Chapitre 18

Ils lancèrent leurs chevaux au galop vers Minoen, il ne leur fallut qu'un quart d'heure pour atteindre leur but. A l'approche de l'ancienne cité, les chevaux se cambrèrent et les yeux affolés refusèrent d'aller plus loin. Ils durent mettre pieds à terre et attacher solidement les chevaux pour les empêcher de se sauver.

Cela ne présageait rien de bon.

Le ciel s'était particulièrement assombri au-dessus des ruines. Des éclairs rampaient tels des doigts crochus à l'intérieur des nuages qui s'étaient amoncelés, éclairant par intermittence la scène. Le vent commençait à souffler très fort obligeant les hommes à mettre un bras devant leur visage pour empêcher le sable de rentrer dans leurs yeux.

Une seule pensée taraudait Mustang : Trop tard, nous sommes arrivés trop tard.

Ils avançaient lentement à travers les murs éboulés, luttant contre les éléments. Les éclairs claquaient et le tonnerre grondait. Le sable s'engouffrait partout.

Soudain, Falman hurla pour se faire entendre tout en pointant du doigt droit devant lui :

« Là ! Regardez. »

Mustang suivit des yeux la direction indiquée et découvrit une forme qui lui parut humaine à quelques mètres d'eux.

« Attention, c'est sans doute un piège. Les autres sont peut-être embusqués quelque part. »

Ils s'approchèrent prudemment, armes au poing et doigts prêt à claquer et à faire déferler les flammes de l'enfer.

Ils s'arrêtèrent à moins de cinq mètres et reconnurent la silhouette de leur collègue de dos. Elle portait l'habit que lui avaient offert les bédouines, hormis le voile sur la tête, ses cheveux détachés volaient dans le vent.

Elle ne bougeait pas et pourtant elle semblait mouvante.

Les quatre hommes déglutirent.

« Lieutenant Hawkeye » L'appela Mustang.

Riza se retourna.

Avec horreur, les hommes découvrirent pourquoi elle leur semblait bouger alors qu'elle se tenait immobile.

Des serpents s'enroulaient autour de ses bras et de ses jambes, remontant le long de ses cuisses et s'enroulant autour de sa taille. Elle en avait même autour de son cou.

Tous sifflaient et faisaient courir leur langue fourchue sur la peau de la jeune femme.

Ses yeux étaient fermés, mais ses lèvres s'étiraient en un léger sourire.

Mustang s'adressa à voix basse à ses hommes :

« Personne ne tire. »

Puis il appela de nouveau Riza.

« Hawkeye. M'entendez-vous ? »

Il ne reçut aucune réponse. Il tenta de s'approcher d'un pas de la jeune femme.

C'est alors que tout se précipita et sombra dans le chaos en quelques secondes.

Riza ouvrit les yeux, comme s'y était attendu Mustang, ils étaient de couleur dorée et sans pupille, elle ouvrit la bouche, découvrant quatre crocs et cracha vers Mustang. Tous les serpents qui la recouvraient glissèrent le long de son corps à une vitesse vertigineuse et s'élancèrent en rampant vers les hommes pour les attaquer.

D'un bond, Riza surprit Havoc en se jetant sur lui, ouvrant grande la bouche, elle enfonça ses crocs dans son cou, arrachant un bout de peau et de chair. Puis elle le laissa tomber au sol.

Falman et Breda tiraient sur les serpents qui les assaillaient. Riza se précipita vers Mustang qui se tenait immobile, incapable de faire le moindre geste pour se sauver.

Dans son élan, Riza l'envoya au sol puis lui sauta dessus. A genoux sur son torse, elle cracha. Le sang de Havoc lui dégoulinait sur le menton et dans le cou.

Mustang crut sa dernière heure arrivée lorsqu'il la vit renverser sa tête en arrière et se pencher de nouveau vers lui, prête à lui arracher la gorge.

Un coup de feu retentit et Riza bascula en arrière. Le sang s'écoula de son épaule gauche. D'un bond, elle se redressa sur ses pieds en position accroupie.

Elle poussa une plainte et parla à voix basse dans une langue qu'aucun d'eux ne comprit. Tous les serpents se figèrent et reculèrent vers elle.

Riza partit en courant et bondissant de pierre en pierre. Elle disparut, suivie de ses serpents.

Roy se releva et regarda autour de lui pour vérifier l'état physique de ses hommes. Breda et Falman semblaient aller bien. Havoc, avait le haut de son uniforme complètement ensanglanté et tenait toujours en main son arme fumante avec laquelle il avait tiré sur Riza, de son autre main il compressait son épaule.

Mustang s'approcha de lui.

« Faites voir votre épaule. »

Havoc écarta sa main ensanglantée. Roy retira sa veste et ôta sa chemise. Il en arracha une large bande dont il se servit pour faire un garrot.

« Bien visé Havoc. »

Havoc le regarda bien en face.

« J'ai raté mon tir. »

Mustang serra le garrot.

« Heureusement pour vous. »

Havoc lui saisit son poignet.

« Elle allait vous tuer Colonel. »

Roy se releva et se dirigea vers Breda et Falman qui finissait de serrer un bout de tissu autour de la cuisse de Breda.

« Il a été mordu par un serpent. Nous devons rentrer rapidement et le conduire chez le médecin pour qu'on lui injecte un antidote. »

Mustang l'aida à se relever et ils se placèrent de chaque côté de Breda, passant un bras sous ses épaules, pour l'aider à marcher jusqu'aux chevaux.

Ils regagnèrent Néomin rapidement et conduisirent Havoc et Breda auprès du médecin qui avait pris en charge Joe, où ils furent rapidement soignés.

Mustang s'assit sur une chaise et se prit la tête entre ses mains.

Ce n'est pas possible. Nous sommes tous en train de vivre un cauchemar. Il revoyait Riza bondir sur Havoc et lui arracher sa chair, puis se jeter sur lui. Il entendait encore la détonation qui avait failli la tuer avant qu'elle ne le tue lui.

Qu'aurai-je fait si Havoc avait réussi son tir ? Si Riza était morte ? Tuée par Havoc.

Une pression se fit sentir sur son épaule. Roy releva le visage pour se trouver face au médecin.

« Vos hommes vont bien. Ils se reposent, vous devriez en faire autant Colonel. »

« Comment puis-je prendre du repos, alors que mon lieutenant est toujours dans la nature. Possédée par je ne sais quel démon ?

« C'est pourtant le plus grand service que vous pouvez actuellement lui rendre. Reprendre des forces pour repartir de plus belle à son secours. Je garde ici vos deux hommes blessés, repartez avec les autres à l'auberge. Vous avez tous besoin de vous reposer. »

Mustang acquiesça et se leva. Il retrouva Falman et Fuery et ils repartirent tous les trois à l'auberge.

Il n'y avait plus personne pour les accueillir mais ils n'avaient nul autre endroit où aller pour cette nuit. Leurs cœurs se soulevèrent à la vue du sang de Tourim dans le couloir. Mais aucun d'eux ne fit de commentaire et ils s'engouffrèrent dans leurs chambres respectives.


« Mustang ! Colonel MUSTANG ! Je sais que vous êtes là alors descendez. »

Roy émergea difficilement de son sommeil. Qui pouvait bien l'appeler de la sorte de si bon matin ?

Il s'assit sur le rebord de son lit et se frotta les yeux. Le sommeil avait été long à le trouver hier soir, et alors qu'enfin il s'était endormi, un crétin venait le réveiller.

Puis, tous les évènements de la soirée lui revinrent en mémoire. Riza avait été enlevée et livrée à la déesse Kâa et elle avait essayé de les tuer.

Il se leva et se passa le visage à l'eau fraîche puis enfila une chemise.

Il terminait de la boutonner lorsqu'il arriva dans l'entrée de l'auberge pour y trouver Argus Coward en personne.

« Monsieur le Maire. Que me vaut cette visite de si bon matin ?

« Ne faites pas l'innocent Colonel. Je sais ce qui s'est passé hier soir. Vous étiez sensés nous protéger et découvrir qui s'en prenait aux habitants, au lieu de cela, vous n'avez fait qu'attisez le malheur. Ce jeune garçon est mort et Joe lutte pour sa vie.

« Monsieur le Maire…

« Sachez Colonel, que je vous tiens pour responsable de tout ce qui arrive et que je vais en informer le haut commandement. Vous êtes un incapable. »

Ce fut la goutte qui fit déborder le vase pour Mustang. Se faire traiter d'incapable par ce blaireau de Coward. Il l'agrippa par le col de sa chemise et le poussa vers la sortie :

« Qui parle d'incapable ici ? Hein Monsieur le Maire… Vous qui avez laissé cette situation empirer sans rien faire. J'ai d'autres chats à fouetter que supporter vos insultes alors vous allez me débarrasser le plancher et vous pouvez appeler qui vous voulez, je n'en ai rien à faire. »

Il ponctua ses dernières paroles en le jetant dans la rue. Coward tomba en arrière dans la poussière.

Il était rouge de colère :

« Vous entendrez encore parler de moi Mustang. Ce n'est pas fini. »

Coward se releva et repartit d'un pas rageur.

Mustang le regarda s'éloigner quelques minutes avant de rentrer dans l'auberge où il fut accueilli par le reste de son équipe.

« Je ne veux rien entendre. Préparez-vous. Je veux que tout le monde soit prêt dans une demi-heure. Nous repartons pour Minoen. »

Ils remontèrent tous dans leur chambre au pas de course.

Pendant ce temps, Mustang partit appeler le QG de Central.

« Colonel Mustang pour le Généralissime. »

Il lui sembla attendre une éternité et entendre plusieurs cliquetis avant d'être mis en relation avec Bradley.

« Colonel, nous avons reçu un appel ce matin du Maire de la ville, un certain Coward, il nous a relaté des faits qui me laissent perplexe. Notamment la mort d'un jeune garçon et un autre luttant pour sa vie. Sans compter deux hommes placés sous vos ordres blessés. J'attends vos explications. »

Mustang marqua un temps de pause. Devait-il révéler la vérité à propos de Riza ? Il jugea plus prudent de taire cette partie de l'histoire.

« Il semble que nous ayons soulevé un lièvre. Mais je vous assure que nous avons la situation bien en main. Nous avons subi une attaque hier à l'auberge, notre jeune guide a été tué et l'aubergiste blessé. Les Lieutenants Havoc et Breda ont été blessés alors que nous poursuivions nos agresseurs.

« Et votre autre Lieutenant ? Riza Hawkeye. J'ai cru comprendre qu'elle avait disparu. Et je sais aussi que l'un de vos hommes s'est fait arracher le cou et que l'autre a été attaqué par un serpent. »

Comment peut-il être déjà au courant ?

« C'est exact, Monsieur.

« Colonel, j'ai vraiment l'impression que la situation n'est pas aussi bien tenue en main que vous le prétendez. J'attends vos rapports détaillés dans les plus brefs délais. En attendant, je prévois l'envoi de quelques bataillons en renfort.

« Bien Généralissime. »

Mustang entendit le clic du combiné que Bradley avait raccroché. Il reposa rageusement le sien sur le téléphone.