Chapitre 13
Lorsqu'elle revint à elle, elle se trouvait dans son lit et sa tête bourdonnait. Mon Dieu ce n'est pas possible, tous ces cauchemars deviennent de plus en plus terribles et tellement réels... Elle se passa sa main sur le visage, se redressa et s'aperçut qu'elle portait toujours ses vêtements.
« Vous voila enfin revenue à vous. »
La voix la fit sursauter vivement et elle se tourna vers le coin de la pièce d'où elle lui était parvenue.
« Colonel ? Que faites vous ici, dans ma chambre en pleine nuit ? »
Mustang se leva et s'approcha du lit tout en restant dans l'ombre de la pièce.
« Vous ne vous rappelez de rien ?
« De quoi parlez-vous ?
« De notre petite expédition dans les ruines de Minoen. »
Ainsi donc nous sommes bien allés explorer les ruines hier soir. Riza ferma les yeux pour se remémorer les évènements de la veille. Elle se rappela la marche dans le sable et la conversation qu'ils avaient eue. Ils s'étaient ensuite séparés en groupe de deux. Elle et Havoc.
« Je suis partie avec le Lieutenant Havoc explorer les ruines comme vous nous l'aviez demandé. Mais nous n'avons rien trouvé. Je ne me souviens pas comment je suis arrivée ici. »
Roy s'avança un peu plus près d'elle, son visage entra dans la zone éclairée, son regard était dur :
« Vous ne vous souvenez pas avoir voulu tuer le Lieutenant Havoc ? »
Riza porta une main à sa bouche et ses yeux s'agrandirent de stupeur. Les images de son rêve lui revenaient en mémoire.
« Non, ce n'est pas possible. Je n'ai pas...
« Ah oui, ce n'est pas ce qu'il nous a raconté. Ne l'avez-vous pas séduit, ne l'avez-vous pas embrassé, ne lui avez-vous pas dit qu'il allait mourir et tenté de lui déchiqueter la gorge en le mordant ?
« Mais... Ce n'était pas moi... Je le jure, j'ai essayé de lui dire, mais je ne pouvais rien faire, il n'entendait pas, personne ne m'entendait... Je la voyais, mais je ne pouvais rien faire... »
Riza devenait quasiment hystérique. Faisait-elle encore un cauchemar ou était-ce la réalité ? Elle se prit le visage dans les mains.
« Je n'en peux plus... Si c'est encore un cauchemar, je veux me réveiller. »
Roy restait silencieux. Puis il s'assit sur le bord du lit pour lui faire face.
« Je suis désolé, mais ce n'est pas un cauchemar Lieutenant.
« Alors c'est que je deviens folle...
« Racontez-moi tout. Qui avez-vous vu ?
« La Gorgone. Celle de mes rêves, je l'ai vue qui avançait vers Havoc. Il ne bougeait plus, il était comme pétrifié. Moi-même je ne pouvais pas bouger et je n'avais plus mon arme. Je lui hurlais de se sauver, de faire quelque chose pour se défendre, mais il ne m'entendait pas, comme tous les autres. Personne ne m'entendait.
« Qui sont tous ces autres dont vous me parlez ?
« Mais tous les gens, les femmes, les enfants et les hommes qui étaient là, ils ne me voyaient pas et ne m'entendaient pas. Tout était devenu flou autour de moi et tourbillonnait. Lorsque tout est redevenu fixe, j'étais au beau milieu d'une rue, il y avait des maisons et des gens partout, il faisait jour. J'ai voulu demander où j'étais et qu'est-ce que je faisais là, mais personne ne me répondait et puis j'ai vu la Gorgone. J'ai hurlé mais c'était comme si j'étais la seule, avec Havoc, à pouvoir la voir. Personne ne réagissait. Et puis je l'ai vu qui avançait vers Havoc, je crois avoir entendu à un moment qu'elle lui disait quelque chose comme "tu vas voir, tu vas aimer...", et elle s'est assise sur ses jambes et elle l'a embrassé. Et puis, elle a ri et ensuite elle lui a dit "Tu vas mourir". »
Riza déglutit au souvenir du rire horrible de la créature.
« Finalement, Havoc a pu atteindre son arme et tirer. Je ne me souviens plus que du bruit assourdissant dans ma tête, de la douleur. J'ai fermé les yeux et puis... »
Riza s'arrêta net. Mustang se pencha vers elle :
« Qu'avez-vous vu Lieutenant ?
« Moi. » Riza tourna un visage livide vers son supérieur, « Je me suis vue. Ce n'était plus la Gorgone mais moi qui me tenais là, face à moi. Je pouvais plonger mes yeux dans les miens… »
Riza marqua un temps de pause.
« J'ai vu tous ses souvenirs, enfin je crois. C'était comme plonger en Enfer, toutes les images étaient oblitérées de rouge sang, et défilaient à une vitesse vertigineuse, j'entendais des milliers de cris, je voyais des corps arrachés, déchiquetés, des femmes, des enfants. C'était horrible… Et puis plus rien. Juste le noir et je me suis réveillée dans cette chambre. »
Riza gardait les yeux dans le vague, cherchant à comprendre ce qui avait bien pu se passer.
« Colonel, qu'est-ce que tout cela veut dire ? Qu'est-ce qui s'est passé là bas dans les ruines ?
« Nous avons accouru tout de suite lorsque nous avons entendu les coups de feu. Nous avons trouvé Havoc assis contre un mur, complètement sonné et vous étendue sur le sol, inconsciente. » Le coeur de Roy s'emballa au souvenir de leur arrivée sur les lieux et du corps de Riza inanimé. Il avait cru le pire... Et plus jamais il ne voulait ressentir ce qu'il avait ressenti à ce moment là. « Havoc nous hurlait que vous aviez essayé de le tuer. Il était au bord de l'hystérie, il disait que vous l'aviez hypnotisé et qu'après l'avoir embrassé, vous avez voulu lui arracher la gorge avec vos crocs. »
Par réflexe, Riza se passa sa langue sur ses dents. Roy le remarqua et lui dit :
« Nous avons vérifié. Tout est normal. »
Riza se sentit gênée à l'idée que l'un d'eux lui ait ausculté sa dentition.
« Je suis désolé, mais il fallait que nous nous en assurions. »
D'une petite voix mal assurée Riza demanda :
« Mais, et la Gorgone ? Et les gens ?
« Lieutenant, il n'y avait pas de gorgone. Juste vous et Havoc. »
Riza se mordit sa lèvre inférieure.
« Je ne sais pas encore ce que tout cela signifie, mais maintenant, je veux que vous me racontiez vos rêves. Tous vos rêves, Lieutenant. »
« Ils ont commencé le premier soir à l'auberge, mais je ne m'en souviens plus très bien, je crois qu'il y avait quelqu'un dans ma chambre, une espèce de fantôme, il tendait sa main décharnée vers mon visage, il était prêt à me toucher et je me suis réveillée. Havoc est arrivé et vous avez suivi de peu. Depuis, je crois que j'ai rêvé toutes les nuits et même parfois en journée. En fait dès que je ferme les yeux, je vois des êtres étranges et j'entends des cris et des voix que je ne comprends pas. Parfois il est question de sacrifices, on me livre de pauvres gens apeurés en pâtures et je me repais de leur chair et de leur sang. Il a souvent été question de serpents, en fait presque à chaque fois. Dans l'un de mes derniers rêves, je me trouvais dans des ruines et j'entrais dans un temple abandonné, il y avait des serpents partout mais ils ne m'attaquaient pas, au contraire, j'avais l'impression qu'ils me montraient le chemin à suivre. Je les ai suivi jusque derrière l'autel où il y avait un escalier. J'ai descendu les marches pendant longtemps et je me suis retrouvé dans une salle sombre où il y avait un sarcophage en pierre sur lequel était sculptée une gorgone. Je l'avais déjà vue avant, elle était apparue dans mon miroir alors que je m'étais endormie dans mon bain, elle avait le teint livide, des yeux sans pupille, des crocs et une langue fourchue. Bref, j'ai ouvert le couvercle mais le sarcophage était vide et lorsque je me suis retournée, nous étions face à face à quelques centimètres seulement. Et puis, elle a bondi vers moi et tout ce dont je me souviens c'est d'une impression d'eau glacée. »
Roy la regardait avec des yeux perçants :
« J'ai l'impression que vous ne me dites pas tout. »
Riza baissa les yeux. Elle donnait l'impression de réfléchir à ce qu'elle devait lui dire ou non. Finalement elle se lança :
« Tous mes rêves ne sont pas effrayants... Il y en a... qui sont... troublants... »
Devant les joues furieusement rougies et l'air gêné de Riza, Mustang comprit.
« Vous voulez dire qu'ils sont érotiques. »
Riza acquiesça morte de honte.
« Je n'ai pas l'habitude de faire ce genre de rêves. Et ils semblent tous si réels. » Riza releva la tête avec un air de défi, « Et ceux là ne comptez pas sur moi pour vous les raconter. »
Roy sourit, il retrouvait bien là son Lieutenant. Et puis, il n'avait pas besoin qu'elle lui raconte, il avait déjà sa petite idée sur la question, il se rappelait encore trop bien l'avant-dernière nuit.
Finalement, il se leva et s'éloigna vers la porte. Lui tournant le dos, il lui dit avant de sortir :
« Lieutenant, ne le prenez pas mal, mais je dois vous tenir enfermée dans cette chambre pour cette nuit. »
Riza baissa les yeux sur ses mains.
« Je comprends Colonel. »
Mustang se retrouva dans le couloir et ferma la porte à clé derrière lui. Il s'appuya contre le mur et poussa un soupir entre la peine et la colère. Puis il se rendit dans la chambre de Havoc où il fut accueilli par quatre paires d'yeux interrogateurs.
« Alors Colonel. Elle a repris connaissance ? »
Mustang acquiesça.
« Elle vous a dit ce qu'il s'était passé et pourquoi elle a attaqué Havoc ? »
« Elle dit que ce n'est pas elle. »
Havoc s'écria : « Pas elle ! Alors ce serait moi qui aurais eu des hallucinations ? J'aurai rêvé qu'elle s'approchait de moi lascivement, qu'elle m'aurait embrassé et ensuite qu'elle aurait voulu me tuer ? Bordel, je peux vous assurer que je ne rêvais pas, Hawkeye m'a attaqué et elle a voulu me tuer. »
Mustang le calma.
« Je vous crois Havoc, calmez-vous. Je crois aussi Hawkeye lorsqu'elle dit que ce n'était pas elle. Tout du moins pas sa volonté. »
« Je vois ce que vous voulez dire Colonel, intervint Falman, vous pensez que quelque chose aurait pris possession du Lieutenant Hawkeye. N'est-ce pas. »
« Aussi irrationnel que cela paraisse, c'est ce que je commence à croire. »
Le silence s'installa dans la pièce. Mustang reprit la parole :
« Je crois comprendre ce qu'a voulu dire le vieil homme à l'auberge. Je me suis trompé depuis le début. Il ne fallait pas chercher ce que nous ne devions pas emmener, mais qui. Je ne sais pas comment, mais il savait que quelque chose menaçait Hawkeye.
« Tout cela est complètement fou. » dit à voix basse Fuery.
« Je suis bien d'accord, mais ce ne sont pas les signes qui manquent : tout d'abord, il y a l'avertissement du vieil homme, ensuite tous les cauchemars que fait le Lieutenant, Fuery et Havoc en ont été témoins, nous l'avons vu s'affaiblir chaque jour qu'a duré notre voyage jusqu'ici. Son comportement a changé aussi, imperceptiblement, mais c'est bien là. Disons qu'elle est plus... » Roy ne trouvait pas ses mots et ne savait pas comment dire que Riza était plus sexuellement agressive sans se trahir.
« Moins farouche. C'est ce que vous voulez dire ? Nous l'avons remarqué aussi. Ce matin, lorsque je suis allé frapper à sa porte, elle m'a ouvert seulement habillée d'une chemise et elle semblait être plutôt contente de l'effet produit. » Intervint Breda.
Havoc enchaîna : « Au déjeuner ce midi, elle s'est rafraîchie en passant un mouchoir humide dans son cou, elle gémissait presque de plaisir, j'en croyais pas mes yeux et ce soir, elle m'a embrassé. »
Mustang serra ses poings. Ainsi Riza s'était comportée de la sorte avec la moitié de ses hommes, pas seulement avec lui. Une toux le ramena à la réalité. Il regarda ses hommes qui le fixaient comme s'ils espéraient une confession, un témoignage de sa part sur le comportement de la jeune femme. Après tout il était connu pour être un véritable charmeur, alors si Riza s'était laissée à séduire Havoc et Breda, qu'en était-il de lui ?
Ehbien, ils peuvent toujours attendre pour que je leur raconte !
Mustang se tourna vers Falman.
« Sergent Falman, dès demain, je veux que vous cherchiez avec Breda tout ce que vous pourrez trouver en rapport avec un culte où il est question de serpents et de sacrifices. Je veux aussi que l'on découvre s'il y avait un temple dans le coin. Je pense qu'il faut concentrer les recherches plutôt vers l'ancienne cité de Minoen. C'est là que Riza a eu sa crise la plus aiguë. »
Falman et Breda donnèrent leur accord.
« Il nous faut encore découvrir ce que sont devenues les personnes disparues, j'ai le sentiment que tout est lié, reste à savoir comment. Havoc vous viendrez avec moi et vous Fuery, je vous charge de surveiller Hawkeye, on ne peut pas la laisser seule. Qui sait ce qui peut arriver. »
Fuery bafouilla :
« Mmomo... moi, vous voulez que je surveille le Lieutenant Hawkeye ? »
Mustang lui adressa un regard qui n'appelait aucune contestation.
« Bon d'accord. Mais je ne reste pas dans sa chambre.
« Je ne vous en demande pas tant. » Lui répondit sèchement Mustang. Manquait plus que Riza séduise Fuery !
« Vous n'aurez qu'à demander à Tourim de rester avec vous, comme ça, vous aurez de la compagnie et il pourra venir nous avertir en cas de problème. D'ailleurs où est-il ? Je ne l'ai pas vu depuis que nous sommes arrivés.
« Je crois l'avoir entendu dire qu'il avait de la famille par ici, et qu'il resterait avec eux jusqu'à ce qu'on reparte.
« Alors trouvez le dès demain matin et demandez lui de tenir la garde avec vous. »
« Maintenant, allons nous coucher. Fuery, vous commencez la garde dès ce soir. »
Fuery gémit,
« Oh, pourquoi c'est toujours sur moi que ça tombe ? »
Havoc lui donna un petit coup sur le crâne :
« Faut bien que ça tombe sur quelqu'un, au moins toi t'as pas failli te faire égorger.
« Pas encore ... »
Dans la chambre voisine, Riza s'était rallongée dans son lit et elle s'était autorisée à laisser les larmes couler sur ses joues, silencieusement, les essuyant de temps en temps de sa main. Maintenant, elle représentait un danger pour toute l'équipe et elle resterait enfermée. Jusqu'à quand ?
