Chapitre 6
Lorsqu'il émergea de sa tente, le soleil se levait tout juste à l'horizon. Il trouva Riza déjà levée, qui observait la ligne d'horizon et l'astre solaire s'élever en embrasant le ciel.
Roy resta une minute à observer le spectacle de la fine silhouette de son amante, le soleil jouant dans ses cheveux qu'elle n'avait pas encore attachés. Elle se retourna vers lui au moment où il s'approcha.
« Bonjour Colonel. Bien dormi ? »
Elle lui souriait, son premier vrai sourire depuis plusieurs jours. Les cernes sous ses yeux semblaient s'être estompées.
« Moi j'ai l'impression d'avoir dormi comme un bébé. Je ne me suis pas sentie aussi bien depuis longtemps ! »
Roy la regarda avec étonnement.
« Eh bien, qu'est-ce qui vous arrive ?
« Rien. Je suis content de voir que vous allez mieux. »
Il n'eut pas le temps d'en dire plus, les autres se levaient et les rejoignaient.
Tous semblèrent soulagés de voir que leur collègue se portait mieux et avait retrouvé de sa bonne humeur.
Fuery s'approcha d'elle :
« Je suis bien content que vous alliez mieux Lieutenant.
« Tout ce dont j'avais besoin c'était d'une bonne nuit de sommeil finalement. Je me suis écroulée hier soir pour me réveiller ce matin en pleine forme. »
Roy sursauta. N'avait-elle aucun souvenir de ce qui s'était passé cette nuit, ou bien faisait-elle comme si rien n'était arrivé ? En tout cas, si elle jouait la comédie, elle était vraiment très forte !
Falman s'approcha de lui et lui parla à voix basse :
« Vous avez vu le Lieutenant ? »
Que veut-il dire par là ? Nous a-t-il entendu cette nuit ?
« Oui Falman. Et alors ?
« Rien, je me demande juste si cela ne préfigure pas le calme avant la tempête...
« Qu'entendez-vous par là ?
« Dans certaines maladies, on observe parfois une espèce de rémission avant que la maladie ne s'aggrave. J'espère juste que ce ne sera pas le cas avec Hawkeye et qu'elle est tirée d'affaire. »
Roy ne sut quoi lui répondre. Qui plus est, il ne pouvait pas révéler à quel sport il s'était adonné cette nuit avec Riza. Et si c'était lié ? Après tout, elle pouvait très bien se sentir heureuse et épanouie après avoir couché avec lui. Il n'y aurait rien de bien surprenant à cela.
Roy fut interrompu dans ses réflexions par l'arrivée de Tourim :
« J'ai une bonne nouvelle pour vous Colonel. »
Par pitié, n'en jetez plus !
« Nous avons bien avancé hier, je pense que nous arriverons à Néomin ce soir. »
Néomin tirait son nom de son histoire. Comme l'avait expliqué Falman durant leur voyage en train, après la chute de Minoen, des rumeurs indiquant la présence de filons d'or avaient couru à travers le pays, et des familles entières étaient accourues de partout pour s'installer près des ruines de l'ancienne cité. Cependant, aucune pépite ni filon n'avaient été découverts et peu à peu, la nouvelle Minoen suivait les pas de son ancêtre.
Roy lui rendit son sourire triomphant :
« Tu as raison, c'est une très bonne nouvelle. »
Huit jours dans le désert laissaient forcément des traces, l'absence d'hygiène et d'intimité jouait sur leur moral, de même qu'inconsciemment les terreurs nocturnes de Riza.
Alors après avoir pris leur petit déjeuner, c'est ragaillardis à l'idée d'arriver enfin à destination qu'ils remontèrent sur leurs montures.
Roy était de plus en plus confondu par le comportement de Riza. La connaissant, il aurait pensé qu'elle serait plus tourmentée par ce qu'ils avaient fait, mais au lieu de cela, non seulement elle s'était endormie juste après s'être abandonnée dans ses bras avec fougue, mais ce matin elle semblait très bien le vivre.
Trop bien même.
Alors que lui se torturait rien que d'y penser. Ses sentiments étaient partagés entre la honte de son comportement bestial, l'impression d'avoir commis quelque chose de strictement interdit, la peur d'être pris et l'envie irrésistible de recommencer.
Discrètement il l'observa, cherchant à croiser son regard pour, peut-être, y lire un signe de reconnaissance, s'assurer que cette nuit avait été réelle et non pas une hallucination, bien qu'il porte les marques de ses ongles sur ses épaules et dans son dos. Tout plutôt que cette espèce d'indifférence qu'elle semblait afficher. Non pas qu'elle le snobe, loin de là. C'est juste qu'elle se comportait comme si vraiment rien n'était arrivé entre eux. Et cette indifférence là le tuait plus que tout.
Il savait que ce qu'ils avaient vécu était passible de graves conséquences, les relations entre officiers et subordonnés étaient strictement réglementées, et que cet épisode nocturne serait très certainement le seul de son espèce. Sa raison lui criait tout cela. Mais une petite voix, dans son coeur, lui murmurait que ce n'était pas sale ni monstrueux de ressentir quelque chose pour Riza, et que c'était même très bien.
Après tout, les hommes et les femmes sont faits pour vivre ensemble et s'aimer. Alors, pourquoi pas lui et Riza. Ils ne feraient rien de mal...
Ses pensées le conduisirent à d'autres réflexions : comment pouvait-on interdire à un homme et une femme de s'aimer alors qu'on trouvait normal de leur donner des ordres pour tuer et éradiquer des populations entières ? C'était complètement absurde !
Roy soupira et jeta un dernier regard vers Riza qui lui tournait le dos. Finalement, elle avait sans doute raison d'agir ainsi, elle avait toujours raison... Ce serait plus facile que de faire face à tous les embêtements qu'ils encourraient s'ils devaient poursuivre cette relation plus loin.
Alors qu'il la regardait, Riza se retourna sur son cheval et lui sourit. Elle fit ralentir sa monture pour se mettre à sa hauteur.
Roy se redressa sur sa selle. Etait-ce le moment tant attendu des explications ?
Tout à coup, il n'était plus sûr de vouloir en avoir et redoutait d'entendre les mots qu'il savait être la sagesse et que Riza ne manquerait pas de prononcer.
« Eh bien Colonel, on ne vous entend plus. C'est de toucher enfin au but qui vous rend silencieux ? »
Ce n'était pas vraiment la question à laquelle il s'attendait.
« Non, pas vraiment... Riza. »
Roy lui coula un regard de côté pour observer sa réaction à l'usage de son prénom, mais rien ne vint.
« J'ai hâte d'arriver, huit jours à dos de cheval, c'est encore heureux que je puisse encore m'asseoir. Je suis complètement fourbue. Vous savez à quoi je rêve ?
« Heu non...
« A un bon bain bien chaud. »
Roy manqua s'étrangler. Que devait-il répondre : Et si nous le prenions ensemble…, je viendrais volontiers vous frotter le dos…
« Lieutenant.
« Oui Colonel ? » Elle le regardait avec un air interrogateur.
« Cette nuit... Vous ne vous souvenez pas d'avoir... » Roy déglutit, ne sachant pas comment lui poser la question qui lui brûlait les lèvres depuis son réveil.
« Mon Dieu Colonel... » Roy remarqua non seulement son ton alarmé mais aussi l'entêtement qu'elle mettait à utiliser son grade...
« Ne me dites pas que j'ai encore fait une crise de somnambulisme et que vous m'avez rattrapée au milieu du désert ! »
Pour le coup, elle semblait catastrophée. Mais pas autant que Roy qui en avait presque perdu son souffle. Du somnambulisme ! Et si c'était exactement ce qui s'était produit !
Arggg ! Dans ce cas c'était pire que tout, parce que cela voulait dire qu'il avait abusé d'elle ! Comment n'avait-il pas vu qu'elle n'était pas dans son état normal ?
Il sentit la bile lui remonter dans la gorge. Comment pourrait-il s'excuser auprès d'elle ? Riza, je suis désolé, mais alors que vous étiez en pleine crise de somnambulisme, vous m'avez supplié de vous faire l'amour et je vous ai prise comme une bête. Ou alors Figurez-vous que par mégarde nous avons fait l'amour comme des malades alors que vous étiez en pleine crise de somnambulisme, mais je vous assure que c'était génial, un pied du tonnerre !
Il serait mort avant même d'avoir pu finir sa phrase et elle aurait eu raison... Attends, est-ce que cela fait de moi un...violeur ?
Oh mon Dieu, j'ai violé Riza ! Même si c'est elle qui m'a demandé de lui faire l'amour, elle ne savait pas ce qu'elle faisait !
« Colonel, ça va ? Vous êtes tout pâle. C'est ce qui est arrivé ?
« Quoi ? Faites que je n'ai pas parlé tout haut !
« Vous m'avez rattrapée en plein milieu du désert ? »
Ouf. Mais son soulagement de ne pas avoir parlé à voix haute le fit se sentir encore plus misérable pour ce qu'il avait fait.
Il ne pouvait et ne pourrait plus la regarder en face.
« Non, je n'ai pas eu à vous rattraper dans le désert...
« Ouf, je suis soulagée, j'ai eu peur un moment. »
Roy se passa une main tremblante dans les cheveux, essayant de rassembler ses idées et son courage.
« Lieutenant, cette nuit... »
Mais il fut interrompu par les cris de Tourim :
« Colonel, Colonel, Néomin ! Nous arrivons, je vois les premières pierres ! »
Et Tourim lança son cheval au galop pour rejoindre la ville, suivi de peu par les autres chevaux qui voyant partir celui de Tourim s'élancèrent derrière lui.
