Chapitre 11
Fuery avait réussi le pari d'installer tous les équipements nécessaires au bon déroulement de leurs investigations dans leur QG provisoire. Il testait les lignes téléphoniques lorsque Mustang et Falman les rejoignirent lui et Breda.
Toute la matinée, ils avaient rencontré les familles et amis des victimes. A chaque fois ils avaient reçu les mêmes réponses impuissantes et le désespoir apparent de ces gens leur avait plombé le moral. Plus que jamais, ils étaient déterminés à faire la lumière sur ces mystérieuses disparitions.
« Tout est prêt à fonctionner Colonel. J'ai sécurisé les lignes, vous pourrez joindre Central City sans problème.
« Bon travail Fuery. »
Mustang s'installa derrière un bureau.
« Falman, convoquez moi les témoins. Je veux pouvoir commencer à les interroger dans une heure.
« Bien chef. »
Mustang se saisit ensuite du téléphone et composa le numéro du bureau du Führer.
« Bureau du Généralissime, j'écoute.
« Ici le Colonel Roy Mustang au rapport. Pourriez-vous me passer le Führer ?
« Un instant. »
Le silence s'éternisa au bout de la ligne, remplacé par la voix joviale de Bradley.
« Mustang, alors comment se passe votre mission ?
« Bien Monsieur, nous sommes arrivés hier en fin d'après-midi à La Nouvelle Minoen. J'ai rencontré le Maire de la ville et nous avons installé un QG temporaire. D'après ce que nous avons pu voir jusqu'à présent, il semble que les rumeurs de soulèvement ne soient pas fondées, mais nous restons vigilants.
« Et quant aux faits étranges ?
« Nous enquêtons Monsieur. J'ai rencontré ce matin les familles des victimes.
« Victimes ? Vous craignez donc le pire.
« C'est une impression Monsieur.
« Continuez à enquêter. Je veux que tout soit réglé avant votre retour ici.
« Bien Monsieur.
« Tenez moi informé de vos avancements. Je compte sur vous Mustang. »
Un clic se fit entendre et la communication fut coupée. Bradley avait raccroché. Mustang reposa le combiné et resta un instant les yeux dans le vague. Puis il releva la tête et fit le tour de la pièce actuellement vide du regard.
Que faisait Riza en ce moment ?
Falman revint avec un premier témoin. Les interrogatoires pouvaient commencer.
Riza et Havoc marchaient dans le sable du désert. Ils avaient quitté la ville depuis plus d'une demi-heure et Havoc était de plus en plus convaincu que c'était une très mauvaise idée d'aller visiter les ruines sans en avertir personne. Mais devant lui, Hawkeye avançait toujours d'un pas décidé.
Enfin, ils aperçurent les premiers murs de l'ancienne cité qui avait disparue durant une nuit, il y avait de cela plusieurs décénies.
Riza ralentit le pas et pénétra dans les ruines. Elle se sentait presque déçue. Inconsciemment, elle s'était attendue à retrouver en vrai les paysages de ses rêves. Mais rien ne lui parut familier. Elle ne vit aucune inscription, ni temple.
Havoc la rejoignit essoufflé par leur longue marche dans le sable et dégoulinant de sueur. Il s'étonna de voir que Riza ne semblait souffrir ni de fatigue, ni de la chaleur écrasante.
Comment se fait-il qu'elle soit autant en forme alors que pendant tout le voyage elle a été si malade ?
Il se tourna vers elle :
« Je ne vois rien et je n'entends rien.
« Moi non plus. »
Ils avancèrent l'un à côté de l'autre sur le qui vive, arme au poing, au milieu des murs éboulés. Mais ils ne repérèrent absolument rien d'anormal. Enfin, ils relâchèrent la pression et rengainèrent leurs armes.
« Je n'ai même pas vu une seule pépite d'or ! » Blagua Havoc.
« Vous espériez en trouver ?
« On ne sait jamais ! La chance du débutant, vous n'avez jamais entendu parler ?
« Si mais je n'y crois pas.
« Ca m'aurait étonné. »
Riza fit le tour sur elle même.
« Nous devrions peut-être revenir de nuit. Après tout Marie nous a dit qu'elle avait entendu les bruits le soir tard.
« Vous voulez revenir la nuit ?
« Qu'est-ce qu'il y a Havoc, vous avez peur ? C'est pourtant vous qui disiez à Fuery que les fantômes n'existaient pas. »
Havoc se renfrogna.
« Bah, ne faites pas cette tête, vous devriez être content, on va en parler au Colonel, comme ça, nous reviendrons à plusieurs. »
« Hé, je n'ai pas peur ! C'est juste que tout ça ne me dit rien qui vaille.
« Rentrons, il commence à se faire tard et je ne voudrai pas que les autres s'inquiètent de notre absence. »
Ils repartirent vers la ville. Le vent se leva et balaya le sable, dégageant le bas d'un mur, révélant les éclats colorés d'un vitrail.
Mustang avait passé tout l'après-midi à revoir tous les témoignages. A chaque fois, il avait obtenu les mêmes descriptions : apparition d'une silhouette fantomatique blanche, plutôt féminine ou alors celle d'un jeune adolescent, des bruits ressemblant à des sifflements, des cris étouffés... Mais aucune description précise et l'interrogatoire des enfants Widowed n'avait rien donné non plus.
Il venait de finir d'auditionner la cinquième personne et s'accordait une pause avec un café.
Les éléments recueillis le laissaient pensif. Si une seule personne ou même deux lui avaient raconté ces histoires d'ombre blanche, il aurait pu penser à une affabulation, mais les éléments rapportés par cinq témoins différents, n'ayant rien à voir ensemble et qui paraissaient avoir toutes leurs facultés était plus que troublants.
Par dessus tout, Mustang se demandait comment l'agresseur avait procédé pour faire disparaître les corps sans être remarqué. Et jusqu'à présent, il n'avait pas l'ombre d'un indice.
« Colonel.
« Oui Breda ?
« Havoc et Hawkeye sont de retour. »
Mustang reposa sa tasse sur son bureau et attendit que ses deux lieutenants entrent faire leur rapport.
Ils se présentèrent devant son bureau et le saluèrent. Falman, Breda et Fuery les suivirent à l'intérieur.
« Au repos. Alors qu'avez-vous découvert ? »
Hawkeye prit la parole :
« Nous avons fait le tour de la ville et de ses habitants, les soupçons quant à un possible soulèvement me semblent infondés. »
Mustang se tourna vers Havoc :
« Vous êtes d'accord ? »
Havoc releva un sourcil de surprise, il était rare que Mustang mette en doute la parole d'Hawkeye.
« Oui Colonel. Les gens semblent même plutôt soulagés de nous voir là.
« Bien, alors faisons en sorte que cela continue comme ça. »
Il prit une gorgée de son café.
« Et pour les agressions ?
« Rien, juste des "on dit". On nous a rapporté qu'une ombre blanche aurait été aperçue et qu'elle se serait évaporée dans les airs. Tout est bon pour expliquer les disparitions, même l'absurde, il circule même des rumeurs selon quoi ce serait une espèce de goule qui ferait le coup.
« Une goule ?
« C'est un démon femelle. » Expliqua Falman, « Mais ordinairement, elles s'en prennent aux cadavres et non pas aux vivants. »
« A condition qu'elles existent vraiment Falman, et je n'en suis pas convaincu. » Répliqua Mustang.
« Avec tout ce que nous avons entendu cet après-midi, on ne devrait peut-être pas écarter trop vite la piste du surnaturel, Colonel.
« Si ça ne vous embête pas, je préfèrerai explorer toutes les autres pistes avant de ne garder que celle là. »
Havoc et Hawkeye se tenaient toujours devant son bureau. Havoc lança un regard en coin à sa collègue, ce qui n'échappa pas à l'attention de Mustang.
« J'ai l'impression que vous ne nous dites pas tout. »
Havoc toussa dans sa main,
« Eh bien, ce midi, alors que nous déjeunions, nous avons eu la visite de Marie, vous savez la bonne qui travaille chez le Maire.
« Je sais qui est Marie. »
Riza serra la mâchoire. Elle se souvenait de la jolie brune, aux formes pulpeuses, qui avait semble-t-il fait chavirer le coeur de Havoc. Avait-elle aussi exercé avec succès son charme sur Mustang ?
Riza se secoua mentalement. Qu'est-ce que cela pouvait bien lui faire après tout ?
Elle revint à la réalité et entendit Havoc poursuivre :
« Elle nous a dit qu'il lui arrivait de se promener assez tard vers les ruines de l'ancienne cité et que dernièrement elle avait entendu des espèces de cris et des pleurs. La pauvre enfant n'ose plus s'y rendre tellement elle est effrayée. »
Riza se retint de sourire, "pauvre enfant" n'étaient pas vraiment les termes qu'elle aurait utilisés pour décrire Marie.
« Et ? » Demanda Mustang pour ramener Havoc sur le sujet.
Riza releva le menton et le regarda droit dans les yeux avec une petite pointe de défi :
« J'ai décidé d'aller jeter un coup d'oeil à ces ruines. Nous nous y sommes donc rendus avec le lieutenant Havoc. »
Le silence se fit tellement pesant qu'on aurait pu entendre une mouche voler. La tension devenait presque électrique.
Havoc déglutit.
« Mais notre inspection n'a rien donné. »
Riza continuait de regarder fixement Mustang, attendant sa réaction de pied ferme.
Finalement Mustang poussa un soupir :
« J'aurai préféré que vous m'en parliez avant de prendre ce genre d'initiative. »
Cette fois Riza baissa les yeux et détendit ses muscles.
« C'est moi qui ai convaincu le Lieutenant Havoc d'aller visiter ces ruines. Nous en entendons parler depuis le début de cette mission et ma curiosité était piquée. Je voulais voir par moi-même à quoi elles ressemblaient. Mais ce n'est qu'un amassement de pierres, de murs éboulés et de sable. Nous n'avons rien trouvé de suspect. Cependant, Marie nous a dit que c'était la nuit qu'elle avait entendu les bruits, peut-être devrions-nous y retourner tous ce soir. »
Mustang se renversa dans son siège et sembla réfléchir à la suggestion de Riza.
« Pourquoi pas. Au point où nous en sommes, nous ne risquons rien à aller jeter coup d'oeil à cette cité ce soir. Par contre, on se déplace deux par deux et je ne veux pas entendre la moindre contestation. » Termina-t-il en regardant Riza.
Celle-ci hocha imperceptiblement la tête.
« Bien, il se fait tard, allons dîner et nous préparer pour notre équipée nocturne. »
