Chapitre 8
Riza se redressa d'un seul mouvement en aspirant une grande goulée d'air et se retrouva assise, pantelante, le coeur battant la chamade, dans la baignoire. Elle se passa une main sur son visage. L'eau était froide à présent et ses doigts fripés par ce bain prolongé.
Ce n'était qu'un nouveau cauchemar.
Elle tourna lentement sa tête vers le lavabo et sortit du bain. S'enroulant d'une serviette et dégoulinante d'eau, elle s'approcha du miroir. Son coeur s'affola malgré elle. Calme toi Riza. Comme dans son rêve, elle essuya la surface réfléchissante et poussa un soupir de soulagement. Rien, juste elle. Elle éclata de rire.
Quelle idiote tu fais franchement. Tu pensais vraiment te retrouver face à cette gorgone ? J'ai vraiment besoin de dormir moi.
Malgré tout soulagée, elle termina de se préparer et sortit rejoindre le reste de l'équipe dans la salle commune. Il était temps de s'attaquer à leur mission. Mustang avait préféré emmener Havoc avec lui chez le Maire, très bien, elle en profiterait pour faire connaissance avec les gens d'ici et écouter ce qu'ils avaient à dire sur les faits étranges survenus ces dernières semaines. Peut-être même qu'elle irait faire un tour en ville pour se familiariser avec les lieux.
A 20h00 précises, Mustang se présenta accompagné de Havoc chez Coward. Celui-ci habitait une grande bâtisse en plein centre de la ville, ils n'eurent donc aucune difficulté à la trouver.
Une employée de maison vint leur ouvrir et les débarrasser de leurs manteaux. Grande, brune, les cheveux attachés en un chignon serré, la poitrine généreuse. Elle attira de suite l'attention de Havoc.
« Monsieur Coward vous attend dans le salon, veuillez me suivre s'il vous plait. »
Le Maire se tenait près de la cheminée et leur tournait ostensiblement le dos. Il ne se retourna pour les saluer que lorsque la bonne signala leur présence.
Il craint pour son autorité, se dit Mustang.
Bien décidé à ne pas se laisser marcher sur les pieds, Mustang ne fit aucun pas vers Coward pour le saluer et attendit que celui-ci fasse le chemin jusqu'à lui.
Coward perdit imperceptiblement de son air suffisant, mais Mustang le remarqua immédiatement.
J'ai rarement vu un homme porter aussi bien son nom.
« Voulez-vous boire quelque chose en attendant que le dîner soit servi ?
« Un whisky sans glace pour moi. »
Le Maire tira sur un cordon et une minute plus tard, la bonne apparaissait.
Coward se tourna pour la première fois vers Havoc :
« Et vous ?
« Une bière fera très bien l'affaire.
« Marie, apportez nous deux whiskys et une bière voulez-vous.
« Bien Monsieur »
Mustang la regarda ressortir immédiatement. Coward remarqua son intérêt.
« Elle est à mon service depuis peu de temps. Mais je dois dire qu'elle se débrouille à merveille. Et en plus, elle est très jolie, ce qui ne gâche rien.
« Votre femme n'y voit rien à redire ? » Demanda Mustang.
« Je ne suis pas marié Colonel. Tout comme vous. Et tout comme vous il me semble, j'aime m'entourer de jolies femmes... »
Bien malgré lui, Mustang baissa les yeux.
Havoc qui observait en silence la joute qu'avaient débutée les deux hommes depuis la minute même où ils avaient passé la porte du salon se demanda pourquoi Mustang laissait gagner à Coward un point aussi facile.
Marie revint avec leurs boissons.
Coward semblait presque jubiler et reprendre du poil de la bête, il sentait qu'il avait touché un point sensible. Mustang décida de reprendre la main. Il se saisit de son verre et demanda :
« Les rapports que m'a remis le Führer font état de faits étranges dans votre cité, les plus graves étant des disparitions. Puis-je savoir ce que vous avez entrepris pour faire la lumière sur ces évènements ? »
Coward pâlit. Touché Mustang. Le Colonel se permit un petit sourire en coin en buvant une gorgée de son verre. D'après ce qu'il avait lu, rien n'avait vraiment été mis en place. Le chef de la police avait juste mené une rapide enquête auprès des familles des personnes disparues, sans résultat.
« Et bien, en fait, je ne dispose pas de forces de police assez importantes et nos moyens sont limités...
« Et ? »
Cette fois, Havoc remarqua que c'était Mustang qui se retenait de jubiler.
L'arrivée de Marie pour annoncer que le dîner était servi sauva Coward. Il se leva précipitamment de son fauteuil pour rejoindre la salle à manger, suivi de Mustang et de Havoc.
Désireux de ne plus aborder le sujet embarrassant de son inefficacité dans l'affaire qui les avait amenés ici, Coward abreuva Mustang et Havoc de questions sur Central, le fonctionnement de l'armée, le rôle des alchimistes d'Etat, leur carrière respective, et il s'enquit aussi de certaines relations qu'il avait à la capitale et que Mustang était susceptible de connaître.
L'un dans l'autre le dîner prit fin, au grand soulagement des trois convives.
Mustang et Havoc prirent congé de leur hôte et prirent la direction de l'auberge.
Havoc s'alluma une cigarette :
« Quel homme désagréable.
« Je suis bien d'accord avec vous. J'ai cru qu'il n'arrêterai jamais de nous abreuver de question. J'ai même pensé qu'il irait jusqu'à me demander de lui faire une démonstration de mon alchimie.
« J'imagine qu'il garde ça en réserve pour votre prochaine rencontre.
« Hé bien, il peut toujours attendre. »
Ils marchèrent un moment en silence puis Havoc reprit la parole :
« Je peux vous demander c'est quoi cette histoire avec les femmes lorsque nous étions encore dans le salon. Vous auriez pu lui rabattre facilement le caquet sur ce coup là. »
Roy lui coula un regard de côté.
« Ce n'était rien. J'ai préféré laisser filer. »
Havoc lui n'avait aucune intention de laisser filer. Un message était passé ce soir entre Mustang et Coward, et il voulait savoir quoi.
« Il faisait référence au Lieutenant Hawkeye, n'est-ce pas ?
« C'est évident.
« Et c'est tout ?
« Et que voulez-vous de plus ? »
Le regard noir et le ton brusque de Mustang convainquirent Havoc de ne pas pousser plus loin son interrogatoire, tout du moins pour ce soir. Il finirait bien par savoir le pourquoi du comment tôt ou tard. Et puis ils arrivaient en vue de l'auberge.
Havoc avait hâte de retrouver ses collègues pour évacuer toute la tension de la soirée. Les rapports étaient beaucoup plus simples avec Falman, Breda et Fuery. Mustang était leur chef, et Hawkeye l'intimidait trop. Il y avait toujours quelque chose qui émanait d'elle qui le faisait se sentir mal à l'aise et petit dans ses souliers.
Malheureusement pour lui, lorsqu'ils arrivèrent, les autres étaient déjà montés se coucher. Havoc se renfrogna et il monta les escaliers à la suite de son Colonel. Alors que Mustang était presque arrivé à sa chambre, la porte de celle de Breda s'ouvrit et le rouquin sortit sa tête :
« Hé Havoc, on a monté une bouteille, tu veux venir ? Y'a déjà Falman et Fuery. »
Havoc s'illumina comme un sapin de Noël.
« Pour sûr que je veux venir. »
Il n'avait pas encore passé la porte que Mustang arriva à grand pas :
« Breda, où est le Lieutenant Hawkeye ? »
Breda pâlit à vue d'oeil.
«Eh bien Colonel, elle a décidé de faire le tour de la ville pour reconnaître le coin. »
Breda fut heureux que l'art de Mustang ne soit pas de tuer d'un seul regard, parce qu'il en était sûr, il serait déjà mort et enterré six pieds sous terre.
« Seule ?
« Elle n'a pas voulu qu'on l'accompagne, Colonel. Vous savez comme elle est... On n'a pas osé insister. »
Mustang tourna les talons et redescendit les escaliers jusqu'à l'entrée de l'auberge.
Est-elle inconsciente pour sortir toute seule alors que j'ai expressément donné des ordres pour qu'aucun d'eux ne se déplace jamais seul ?
Il sortait juste dans la rue lorsqu'il tomba nez à nez avec Riza.
« Lieutenant, n'avais-je pas donné l'ordre de ne pas vous déplacer seule ? »
La colère sourdait sous chacun de ses mots. Riza se figea sur place.
« Si Colonel.
« Alors pouvez-vous m'expliquer ce que vous faites seule à vous promener dans les rues alors qu'il fait déjà nuit noire ?
« Je voulais juste reconnaître les lieux Colonel. »
La colère prit le pas sur le sang-froid de Mustang, il la saisit par le bras et lui hurla dessus :
« Juste reconnaître les lieux ? Et s'il vous était arrivé quelque chose ? Si vous aviez été attaquée, qu'auriez-vous fait seule contre toute une bande ? »
Interloquée par le comportement de son supérieur, Riza ne pouvait que le regarder et subir sa colère. Elle savait qu'elle avait eu tort de lui désobéir, mais était-ce une raison pour se mettre dans un état pareil ?
Ils se regardèrent un moment.
« Colonel, j'étais armée, je n'étais pas sans ressources. »
Roy se calma et se rendant compte avec surprise qu'il la tenait par son bras, la relâcha. Il se ressaisit.
« J'ai donné un ordre, j'entends que vous le suiviez. C'est bien compris Lieutenant ? »
Riza baissa les yeux.
« Oui Colonel.
« Bien. Je suis fatigué et je voudrai profiter de ce lit. Alors montons nous coucher. »
Il marqua un arrêt. Est-ce que je viens juste de dire ce que je viens de dire ? Roy la regarda du coin de l'oeil, le visage de Riza n'exprimait rien et elle ne semblait pas avoir relevé ce qu'il venait de dire, ou bien c'était lui qui commençait à devenir paranoïaque et s'inquiétait pour rien en voyant des doubles sens dans tout ce qu'il disait. Elle semblait plongée dans ses pensées, ses yeux baissés. Peut-être y avait-il été un peu trop fort...
« Hm, sinon, avez-vous appris quelque chose ce soir Lieutenant ? »
Riza tourna son visage vers le sien.
« Pas grand chose en fait. Toutes les disparitions ont eu lieu la nuit. Personne n'a rien vu ni entendu de concret. J'ai discuté avec l'un des témoins, si on peut les appeler comme ça, il m'a dit qu'il avait entendu de drôles de bruits dans la rue et que lorsqu'il avait voulu vérifier d'où ça venait, il n'a aperçu qu'une ombre blanche qui s'est évaporée presque immédiatement.
« Il vous a paru être fiable ?
« Il est assez vieux et il faisait nuit. Sinon, c'est plutôt quelqu'un de sobre et il me semble avoir toute sa tête. Peut-être a-t-il réellement vu quelque chose ou quelqu'un sans le discerner.
« Il faudra convoquer tous ces témoins demain. Je veux pouvoir me faire ma propre opinion plutôt que de me fier aux rapports.
« Bien Colonel. Je m'en occuperai. Et vous, qu'a donné votre soirée chez le Maire ?
« Rien du tout. Cet homme est un incapable, imbu de lui-même. Il ne pense qu'à sa position et c'est tout. »
Ils arrivaient à l'étage où étaient situées leurs chambres. Ils s'arrêtèrent devant celle de Riza. Elle remarqua que Mustang n'arrêtait pas de se passer la main dans ses cheveux, signe d'anxiété chez lui. Qu'est-ce qui peut bien le perturber depuis ce matin ? D'abord il ne me regarde plus en face, ensuite il choisit d'emmener Havoc avec lui chez ce Coward, et pour finir il m'hurle dessus en me secouant comme un prunier, chose qu'il n'a jamais faite jusqu'ici.
Il passait d'une jambe à l'autre comme s'il ne savait pas ce qu'il devait faire.
« Bon,eh bien, je vous souhaite une bonne nuit Lieutenant. »
Riza se retourna vers lui.
« Est-ce que … »
Mais il s'était déjà éloigné vers sa propre chambre.
« Bonne nuit Colonel. » Murmura Riza en entrant dans sa chambre.
