Chapitre 7
Ils entrèrent donc en fin d'après-midi dans la nouvelle cité construite près des ruines de Minoen. Mustang remarqua deux choses : d'une part les rues étaient désertes et deuxièmement tout était incroyablement silencieux.
Les boutiques avaient leur rideau baissé, les maisons leurs volets fermés.
Ils regardèrent tout autour d'eux. Où étaient les enfants qui normalement jouaient dans les rues, les mères de famille faisant leurs courses, les marchands interpellant les clients ?
Seul un chien famélique passa au bout de la rue déserte.
Une brise souffla et un volet claqua quelque part. On put entendre quelques chuchotements puis enfin, la tête d'un homme émergea par la porte battante d'un saloon.
Mustang et son équipe s'approchèrent lentement. Mustang avait enfilé ses gants dès leur entrée dans la ville et il savait que Riza avait déjà son doigt sur la gâchette de son pistolet, prête à faire feu en cas d'attaque.
L'homme plissa des yeux, puis reconnaissant les uniformes bleus militaires caractéristiques, sourit et vint à leur rencontre.
« Bonjour. Vous êtes de l'armée ?
« Oui, nous venons de Central City sur les ordres du Führer Bradley.
« Ce n'est pas trop tôt. Nous commencions à désespérer de recevoir de l'aide. Mais comme je dis toujours, mieux vaut tard que jamais. N'est-ce pas ? »
Roy ne répondit pas à cette expression qu'il trouvait pour le moins complètement vide de sens. D'après son expérience personnelle, lorsqu'il était tard, il était bien souvent déjà trop tard. Il se contenta donc de hocher de la tête. Pas la peine de se mettre à dos ce type au bout de cinq minutes.
Devant le silence et la prestance de Mustang, l'homme perdit de son assurance. Puis il lui vint à l'idée qu'il ne s'était même pas présenté aux nouveaux venus.
Il s'approcha de Mustang en lui tendant sa main.
« Je suis désolé, je ne me suis pas présenté. Je suis le Maire de cette ville, Argus Coward. »
Mustang descendit de cheval et lui serra sa main.
« Colonel Roy Mustang.
« Bienvenue à Néomin, Colonel. C'est peu de dire que nous vous attendions avec impatience. »
Tous mirent pied à terre en jetant des regards autour d'eux. Ici et là, apparaissaient les habitants de la ville qui osaient enfin sortir de chez eux poussés par la curiosité.
Des enfants plus hardis s'étaient approchés de leur petit groupe. L'un d'eux regardait Havoc avec un grand intérêt pour sa cigarette.
Coward se tourna vers les gosses : « Allez, ouste, laissez les tranquilles ! »
Mais aucun d'eux ne sembla faire attention au Maire qui parut plutôt dépité.
« Laissez faire, ce n'est rien. » Le rassura Mustang.
Un gosse tendit une main vers le holster que portait Riza dans son dos. Elle se retourna vivement vers le gamin qui se recroquevilla de peur.
« On ne touche pas à ça. Compris ? »
Le pauvre gosse était à deux doigts de se faire pipi dessus.
Mustang se tourna vers Riza et s'adressa à elle à voix basse :
« Lieutenant, ce n'est qu'un enfant, pas la peine de le terroriser comme ça.
« Au contraire Colonel. Si je peux me permettre, c'est justement parce que c'est un enfant que c'est important de le faire. » Lui répondit-elle sur le même ton bas.
Mustang croisa son regard un court instant et soudain, sa faute lui revint en mémoire. Il baissa les yeux et se détourna vivement.
« Monsieur Coward. Nous venons de faire une longue traversée du désert pour arriver jusqu'ici, nous aurions besoin de pouvoir nous poser quelque part.
« Bien sûr ! Venez, je vous emmène à l'auberge du Filon d'Or, les lits sont confortables et la nourriture y est très bonne. Sans compter que c'est la seule auberge du coin. » Dit-il avec un petit rire qui portait déjà sur les nerfs de Mustang.
Ils suivirent Coward jusqu'à un grand bâtiment. Lorsqu'ils entrèrent à l'intérieur, toutes les têtes se tournèrent vers eux, les scrutant de haut en bas, et de bas en haut. Certains s'arrêtant plus longtemps sur Riza. Quelques hommes chuchotèrent entre eux pour faire des commentaires tout en rigolant.
Riza toussa dans sa main et écarta juste ce qu'il fallait de sa veste pour faire apparaître la crosse de son flingue. Les rires narquois cessèrent immédiatement.
Rien de tel qu'un bon avertissement pour calmer les esprits échauffés.
Coward s'avança jusqu'au comptoir et s'adressa au tenancier :
« Joe, je te présente le Colonel Roy Mustang et son équipe. Ils viennent de Central. Donnes leur tes meilleurs chambres et envoies moi la note. »
Roy s'avança vers Joe et le Maire.
« Nous paierons pour nos dépenses Monsieur Coward. Mais merci de votre offre. Maintenant, si vous voulez bien, nous allons nous installer.
« Bien Colonel. C'est vous qui décidez. Me ferez-vous le plaisir de partager ma table ce soir ? »
Mustang s'inclina légèrement devant le Maire.
« J'accepte votre invitation.
« Je vous attends donc pour 20h00. »
Coward coula un regard vers Riza.
« Viendrez-vous accompagné ?
« Le Lieutenant Havoc m'accompagnera. »
Coward parut déçu.
« Très bien. Alors à tout à l'heure. »
L'aubergiste leur donna à chacun une clé et les conduisit à leurs chambres respectives. Luxe suprême, chacun eut la sienne et au grand bonheur de Riza, avec l'eau chaude courante !
Elle déposa son sac à côté de son lit et fit le tour du propriétaire, testant le moelleux du lit, vérifiant la propreté de la baignoire avant d'y faire couler un bain. Elle profita de ce que l'eau coulait pour déballer ses affaires.
Ses pensées filaient à cent à l'heure. Pourquoi est-ce Havoc qu'il emmène avec lui ce soir ? D'habitude, c'est moi qui suis chargée de sa sécurité. Et pourquoi soudainement cherche-t-il à éviter mon regard ? Est-ce que j'aurai dit ou fait quelque chose qui l'a contrarié ?
Oh Riza, tu penses trop !
Une fois la baignoire remplie, elle se déshabilla et se plongea dans l'eau chaude. Un soupir de contentement lui échappa. Elle calla sa tête contre le rebord et ferma ses yeux s'abandonnant au bien-être.
Un peu plus loin, dans une autre chambre, Mustang pestait contre lui-même tout en se déshabillant. Torse nu il se planta devant le miroir de sa salle de bain pour se raser. Il regarda son reflet longuement.
Quel crétin je fais. Maintenant, je suis terrorisé à l'idée de rester seul avec Riza. Je ne pourrai plus me comporter normalement avec elle.
Il étala la mousse sur ses joues et commença à y passer sa lame effilée.
Il ne me reste plus qu'à me séparer d'elle, et demander son affectation ailleurs.
Il passa prudemment la lame sur son menton.
Si je fais ça, personne ne comprendra pourquoi, et surtout Riza. Ce serait comme de rejeter la faute sur elle et la punir alors qu'elle n'y est pour rien.
Maintenant, il attaquait la peau juste sous son nez.
En plus ce serait me débarrasser de mon atout le plus précieux dans ma course à la promotion. Autant m'amputer d'un bras.
Il avait presque terminé de se raser,
Sans compter que je ne peux tout simplement pas me passer d'elle.
Sa main trembla et le sang perla sur sa joue.
Il reposa son rasoir et se regarda de nouveau dans le miroir. Il ressentit un pincement au coeur,
Je tiens trop à elle pour lui faire ça et me faire ça.
Il s'essuya le visage avec sa serviette.
Mon gars, on n'est pas dans la merde.
Je pourrais très bien ne rien lui dire et faire comme si de rien n'était puisqu'elle n'a aucun souvenir de cette nuit, après tout, ce qu'on ignore ne peut pas nous faire de mal... Mais ce ne serait pas honnête envers elle.
Mais si je lui avoue tout, je risque de la perdre pour de bon, et ma vie aussi vu comme elle a la gâchette facile.
Que faire ? QUE FAIRE ?
Loin d'imaginer seulement le quart des pensées de son Colonel, Riza rouvrit les yeux, se savonna et se rinça. Une fois propre, elle sortit de la baignoire et s'enroula dans sa serviette moelleuse. Elle se sentait tout à fait détendue. Elle se plaça devant son lavabos pour terminer sa toilette et passa sa main sur le miroir pour en effacer la buée, apparut alors à la place de son reflet le visage blafard d'une femme, ses yeux étaient dorés et sans pupilles, des écailles couvraient ses pommettes, sa langue fourchue pointa à travers quatre crocs effilées lorsqu'elle sembla vouloir jaillir du miroir pour se jeter sur elle.
Riza eut un hoquet de terreur et recula d'un pas. Trébuchant, elle s'affala par terre...
