Auteur : Epayss
Titre : Les loups se cachent pour mourir
Date : 2006-03-29
Au cœur des montagnes
J-15, 4h du matinHarry se réveilla précisément à l'heure désirée, grâce à un sortilège permettant au réveil de la chambre de ne sonner que pour lui seul, et de rester silencieux pour les autres garçons du dortoir. Le réveil était dur à cette heure, mais Harry s'était forcé à s'endormir très tôt, prétextant de ne pas se sentir très bien. Il se leva et s'étira. Il avait déjà tout préparé : le sac de provisions, la cape d'hiver bien chaude et quelques vêtements de rechange, une couverture rapetissée par magie, sa baguette et la Pierre. Rien de plus n'était nécessaire.
Harry s'habilla de vêtements bien chauds puis s'apprêta à partir. Dernier élément à l'édifice : la lettre. Il la posa bien en évidence sur le bureau de la chambre. Tout ce qu'il espérait, c'était qu'on ne le détesterait pas d'être parti sans prévenir. Il n'en avait effectivement parlé à personne. Tout était écrit dans la lettre qu'il adressait à ses deux meilleurs amis :
« Chers Ron et Hermione,
Je suis désolé de devoir passer par ce parchemin pour vous annoncer mon départ. Je quitte le château, et m'en vais m'isoler pour guérir de ma maladie. Je ne souhaite pas que mon départ s'ébruite, même s'il sera forcément remarqué. Je ne sais pas quand je reviendrai, mais ce ne sera certainement pas dans quelques jours. Attendez-vous plutôt à me revoir dans quelques mois. Werewail sait où je vais, mais je vous en prie, faites que personne ne cherche à me retrouver, sinon je ne pourrai jamais guérir. Je dois être seul, c'est pourquoi je pars au milieu de la nuit. Dites au professeur Dumbledore de ne pas s'inquiéter. Je vous remercie beaucoup de tout le soutien que vous m'avez apporté. Maintenant je dois honorer ma promesse faite à Carin.
Au revoir et à bientôt
Harry »Harry quitta la tour de Gryffondor, son sac sur l'épaule. Il se dirigea vers la salle de bain des préfets, celle qu'il prenait d'habitude – pourquoi changer ? – avec l'intention de prendre un dernier bain avant son voyage. Il ne savait pas quand est-ce qu'il aurait de nouveau l'occasion d'en prendre un, alors autant en profiter.
Attentif au moindre bruit, Harry se faufila dans ces couloirs qu'il connaissait par cœur pour les avoir maintes fois parcourus la nuit. Il marchait sans lumière pour ne pas être repéré, ni carte du Maraudeur. Il avait décidé de ne rien emporter de fragile avec lui, et la carte était trop précieuse à ses yeux. Il avait également laissé son balai dans sa chambre, avec l'intention de faire tout le voyage à pied. Cela l'habituerait à marcher dans les montagnes, même si le voyage allait être long. Et Harry n'avait pas très envie d'y aller sur son précieux balai, pour ensuite le laisser en pleine nature dans la vallée, à prendre la pluie, le froid et la boue pendant plusieurs semaines voir plusieurs mois.
Il arriva dans la salle de bain qui s'illumina à son entrée. Il fit couler une eau brûlante pour le réveiller et le réchauffer, et se glissa dedans avec délice.
« Cette salle de bain est à elle seule une raison suffisante pour avoir envie de revenir au château le plus vite possible », pensa Harry, dont seul la tête dépassait de l'eau.
Après avoir passé un agréable moment, il sortit de l'eau et se rhabilla. Il profita de ce lieu pour prendre le petit-déjeuner qu'il avait emporté avec lui, récupéré la veille dans la cuisine des elfes. Il n'avait pas très faim en raison de l'heure précoce, c'est pourquoi à peine après avoir terminer une tranche de pain il rangea le reste et se le garda pour plus tard. Il était temps de partir maintenant. Il ne fallait pas tarder plus dans le château, car à chaque minute qui passait il y avait toujours plus de chances de rencontrer du monde dans les couloirs.
Harry quitta le château par un de ses petits tours qu'il avait l'habitude d'effectuer depuis qu'il partait en balade la nuit. Il longea le château un moment, jusqu'à ce que le terrain de Quidditch soit hors de vue. A sa droite, la surface lisse du lac scintillait dans la nuit sous la faible lueur des étoiles. La lune était absente ce soir, enfouissant le paysage dans une lourde pénombre.
« Il ne faut pas avoir peur. » se répéta Harry. Il semblait presque désirer être un loup pour ne pas ressentir l'oppressante obscurité, la solitude… Le temps était plutôt humide et non glacé, mais le mois de janvier allait commencer, et la température allait encore baisser dans les jours à venir.
Harry passa entre les différentes serres, et il lui semblait voir les ombres fantomatiques des gigantesques plantes tropicales, derrière les verres embués. Il passa devant au trot, resserrant sa cape d'hiver autour de lui. Harry dépassa les dernières tours puis marcha d'un pas rapide vers le Nord. Il savait qu'il rencontrerait sous peu le mur d'enceinte de Poudlard. Mais il savait également qu'il existait avant lui un passage secret qui lui permettrait de sortir de l'école. C'était un passage ancien et qui ne laissait passer que celui qui voulait sortir de Poudlard, comme avait semblé le montrer la Carte des Maraudeurs. Harry avait repéré l'emplacement du sous-terrain, et se trouvait à présent à l'endroit où il aurait dû être. Mais tout autour de lui, il n'y avait qu'une prairie d'herbe courte, détrempée par la pluie. Harry plissa les yeux pour repérer un trou quelconque, ou une trappe camouflée, mais il ne vit rien.
Il se mit alors à marcher tout autour de l'emplacement, laissant ses pieds frotter contre le sol pour ressentir la moindre aspérité dans la terre. Au moment où il s'y attendait le moins, ses pas s'enfoncèrent plus profondément, et Harry s'effondra dans un trou qui venait d'apparaître juste sous lui. Il chuta dans un puit profond de trois mètres. La terre molle et mouillée amortit sa chute sans le blesser. Juste après son passage, la couche de terre qui l'avait laissé pénétrer se reconstitua au-dessus de sa tête, le plongeant dans l'obscurité complète.
Harry se releva, jurant contre la boue qui était entrée dans ses chaussures. Il ne risquait plus rien ici, et décida d'allumer sa baguette. La lueur émise n'allait pas bien loin, mais c'était déjà rassurant. D'après la carte, le tunnel ne devait pas dépasser une centaine de mètres. Harry s'y engagea, la baguette bien serrée dans sa main, prêt à intervenir au moindre bruit. Quelques mètres plus loin, ses pieds se mirent à patauger dans l'eau boueuse, puis dans une boue visqueuse qui produisait un bruit de succion chaque fois qu'il soulevait le pied. Des murs suintaient parfois quelques filets d'eau, comme si ce tunnel avait été creusé dans une nappe. Après quelques minutes, le sol se mit à monter légèrement, et la boue, moins inondée, devint plus solide. Puis le sorcier parvint au bout. Mais ce n'était pas ce qu'il espérait. Le tunnel se finissait en cul-de-sac. Il avait devant lui un mur de terre.
« Il doit y avoir une illusion par ici. Je suis certain que je peux traverser quelque part. »
Harry tendit la main devant lui. Il ne rencontra que de la terre et des cailloux incrustés. Harry tâtonna sur les bords du cul-de sac, sans succès. Le sorcier réfléchit deux minutes. Il était encore sous terre, et le tunnel devrait normalement déboucher à l'air libre. La sortie ne serait-elle donc pas, au plafond ? Harry rangea sa baguette dans sa poche et s'approcha du mur. Il le parcourut des mains jusqu'à trouver de bonnes prises, puis commença à monter. L'ascension était aisée, car ses chaussures collaient efficacement sur la boue et trouvaient de bons appuis sur les cailloux enfouis dans le mur. Un coup de pied bien appliqué, et la chaussure pénétrait sans problème la surface molle du mur pour ensuite reposer sur la roche.
Harry savait vaguement à quelle hauteur se trouvait le plafond, mais dans le noir absolu, il ne put que deviner qu'il l'avait dépassé, et confirmer son idée que le cul-de-sac n'était qu'une illusion. Un mètre encore, et il sentit un vent frais agiter ses cheveux. Puis sa figure rencontra l'air frais. Puis ses mains prirent appui sur le sol solide et extirpèrent le reste de son corps.
Il était au pied des montagnes, déjà. L'enceinte de Poudlard n'était pas loin, et le séparait maintenant du lointain château qui s'élevait comme une ombre dans la nuit.
Harry se tourna vers les montagnes et commença à marcher. Pas très loin, les neiges hivernales recouvraient les hauts sommets. L'ascension fut plutôt simple car il parcourait encore de grandes étendues d'herbe rase, et il y avait peu de vent. Harry grimpa jusqu'au premier col. De l'autre côté, de ce qu'il en voyait, il n'y avait plus que des montagnes abruptes et rocheuses, envahies de noirceur. Harry s'arrêta là, juste après le col. Continuer dans la nuit le retarderait et il jugea préférable de finir sa nuit quelque part à l'abri. Il se trouva un petit renfoncement dans la roche pour se protéger du vent de l'arête, s'emmitoufla dans sa cape et sa couverture, et se laissa envahir par la fatigue. Ses yeux se fermèrent tout seuls, malgré l'excitation de l'escapade. La première étape était passée.
Harry ne put dormir bien longtemps. A 7h du matin, le froid le réveilla, le laissant grelottant après chaque coup de vent qui filait dans la vallée. Il faisait nuit noire et on n'y voyait pas à dix mètres. A ce qu'il semblait, de lourds nuages masquaient les étoiles. Harry se redressa et bougea précautionneusement ses membres engourdis par le froid. Il mangea un morceau de pain puis se leva. Il ne pourrait plus dormir, alors autant continuer sa route. Harry commença à descendre dans la vallée. Il ne savait pas où aller, le col suivant était complètement englouti dans l'obscurité, alors le sorcier se contenta de descendre. D'ici une demi-heure, la grisaille matinale permettrait d'apercevoir les hauts sommets. Agrippé aux rochers et s'accrochant aux touffes d'herbes, Harry se laissa descendre jusqu'au fond de la vallée. Après avoir dévalé une centaine de mètres, il commença à rencontrer quelques buissons et des arbustes qu'il utilisa pour se retenir. Le froid et la pluie avaient rendu le sol glissant et Harry n'hésitait pas à s'accrocher à toute chose stable qu'il pouvait rencontrer sur son chemin.
Puis le jour se leva timidement, derrière une couverture nuageuse qui ne laissait passer que difficilement la lumière. Harry corrigea son itinéraire afin d'éviter de trop descendre dans la vallée si c'était pour en remonter autant. Le paysage était entièrement sauvage, pas une maison à l'horizon.
Au milieu de la matinée, une pluie fine et mouillante se mit à tomber. Le genre de pluie qui dure très longtemps et pénètre lentement mais sûrement dans les vêtements les plus épais. Le genre de pluie avec lesquelles il est inutile de porter de capuche car les gouttelettes sont si légères qu'elles ne semblent pas se préoccuper de la loi de la gravitation.
Harry quitta les buissons et passa sur le flanc d'une grande colline recouverte de longues herbes. Il glissa à plusieurs reprises sur ce terrain, et quand il arrivait à se retenir en empoignant quelques-unes unes d'entre elles, il s'égratignait les mains sur des herbes coupantes. Ce genre de blessures n'était pas grave, il se contentait de les soigner par quelques sortilèges de soins rudimentaires qu'il avait révisés avant de partir.
Harry passa le second col à la fin de l'après-midi, quand la lumière fut devenue bien rare et que la pluie eut cessé. La vallée suivante était plus étroite et moins profonde. Un petit lac rond s'étendait au fond, entouré d'une forêt dense de mélèzes. Dans le silence du crépuscule, Harry pouvait entendre les maints ruisseaux d'eau douce qui sautillaient sur les pierres et venaient se déverser dans le lac. Surplombant l'étendue d'eau, une imposante montagne nappée de blanc se dressait, pointue, vers le ciel. Harry profita des dernières lueurs reflétées par la neige pour descendre jusqu'à la forêt. Il y ramassa un peu de bois mort puis, éclairé par sa baguette, vint se poser près du lac. Il fit un feu après avoir séché le bois et étendit ses vêtements détrempés à son côté. Ici il ne craignait pas d'être repéré avec son feu, il était suffisamment éloigné dans les terres. Il se prépara un dîner léger puis se coucha, bercé par le sifflement doux du vent contre les aiguilles des arbres. Il s'endormit immédiatement, fatigué par sa longue marche.
J-14, 7h30 du matinIl faisait un peu plus froid ce matin, mais il ne gelait pas encore. L'imposante montagne avait sa cime plongée dans les nuages. Le col le plus bas était épargné par le brouillard, enfin pour l'instant.
Harry reprit sa marche. Il avait de nombreuses courbatures dues à son effort de la veille. Il tâcha de les oublier et se concentra sur la prochaine colline à gravir, le prochain obstacle à franchir. Les nuages descendirent, le plongeant bientôt dans un paysage d'un gris uniforme. Harry ne s'arrêta pas à ce détail et continua sa route. Il franchit le troisième col assez vite en raison de la faible pente. A cet endroit, le vent glacé soufflait en rafale, s'engouffrant par le col comme par une porte laissée ouverte. D'un côté du col, le haut pic enneigé le dominait comme un géant glacé envahi par la brume. Harry commença à descendre dans la vallée. Le brouillard recouvrait son ensemble et Harry ne pouvait même pas en apercevoir le bout. La végétation était constituée de hautes herbes jaunes et brunes, et il semblait y avoir quelque bosquet d'arbres un peu plus loin. La faible pente balayée par un vent venant de derrière rendit la descente aisée. Harry rejoignit le premier groupe d'arbre et s'arrêta pour déjeuner. Le vent glacé ne passait pas dans la forêt, lui permettant de se réchauffer. Harry fouilla dans son sac et récupéra quelques provisions. Il fit chauffer de l'eau dans l'unique récipient qu'il avait emporté et se prépara un thé brûlant. Il n'y avait pas un seul bruit ici, uniquement le crépitement du feu et le murmure du vent qui frôlait les branches des chênes et des bouleaux.
Après un maigre repas, Harry se reposa un peu auprès de la chaleur. Le brouillard s'était un peu levé, permettant d'apercevoir le pâle cercle du soleil au-dessus du bosquet. Il laissa ses yeux se fermer. Il n'avait plus envie de bouger, il avait envie de rester là, de ne pas quitter cette forêt qui le protégeait du vent glacial, il avait envie de reposer ses membres fatigués. Il aurait aimé manger un peu plus, mais il devait se rationner dès maintenant pour ne pas risquer de ne plus rien avoir à manger avant la fin du voyage. Il avait emmagasiné dans son sac autant de nourriture qu'il avait pu, usant de sortilèges de réduction pour en rassembler plus. Mais il n'était pas sûr d'en avoir suffisamment.
Harry s'endormit bientôt, calé entre les racines d'un gros chêne pour ne pas glisser dans la pente.
Une ou deux heures plus tard il rouvrit les yeux. Le feu s'éteignait doucement, manquant de combustible. Le vent avait tout à fait cessé, et le brouillard s'était levé. Le soleil avait cependant totalement disparu derrière des nuages blanc et gris. Harry s'étira longuement, reprit son sac et après avoir fait disparaître les traces de son passage, quitta les lieux. La vallée était à présent pleinement visible. Elle était bien plus grande que celles qu'il avait déjà traversé. Elle ressemblait bien plus à une grande plaine vide balayée par les vents. Tout au bout, la pente semblait s'élever rapidement jusqu'à attendre une nouvelle chaîne de montagnes plus abruptes et plus enneigées que les précédentes.
Il ne fallut pas longtemps avant que les premiers flocons ne tombent dans la large vallée. Dans le plus grand silence, ils s'abattirent par milliers sur les herbes, pâlissant tout le paysage. Harry marcha tout l'après-midi, progressant lentement comme un automate, la tête baissée pour ne pas avoir à regarder les lointains monts qui ne voulaient pas se rapprocher plus vite.
Ce n'est qu'au soir de la journée suivante qu'il se retrouva sur le flanc de la plus proche montagne. Il n'avait pas arrêté de neiger depuis la veille, et maintenant tout était recouvert d'un léger tapis blanc. Seul le lac qui se trouvait à quelques kilomètres dans la plaine résistait au froid, mais Harry se doutait que si le froid persistait, il finirait par geler. On était en hiver après tout. Pour l'instant la neige ne gênait pas trop la progression du sorcier. Elle n'était pas assez épaisse pour que ses pieds s'enfoncent dedans, mais suffisamment pour lui assurer une bonne prise dans la poudreuse. Il ne glissait pas.
Harry progressa encore une bonne heure, guidé par la luminescence provenant de sa baguette. Il grimpa sur une petite colline ronde, seul remous sur la surface blanche et régulière de la montagne qu'il était en train de gravir. Le sorcier pointa sa baguette vers le bas. Au creux de la dépression située derrière la colline, à quelques dizaines de mètres, il y avait un bâtiment de pierre. Harry s'en approcha prudemment. Cela ressemblait à un abri, vide pour le moment. Harry en fit le tour, et après s'être assuré qu'il n'appartenait à personne, il pénétra dans la vieille bâtisse. C'est un ancien abri avec un toit de bois porté par quatre murs de pierre brute. A l'intérieur, une seule pièce rassemblait une table, quelques chaises, une cheminée et des couvertures posées dans un coin. L'endroit rêvé pour un voyageur fatigué. Harry ne se fit pas prier et s'y installa. Il alluma un bon feu dans la cheminée et se prépara son repas habituel. Il pensa à plusieurs moments qu'il prenait des risques à dormir ici – la lumière et la fumée étaient sûrement bien visible pour une personne sur un balai – mais il se prit à penser que si personne ne l'avait trouvé depuis son départ, personne ne le trouverait maintenant. Cela faisait trop longtemps. Harry se demanda comment allait ses amis. Il se demandait si le professeur Werewail avait bloqué les recherches le concernant, si le professeur Dumbledore comprenait les raisons de son départ. En tout cas il espérait ne pas causer trop de soucis à ceux qui lui avaient fait confiance. Il se rendait bien compte que son voyage était assez… irresponsable, et dangereux, mais il devait le faire.
Harry se demanda combien de temps aurait-il encore à marcher, combien de cols aurait-il à gravir. Il n'était pas parti depuis bien longtemps et pourtant il lui semblait déjà être bien loin de chez lui. Il était le seul être humain à des lieux à la ronde, et ce n'était pas très réconfortant. Le sorcier se prit à espérer qu'il n'avait rien à craindre des loups ici, si loups il y avait.
J-12, 8h du matin« Pointe au Nord », répéta Harry, comme il le faisait chaque fois qu'il désirait corriger sa direction. Le soleil ne pouvait pas l'aider beaucoup ici, il était invisible depuis qu'il neigeait. Et cela n'avait toujours pas arrêté. De gros flocons chargeaient la montagne d'une épaisse couche de poudreuse, ce qui ralentit bientôt considérablement la progression de Harry. Il devait faire attention à chacun de ses pas, car il pouvait à tout moment tomber dans une congère, une rivière s'écoulant sous la couche de neige ou pire, déclencher une avalanche. Il parvint ainsi au col en début d'après-midi. La longue ascension l'avait amené à un point très haut au-dessus des chaînes de montagnes, qui s'élevaient sans discontinu jusqu'à l'horizon. Il avait laissé derrière lui une large vallée, et ce qui l'attendait ne semblait pas de tout repos. Les pics enneigés, dépourvus de toute végétation, étaient acérés comme des dents. Seuls au centre de certaines vallées, que l'on pourrait parfois qualifier de gouffres, poussaient des forêts denses d'arbres. Et c'était dans un de ces vallées, se trouvait celle qu'il cherchait. Harry poussa un long soupir. Il lui faudrait choisir soigneusement son itinéraire à présent, pour passer par les terrains les moins abruptes, tout en restant bien orienté vers le nord. Toute cette neige l'empêchait de distinguer nettement les contours des montagnes et d'évaluer la nature de leur terrain. Et c'était sans oublier les nuages qui descendaient très bas sur les pics et ne tarderaient pas à les camoufler à sa vue. Devant toutes ces considérations, la tâche le dépassa un peu. Mais il n'allait pas s'arrêter en si bon chemin.
« Le tout, c'est de ne pas se retrouver coincer par une falaise. Si je passe par ce côté-ci, je devrai y arriver. » se dit-il pour lui-même. « Allons-y avant que le vent ne se renforce, je ne dois pas rester ici si une tempête de neige se lève. »
Et il continua son chemin et longea un certain temps une paroi à pic qui le protégeait du vent et lui assurait des prises stables au moindre dérapage sur le sol glissant.
J-8, 3h du matinHarry avait trouvé refuge dans une grotte naturelle située un peu en contrebas du chemin qu'il avait voulu prendre. Il grelottait de froid, même emmitouflé dans sa couverture et sa cape de voyage. Il n'avait pas pu faire de feu ce soir, car il n'était pas descendu dans les vallées arborées, ce qui aurait rallongé son voyage. Mais du coup, il n'arrivait pas à dormir à force de trembler. La grotte qu'il avait trouvée le protégeait bien du froid, mais elle n'était pas très profonde. Harry se redressa et tourna des yeux fatigués vers l'entrée. La tempête faisait rage dehors, et cela durait depuis 4 jours. À cause de la neige et du brouillard constant, Harry avait eu du mal à garder une trajectoire stable, et il ne savait plus vraiment s'il était toujours plein Nord par rapport au château de Poudlard. Il lui semblait avoir dévié maintes fois. Harry se recroquevilla un peu plus sur lui-même puis se recoucha. Il enfouit sa tête sous les couvertures, réchauffé par son propre souffle, et tâcha de se rendormir, sans prendre en considération les grognements de son estomac.
Au matin, Harry sortit de sa torpeur. Il se sentait encore plus fatigué que la veille mais il avait réussi à se réchauffer. Le sorcier regarda sa montre, il était 8h du matin. Et pourtant il faisait encore très sombre dans la caverne, et très silencieux pour un jour de tempête. Le sorcier alluma sa baguette et s'approcha de l'entrée, jusqu'au bord. En réalité il n'y avait plus de bord. La grotte était bouchée par un mur de neige qui avait du s'écrouler pendant son sommeil. Le mur n'était pas très compact et Harry put creuser aisément à l'aide de ses mains. Il y avait à peine 70 cm d'épaisseur de neige et Harry se dégagea vite un passage. Il fut accueilli par un soleil radieux qui illumina la grotte de ses rayons réconfortants. Harry termina de déblayer l'entrée de la grotte en expulsant la neige avec quelques sortilèges.
Il observa le paysage avec enthousiasme. La tempête avait sonné ses dernières heures pendant la nuit, et la vallée et le ciel étaient débarrassées de tous nuages. Seul restait une vallée blanche de neige et noire aux endroits où celle-ci n'avait pu prendre prise.
Harry put sans mal sortir de sa caverne en dévalant la pente neigeuse jusqu'à regagner le terrain plus plat sur lequel il s'était trouvé la journée d'avant. Puis il reprit sa marche solitaire.
J-4Cette nuit il avait entendu des hurlements de loups. Il s'était dit qu'il devait être proche de son but. La lune n'était plus qu'à quatre jours de son maximum, et elle le narguait chaque soir à travers le ciel toujours dépourvu de nuages. Le soleil avait brillé tout le temps depuis la fin de la tempête, et la neige avait durci et en partie fondu, rendant la progression plus aisée dans les montagnes.
Alors qu'il marchait au sommet d'une arête montagneuse, profitant du soleil ascendant, Harry entendit un nouveau cri, semblable à une longue plainte. Cela venait de sa droite, au-delà de la falaise à pic qui délimitait le chemin qu'il s'était tracé visuellement. Poussé par la curiosité, Harry s'approcha du bord de la falaise, juste pour jeter un coup d'œil. La couche neigeuse n'était pas très stable à cet endroit, mais il continua d'approcher pas à pas, jusqu'à ce qu'il puisse bien voir l'ensemble de la vallée qui se déroulait sous cette falaise. Il n'y avait personne en bas, rien qu'une étendue neigeuse incroyablement plane. Harry fit demi-tour et … son pied glissa et … il s'étala de tout son long dans la neige, face la première. Mais il continua à glisser, emporté dans la descente vers la falaise. Il brassa la neige de ses bras mais ne parvint pas ralentir sa course. Dans sa chute il avait entraîné le manteau neigeux instable et tous les deux se précipitaient inexorablement vers une lourde chute. Quand Harry sentit que ses pieds n'avait plus de contact qu'avec du vide, il se dit qu'il avait fait une grosse erreur en s'écartant du chemin. Ses jambes puis son corps passèrent par-dessus le bord de la falaise. Mais juste avant de tomber, ses réflexes d'Attrapeur lui permirent de s'emparer du bord d'un rocher saillant de la falaise. Il se prit ensuite un paquet de neige sur la tête, puis tout s'arrêta : il resta suspendu à un rocher, les pieds battant l'air sans trouver d'autres prises, les lunettes couvertes de neige. Une situation vraiment désespérée, sans compter que le rocher auquel il s'agrippait des deux bras partait en morceau sous son poids.
Harry risqua un œil vers le bas. C'était vraiment très haut. Il déglutit et regarda la falaise, cherchant une prise pour ses pieds. Le rocher était tout à fait nu à cet endroit. Harry dégagea alors précautionneusement un de ses bras et balaya la neige restant autour du rocher. Il restait quelques touffes d'herbes là-dessous. Elles seraient peut-être suffisamment résistantes pour lui permettre de remonter. Malgré ses mains gelées, il prit une bonne poignée d'herbe et tira dessus. Il libéra son autre main du rocher et lui fit prendre une autre touffe d'herbe un peu plus haut. Ca marchait, il arrivait à remonter. Quand il eut réussit à remonter son corps jusqu'au niveau de sa taille, il fit une pause pour reposer ses bras. Mais ce fut quelques secondes de trop. Harry sentit la terre trembler, la falaise se fissurer. La partie sur laquelle il reposait se décomposa et bientôt dans ses mains il n'y eut plus ni herbe ni roche, seulement du vide.
Tout son corps chuta dans le vide, et Harry ne sentit bientôt plus qu'un immense froid l'envahir, avant de tomber dans l'inconscience.
Il sentit plus qu'il ne vit des pointes s'enfoncer dans son bras, et le tirer vers le haut. Il entendit le bruit de la neige que l'on piétine, mais ses yeux étaient trop glacés pour qu'il arrive à les ouvrir. Il sentit qu'on l'extirpait de toute cette neige, et bientôt il put respirer l'air frais de l'extérieur. Il avait mal partout, mais la douleur était surtout mise en cause par la fatigue accumulée ces derniers jours. On le laissa là, couché sur la neige, puis de nombreux bruits de pas s'éloignèrent avec légèreté. Et ce fut le silence. Le silence que la montagne sait si bien faire. Les rayons de soleil vinrent caresser son visage et lui procurèrent un peu de chaleur. Il avait envie de s'endormir mais… il y avait quelque chose de dur sous son dos. Certainement la Pierre de Lune. La désagréable présence de la Pierre sous ses vertèbres le força à ouvrir les yeux. Mais il fut vite ébloui par la blancheur du manteau neigeux et il dut prendre plusieurs minutes avant de revoir clair à nouveau. Il était au-dessus d'un monticule de neige adossé à la falaise. A sa gauche, un trou encore béant marquait l'endroit où il avait chuté. La petite avalanche qui avait précédé sa chute avait visiblement fabriqué un amortisseur naturel, puisqu'il était indemne. Harry prit son sac et vérifia son équipement : tout était là. Tout autour de lui, de petites traces de pattes dénotaient le passage d'un animal que Harry n'eut pas de mal à identifier : c'était assurément des loups. Et il n'y en avait pas qu'un. Ce pouvait-il que la troupe locale soit venue l'extirper de son cocon de neige ? Etaient-ce leurs hurlements qu'il avait entendus de là-haut ? En tout cas il n'y avait plus personne alentour, et Harry était à nouveau seul.
Le sorcier se releva, légèrement chancelant. Il avait très faim, et il commençait à ressentir le manque d'énergie par des vertiges et une fatigue constante. Ses réserves étaient très maigres, il n'en aurait certainement plus aucune après la Pleine Lune.
Il se débarrassa de la neige qui avait envahi ses manches et son col puis rejoignit la vallée. Tout au bout de l'étendue neigeuse, il y avait une forêt. Il pourra y faire sécher ses vêtements.
Harry reprit sa marche. Il n'avait rien de cassé, mais sa hanche était douloureuse et elle le faisait grimacer à chaque pas. Harry suspectait que sa douleur ne se manifesterait que sous la forme d'un gros bleu, c'est pourquoi il ne prit pas la peine de regarder plus en détail.
Il marchait depuis plusieurs minutes quand il entendit un craquement inquiétant. Il s'arrêta immédiatement et regarda autour de lui. Il n'y avait personne. Puis il regarda sous lui. C'est alors qu'une longue fissure apparut dans la neige. Harry avança d'un pas et le sol commença à vaciller sous lui. Une seconde fissure apparut près de lui.
Harry craint fortement d'être en plein milieu d'un lac. La glace se craquelait sous son poids et ne tarderait pas à s'effondrer. Harry ne réfléchit pas même deux secondes. Il apercevait le terrain qui remontait légèrement à quelque 100 mètres. Alors il se mit à courir, sautant par-dessus les fissures, jusqu'à atteindre ce qui ressemblait à la rive. Plusieurs fois il avait senti le terrain s'affaisser sous son pied mais il avait pu chaque fois se rattraper sur l'autre et se décoincer de la glace. Arrivé à bon port il se retourna. Sa course avait achevé de détruire l'unité de cette belle étendue de neige et à présent le lac était parfaitement visible sous les innombrables failles et trous de glace.
La forêt n'était plus si loin maintenant. Une plaine vallonnée le séparait d'elle. A peine eut-il fait quelques pas que ses pieds trébuchèrent sur un caillou et que le jeune sorcier se retrouva à nouveau la tête dans la neige. Il jura contre lui-même, se releva et avança, regardant plus attentivement où il mettait les pieds. Quelques dizaines de mètres plus loin, ses pieds butèrent à nouveau contre quelque chose de dur. Mais ses réflexes prirent le dessus et Harry n'eut pas même à poser un genou à terre. Il se retourna pour examiner ce sur quoi il avait trébuché. Il ne l'avait pas vu et pour une raison bien compréhensible, ce n'était pas un rocher sombre, mais plutôt un élément de couleur pâle, qui avait du être blanc autrefois. La neige le recouvrant à moitié, il devenait quasi invisible sur le sol. Harry le prit dans sa main. C'était un os : long et fin, c'était assez caractéristique d'un os de patte ou quelque chose dans le genre. Sa précédente chute était certainement due à un autre os du même type d'individu.
Alors son voyage s'arrêtait là, il était arrivé. Il n'avait pas reconnu la vallée pour ne l'avoir vu que sur des photos en noir et blanc prises en été, mais la présence de ces os donnait indubitablement la bonne réponse. Maintenant qu'il avait trouvé le cimetière il se trouvait que l'endroit où il se tenait ressemblait conformément à ce qu'il était censé dénicher.
Sous la neige il y avait certainement un champ d'os de loups-garous. Et peut-être pas très loin, un vieux loup qui attendait d'avoir un peu de compagnie…
Fin du chapitre 29Note : J'espère que vous avez aimé. Il n'y a pas beaucoup de dialogues mais à vrai dire, je ne pensais pas passer autant de pages sur ce voyage. Allez, je me suis fixée un temps de trois mois pour terminer cette fic. Je veux avoir terminé en juillet. J'espère tenir ces délais.
Réponses aux reviews:
Lorfhan: j'approuve ta remarque. Il est vrai que mon loup-garou est assez sympathique, mais comme je me suis concentrée énormément sur la Pierre de Lune, j'ai parfois un peu oublié comment devrait-être le loup-garou en lui-même. Ceci dit, la potion Tue-loup rend le loup-garou lucide, donc je me suis dit que je pourrai lui faire faire n'importe quoi. Je considère ta review et j'en tiendrai bien compte quand je relirai la fic en entier, en la corrigeant. Pour la suite de la fic, le loupdevrait prendre plus d'importance...
