Auteur : Epayss

Titre : Les loups se cachent pour mourir

Date : 2006-02-04

Les écrits de la Cabane Hurlante

Le début de la semaine fut amené avec son lot de nouvelles. Et notamment une lettre pour Harry venant par la voie des airs. Attachée entre les pattes d'un hibou gris et noir, il y avait la réponse tant attendue de Lupin. Harry la décacheta fébrilement et en lut le contenu :

Cher Harry,

Tu ne peux pas savoir à quel point cela me chagrine que tu doives connaître les douleurs de la lycanthropie. Le directeur Dumbledore m'a prévenu personnellement il y a quelques jours, mais j'ai vraiment du mal à m'y faire.

Cependant je ne vais pas m'étendre sur ce sujet car ce n'est pas le sujet de cette lettre.

En ce qui concerne le thème de la Pierre de Lune, il se trouve que j'ai appris quelques petits trucs à son sujet, il y a longtemps. Au cours de ma scolarité à Poudlard, j'ai passé beaucoup de temps à la bibliothèque, et comme tu le sais certainement toi-même j'ai découvert l'existence d'un rapport entre cette Pierre et la lycanthropie. J'ai cherché dans de nombreux livres traitant de loups-garous et de Pierre de Lune, mais aucun moyen de trouver une étude plus poussée sur la Pierre. Puis je suis allé moi-même au British Muséum pour voir si la seule Pierre entière encore existante était encore accessible mais malheureusement ce n'était pas le cas. Le gardien s'est d'ailleurs étonné de ma présence puisque cette pièce de musée avait été volée il y a plus d'un siècle. Je lui ai demandé par qui, et il m'a répondu que c'était certainement un des gardiens de l'époque qui avait commis le méfait. Ce gardien était un loup-garou, et il a disparu de la circulation en même temps que la Pierre… pour ne jamais reparaître. C'est à ce moment que j'ai été persuadé que la Pierre de Lune avait un pouvoir particulier sur les loups-garous, mais à vrai dire je n'ai jamais pu découvrir lequel.

J'espère t'avoir un peu éclairé avec ma réponse. Avant cette lettre je n'avais jamais parlé de ces recherches à quiconque, puisque ça n'avait abouti à rien.

Je souhaite qu'on se revoie bientôt,

Rémus J Lupin.

Quand Harry releva la tête, il s'aperçut que Ron et Hermione avaient les yeux rivés sur lui, attendant une réaction positive de sa part. Mais Harry secoua la tête, avant de leur montrer la lettre.

« Rien de vraiment nouveau. » conclut Hermione. « Tu sais, j'ai presque l'impression qu'il n'existe pas de 'méthode' officielle sur cette Pierre. Peut-être que si tu la portais, tu aurais… enfin, je veux dire… peut-être que tu trouverais la réponse. »

« Mais elle est toujours brisée. Et son état ne s'améliore pas. Elle tombe en poussière. »

Hermione se mordit la lèvre inférieure, habitude qu'elle prenait quand un problème se posait devant elle. Pourquoi tout ne pouvait pas être plus simple ?

« J'ai une idée. » reprit Hermione en baissant la voix, comme si elle ne voulait pas être entendue de ses voisins. « Et si nous attendions la prochaine Pleine Lune pour observer les réactions de la Pierre sous son éclat ? »

« Bonne idée Hermione ! » s'exclama Ron. « En plus tu pourras observer avec nous Harry, qui plus est en… hum, voilà (il se retint à temps de prononcer le mot loup-garou à voix haute), tu pourras certainement percevoir d'autres réactions de la Pierre qu'un humain ne peut voir. Ca nous fait attendre combien de temps ? »

« Trois semaines », répondit Harry en soupirant.

Mais trois semaines bien chargées. Harry restait obnubilé par la Pierre, il ne pouvait en détacher ses pensées, si bien que cela le déconcentrait sensiblement pendant les cours. Ron le trouvait souvent penché sur sa feuille de parchemin, la plume dans la main, mais immobile au-dessus de la feuille. Et Harry, les yeux dans le vague, visiblement occupé à autre chose qu'à l'exercice à faire. Mais ses amis n'y pouvaient rien, et ne pouvaient rien faire de plus pour l'aider, même s'ils désiraient tout autant retrouver leur ami comme il était avant… plus souriant, plus communicatif – parfois Harry restait seul des heures entières dans le dortoir à manipuler la Pierre de Lune pour en percer le secret –, plus dynamique. Et chaque soir ils regardaient la Lune avec l'espoir que quand elle serait pleine, la Pierre réagirait d'elle-même sous sa lueur.

Et deux semaines passèrent, au bout desquelles Harry dut commencer à prendre la Potion Tue-Loup, comme la Pleine Lune approchait.

Petit à petit, la Lune avait un effet excitant sur lui. Ses nerfs étaient plus à vifs, ses sens aux aguets, et surtout, il était pris d'insomnies terribles en plein milieu de la nuit. Temps qu'il mettait à profit pour trouver l'élément manquant à leurs recherches sur la Pierre. Il y avait souvent pensé depuis que Werewail l'avait mis sur la voie : cette trace laissée par Carin, qu'il avait l'impression d'avoir déjà vue, mais dont il n'arrivait pas à se souvenir. Il était fort probable que ça soit elle qui ait laissé tous ces indices dans les livres de la Bibliothèque, mais Harry savait inconsciemment que ce n'était pas ce qu'il fallait trouver. Il chercha de longues heures pendant ses nuits d'insomnies, couché dans son lit, avec pour seul bruit ambiant les respirations calmes de ses camarades de classe. Il revisita par le biais de ses souvenirs, les lieux qu'il avait traversé cette année depuis qu'il avait été mordu, dans l'espoir d'y retrouver l'élément manquant. Il fit revenir chaque image enfouie dans sa mémoire, chaque pièce du Terrier, chacun des instants vécus à l'intérieur de Sainte-Mangouste, le Poudlard Express, la rentrée à Poudlard, la première transformation… Non, c'était encore plus récent.

La seconde transformation ? Il avait attaqué trois élèves, les avait poursuivis dans le parc. Il avait rangé la chambre dévastée par son bref passage, juste avant qu'il ne coure après les trois enfants, puis était rentré. Non, aucun indice.

A moins que… Harry recentra ses souvenirs sur la chambre. Il avait bien réparé la fenêtre, puis la porte, puis… s'était tourné vers la grande armoire dont le contenu avait volé à travers la pièce. C'était des feuilles libres, blanches… Il se souvenait, quand il avait brisé la fenêtre pour aller à la poursuite des élèves, il avait tourné la tête vers l'armoire et avait vu un coup de vent déloger les feuilles de leur abri, des feuilles particulièrement visibles… presque lumineuses. Il se souvenait, quand il s'était chargé de remettre le paquet à sa place, il les avait regardées attentivement. Bien qu'elles étaient toutes vierges, chacune possédait un numéro de page ainsi que deux lettres dans un coin. Ces deux lettres, lesquelles étaient-ce déjà ?

Harry sentit son cœur battre plus vite, excités par ce morceau de sa vie qu'il avait enfoui volontairement pour ne pas se souvenir de cette terrible nuit, et qui était certainement la réponse à toutes les questions qu'il se posait. Car il n'avait pas besoin de se souvenir quelles étaient les deux lettres inscrites sur chaque feuille, il savait tout simplement : C.P. … Carin Pottel…

Une joie indicible envahit tout son corps, une chaleur qu'il n'avait pas ressentie depuis longtemps, l'impression d'avoir enfin trouvé la clé des énigmes, le chaînon manquant. Il n'avait pas envie de se dire qu'il ne trouverait peut-être pas tout ce qu'il désirait dans ce paquet de feuilles, il ne voulait même pas y penser. Il voulait croire… croire que son périple touchait à sa fin et qu'il pourrait enfin partir… et guérir… Les feuilles étaient vierges ? Il les ferait parler. Une confiance toute nouvelle venait de le conquérir, alors que ces dernières semaines lui avaient été très pénibles. Il vaincrait la maladie…

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« Je vais retourner à la Cabane Hurlante à la prochaine Pleine Lune. »

« Quoi ? » s'exclama Hermione.

« Tu restes pas avec nous ? » s'étonna Ron.

« Non. Et j'emmène la Pierre. » continua Harry catégoriquement. Bien qu'il pouvait assurément se rendre dans la Cabane une nuit normale, il sentait en son for intérieur qu'il serait préférable qu'il soit un loup et qu'il ait la Pierre avec lui, cela lui semblait d'une logique imparable.

« Mais, qu'est-ce que tu vas faire ? On peut t'accompagner ? »

« Non, j'irai seul. J'ai trouvé le dernier indice, mais je veux y aller seul. »

« Tu veux pas qu'on observe les réactions de la Pierre pendant que tu ne seras pas là ? »

Toutes ces questions commencèrent à irriter Harry.

« Je l'emmène avec moi, je vous dis que j'ai trouvé ce qu'il manque ! » leur expliqua-t-il avec exaspération.

Ron et Hermione n'en rajoutèrent pas plus et se mirent d'accord sur le fait de ne pas essayer de contrarier leur ami cette semaine. Il ne serait plus d'humeur à la plaisanterie avant la fin de la Pleine Lune.

Cette fameuse nuit où tout devait s'éclaircir vint enfin, sous un ciel dénué du moindre nuage. Harry avait très peu parlé de son entreprise à ses amis. Cependant Hermione le vit partir avec un certain soulagement.

« Tu verras, demain il se sentira mieux. » dit-elle pour rassurer Ron.

« Tu crois vraiment que c'est l'arrivée de la Pleine Lune qui lui tape sur le système comme ça ? »

« Oh, c'est certain. En plus il en avait assez que les recherches ne mènent à rien de concret. Espérons qu'il va réussir à trouver ce qu'il cherche cette nuit. »

Harry était sorti de la salle commune juste avant le lever de la Lune. Il avait prévu de se transformer dans le château, mais en dehors de la tour de Gryffondor. Et c'est ainsi qu'à la suite de l'entrée du jeune Sorcier dans une ancienne salle de classe, un loup en sortit silencieusement. Accrochée à sa gueule, il portait un baluchon dans lequel était transporté la Pierre de Lune et tous ses morceaux. Le loup-garou, attentif à chaque bruit, se dirigea à pas rapides vers le premier étage du château. A chaque coin de couloir, il utilisait sa bonne vision nocturne pour déceler tout mouvement inattendu. Au moindre doute il faisait un léger détour.

Arrivé au premier niveau, Harry courut vers l'endroit qu'il avait repéré, un couloir muni de nombreuses fenêtres. Pour faciliter sa sortie, il en avait l'avait laissée une entrouverte un peu plus tôt dans l'après-midi. Lorsqu'il arriva, la fenêtre était toujours dans l'état où il l'avait quittée. D'un coup de patte adroit il l'ouvrit entièrement et sauta sur le rebord. Il avait à faire une chute haute de seulement trois mètres. Pour un loup c'était aisé. Il aurait pu choisir une fenêtre du rez-de-chaussée, mais Rusard en aurait facilement déduit qu'un élève avait quitté le château sans autorisation. En effet il n'était pas courant d'ouvrir les fenêtres au début de l'hiver.

Le loup raffermit sa prise sur le baluchon et sauta dans le vide. Il amortit sa chute par ses quatre pattes puis se mit immédiatement à courir vers le Saule Cogneur.

L'arbre semblait endormi et ne vit pas tout de suite le loup arriver. Harry ne s'arrêta pas pour lui laisser le temps de réagir et rejoignit en quelques bonds puissants ses racines et son sombre tunnel. Il s'accorda alors une légère pause. Ici il faisait déjà moins froid, et il était à l'abri des regards.

Le loup poursuivit sa course dans le souterrain, jusqu'à la trappe de la Cabane Hurlante. Il l'ouvrit sans difficulté d'un coup de tête. La maison n'avait pas changé. Apparemment personne d'autre n'était revenu ici depuis son dernier passage. Et on voyait encore, gravés dans la poussière, les traces de la poursuite des trois enfants par le loup-garou. Harry monta à l'étage, dans la chambre. Tout était en place : le lit, l'armoire, la table, les chaises, et ce vieux miroir terni par le temps. Harry s'en approcha. C'était un grand miroir de deux mètres de haut, placé dans un coin de la pièce. Le loup vit s'y refléter une pâle silhouette, à peine discernable. Harry se demanda à quoi pouvait-il bien ressembler. En agrippant un des pieds du miroir avec sa mâchoire, il tira la glace pour la placer sous la lumière de la Lune. Mais là encore l'image était très floue. Harry appliqua alors ses deux pattes avant contre la surface de miroir et tenta de la dépoussiérer au maximum de ce que les permettaient ses pattes de canidé. Enfin il put se voir, ses deux yeux noirs scintillants comme ils réfléchissaient la lumière reflétée par le miroir. Sa robe toute entière était très sombre, et son masque entièrement noir parcouru de légères bandes beiges. Sur ses pattes, le pelage tirait sur le gris clair, comme les poils plus longs situés au niveau de l'encolure. Il regarda plus attentivement ses oreilles en pointe, les orientant vers différentes directions pour voir l'effet que ça faisait.

Mais passons aux choses sérieuses. Harry n'était pas ici pour s'admirer dans un vieux miroir. Il se détourna de son image et se dirigea vers l'armoire.

D'un coup de patte il fit sauter le loquet et ouvrit l'un des battants. Aussitôt une lueur bleutée attira son attention. Cinquante centimètres au-dessus de sa tête, un paquet de feuilles grossièrement empilées émettait une douce lumière. Harry se redressa et appuya ses deux pattes avant sur l'étagère. Il savait pourquoi il voyait ces feuilles scintiller. Non pas à cause de la Lune qui de toute façon ne les éclairaient pas, ni à cause de la nuit car quand il les avait rangées dans l'armoire la dernière fois elles étaient redevenues blanches. Non, la seule explication possible était qu'il les voyait par des yeux de loups-garous. Ainsi seul un loup-garou pouvait attarder son regard sur ses feuilles. Sortilège ingénieux sans aucun doute.

Harry examina quelques secondes les feuilles, se posant une question : comment faire pour les attraper ?

Il tenta une manœuvre assez délicate. Il poussa le paquet par derrière afin qu'il déborde de l'étagère. Puis, bien campé sur ses pattes arrière, il pinça le paquet entre ses deux pattes avant et tira doucement. Les feuilles restèrent entre ses pattes. Mais au moment où il voulut s'accroupir pour les déposer sur le sol, il perdit l'équilibre et lâcha tout. Les feuilles, extrêmement légères, s'éparpillèrent sur toute la surface du plancher.

« Gagné. » maugréa Harry.

Toujours muni de sa maladresse, le loup entreprit, à l'aide de ses pattes et de son museau de rassembler les éléments et de les reclasser, chose la plus difficile.

Il mit une certaine heure à effectuer cette tâche, jusqu'à ce que la quinzaine de feuilles soit rangée et entassée à nouveau. Elles avaient toutes la moitié de la taille d'une feuille classique, et le papier dont elles étaient constituées était extraordinairement fin et lisse. De plus, elles ne paraissaient pas avoir souffert du temps, ni du froid ni de l'humidité, comme si on y avait également placé un sortilège de Conservation.

Harry regarda attentivement chacune d'elles. Elles n'étaient plus vierges. L'éclat bleuté révélait un dessin fin et à peine visible qui s'étalait sur toute la surface de la feuille. Il était parfaitement reconnaissable. Cette base arrondie, et ces espèces de cristaux dirigés vers le ciel, c'était une Pierre de Lune.

Harry alla chercher le baluchon qu'il avait posé dans un coin de la chambre. Il prit délicatement la pièce principale de la Pierre entre ses crocs et la déposa sur la première feuille.

La réaction fut immédiate : la feuille fut prise d'une longue ondulation, puis des mots commencèrent à la couvrir entièrement. Harry poussa la Pierre, le cœur battant la chamade. Enfin, il allait savoir…

J'écris ces quelques mots alors que j'espère de tout cœur que mon voyage arrivera bientôt à son terme. Je vais à présent déposer ces quelques feuilles dans leur dernière demeure, et j'aimerai quelles y restent. Cela me semble être un bon endroit pour tous les jeunes loups-garous qui cherchent la lumière qui pourra faire briller leurs vies. Mais avant que le secret tant caché par notre famille ne te soit révélé, j'ai encore quelques consignes à écrire :

Ne parler du contenu de ces feuilles à personne si ce n'est à un autre loup-garou.

Ne jamais donner ces feuilles à un non-lycanthrope.

Et Protéger la Pierre de Lune. C'est notre bien le plus précieux, et il ne doit être transmis qu'à un autre loup-garou.

Si tu désires contourner ces règles, là est ton droit, mais tu risques alors de priver de nombreux loups-garous de la guérison.

NB : La lecture de ces feuilles nécessite uniquement le contact avec une Pierre de Lune.

A présent, Possesseur de la Pierre de Lune, voici le récit de mon voyage…

Fin du chapitre 26