Auteur(e) : Lysanea (lysaneahotmail.fr)
Source : Gravitation
Chapitre six : Veille de départ : déjeuner en famille.
Genre : yaoi, romance.
Disclamer : les personnages ne m'appartiennent pas, j'ai donné des noms à ceux qui existaient sans être nommés (la sœur que j'ai appelé Hisae), j ai crée le père Mazaki Koboe, le frère Akitoshi Shindo et la mère Kaori Shindo, ajoutés pour les besoins de l'histoire.
Pairing : Shuichi/Yuki.
Personnages : Shindo Shuichi (chanteur des Bad Luck), Yuki Eiri (écrivain et amant de Shuichi), Hisae Shindo (sœur de Shuichi), Kaori Shindo (mère de Shuichi), Mazaki Koboe (père de Shuichi) et Akitoshi Shindo (frère de Shuichi).
Note : c'est le dernier chapitre, il y aura un épilogue après assez court… person j'aime beaucoup ce chapitre, j'espère que vous aurez l'envie de le lire jusqu'au bout et même l'épilogue après…
C'est dur de dire au revoir à ceux qu on aime…
Chapitre six : veille de départ : déjeuner en famille.
- Tu vois, Imooto-chan, demain soir je jouerai là, à Sendaï. Puis, ce sera Akita, Sapporo et Asahikawa. De là, on va gagner directement l'île d'Okinawa, où on va jouer à Naha, Okinawa et Nago. Après, on remonte sur l'île de Kyushu, et on passera par Kagoshima, Kumamoto, Fukuoka, et Kitakyushu. Le reste de la tournée aura lieu sur l'île d'Honshu : Hiroshima, Okayama, Kobe, Sakaï, Kyoto, Nagoya, Kamamatsu, Yokohama, Saitama et enfin, retour à Tokyo, dans cinq mois ! Cinquante-sept concerts, des jours entiers de battement pour se reposer, même six jours à mi-parcours, ça va être génial…
La jeune sœur de Shuichi avait suivi avec attention l'itinéraire de la tournée que le chanteur lui avait retracé, carte du Japon à l'appui.
- Okaa-san, je pourrai aller le voir de temps en temps ?
La mère de Shuichi sourit avec indulgence.
- Tout dépend du lycée, ma chérie, et de Shui-chan. Il n'aura peut-être pas le temps de s'occuper de toi…
- Je le trouverai ! assura le chanteur. J'espère que tu viendras à chaque fois que tu le pourras. C'est valable pour vous trois, d'ailleurs ! Je me débrouillerai…
- Onii-san ! hurla la jeune fille en se jetant au cou de son frère. Arigato !
Yuki esquissa un sourire ; cette manie de se jeter au cou des gens en hurlant semblait être un trait de famille…
Il se sentit observé et se tourna donc vers la mère de son amant, qui le regardait avec respect et soutenait son regard sans ciller. C'était une belle femme aux cheveux si noirs qu'ils paraissaient bleus sous une certaine lumière, et aux grands yeux violets, dont avait hérité Shuichi. Depuis le début du repas, Yuki avait l'étrange sensation de passer un test, rencontrant souvent le regard si troublant de Kaori. Il avait vu juste, ce n'était pas l'écrivain qu'elle avait invité à déjeuner, mais l'amant de son fils.
- Avez-vous également l'intention de libérer du temps pour rejoindre mon fils, Yuki Eiri-san ? demanda-t-elle de sa voix posée.
- Autant que je le pourrai, Kaori Shindo-san.
- C'est gentil à vous. Je sais ce que vous représentez pour mon fils, votre présence à ses côtés ne peut que lui être bénéfique lors de cette tournée. Enfin, tout dépend de votre attitude, mais j'ose espérer que…
- Okaa-san… la coupa Shuichi en prenant la main de sa mère, onegaï, Okaa-san...
- Je vous promets de veiller sur votre fils…
- Tu n'as pas besoin, Yuki, protesta le chanteur. Maman sait que je ne risque rien avec toi. Elle s'inquiète un peu trop, même si j'ai presque 20 ans…
- Je m'inquièterai toujours pour toi, Shui-chan. Pour ton plus grand malheur, tu as hérité de ma naïveté, tu as tendance à accorder trop vite ta confiance aux gens et à en souffrir aussi rapidement. J'aimerai pouvoir t'éviter de traverser les mêmes épreuves que moi, car tu rencontreras souvent des gens comme ton père…
- Ne parle pas de lui ! l'interrompit-il brusquement, faisant sursauter tout le monde.
Le silence se fit, pesant. Yuki se rendit compte qu'il n'avait jamais cherché à en savoir plus sur le passé de Shuichi, sur les raisons de l'absence de son père, et il eut honte de lui. Comment avait-il pu être si égoïste, tourné uniquement sur son passé à lui ? Visiblement, son amant avait aussi un passé qui lui pesait, et qu'il arrivait à dissimuler…
Shuichi soutenait le regard triste de sa mère, le sien emplit de colère et de tristesse mêlées. Sa jeune sœur, qui s'était recroquevillée sur elle-même, se leva soudain.
- Voulez-vous encore du café, Yuki Eiri-san ?
- Avec plaisir, Hisae-chan.
La jeune fille disparut dans la cuisine. Shuichi se leva.
- Je monte dans ma chambre préparer les affaires que je devais récupérer. J'en ai pas pour longtemps, Yuki.
L'écrivain hocha simplement la tête. Shuichi entoura sa mère de son bras et l'embrassa.
- Gomen nasaï, Okaa-san, aï shiteru, s'excusa-t-il avant de partir.
- Je t'aime aussi, mon Shu-chan, répondit-elle mais il était déjà sorti. Je suis désolée, Yuki Eiri-san, vous n'auriez pas dû être témoin de cela. Mon inquiétude me fait commettre des erreurs.
La jeune Hisae revint avec le café, et elle servit l'écrivain, toute intimidée, rougissant lorsqu'il la remercia en souriant. Constatant l'absence de son frère, elle s'excusa et sortit à son tour. Yuki se retrouva seul face à la mère de son amant.
- Je suis désolé, je ne sais rien des problèmes que semble vous avoir causé votre mari.
- Il est simplement parti un matin, après avoir vécu quinze ans avec nous, quinze longues années où chaque jour était une promesse pour le lendemain. Nous ne l'aimions visiblement pas assez pour le retenir. Eiri-san, je refuse que mon fils traverse cette épreuve. Si vous considérez que vous n'êtes pas digne d'être aimé, ou que Shuichi n'est pas digne de vous aimer, quittez-le maintenant. Plus le temps passe, et plus ce sera douloureux…
- Shuichi et moi avons traversé des périodes douloureuses, le début de notre relation a été chaotique, je le reconnais volontiers. Et beaucoup par ma faute. Mais grâce à lui et à son amour, j'ai pu faire la paix avec mon passé. J'accepte son amour, et c'est vrai que souvent, je me dit que je ne le mérite pas. Mais rien n'est figé. J'ai décidé de me battre pour mériter cet amour qu'il me donne sans condition. Est-ce un tort ?
- J'admire et respecte l'écrivain que vous êtes, mais tout ceci s'efface en cet instant. J'ai devant moi l'homme dont dépend le bonheur de mon fils. Comprenez-vous ma position, Eiri-san ? J'aimerai vous accordez ma confiance, mais je dois être sûre…
- Je vous comprends, Kaori Shindo-san. Mais pourquoi douter de mes sentiments pour Shuichi ? Vous n'ignorez rien de ce que nous avons vécu et partagé. Serais-je ici, si je ne ressentais rien pour lui ?
- Je le sens, je le vois bien, que vous aimez mon Shui-chan, que ce n'est pas simplement de la reconnaissance ou de la gratitude. Mais vous, êtes-vous capable de le dire ? N'êtes-vous pas lassé de toujours laisser entendre les choses ?
Le regard de Kaori Shindo était fixé sur lui, mais Yuki devina que Shuichi était revenu dans le salon, il sentit sa présence derrière lui. Mais il fit celui qui ne remarquait rien.
- J'aime votre fils comme je n'ai jamais aimé de toute ma vie, Kaori Shindo-san. J'ai cru être amoureux, adolescent, ce n'était que de la tendresse. J'ai pensé ensuite ne plus jamais avoir cette capacité, l'avoir perdue une sombre nuit d'hiver… J'ai nié longtemps ce que j'éprouvais pour Shuichi. Aujourd'hui, je sais que je l'aime, il est la personne qui compte le plus dans ma vie. Il a plus d'importance que ma propre famille, celle qui m'a vu naître. Il est ma famille, celle que j'ai choisi. La seule chose que je désire, c'est son bonheur.
- Et vous prétendez pouvoir le lui apporter ?
- Je le prétends, oui. Et si c'est trop présomptueux pour vous, alors retenez simplement que je vais essayer. Mais de mon point de vue, c'est une évidence : je dois et je vais réussir à le rendre heureux. S'il doit y avoir une raison à mon existence, au fait qu'elle se soit poursuivie si longtemps dans de telles conditions, ce ne peut être que celle-ci.
Kaori Shindo soupira, puis sourit. D'un geste terriblement sensuel, elle replaça une mèche de cheveux qui s'était glissée sur son visage. Son regard se perdit un instant à travers la fenêtre vers l'horizon. Yuki reconnut cet air car Shuichi l'arborait parfois, en contemplant la lune depuis le balcon ou dans le parc. L'air de ceux qui interrogent les cieux et réclament un signe pour avancer…
- Je l'ai prévenu, je ne peux rien faire de plus, dit-elle en interrompant le fil de ses pensées. Si vous échouez, je ne pourrai que le consoler. Alors je prierai pour que vous réussissiez. Vous avez ma bénédiction, si elle vous intéresse…
- Elle m'intéresse. Shuichi n'est plus simplement mon amant, il est l'homme avec qui je veux vivre. Même si je passerai outre votre interdiction si vous la prononciez, et tenterai d'en convaincre Shuichi, le fait que vous ne vous opposiez pas à notre relation est très important pour moi, car ça le sera pour lui.
- Alors je vous confie mon Shu-chan, l'un de mes biens les plus précieux en ce monde. Prenez soin de lui, Yuki Eiri-san.
- Je vous en fait la promesse.
- Domo arigato. Vous souhaitez peut-être le rejoindre dans sa chambre et l'aider à préparer ses affaires ? Je suis certaine qu'il a mis des tas de choses de côté pour vous les montrer.
Yuki se leva et se saisit d'une pile d'assiettes.
- Je peux aussi vous aider à débarrasser.
- Quelle idée ! protesta-t-elle en se levant et en lui ôtant les assiettes des mains. Hisae-chan !
- Haï ? répondit la jeune fille avant de se présenter à l'entrée du salon.
- Veux-tu bien conduire Yuki Eiri-san jusqu'à la chambre de Shuichi et revenir m'aider ensuite, onegaï ?
- Haï ! Venez, Monsieur Eiri.
- Pourquoi ne m'appellerais-tu pas juste Yuki, Hisae-chan ? demanda-t-il en la suivant à l'étage.
- Demo…
- Je fais un peu partie de la famille, non ? Ca me ferait plaisir, tu sais.
La jeune fille rougit sous le regard doré de son auteur préféré.
- Voilà, dit-elle en désignant la porte ouverte de la chambre de son frère. Si vous avez besoin de quelque chose, n'hésitez pas à m'appeler… Yuki.
- C'est bien mieux ! Arigato, Hisae-chan.
La jeune fille s'inclina et disparut dans l'escalier. Yuki se tourna vers la chambre de Shuichi. Le chanteur était debout, tous ses tiroirs et toutes ses armoires étaient ouverts. Les murs étaient couverts de posters des Nittle Grasper et surtout de Sakuma Ryuichi, mais aussi de photos avec Hiroshi Nakano sur des scènes de festivals, de concerts, à l'école… C'était le type même de la chambre de l'ado chanteur et musicien fan de j.pop.
- Je suis jaloux, Shui-chan, dit-il en s'adossant contre la porte.
Le chanteur se tourna vers lui et sourit.
- Il n'y a aucun raison, tout ça, c'est du passé. Hiro me l'a dit, Sakano et K. me l'ont dit, même Tohma : le temps de l'admiration est révolu.
Yuki s'avança jusqu'à lui et le prit dans ses bras.
- Exactement. C'est vrai, par certains aspects, tu ressembles beaucoup à Sakuma Ryuichi à ses débuts, tu dégages la même énergie et le même charisme qu'il avait sur scène lors de ses premières apparitions. Mais tu as cessé de l'imiter, je ne sais pas si tu t'en es rendu compte. Tu as même changé de shampoing… C'est cela qui est formidable, Shui-chan.
- Tu n'aimais pas mon shampoing ? le taquina-t-il.
- Baka…
- Yuki… Je suis heureux que tu me soutiennes autant, j'ai si peu confiance en moi, et je sais que c'est un réel handicap dans ce milieu, lui dit-il en se serrant contre lui. Je vois bien que c'est en train de changer, pourtant. Notre succès y est pour beaucoup. Mais tu sais, même si tout devait s'arrêter brusquement demain, et bien je serai heureux quand même d'avoir pu vivre tout cela, et je n'aurai pas de regrets. Ce sera dur, mais je pense que j'aurai la force de m'y faire. Surtout si tu es à mes côtés…
- Je serai là pour toi, Shui-chan, quoi qu'il arrive. Aujourd'hui, demain, toujours. Tu as bien entendu ce que j'ai dit à ta mère, non ?
Shuichi s'écarta, confus.
- Gomen nasaï, Yuki, je ne voulais pas vous espionner, j'étais redescendu pour…
- Peu importe, le coupa-t-il en passant sa main dans ses mèches roses, c'est bien que tu aies entendu, puisque je parle si peu.
- Tu as dû te forcer à cause de ma mère, je suis désolé. Tu sais de qui je tiens…
- Elle avait besoin d'être rassurée et je le comprends.
- Pourtant, elle sait bien que notre relation est forte. Tout le monde dit que ça se voit, même quand tu parais distant et froid, notre lien saute aux yeux de ceux qui nous connaissent.
- Peut-être, sûrement, mais elle l'a autant fait pour elle que pour moi, tu sais. J'avais besoin aussi d'exprimer ces choses qu'elle m'a amené à dire.
- Tant mieux, alors ! conclut-il en s'écartant. J'ai encore de petites choses à trier, tu peux t'asseoir ou redescendre, c'est comme tu veux… Matte ! J'ai une idée, si tu es d'accord ! J'arrive…
Avant que Yuki ait pu dire un mot, l'ouragan Shuichi avait disparu… Il laissa juste le temps à Yuki de s'installer sur une chaise, près du bureau où s'entassaient des piles de revues musicales, et il reparut, tenant dans ses mains une dizaine de livres. Il les déposa sur le bureau, face à l'écrivain, qui reconnut ses propres romans.
- Qu'est-ce que… ?
- Ma sœur n'a jamais fait semblant d'être fan, elle aime vraiment tous tes romans. Ce serait gentil à toi de les lui dédicacer, enfin ceux qui ne le sont pas, elle va être super contente ! tu veux bien ?
- Bien sûr, répondit-il, amusé en ouvrant le premier roman, où il découvrit une émouvante photo de Shuichi et de sa sœur. C'est étrange, ta sœur t'adore…
- C'est gentil, ça, dis donc ! protesta le chanteur en disparaissant dans une armoire.
- Laisse-moi finir, baka ! Je te disais qu'elle t'adorait, alors que tu es mon amant, et qu'elle m'aime beaucoup, visiblement. Elle pourrait t'en vouloir, être jalouse, je ne sais pas…
- Ma sœur n'est pas une de ses femmes hystériques qui soupirent désespéramment après toi… Elle aime tes romans, les histoires que tu écris, avant de t'aimer toi. Je crois qu'elle t'aime à cause de ce que tu écris…
- Ce n'est pas le cas des autres personnes qui achètent mes livres ? railla-t-il.
- Je veux dire que si tu étais moche ou que tu étais une femme, elle t'aimerait quand même autant. Tes autres fans aiment tes romans et puis toi, qui es si beau, si mystérieux, si inaccessible parfois. Tu comprends ce que je veux dire ?
- Haï, bien sûr que je comprends, je le vis depuis trois ans. Mais je ne te croyais pas capable d'une telle analyse.
- C'est que j'étais un peu comme elles, non ? Je suis tombé amoureux dès le premier regard, attiré par ton charme, le mystère qui t'entourait, tout ça, quoi ! Le coup de foudre s'est mué en un sentiment plus profond tandis qu'on apprenait à se connaître et au fil des épreuves que nous traversions. J'aime l'homme, pas l'écrivain, même si j'aime bien tes romans…
- Pour ce que tu lis…
- Bah justement, t'es le seul auteur que je lis du début à la fin ! les autres me saoulent un peu. A part les bd et les mangas… mais j'apprends, avec toi, c'est une bonne chose !
- C'est sûr, faut pas trop en demander trop vite… J'ai terminé, tu peux les remettre.
Shuichi revint chercher les livres, mais lorsqu'il s'en saisit, deux photos tombèrent, que Yuki n'avaient pas vu. Il les ramassa. Sur l'une, Shuichi portait Hisae sur son dos, ils riaient aux éclats. Elle devait dater de deux ou trois ans… Sur l'autre, la jeune fille était entourée de Shuichi et d'un autre garçon qui leur ressemblait beaucoup. Les mêmes grands yeux verts qu'Hisae, le même sourire que Shuichi.
- Qui est-ce ? demanda l'écrivain en tendant la photo à Shuichi.
- Mon petit frère, Akitoshi, répondit-il simplement en rangeant la photo, son visage soudainement assombrit et les yeux tristes.
Décidément, Yuki ignorait beaucoup de choses. Il prit la main de Shuichi et chercha son regard.
- Tu… Shui-chan, veux-tu en parler ?
Le chanteur sourit mais se dégagea sans brutalité.
- Je vais ranger les livres d'Hisae.
Yuki le laissa partir. Il se leva et s'approcha du mur où étaient piquées des tonnes de photos en vrac. Des pans entiers de la vie de son amant étaient là, il y avait de tout. Même deux des photos qu'ils avaient fait ensemble au parc d'attraction, alors que Shuichi ne vivait plus ici, et qu'il n'était pas revenu lorsque Yuki avait disparu à New York. Il était resté à l'attendre et l'espérer dans son appartement.
Il retrouva des photos de famille -mais jamais du père, nota-t-il- avec le jeune frère de Shuichi. Ils n'avaient pas l'air d'avoir une grande différence d'âge entre eux.
- Mon frère est parti il y a presque deux ans maintenant, à la recherche de Mazaki Koboe.
Yuki se retourna. Shuichi traversa sa chambre et alla s'asseoir sur le lit, les genoux remontés sous on menton, sa position préférée.
- Mazaki Koboe, ton père ? demanda Yuki.
- Il m'a donné ses gênes, cela ne fait pas de lui mon père, juste un géniteur.
L'écrivain vint s'asseoir à côté de lui, l'observant attentivement.
- As-tu des nouvelles de ton frère ?
- Haï, et heureusement. Mais ça reste dur pour ma mère et ma sœur.
- Pour toi aussi, Shui-chan.
- Je ne le nie pas. Il m'a demandé de l'accompagner, mais c'était au-dessus de mes forces. Nous avons toujours été très proches. Sauf en ce qui concerne Mazaki Koboe. Je ne me sens pas concerné, Yuki, et j'ai toujours peur qu'il ne lui arrive quelque chose. J'ai essayé de le raisonner, de le détourner de cette quête inutile qui risque de ne lui apporter que souffrance et déception. J'ai tenté de le faire revenir…
- S'il est aussi idiot que toi, ce ne doit pas être une mince affaire… Quel âge a-t-il ?
- Il a eu 18 ans le mois dernier.
- Tu n'es pas beaucoup plus vieux que lui, Shui-chan. Tu ne devrais pas te sentir coupable, laisse-le faire ses propres choix et ses propres expériences de la vie. Il tombera, forcément, l'important c'est que tu sois là pour le relever.
- Il m'a demandé de l'aider et j'ai refusé. Des fois, j'ai ce sentiment étrange de l'avoir trahi. Crois-tu qu'il me sollicitera à nouveau ?
- Te donne-t-il régulièrement de ses nouvelles ? Parle-t-il avec toi ? Te raconte-t-il des choses ?
- Haï… Il m'écrit souvent des lettres ou des mails et me téléphone dès qu'il peut.
- Il n'agirait pas ainsi s'il se sentait trahi ou abandonné. S'il a besoin d'aide, tu es le premier vers qui il se tournera, sois sans crainte
- Hontou ?
- Honto ni. Parce que c'est toi, Shui-chan. Je suis sûr qu'il te comprend.
Shuichi plongea dans son regard doré et s'y perdit quelques instants. Puis, son propre regard s'illumina et il sourit.
- Arigato, Yuki.
L'écrivain lui prit le visage entre les mains et l'embrassa tendrement. Hisae, qui montait voir si son frère avait besoin d'aide, se figea sur le seuil de la chambre ouverte.
- Go… Gomen nasaï ! dit-elle en se retournant, le visage entre les mains.
Shuichi ne put s'empêcher de pouffer. Il se leva et marcha jusqu'à sa sœur, qu'il entoura de ses bras et attira dans la chambre.
- Ce n'est rien, Hisae-chan, c'est moi qui m'excuse, j'aurai dû fermer la porte… Que se passe-t-il ?Tu veux rester un peu avec nous ? Le problème c'est qu'on doit y aller, mais…
- Non, non, je voulais juste savoir si tu avais besoin de quelque chose…
- C'est gentil à toi mais ça ira. Comme je te le disais, on va y aller, il me reste des choses à faire et je dois déposer ça chez Yuki.
- Chez nous.
Shuichi se tourna vers Yuki, il n'avait pas compris son intervention.
- Nani ?
- Nous devons déposer ça chez nous, pas chez moi. Ce n'est plus chez moi, Shuichi, c'est notre chez nous.
- Kawaïïïïï ! C'est trop mignon ! s'exclama la jeune adolescente. On se croirait dans un de vos romans ! Onii-chan, tu as tellement de chance ! Je suis trop contente pour toi ! continua-t-elle en se pendant au cou de son frère et en l'embrassant furieusement. Tu vas trop me manquer, en plus !
- Aaaaah ! Tadsukete, Yuki !
- Ca t'apprendra, tiens, c'est exactement ce que tu me fais subir quand tu as tes crises affectives ! Je vais descendre les affaires que tu as préparé, pendant que tu dis au revoir à ta sœur, et saluer ta mère…
- Yukiiiiii ! onegaïïïï ! hurla le chanteur, que sa sœur venait de renverser par terre.
L'écrivain sortit en souriant, chargé des deux cartons du chanteur.
Il retrouva Kaori Shindo qui remontait l'allée depuis le jardin.
- Que se passe-t-il là-haut ? J'ai entendu des cris depuis le jardin…
- Vos deux enfants se disent au revoir…
- Bien, bien… Alors vous partez.
- Shuichi a encore des choses à préparer.
- Et vous aussi, non ?
- Je vais l'aider, oui.
- Et vos propres affaires ?
Yuki fut une fois de plus impressionné par la perspicacité de Kaori Shindo.
- Ne vous en faites pas pour moi, je gère très bien la situation.
- Bien, bien. C'est une belle surprise que vous allez lui faire. Il ne s'y attend vraiment pas.
- Pardonnez-moi, Kaori Shindo-san, mais votre fils est réellement idiot parfois. J'étais sûr qu'il devinerait… mais il ne s'en doute même pas. C'est comme si…
- … comme si il n'osait pas espérer. A quoi vous attendiez-vous, Yuki Eiri-san ? C'est un peu tôt pour qu'il vous imagine et vous espère plus proche et démonstratif. Un tel acte reste du domaine de la fiction, du rêve pour lui. Quand il saura ce que vous vous apprêtez à faire pour lui, il commencera à y croire. Alors ne le décevez pas, Yuki Eiri-san, parce que là, ce sera trop tard.
- Ca ira, je tiendrai ma promesse. Arigato, Kaori Shindo-san. Pour tout. J'ai été ravi de faire votre connaissance et de discuter avec vous.
- Je suis heureuse d'avoir pu entr'apercevoir ce que vous dissimuliez avec tant de désespoir sous votre carapace de neige, Yuki Eiri-san. J'espère qu'elle continuera à fondre. Mais je ne m'inquiète pas, vous avez le meilleur atout pour cela.
Shuichi arriva à ce moment là, comme appelé par l'évocation de sa mère, dévalant l'escalier, son sac sur le dos.
- Okaa-san, haleta-t-il en étreignant sa mère, je t'appellerai durant la tournée. Et je reviendrai à Noël, si tu ne peux pas venir me voir entre-temps. Fais attention à toi, et si tu as besoin de quelque chose, n'hésite pas ! Je ferai mon possible. Tiens, c'est la clé de l'armoire où j'ai enfermé Hisae…
- Shuichi !
- C'était le seul moyen… J'ai déposé quelques petites choses pour vous à l'étage…
- Il ne fallait pas, trésor…
- C'est rien du tout, Okaa-san. On y va, maintenant. Merci pour tout. Aï shiteru.
- Aï shiteru, Shui-chan. Kiotsukete. Et merci à toi. A vous deux.
Yuki s'inclina et partit rapidement, soudain mal à l'aise : lui qui évitait tout contact avec les gens depuis plus de six ans, avait soudain eu envie d'embrasser cette femme qu'il ne connaissait que de nom quelques heures avant.
Tel était donc le pouvoir de la famille Shindo ? se demanda-t-il alors que la voiture quittait la propriété familiale.
- Tout va bien, Yuki, tu es un peu pâle… remarqua Shuichi à ses côtés.
Yuki freina brusquement et se rangea sur le coté de la route. Shuichi n'eut guère le temps de s'interroger ou d'interroger Yuki, car celui-ci se tourna vers lui, le saisit à la nuque et attira son visage contre le sien pour l'embrasser fougueusement mais sans aucune brutalité. Le chanteur se laissa d'abord faire, mais lorsque, remit de sa surprise, il voulut répondre à son baiser, Yuki s'écarta, boucla sa ceinture et redémarra la voiture.
- Maintenant, ça va… dit-il en reprenant la route.
Shuichi sourit et embrassa rapidement Yuki sur la joue.
- Je t'adore, Yuki !
- Moi aussi, Shui-chan, comment pourrait-il en être autrement… soupira-t-il en allumant une cigarette.
Les yeux violets du jeune homme étincelèrent et brillèrent comme des phares dans la nuit. Il posa sa tête contre l'épaule de Yuki, qui, ne voulant pas risquer de tout gâcher en le repoussant, ne dit rien. Il n'aimait pas être gêné dans sa conduite, mais là, il dut reconnaître que la sensation était agréable.
- Tu me le rediras de temps en temps, hein, Yuki ?
- Baka… grogna-t-il.
- Demo, Yuki, on va être séparés longtemps, alors tu ne pourras pas me montrer que tu m'adores, donc des fois, j'aurai besoin de l'entendre, dis, tu comprends, hein ? Je sais pas, me dire que je te manque, par exemple… Même en langage codé, si tu veux, je te comprends maintenant. Par exemple, tu peux me dire « la maison est vide », je sais que ça voudra dire que je te manque… ou « mon lit est froid » « la maison est trop calme » ou « j'arrive pas à manger » …
- C'est bon, ça suffit, j'ai saisi.
- Ou « j'arrive pas à écrire » ou « le temps passe trop doucement » ou…
- Yamero ! cria-t-il en freinant brusquement. Onegaï, arrête…
- Go… Gomen nasaï, Yuki, je suis un peu nerveux… Plus la journée passe et plus la séparation approche...
- Il n'y aura pas de séparation, Shui-chan, révéla-t-il en jetant son mégot.
- Nani ?
- Kuso ! Ca ne devait pas se passer comme ça, mais je tiens plus, et tu deviens insupportable ! Sors de la voiture, hayaku !
- Demo… je suis désolé, je me tais, je te le jure, Yuki… tu ne peux pas nous faire ça… pas maintenant… supplia-t-il, paniqué.
- Sors de la voiture, ima !
Le chanteur s'exécuta, abattu, et s'écarta pour laisser la voiture repartir, n'osant lever les yeux. A sa grande surprise, il entendit la portière claquer, et lorsqu'il leva la tête, il vit que Yuki était aussi descendu. L'écrivain fit le tour pour le rejoindre et ouvrir la portière arrière de la voiture. Il avait les sourcils froncés mais semblait plus contrarié qu'en colère.
- Soulève les sièges de la banquette…
Shuichi fit ce qu'il lui dit et découvrit trois sacs de voyage parfaitement rangés : les bagages de Yuki…
- Yuki…
L'écrivain remit les sièges et referma la portière avant de se tourner vers Shuichi. Il le regardait de ses grands yeux violets, n'osant croire au sens de tout ce qui venait de se passer. Jusqu'à ce que Yuki prononça ces mots inespérés :
- Je pars avec toi, Shui-chan.
- Tu… Yuki, tu… c'est… mais… ton travail… tes romans…
- Je peux écrire d'où je veux, je ne suis pas forcé de rencontrer mon éditeur car on se connaît bien.
- Ce n'est pas une plaisanterie, Yuki, tu viens vraiment avec moi ?
- Franchement, Shuichi, si je te laisse partir, je risque de reprendre mes vieilles habitudes. Je vais me terrer chez nous en refusant tout contact avec l'extérieur, et je vais finir par geler et redevenir un bloc de glace. J'ai pas envie d'hiberner comme un ours en attendant que le printemps revienne…
Emu comme jamais par la déclaration qu'il venait de recevoir, Shuichi fondit en larmes. Mais cela n'avait rien des sanglots du Shuichi en « mode gamin ». Ses larmes coulaient simplement sur un visage grave et serein qui rayonnait de bonheur.
- Je ne suis peut-être pas un as de la littérature, mes paroles de chanson ne sont pas assez recherchées, mais j'ai parfaitement compris ce que tu m'as dit, tu sais : « …en attendant que le printemps revienne »… Je suis ton printemps, alors ? Celui qui chasse l'hiver et fait fondre la neige…
- Haï, Shui-chan, tu as fait fondre la neige autour de mon cœur, brisé la glace entourant ma vie et ma solitude, acquiesça Yuki en caressant sa joue, tendrement.
- Alors je ne t'appellerai plus Yuki, puisque tu as pris ce nom quand ton cœur s'est gelé. Eiri est de toute façon un nom beaucoup plus doux. Eiri… Es-tu d'accord ?
Yuki, impressionné par la maturité dont il faisait de plus en plus souvent preuve, lui fit son plus beau sourire, en se rapprochant pour l'embrasser.
- Haï…
- Aï shiteru, Eiri-chan, murmura encore Shuichi à un souffle de ses lèvres.
- Aï shiteru, Shui-chan… répondit-il avant de sceller ses lèvres d'un tendre baiser.
Les larmes de bonheur du chanteur continuèrent de couler alors que les deux amants s'enlaçaient passionnément, sous le regard des quelques passants à qui cette tignasse blonde et cette tignasse rose rappelaient vaguement quelque chose…
¤
Presque fini... encore l'epilogue !
allusion à la signification de Yuki qui peut vouloir dire neige employé d'une certaine façon.
Lexique :
Aï shiteru : je t'aime
Arigato/domo arigato : merci/merci beaucoup.
Baka : imbécile, idiot
Gomen/gomen nasaï : pardon, excuse-moi.
Hayaku : dépêche-toi !
Hontou/Honto ni : vraiment ? vraiment.
Ima : maintenant
Imooto-chan : petite sœur
Kawaï : mignon
Kiotsukete : fais attention à toi
Kuso : merde ! zut !
Nani : hein ?
Okaa-san : maman
Onegaï : s'il te plaît
Onii-can : grand frère
Tadsukete : à l'aide, au secours !
Yamero : stop ! arrête !
