley ne nous laisse pas aller « chez Neville ». »

« Tu n'as pas tord, mais quand je lui ai dit qu'on irait par le chemin des cheminées ça la rassurée, il ne restait plus qu'à prendre notre propre chemin discrètement. »

Harry se pencha au-dessus de son sac, en sortit la cape d'invisibilité et vérifia encore qu'ils n'avaient rien oublié : le copieur que Ron avait demandé à son père, des feuilles de parchemin, la copie du dossier médical de Harry ( au cas où ), une carte de Londres et quelques fruits pris à la hâte. Les deux garçons se revêtirent de la cape puis se dirigèrent vers la sortie du pub, et il attendirent qu'un client ouvre la porte pour se faufiler à l'extérieur.

Les rues de Londres, humides, scintillaient sous la lumière du soleil comme chaque gouttelette d'eau reflétait ses rayons. Malgré le fait que les rues n'étaient pas surpeuplées, la tâche de rester bien caché n'était pas aisée. Harry s'occupait de maintenir la cape au-dessus de leurs têtes, tandis que Ron, le regard penché sur la carte de Londres et la route, indiquait la direction à suivre. A plusieurs moments, Harry fut bousculé par des personnes venant de derrière, des Moldus visiblement, qui se retournaient et regardaient ce qu'ils avaient percuté avec surprise sans même s'arrêter. Puis avec un haussement d'épaule ils continuaient leur route, sans se soucier d'avoir bousculé quelque chose d'invisible. Harry de son côté pesta à plusieurs reprises quand ces personnes se cognaient malencontreusement contre son bras blessé, ce qui déclenchait une vive douleur chez le sorcier. Après une bonne demi-heure de déambulation dans les rues de la capitale, enfin il atteignirent la large avenue bordée de magasins qu'ils avaient empruntés l'an passé.

Le magasin innocupé n'avait pas changé, toujours aussi miteux. Il semblait même encore plus poussiéreux qu'avant.

« Comment on entre ? » demanda Ron.

« Je pense qu'il faut juste s'adresser à ce mannequin, il ne doit pas être capable de reconnaître les gens qui entrent. » supposa Harry.

Il s'approcha de la vitrine et fixa le mannequin :

« Bonjour… Nous avons rendez-vous avec… le guérisseur Smethwick. » tenta-t-il en se rappelant le nom de celui qui avait soigné Arthur Weasley et qui avait aussi réalisé le test de dépistage de sa lycanthropie.

Le mannequin, comme une simple machine, acquiesça de la tête, fit un signe de ses doigts joints, et Harry sentit que le passage s'était ouvert. Attrapant Ron par le bras pour le tenir contre lui, et maintenant la cape de l'autre main, ils traversèrent la vitrine et pénétrèrent dans l'hôpital.

Immédiatement après être entré, Harry et Ron se poussèrent sur le côté et vinrent se coller quelques instants dans un coin du hall d'accueil, afin de ne pas gêner la foule qui déambulait sans cesse d'un couloir à un autre, de la porte d'entrée au comptoir. Et il y en avait du monde qui défilait. Harry ne se souvenait pas d'avoir vu autant de personnes défiler dans le hall l'année passée, et son instinct lui disait que cela n'allait pas diminuer dans les mois ou les années à venir. Les guérisseurs passaient sans cesse prendre des gens dans la salle, la file d'attente au comptoir ne désemplissait pas, jusqu'à ce que petit à petit, l'hôtesse renvoie les visiteurs. Les chaises des malades devinrent inoccupées, les malades guéris ou gardés pour la nuit dans l'hôpital. Le temps des visites étant terminé, le hall se vida progressivement, les guérisseurs de jour partirent, remplacé par l'équipe de nuit. Si bien que trois heures après l'arrivée des deux Sorciers invisibles, il ne restait plus dans le hall que l'hôtesse s'apprêtant à partir, et laissant sa place à une jeune guérisseuse. Les deux garçons, eux, n'avaient pas bougé, cherchant tant bien que mal des positions plus ou moins confortables sur le sol tout en restant couvert. Il leur fallait attendre la nuit totale pour commencer les recherches.

Tandis que l'obscurité tombait sur la pièce, la jeune guérisseuse ne semblait pas vouloir partir. Assise à la place de la réceptionniste, elle lisait un énorme livre à la lueur d'une torche magique. Elle servait certainement à accueillir les patients pendant la nuit, rien de plus. De temps en temps, un guérisseur passait la voir pour discuter puis disparaissait dans les couloirs. Le bruit des ascenseurs montant et descendant les étages s'espaça jusqu'à ce que plus aucun mouvement ne se fit entendre dans l'immeuble, du moins depuis le Hall.

A 11h du soir, Harry décida qu'il était temps d'y aller. Silencieusement, les deux garçons se relevèrent, les muscles tout engourdis puis, marchant à pas de loup en passant à côté du comptoir, ils rejoignirent un couloir adjacent. La guérisseuse ne les avait pas le moins du monde remarqués, plongée de son bouquin. A tâtons dans le noir, Harry et Ron parcoururent le couloir, inspectant les pancartes plaquées sur les portes, légèrement lumineuses. Quand ils tombèrent sur la porte menant aux toilettes, ils en profitèrent pour y faire un tour, et aussi pour être à l'abri et pouvoir parler.

« On cherche où ? » demanda Ron.

« Déjà on va regarder dans ce couloir, si comme je le pense le rez-de-chaussée rassemble également la section administrative de l'hôpital, on devrait vite trouver. »

Ils sortirent des toilettes, vérifièrent que la voie était libre, puis se permirent de retirer la cape d'invisibilité de leur tête pour pouvoir respirer de l'air frais. Et ils inspectèrent chaque panneau. En ½ h, ils avaient fait le tour de tout le rez-de-chaussée, et comme tout ne peut jamais fonctionner parfaitement, ils ne trouvèrent rien d'intéressant dans ce couloir. Harry baissa la tête de déception en s'apercevant qu'il s'était trompé.

Où ces dossiers avaient-ils bien pu être entreposés ?

Ils retournèrent aux toilettes.

« On peut peut-être essayer au 5ème étage, il n'y a pas grand-chose là-haut, juste la boutique et le salon de thé. »

« J'imagine quand même mal les guérisseurs devoir monter au 5ème étage pour consulter un dossier médical. Mais je n'ai pas d'autres idées, alors allons-y. » se résigna Ron.

Ils s'engagèrent dans l'escalier de secours qui se tenait à côté des ascenseurs. L'obscurité y était totale, et plusieurs fois leurs pieds butèrent contre les marches qu'ils voyaient à peine. A chaque étage, ils écoutaient les bruits autour d'eux pour s'assurer qu'ils étaient bien seuls. De ce point de vue, Harry avait l'ouïe bien plus fine depuis qu'il était un loup-garou et il pouvait presque entendre les ronflements des malades qui dormaient dans l'hôpital.

Essoufflés, ils parvinrent au dernier étage. La grande pièce vide et baignant sous les rayons de la lune ne donnait une fois de plus sur rien d'intéressant. Les deux garçons profitèrent des chaises du salon pour se reposer un peu et retirèrent quelques instants la cape d'invisibilité qui leur tenait trop chaud.

« Il n'y a rien ici. » soupira Ron.

Harry resta silencieux, la mine déconfite.

« On va retourner en bas. » déclara-t-il après un instant. « Ils sont forcément quelque part, et si ce n'est pas ici, ça doit être au rez-de-chaussée. Il y a peut-être un passage qu'on n'a pas vu. »

Dans le noir, Ron secoua la tête, appréhendant cet acharnement à trouver un dossier qui n'était peut-être pas même dans l'hôpital. Il se leva et se rapprocha de Harry pour se couvrir de la cape. Ils étaient en train de redescendre, quand Harry s'arrêta soudainement, et agrippa son ami par le bras.

« J'entends quelque chose. »

Ron se tourna vers son ami avec un regard interrogateur, il n'entendait absolument rien. De son côté, Harry ressentait de faibles ondes sonores venant du bas. Il convia Ron à le suivre en silence. Il descendirent d'un étage puis se placèrent tout proche du suivant de façon à entendre plus clairement sans être vu. A ce moment, Ron entendit les deux voix qui se rapprochaient nettement, mais lentement :

« A mon avis, c'est encore l'Irlande qui va se qualifier pour ce match, les Australiens n'ont aucune chance. » affirma le premier guérisseur.

« En tout cas j'espère bien que la Russie va dépasser les éliminatoires, ils avaient un bon niveau il y a quelques années, mais c'est le changement d'entraîneur qui a tout chambouler… »

Deux personnes poussèrent la porte menant à l'escalier. La tunique bien visible qu'ils portaient était caractéristique des guérisseurs.

« Pourquoi passe-t-on par là ? » demanda l'un des deux.

« Ce n'est pas au second qu'ils ont mis les dossiers ? »

« Non aujourd'hui, c'est au rez-de-chaussée. »

« Je m'y perds avec ces mesures de sécurité. Déjà que je me trompe souvent d'emplacement pour le passage, alors les changements d'étages… »

« Avec l'habitude on finit par s'y faire. Tu n'es pas là depuis longtemps, tu verras dans quelques semaines, ça ira mieux. Et en tant qu'équipe de nuit, on n'a pas besoin d'y aller très souvent, c'est pour ça. »

« Au fait, il faut faire quoi avec ce dossier, je n'ai pas eu le temps de lire la note qu'on nous a laissée. »

« Rien de compliqué, juste y reporter des résultats d'analyse, ça sera vite fait et après on aura terminé le boulot « impératif » de la nuit. »

« J'espère qu'il n'y aura pas d'urgence cette nuit. »

« Personne n'espère qu'il y ait des urgences. »

Pendant qu'ils discutaient, ils étaient retournés sur leurs pas et avaient appelé l'ascenseur. Harry écouta attentivement. L'ascenseur arriva, les deux sorciers montèrent dedans. Aussitôt après que la porte se fut fermée, Harry se retourna vers Ron :

« L'entrepôt est au rez-de-chaussée, il faut vite les y rejoindre, ils vont nous montrer le chemin ! »

Et, sans plus faire attention à leurs bruits de pas contre les marches, ils dévalèrent les trois étages qui les séparaient du rez-de-chaussée. Arrivés en bas, ils réarrangèrent la cape d'invisibilité sur eux puis marchèrent rapidement jusqu'à rejoindre les deux guérisseurs qui marchaient lentement dans un couloir latéral au Hall d'entrée. Ils n'avaient vraiment pas l'air pressés, c'était une chance. Restant à distance respectable, ils les suivirent sur plusieurs mètres, écoutant leur conversation :

« Le passage est juste là, il me semble. » supposa le second guérisseur au bout de plusieurs pas.

Il tendit la main vers un pan de mur et son bras le traversa sans plus de difficulté que si c'était de l'eau.

« Gagné ! » Et le Sorcier disparut entièrement derrière le mur. Sans plus de formalités, gardant les mains dans les poches, l'autre guérisseur traversa également le passage. Harry et Ron se retrouvèrent seuls à nouveau.

« On aura fini par le trouver cet entrepôt, » soupira Harry, soulagé. « Je n'aurai jamais pensé qu'ils le cacheraient de cette façon. »

« Et ça a l'air assez récent, si ces guérisseurs s'y perdent encore. » répondit Ron. « Avec les remous au Ministère, ils ont du vouloir protéger leurs dossiers. »

Harry s'adossa au mur pour respirer un coup, son cœur battant la chamade. Ils n'entendaient absolument aucun son provenant du mur. Quelques minutes plus tard, les deux sorciers sortirent de la salle, l'un tenant dans sa main une fine pochette, et s'éloignèrent dans le couloir obscur.

« On y va. » murmura Harry une fois que l'obscurité les eut engloutis.

Ron acquiesça à ses côtés et les deux garçons marchèrent d'un pas sûr vers le pan de mur. Un instant plus tard, ils surgirent de l'autre côté. Ce n'était pas plus difficile que d'accéder au quai n° 9 ¾ . Dès que Harry eut mis le pied sur la dalle de l'entrepôt, des torches s'allumèrent d'elles-mêmes, et éclairèrent la pièce vivement, ce qui força Harry et Ron à se couvrir les yeux quelques secondes le temps de s'accommoder à la lumière.

La pièce de forme carrée avait un mobilier rudimentaire. Sur tout un côté de la salle s'étendaient des rangées de casiers portant chacun une lettre de l'alphabet, certaines lettres visiblement utilisées plusieurs fois sur les casiers. Au centre de la pièce se tenait une petite table avec une chaise, le reste était inoccupé, et les murs laissés blancs.

Harry et Ron retirèrent leur cape d'invisibilité et la déposèrent sur la table. Emerveillé d'avoir atteint son but, Harry se précipita vers l'un des deux casiers portant la lettre P. Ron le rejoignit immédiatement et les deux garçons se répartirent la recherche sur les deux casiers.

Bien ordonnés dans leur boîte de métal, des dizaines de dossiers étiquetés chacun d'un nom se serraient les uns contre les autres, tous semblables. Les deux garçons ne mirent pas longtemps avant de trouver le dossier au nom de Potter, coincé entre les noms Pottel et Poturgh. Harry l'extirpa, capturant sans faire attention celui qui le précédait, et examina rapidement son contenu : la feuille d'analyse original, plus quelques autres papiers administratifs.

« Dépêchons-nous de copier tout ça, il ne faut pas traîner ici. » le pressa Ron.

« Ok, sors le copieur. »

Ron dégagea de son sac un cadre de métal du format d'une feuille de parchemin standard, et l'appliqua sur la première fiche du dossier, pour le faire mémoriser ce qui y était écrit. Puis il replaça le copieur sur une des feuilles de parchemin qu'il avait apportée et fit imprimer le texte original. Il répéta l'opération autant de fois qu'il y avait de fiches dans le dossier de Harry. Ils en étaient à recopier la dernière feuille quand Harry dressa la tête subitement. Il entendit de nouveaux bruits de pas. C'était certainement les deux guérisseurs qui venaient redéposer le dossier. Ron s'empressa de recopier la dernière fiche, ils replacèrent le dossier de Harry à son emplacement ( enfin, vaguement à son emplacement ), ramassèrent en hâte toutes les feuilles qui s'étalaient par terre et étaient en train de les enfourner dans leur sac quand les bruits de pas s'arrêtèrent tout juste en face du passage, de l'autre côté du mur. Harry récupéra sa cape et la jeta sur lui et Ron juste comme le premier guérisseur entrait dans la pièce.

Il s'approcha des casiers et leva un sourcil : le second casier P était entrouvert.

Quand Ron le remarqua il étouffa un cri de surprise, rougissant aussitôt de sa maladresse.

Sans plus y faire attention, le guérisseur ferma le casier correctement et se retourna vers son collègue.

« Au fait, je ne t'ai pas dit : en ce moment je lis un livre formidable, il faudra absolument que je te le prête. C'est l'histoire d'un Moldu amnésique qui est incarcéré à Azkaban depuis deux ans, jusqu'à ce que miraculeusement, il arrive à s'évader ; et décide de se pencher sur les raisons qui l'ont fait emprisonner là-bas. C'est passionnant, tu devrais le lire. »

« Pas tout de suite alors, je suis en train relire ma collection complète de 'Martin Miggs, le Moldu Fou', ça faisait des années que je n'y avais pas touché. »

Le premier sorcier déposa distraitement son dossier dans le casier approprié puis les deux disparurent à nouveau par le passage.

« Ouf, on a eu chaud. » soupira Ron. « Allez, on y va ? »

« Oui, on a tout ce qu'il nous faut. J'aimerai bien regarder quand même. »

« Plus tard, on va finir par se faire prendre. »

Harry acquiesça à contre-cœur.

Les deux garçons franchirent le passage puis se dirigèrent vers l'accueil. La porte de sortie était évidemment bloquée, sauf pour les urgences. La guérisseuse de garde était toujours présente, elle était d'ailleurs en train d'écrire, penchée sur un rouleau de parchemin à la lumière d'une unique lampe.

Les deux sorciers allèrent donc s'installer sous la cage d'escalier du rez-de-chaussée pour patienter le reste de la nuit. Ils profitèrent de leur solitude pour grignoter quelque chose puis restèrent en silence dans le noir, écoutant les bruits nocturnes de l'hôpital. Au bout de quelques minutes, Harry brisa l'oppressante sensation du néant en murmurant à Ron :

« Tu sais, je l'ai presque oublié ces derniers jours, mais est-ce que tu sais s'il y a du nouveau au Ministère ? »

« Non, je n'en sais rien. Même à la Gazette du Sorcier il ne se passe rien. Pas d'attentat, pas de 'phénomène' étrange, pas de mort subite, d'immeubles qui s'écroulent, rien. Et même en questionnant mon père, je n'ai rien appris, et pourtant, il lui est quand même difficile de bien mentir. C'est le calme plat, partout. Le calme avant la tempête il semblerait. D'ailleurs il paraît que ça leur fout les jetons au Ministère. »

« Remarque, on n'a pas à s'en plaindre, ça leur laisse le temps de se préparer. »

« Hum. » La conversation en resta sur cette remarque songeuse. Le silence reprit son droit, les deux garçons n'ayant pas plus d'idée à débattre pour occuper leur temps. Et petit à petit, ils sombrèrent dans un sommeil léger et méfiant…

Un peu plus tard, Harry se réveilla, les yeux lourds de sommeil et le corps meurtri par le mur froid qui lui tenait lieu de support. Il se leva, et distingua dans la pénombre Ron, recroquevillé sur lui-même, endormi visiblement. Harry marcha un peu près de l'escalier pour retirer les fourmillements qui lui parcouraient les jambes. Il brûlait d'envie de regarder le dossier qu'ils avaient copié. Il avait le désir de prendre sa baguette conservée dans sa poche, de produire de la lumière et de regarder ce qu'on lui avait caché. Il serait déçu si jamais le résultat d'analyse était le même que celui qu'on lui avait transmis, c'était certain. Mais il n'avait pas le droit de faire de magie, pas encore. Il se rassit et attendit.

Les lueurs de l'aube pointaient depuis déjà plusieurs minutes quand Harry entendit Ron remuer puis se réveiller.

« l'est quelle heure ? » demanda Ron en baillant largement.

Harry fit miroiter sa montre sous les faibles rayons qui venaient de la fenêtre de la porte d'escalier pour y faire refléter ses aiguilles. Après quelques secondes il répondit :

« Quelque chose comme 7h. L'hôpital va bientôt ouvrir au public, je pense. »

Effectivement, l'hôpital ouvrit deux heures plus tard, si l'on considère que le terme « bientôt » peut englober plusieurs heures.

Quand les portes de l'escalier battirent pour la première fois depuis le début de la nuit, Harry et Ron étaient déjà sous la cape d'invisibilité. Il se levèrent et profitèrent de la porte ouverte pour sortir dans le Hall. Ce dernier se remplissait progressivement, les visiteurs et malades affluèrent, comme la journée passée, comme les journées passées. Et bientôt, les deux sorciers se trouvèrent à l'air libre, au beau milieu de Londres.

A pas rapides, il remontèrent les rues pour revenir au Chaudron Baveur, très peu rempli à cette heure. D'ailleurs il n'y avait que le barman et deux personnes assises au bar à discuter. Néanmoins Harry hésita. Le foyer de la cheminée était proche du bar, et si on les entendait prononcer le nom du Terrier à voix haute, ça alerterait peut-être quelqu'un.

Pour en discuter, les deux garçons se rendirent dans un coin tranquille du couloir annexe.

« On y va quand même ou on attend ? » demanda Ron.

« On peut essayer d'attendre que les deux personnes partent, sinon on improvisera. »

Ils revinrent dans la salle principale et s'assirent sur une banquette au fond de la salle. Les deux visiteurs partirent rapidement d'un dernier salut au barman, lui promettant de revenir pour le déjeuner. Ce dernier répondit d'un sourire puis se remit à sécher d'un torchon ses verres fraîchement lavés.

Harry fit un signe à Ron et ils se déplacèrent vers la cheminée. Autant être prêt quand le barman quitterait la pièce lui aussi. Ce qu'il ne tarda pas à faire une fois la vaisselle terminée. Aussitôt, Harry jeta de la poudre de cheminette dans l'âtre et, s'échappant de la protection de la cape, se faufila dans la cheminée et prononça d'une voix claire :

« Le Terrier ! » Il disparut immédiatement.

Ron, vérifiant qu'il était bien seul, répéta l'opération et se retrouva vite à la maison, aux côtés de son ami. Harry, le sourire aux lèvres, leva le pouce et murmura :

« On a réussi. »

Ron lui fit signe de monter et ils se rendirent dans la chambre de Harry. Ils déballèrent leurs affaires avec hâte et s'apprêtaient à en regarder le contenu quand ils entendirent :

« Les garçons, vous êtes rentrés ? » s'exclama Mme Weasley. Elle avait certainement perçu leurs pas dans l'escalier. Elle-même était en train de monter à leur rencontre.

Paniqué, Ron rassembla toutes les feuilles, le copieur et la cape et les jeta précipitamment dans la malle de Harry.

Mme Weasley rentra dans la chambre alors que Harry refermait rapidement sa malle.

« Ca s'est bien passé chez Neville ? » demanda-t-elle.

« Oui très bien… il nous a montré sa collection de plantes, elles sont incroyables. » inventa Ron en s'efforçant de paraître calme et de ne pas rougir.

« Je ne vous attendais pas si tôt, il vous a fichu à la porte ? » plaisanta Molly.

« Heu, non, c'est que… » commença Ron.

« Il devait partir tôt au Chemin de Traverse, il… avait oublié qu'il lui fallait de nouvelles robes. » le sauva Harry.

« Hum. De toute façon vous allez le revoir demain. Au fait, n'oubliez pas de préparer vos affaires. On va aller à la gare en voiture, le Ministère a mis à notre service quelques Aurors pour le voyage, d'ailleurs ils monteront aussi dans le Poudlard Express. »

Et elle referma la porte.

« Déjà demain la rentrée. » fit Ron en s'affalant sur le lit.

« Ouais, et pas mécontent d'y retourner, pas toi ? »

« Si. Le vrai Quidditch me manque un peu, Hermione aussi, les gars du dortoir, les couloirs sombres… »

« Les profs… »

Ron se releva en regardant Harry comme s'il venait de perdre la tête.

« Mais non, je rigole. Quoique Hagrid va reprendre son poste, je pense, c'est une bonne nouvelle. »

Harry retourna vers sa malle et récupéra les feuilles qui avait glissée à l'intérieur. Il garda la plus intéressante, le résultat d'analyse et la compara à celle qu'il avait. Les deux parchemins étaient des copies conformes, exactement les mêmes, sauf en un point, en un seul petit mot qui changeait toute la donne. Sur le test original, il y avait d'inscrit :

Analyse réalisée avec succès.

Résultat : positif

Cela n'affecta pas Harry autant qu'il l'aurait pensé. En réalité il s'était préparé à voir ça et il ne faisait que vérifier ce qu'il aurait du connaître. Quand Ron se pencha par-dessus son épaule et s'aperçut de l'erreur, il en resta muet.

« Bien, » en conclut Harry, « ne reste plus qu'à savoir qui a fait ça, et j'aurai la conscience tranquille. » Enfin aussi tranquille que peut être la conscience d'un loup-garou.

« Tu as déjà une idée derrière la tête ? » s'inquiéta Ron.

« Non, aucune. Mais je pense qu'on saura tôt ou tard qui a fait ça, il se trahira de lui-même un jour ou l'autre. »

Après déjeuner, Ron et Harry se séparèrent pour faire leur malle et remettre ainsi un peu d'ordre dans leurs chambres respectives. Tandis que Harry plaçait ses vêtements au fond de la malle, il retrouva la chaussette contenant l'énorme pierre qu'il avait reçue il y a plusieurs semaines.

« Tiens, il faudra que j'en parle à Hermione aussi. » remarqua Harry à voix haute en balançant la chaussette déformée devant ses yeux. A l'intérieur se produisait un cliquetis récurrent chaque fois que la chaîne frottait contre la pierre. « Et d'ailleurs il ne faudrait pas que je tarde à écrire à Hermione si je veux qu'elle reçoive le message aujourd'hui. »

Harry s'empressa donc de ranger ses affaires dans sa malle, puis une fois que tout fut casé à l'intérieur, le balai par-dessus, aux côtés de la cage d'Hedwige, il sortit plume et parchemin et s'attabla à l'affaire.

Il resta plusieurs minutes sans rien écrire, faisant jouer le bout de la plume contre son menton, regardant en l'air comme si son cerveau se trouvait au plafond de la chambre. Puis il se mit à écrire. Il commença par s'excuser profondément de n'avoir rien dit à sa meilleure amie – sachant qu'il n'échapperait certainement pas à ses réprimandes – et lui expliqua tout ce qui s'était passé pendant ces vacances. Il lui raconta son « contact » avec la jeune fille à la pierre, ses transformations, son infiltration à Sainte-Mangouste. A la fin de la lettre, il voulut transmettre un dessin de la pierre à Hermione. Il la ressortit donc de sa malle, et la dessina du mieux qu'il pût, mais une fois le croquis réalisé il se dit que cela ressemblait plus que bien à la pierre étant donné sa forme très caractéristique. Il mit la lettre et le dessin dans une enveloppe puis se tourna vers sa chouette Hedwige. Ses grands yeux ronds étaient orientés dans sa direction, comme si elle s'était attendue à recevoir un courrier à transporter. Docilement, elle tendit la patte avant même qu'il ne le lui demande. Il attacha son courrier, lui indiqua l'adresse, puis espérant qu'elle rejoindrait Hermione avant le lendemain, il lâcha sa chouette au dehors.

Fin du chapitre 13