Auteur : Epayss
Titre : Les loups se cachent pour mourir
Date : 2006-04-23
Note de l'auteur: Voici la suite de la fanfiction. Elle est à présent terminée et il ne me reste plus qu'à vous délivrer les chapitres. Je le ferai au rythme d'un par semaine, il ne faut pas gâcher le suspense.
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La grotte
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A peine arrivé dans la forêt Harry se mit en quête de bois à brûler. Il était transi de froid et désirait par-dessus tout se réchauffer, et se préparer une boisson chaude – il lui restait encore quelques feuilles de thé. Le sorcier ne trouva que du bois humide voire détrempé mais il n'avait pas le choix, il allait devoir le faire brûler. Il se trouva une petite clairière, débarrassa une partie de sol de sa neige et commença à allumer un feu. Les flammes jaillissant de sa baguette n'eurent d'autre effet sur le bois que de provoquer une épaisse fumée noire et nauséabonde. Les sortilèges qu'il connaissait n'étaient pas suffisamment efficace contre un bois aussi mouillé, et Harry finit par se décourager. Ce serait donc encore une journée sans chaleur.
Soudain le sorcier entendit un bruissement derrière lui. Il se retourna, sa baguette pointée devant lui. La forêt enneigée était totalement vide et déserte, comme si l'hiver lui avait enlevé toute sa vie. Seule trace des animaux vivants dans la région : ces petites marques dans la neige, caractéristique des quelques lapins et oiseaux subsistants dans les parages. Harry revint à son repas. Quelques minutes plus tard, le même son se reproduisit. En alerte, Harry se releva précipitamment. Pour se donner un peu de contenance, il demanda d'une voix forte :
« Qui est là ! » Bien sûr personne ne lui répondit.
Cependant le bruissement recommença et Harry entendit une chose se déplacer dans la neige. Il vit bientôt une forme à quatre pattes se diriger vers lui, masquée par les arbres et les buissons. Quand elle entra à découvert dans la clairière, elle s'arrêta net, fixant alternativement le sorcier et sa baguette. Harry, lui, fixa son adversaire. C'était un loup sans aucun doute. Un loup attiré par l'odeur du sorcier, de sa nourriture, ou des deux. Il avait cet aspect décharné qu'ont souvent les loups en hiver. La nourriture était rare et cela se voyait sur ses flancs creusés.
Le loup s'avança lentement vers le centre de la clairière, faisant attention de ne pas trop s'approcher de Harry. Celui-ci gardait sa baguette pointée vers le loup, attentif à ses moindres faits et gestes. Il ne savait pas s'il pouvait lui faire confiance. Cependant le loup n'avait pas l'air d'avoir de mauvaises intentions. Il marchait posément sans nervosité.
Puis il se rapprocha prudemment du tas de bois rassemblé par Harry. Le sorcier recula instinctivement de quelques pas. Le loup ne fit pas attention à lui. Il vint renifler les rameaux et branchages. Il en poussa quelques-uns du museau, jusqu'à dégotter la plus grosse, de l'épaisseur d'un bras d'homme. Puis il la prit dans sa gueule et recula sans se retourner, pour ne pas montrer son dos à son adversaire.
Harry l'avait regardé sans rien faire. Depuis quand les loups récupéraient du bois mort maintenant ? Peut-être que ce loup n'en était pas vraiment un. Harry se demanda si ce n'était pas ce loup qu'il désirait retrouver. Carin n'avait jamais donné de description, mais comme celui-ci était tout seul et ne paraissait pas tout jeune, c'était peut-être lui. Il n'y avait pas trente-six solutions pour le savoir. Harry s'avança vers son sac, réduisant la distance qui le séparait de l'animal. Celui-ci s'était arrêté, comme s'il attendait quelque chose. Harry farfouilla dans ses affaires et en dénicha le baluchon comportant la Pierre. Il l'ouvrit et le posa au sol, laissant la Pierre bien visible. Le loup avait tout observé. Il posa la petite bûche qu'il avait chapardée et émit une sorte de jappement aigu, secouant la tête comme s'il voulait s'ébrouer. Harry le ressentit comme une invitation à le suivre. Et il ne devait pas avoir tort puisque le loup ne repartit d'où il était venu – la bûche dans la gueule – que lorsque Harry eut tout rangé et mit son sac sur les épaules.
Harry le suivit, gardant une distance d'une bonne dizaine de mètres avec lui. Le loup le conduisit jusqu'en dehors de la forêt, là où les arbres s'espaçaient pour laisser petit à petit la place à la pente abrupte des montagnes et à sa végétation moins exubérante.
Le loup longea alors la forêt, suivant un chemin qu'il avait certainement tracé un peu plus tôt, à en voir les nombreuses empreintes qui le parcouraient. Puis l'animal se dirigea vers un renfoncement étroit de la montagne. Quelques mètres de dénivelé plus haut, Harry apercevait une ouverture. Le loup s'y dirigea, gravissant les derniers mètres en quelques bonds souples. Puis il s'engouffra dans la fine ouverture, large d'une cinquantaine de centimètres environ, en forme d'éclair, ressemblant à une faille dans la paroi rocheuse. Harry jeta un coup d'œil à l'intérieur, mais il y faisait très sombre et il n'eut pas très envie d'entrer.
Quelques secondes plus tard le loup ressortit et Harry se retrouva nez à nez avec lui. Le loup attrapa alors d'un coup sec un pan de sa cape et la tira vers l'intérieur.
« Hé ! » s'écria Harry. Le loup lâcha sa prise, jappa à nouveau puis retourna dans sa grotte.
« Bon, s'il veut que j'entre, je vais entrer. » céda Harry. Il garda cependant sa baguette dans sa main, prêt à toute éventualité.
Il passait tout juste en largeur, et devait courber légèrement le dos pour avancer. Cependant l'intérieur était un peu plus spacieux. Une odeur de bois et de fauve régnait dans la grotte. Elle commençait par un petit couloir naturel étroit puis débouchait sur ce qu'on pouvait qualifier de pièce principale. Toujours aussi basse, la pièce était cependant beaucoup plus large et le plafond formait un dôme au-dessus d'un sol relativement plat. Le sol était jonché de feuilles et d'herbes accumulées au cours des mois, ce qui tapissait la pièce d'une fine couche molle et moins rugueuse que la roche. Le loup n'était pas là. Harry visita un peu la grotte, s'éclairant de sa baguette. Au fond de la pièce il y avait une couverture roulée en boule. Un peu plus loin, des outils rudimentaires tels que des bâtons pointus et des silex étaient couverts de traces de griffes ou de crocs. Harry ne put s'empêcher de comparer ce qu'il avait devant les yeux avec la grotte des hommes préhistoriques dont il avait vu des images dans les livres de son ancienne école primaire. L'impression fut accentuée par les dessins qu'il remarqua sur les parois rocheuses. Ils semblaient réalisés avec une sorte de charbon de bois, et beaucoup représentaient des loups, sous différents points de vue, et dessinés de façon très variable.
Le sorcier découvrit une ouverture sur le côté droit de la pièce, tout juste suffisamment large et grande pour le laisser passer. Il s'y faufila, et se retrouva sur un chemin rocheux qui descendait tout doucement. Après quelques virages il déboucha dans une seconde pièce. Elle était bien plus spacieuse, plus haute, et très longue. D'un bout à l'autre elle était traversée par un cours d'eau limpide. Et tout au bout de la grotte, là où la rivière disparaissait subitement, se tenait le loup. Ce dernier était faiblement éclairé par des braises rougeoyantes qui peinaient à subsister dans ce décor glacé et humide. Harry s'approcha de son hôte. Le loup ne s'occupa pas de lui et continua sa besogne : il réarrangeait les pierres entourant les braises, réorganisait les différents tas de bois placés juste à côté du foyer, rajoutait quelques brindilles dans l'âtre. Il semblait parfaitement maîtriser la situation. Bien peu de lumière était fabriquée avec ce système, mais les braises procuraient une agréable chaleur dès qu'on se rapprochait.
Harry s'approcha un peu plus de la rivière, et s'aperçut qu'à l'approche du mur opposé à l'entrée, toute l'eau se déversait à l'extérieur par une ouverture dans la roche, et se transformait en une cascade à l'air libre.
A un jappement du loup, Harry se retourna subitement. L'animal s'était couché près du foyer dont la lueur semblait s'être légèrement ravivée depuis tout à l'heure. Il scrutait de ses yeux ambré son visiteur, comme s'il cherchait à effectuer un contact mental avec lui.
Harry décida de s'asseoir à côté des braises, gardant une certaine distance entre lui et le loup. Les deux êtres s'observèrent pendant plusieurs secondes, en silence, jusqu'à ce que Harry tente une approche. Il plongea la main dans son sac de voyage et en extirpa le baluchon contenant la précieuse Pierre. Quand il l'eut ouvert, le loup se contenta de hocher la tête en signe d'acquiescement. Pas plus de réaction, même si c'était déjà beaucoup.
« Est-ce que tu es l'ami de Carin ? » demanda Harry.
Le loup ne répondit pas, se contentant de le regarder sans ciller. Harry se sentit tout à fait ridicule. Le loup ne pouvait pas le comprendre. De toute façon Harry connaissait déjà la réponse, même s'il aurait préféré l'entendre de vive voix. Visiblement, il ne pourrait assurément pas communiquer avec le loup avant la prochaine Pleine Lune, avant qu'il ne se soit transformé lui-même en un être semblable.
Harry était étendu sur le sol de la première grotte, les bras croisés derrière la tête, les yeux ouverts sur l'obscurité de la caverne. Il n'avait pas trop froid ici, l'entrée était à l'abri des rafales de vent et cela lui avait fait beaucoup de bien de se réchauffer près des braises. Le loup dormait à l'autre extrémité de la grotte, sur sa couverture. Ils avaient conclu par une sorte de commun accord que Harry pouvait séjourner dans la grotte, comme Carin avait dû le faire auparavant. Ils avaient mangé chacun de leur côté puis Harry s'était couché et son hôte avait fait de même. Etrange comme ils se faisaient tant confiance alors qu'ils ne se connaissaient pas.
Le sorcier entendait la respiration calme du loup à quelques mètres de lui. Il entendait aussi les grondements de son propre ventre qui réclamait à manger. Il faudra qu'il demande au loup où est-ce qu'il pourrait trouver à manger, ça ne devrait pas être trop compliqué de le lui faire comprendre.
4 jours plus tard…
Il était assis en face du feu, dont les flammes s'élevaient joyeusement dans leur cercle de pierre. Le bois craquait doucement, comme s'il ne voulait pas briser le silence de la grotte. Les deux s'observaient. Ils le faisaient tous les soirs, s'échangeant des messages inaudibles, souhaitant se parler, communiquer. Ils s'étaient habitués à leur présence mutuelle. Au cours des derniers jours, Harry n'avait cessé d'apprendre des choses sur son nouveau lieu de vie, quoique temporaire. Il avait suivi de très près le train de vie de son partenaire, apprenant ses faits et gestes pour tâcher de les reproduire quand il serait devenu lui-même un loup.
Il avait compris comment le loup arrivait à entretenir le feu sans avoir à s'en occuper toutes les heures. Les petits tas de bois placés autour du foyer, n'étaient pas rangés au hasard. Ils n'étaient pas classés par taille, mais par taux d'humidité, estimé grossièrement grâce au flair. Le plus souvent, les rameaux et branches fraîchement trouvés dans la forêt prenaient une place dans la dernière pile de bois. La première, contenant un bois bien sec après être resté plusieurs jours près de l'âtre, étaient utilisée comme combustible, jusqu'à épuisement de la pile. Puis on passait à la seconde, sèche à présent, et ainsi de suite, pour que le feu ne s'éteigne jamais, même en plein hiver.
Il y a déjà deux jours, ses réserves de nourriture s'étaient par s'épuiser. Le loup, quand il avait compris le besoin de l'être humain, l'avait emmené jusqu'à une de ses cachettes, un simple trou dans le sol gelé servant de réfrigérateur naturel, et protégeant les aliments des autres carnivores. Mais le contenu n'était pas très appétissant. Il s'agissait uniquement de viande tuée depuis plusieurs jours, d'anciennes carcasses et d'os à ronger. En hiver, il n'y avait apparemment que ça à manger, plus quelques racines comestibles. Pour faire passer ça, Harry fit cuire ses morceaux de viande, mais le goût était vraiment détestable, si bien qu'il en eut mal au ventre toute la journée. Il devrait se contenter de ça en attendant la venue des beaux jours.
Harry avait passé de longues heures à attendre dans la grotte, l'explorant dans ses moindres détails. Il avait attentivement observé chaque dessin, tous exécutés par Carin. Il semblait qu'elle avait été la première à loger dans la grotte avec le loup. Les dessins s'organisaient comme une frise tout autour du dôme, et sous chacun d'eux était inscrit une année. Cela s'étalait de 1981 à 1996, et Harry prenait grand plaisir à observer les évolutions dans le dessin de Carin. Entre ses 13 ans et ses 28 ans, son style s'était très nettement amélioré, de part les proportions, les détails et les nuances du dessin, ainsi que les expressions. Harry reconnaissait tout à fait le modèle qu'elle avait pris, en cependant un peu plus jeune que celui qu'il côtoyait à présent.
Et puis pour occuper ses dernières journées de vie humaine, il avait passé de longs moments dans la forêt, la montagne, la plaine, ou au bord du lac qui ne dégelait pas malgré le beau soleil. En revanche la couche neigeuse s'était largement amoindrie, rendant les promenades plus aisées.
C'est ainsi qu'il se trouvait devant le feu, à côté de son nouvel ami, et ils se regardaient. Le vieux loup était vraiment un bel animal. La vieillesse avait creusé ses traits et ralenti ses mouvements, les rendant parfois un peu raides quand il s'agissait d'escalader un rocher. Mais il avait visiblement gardé suffisamment de vigueur pour chasser tout seul et subvenir à ses besoins. Des poils blancs apparaissaient autour de son museau, comme la barbe blanche d'un vieil homme. Son pelage était assez indéfinissable. Il était strié de couleurs très diverses, du noir, du gris, du blanc, du beige, jamais uniforme, bien que les pattes soient plus claires que le reste du corps. Il laissait souvent sa queue encore touffue recouvrir ses pattes ou son museau pendant son sommeil, les gardant bien au chaud du froid hivernal. En effet, ils ne dormaient jamais près du feu. Pour des soucis de sécurité, il était toujours préférable de rester près de l'entrée de la grotte, et Harry avait dû se faire à cette pratique.
Mais cette nuit il ne se coucherait pas de si tôt. Ce soir était particulier. C'était LE soir. Il savait quand, il savait où, le loup lui avait montré. Il était très nerveux, mais la simple présence du loup l'aidait à se décontracter. Il prenait de grandes inspirations pour évacuer son stress, mais il ne parvenait pas à cesser d'imaginer tout ce qui allait arriver, tout ce qui pourrait arriver.
Harry s'était retourné vers le feu et se plaisait à se laisser hypnotiser par la danse des flammes, appréciant leur chaleur envoûtante. Ses yeux piquaient à cause de la fumée, et les faisaient pleurer, mais il s'en fichait. Le loup se rapprocha de lui, jusqu'à n'être plus qu'à quelque centimètres de son visage. C'était la première fois qu'ils étaient aussi proches. Alors le canidé posa sa tête sur les genoux de son compagnon, le regardant tristement de ses yeux ambrés. Il savait ce qu'il allait endurer, et ça ne serait pas facile. Harry ne bougea pas quand le loup posa sa tête. Il avait confiance en lui. Et pour le montrer il approcha sa main et caressa doucement l'encolure du loup. Ce n'était pas très doux, mais c'était rassurant. Et le loup semblait aimer ce contact. Cela devait faire très longtemps qu'il n'avait pas eu de contact avec quiconque, plusieurs mois assurément.
Ce fut l'heure. Le loup le lui confirma d'un hochement de tête. Harry se leva et se prépara. Il n'avait besoin de rien d'autre que de la Pierre.
Harry ne savait pas ce qu'allait faire son ami, en tout cas ce dernier n'avait pas l'air de vouloir l'accompagner. De son côté, le sorcier préféra ne pas montrer qu'il aurait bien aimé avoir une compagnie, au moins pour l'accompagner jusqu'au centre de la vallée. Il dit simplement un « au revoir » puis quitta la grotte et s'engouffra dans la nuit. Il descendit prudemment les quelques mètres de dénivelé jusqu'à atteindre la pente plus douce de la montagne. Il contourna le bord de la montagne puis longea la forêt. Il avançait lentement, car il n'avait pas pris sa baguette et malgré la clarté de la nuit, il peinait à distinguer les trous et les obstacles sur son chemin.
C'était une nuit particulièrement froide. La neige durcie craquait sous ses pieds, brisant à chaque pas le silence effrayant de la vallée. En cette nuit de pleine lune, même le vent s'était tu. Pas un bruissement de feuilles, seulement l'écrasement de la neige. Harry progressa ainsi jusqu'à rejoindre la plaine immaculée. Il la traversa pour atteindre son centre où le terrain était creusé d'une légère dépression de quelques mètres de diamètre. Au cœur du creux, il y avait un petit monticule de terre et de cailloux, qu'ils avaient déblayés, lui et le loup, de la neige qui l'avait recouvert. Ce petit monticule symbolisait l'endroit exact où la météorite était tombée, arrachée à la Lune. Une sorte de piédestal avait été fabriqué par l'ancienne meute de loup-garou afin de surélever la Pierre, pour la protéger de l'ensevelissement. En effet, la Pierre était resté là pendant des années, en cet endroit précis. Au sommet du petit tertre, une seule pierre concave, presque polie, faisait office de réceptacle. Harry posa son précieux trésor sur cette pierre, avec tous les morceaux et toute la poussière. Il s'aperçut qu'il tremblait. Et ce n'était pas à cause du froid. Le moment approchait. Et il le craignait.
Ce qu'il savait, c'était qu'il fallait réparer la Pierre avant que ses mains ne perdent leur dextérité, c'est-à-dire avant qu'il ne devienne lui-même un loup. Il avait une fenêtre d'action très réduite, et il ne devait pas la rater, sinon il faudrait attendre un mois supplémentaire, et ce n'était pas le but recherché.
« Au moment où la Pierre deviendra un cristal… »
Il ne restait plus qu'à attendre.
Fin du chapitre 30La suite la semaine prochaine...
