Notes
Suggestions musicales :
- The Austrian Way — John Williams, Indiana Jones and the last Crusade (Jusqu'à 00:33 puis de 02:05 à la fin).
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Lorsque Claire se réveilla, elle sentit que sa face était appuyée contre des planches et se mit à tousser à cause de la couche de poussière qui les recouvrait. Ouvrant les yeux, elle vit qu'elle se trouvait dans une pièce de dimensions moyennes et de forme rectangulaire, où la lumière du jour était abondamment filtrée par les planches qui obstruaient la seule fenêtre qu'elle vit dans la pénombre. A un mètre ou deux d'elle, elle vit Owen allongé sur le flanc et ronflant doucement. Rassurée qu'il soit en vie et avec elle, la directrice déchue se palpa et laissa échapper un soupir de soulagement en constatant qu'elle avait encore ses vêtements ainsi que sa prothèse. Peu après, elle se remit à tousser, ce qui réveilla son concubin. Elle vint se pencher au-dessus de lui.
— Chérie, dis-moi qu'on est à la maison ou chez ma mère et que ce raid était un cauchemar…, geignit-il.
— Je souhaiterais pouvoir te le dire…
S'accoudant, il remarqua qu'elle avait un gros bleu au visage, à l'endroit même où le soldat d'InGen l'avait frappée avec la crosse de son arme. Il le toucha délicatement.
— Si je chope celui qui t'a fait ça… Je lui couperais les couilles et les donnerai à manger aux coyotes…, grogna-il. J'ose espérer qu'ils n'ont pas…
— Ils ne l'ont pas fait. J'ai vérifié, le rassura-elle.
Tout en poussant un soupir, il se remit péniblement sur son séant, sentant encore les effets du tranquillisant dans son corps.
— Ils ont Sigurd et Cait…, ajouta Claire d'une voix faible.
— Où sont-ils ?
— Je l'ignore. D'ailleurs où sommes-nous ?
Owen se mit à renifler.
— Je sens du résineux, répondit-il après avoir étudié l'odeur. Et on a l'air d'être dans une vieille cabane, quelque part en forêt…
— Mais où ? Combien de cabanes possède InGen ?
Leurs yeux s'étant habitués à la faible luminosité ambiante, ils constatèrent qu'il n'y avait non seulement aucun meuble dans la cabane, mais aussi pas le moindre objet. En dehors d'eux, il n'y avait que de la poussière et des toiles d'araignées.
C'est alors qu'un long cri cuivré plutôt familier retentit dehors.
— Je rêve où c'était un hadrosaure ? Demanda Claire.
— Non, tu n'as pas rêvé.
— Des dinosaures… Des résineux… Ne me dis pas qu'on est au domaine Lockwood…
— Je ne vois pas d'autre endroit aux Etats-Unis où InGen garderait actuellement des hadrosaures.
— Pourquoi on nous a emmenés ici et pas à Palo Alto ou je ne sais où ?
Owen se leva et se dirigea vers la porte de la cabane, qu'il tenta d'ouvrir, en vain. Ayant entendu du bruit derrière, il sut qu'il y avait quelqu'un à proximité. Il se mit à tambouriner dessus.
— Ouvrez-nous ! Tonna-il. Ouvrez-nous ou on vous défonce !
— Ta gueule ! Lui répondit-on.
N'arrivant pas à enfoncer la porte, Owen grogna de frustration et retourna s'asseoir près de Claire.
Plus de deux longues heures plus tard, ils entendirent un tintement de clés et la porte s'ouvrit, laissant deux soldats d'InGen entrer. Le couple songea à se précipiter vers la porte dans une tentative désespérée de s'échapper mais lorsqu'ils virent les aiguillons électriques dans les mains des soldats et les pistolets à leur ceinture, ils se ravisèrent.
— Pas bouger ! Leur dit un des soldats. Où vous le regretterez…
Lui et son collègue vinrent se positionner devant eux, avec leurs aiguillons orientés dans leur direction.
— Vous pouvez entrer ! Cria un des soldats par-dessus son épaule.
Deux autres individus entrèrent dans la cabane et refermèrent derrière eux. Le couple vit bien assez tôt que ce n'était pas des soldats mais de simples agents de sécurité, comme ceux du Site D. L'un d'eux était d'ailleurs nul autre que Valentine Taylor.
— Ah, Valentine ! Enfin un visage un minimum sympathique ! S'exclama Claire avec une pointe de soulagement. Vous pouvez aller dire à tout le monde qu'on nous retient ici contre notre gré ?
— Vous croyez au Père Noël ? Demanda le Texan avec mépris alors que lui et son collègue s'approchaient.
Dépassant prudemment les deux soldats, ils posèrent deux sacs plastiques à distance respectable du couple.
— C'est le rab de la cantine, dit un des soldats à ce dernier. Vous avez de la chance…
Claire et Owen attrapèrent les sacs et les glissèrent vers eux.
— Savez-vous au moins pourquoi on est ici ? Demanda le soigneur à Valentine.
Mais un des soldats se tourna vers les deux agents.
— Hé, vous n'êtes pas là pour faire causette avec eux, leur rappela-il assez sèchement. Vous pouvez partir.
— Laisse, intervint l'autre en regardant le couple. Qu'ils sachent que leur situation est sans espoir…
Avec un signe de tête, il autorisa Valentine à répondre.
— La nuit dernière, vous avez été surpris en train de rôder aux abords du domaine, d'espionner pour le compte des ennemis d'InGen…
— Mais quel ramassis de conneries ! S'exclama Claire.
— C'est ce qu'on nous a dit.
— On ? Répéta la directrice déchue. Torres, je suppose… Comment pouvez-vous encore croire à ses mensonges ?
— C'est drôle car Benito m'a posé la même question la veille de l'incident à Burgo Nuevo. Et il s'est avéré par la suite qu'il nous a trahit. Dire que j'aurais pu mourir à cause des renseignements qu'il a fournis…
— Et vous et tous ceux à bord du train avaient été sauvés par notre action, leur apprit Claire.
— On n'était pas là hier soir, mais chez nous, dans la Sierra Nevada, ajouta Owen. Torres nous a fait kidnappés par Hawkes et sa clique. Ils détiennent notre fils et sa grand-mère.
Une expression troublée apparut sur le visage de Valentine et ils le remarquèrent.
— Valentine, nous ne sommes pas des espions, insista Claire.
L'agent détourna le regard.
— Alors pourquoi vous ai-je surpris en train de fouiner çà et là au Site D ? Pourquoi… pourquoi avez-vous poussé Jocelyn dans les mâchoires de Toro ? Elle avait découvert votre petit secret, n'est-ce pas ? Demanda-il d'un ton de plus en plus inquisiteur.
— Je n'ai pas fait ça ! J'ai pu fuir mais Jocelyn a réagi trop tard, c'est tout.
— C'est tout ? Répéta Valentine en secouant la tête. Comment pouvez-vous être aussi insensible, Claire ? La vie humaine n'as-elle aucune valeur à vos yeux ? Ceux qui vous conspuent ont raison… Vous êtes la Reine des Cendres mais vous n'êtes même pas un personnage tragique comme Daenerys. Non, vous êtes aussi mégalomane et sournoise que Cersei.
La porte s'ouvrit à nouveau, laissant cette-fois ci entrer Torres et un trentenaire athlétique aux cheveux ras en uniforme de soldat. Ce dernier était Hawkes, celui ayant mené l'escouade les ayant enlevés, mais ne l'ayant jamais rencontré auparavant, le couple ne le reconnut pas.
— Messieurs. Sortez et éloignez-vous de la cabane cinq minutes, ordonna le directeur d'InGen Security à Valentine et son collègue. Je dois avoir un entretien privé avec eux.
— A vos ordres.
— Où est mon fils ? Où est sa grand-mère ? Demanda soudain Claire d'un ton insistant.
Alors que son collègue était déjà sorti, Valentine s'arrêta pour la regarder mais Torres lui fit signe de sortir.
— Allez, Monsieur Taylor. Ne l'écoutez pas, lui dit-il d'un ton agacé.
Le garde acquiesça et Hawkes ferma la porte derrière lui. Regardant entre les planches à une des fenêtres, Torres le regarda s'éloigner.
— Répondez-moi ! Aboya la directrice déchue dans son dos alors qu'Hawkes et les deux autres soldats la toisaient avec mépris.
Le directeur d'InGen Security se retourna.
— En sécurité, répondit-il d'une voix calme. Ils sont au motel en ville. Une de mes employées est avec eux. Vous les retrouverez une fois tout cela terminé. Pas avant. Voyez-ça comme une caution.
— Salaud !
— Donc quoi ? Après avoir tenté de nous faire assassiner au Costa Rica, vous comptez nous laisser repartir demain comme si de rien n'était ? Qu'est-ce qui nous empêchera de vous dénoncer ? Le gouvernement costaricain est au courant de vos liens avec la pègre locale, Torres, dit Owen.
— Excepté que nous ne sommes plus au Costa Rica, et je n'entends pas y retourner…, rétorqua le directeur d'InGen Security. Peut-être que vous vous êtes faits des amis au sein de son gouvernement mais ils ne peuvent vous aider. Vous pourrez aller crier aux autorités et à la presse que nous sommes des monstres et compagnie, personne ne va vous croire si vous n'avez pas de preuves concrètes. Les gens vont se moquer de vous.
Il sortit son téléphone et, sous le regard vigilant d'Hawkes et des deux autres soldats, il se rapprocha du couple comme si de rien n'était. S'ils osaient lever la main sur lui, ses subordonnés seraient prêts à répliquer.
— Voyez comme ils vous voient Claire…, ajouta-il.
Il leur montra alors l'écran de son téléphone, sur lequel était affiché une caricature publiée à l'origine dans la presse. Claire s'y tenait derrière un colosse monstrueux revêtu d'une armure de garde gris et armé d'un sabre ensanglanté, et avec un regard fou et haineux, elle lui pointait du doigt Victor Hoskins, qui se tenait entre la directrice déchue et un fauteuil sur lequel était écrit « directeur du parc ». Alors que le couple pensait que le dessinateur avait fait fausse route dans son interprétation de la Chute, Torres fit glisser son doigt sur l'écran pour leur montrer d'autres images. Sur une, Claire était montrée assise sur un trône et vêtue des mêmes habits que l'empereur Commode du film Gladiator ; sur une autre, ses yeux étaient rouges et elle avait les cornes de l'Indominus sur sa tête, la faisant ressembler à un diable. Enfin, il leur montra une illustration qu'il avait trouvée sur internet. Elle représentait Claire entourée de flammes dans une salle caverneuse ressemblant à un temple antique : la rotonde du Centre de la Découverte. Au-dessus de Claire, se trouvait la tête de l'Indominus mais au lieu d'être penchée vers la directrice comme pour s'apprêter à la dévorer, le monstre regardait droit devant, tout comme Claire dessous, et les yeux du dinosaure semblaient nimbés de flammes. Le couple remarqua que les bras et le poitrail de l'Indominus n'étaient pas visibles et que le bas de son cou était presque transparent, fantomatique. C'était comme si la créature était une émanation de Claire, voir qu'elles n'étaient qu'un seul être. Regardant plus attentivement, ils virent qu'elle portait une longue robe noire, une couronne sur sa tête et un anneau d'argent à son index gauche. Quant à son regard, il était à la fois vide et terrible, comme celui d'une possédée dans un film d'horreur.
Un look de reine maléfique, observa la concernée.
Torres éteignit son téléphone, le rangea et recula d'un pas ou deux.
— Beaucoup pensent que votre place est dans une prison ou un asile. Je suis certain que vous y finirez un jour, et le plus tôt sera le mieux. Sans le soutien de la fondation Lockwood, les probabilités sont fortes.
— Sans le soutien…, commença à répéter Claire d'un ton incertain.
— Oui, vous m'avez bien entendue, la coupa-il. Etant donné que vous avez échoué à remplir vos missions et que vous êtes officiellement suspectés d'avoir tenté de saboter l'opération Royaume Déchu, votre accord avec la fondation ne tient plus.
— Quels mensonges leur avez-vous racontés ?! Lorsque nous sortirons d'ici, nous dirons tout à Lockwood !
— N'avez-vous pas entendu la nouvelle ? Leur demanda-il d'un ton narquois. Monsieur Lockwood a été empoisonné. Il est à l'hôpital. Nous craignons qu'il n'en ait plus pour très longtemps. Si vous avez un problème avec la fondation, vous aurez affaire à Mills et à personne d'autre. Vous savez, il est déçu par vous, Claire. Très déçu.
Eli serait déçu par moi ? Ce n'est pas ce que nos derniers échanges par email indiquaient… Il avait l'air de nous croire, se rappela Claire. Quelqu'un ment dans l'histoire…
— Si vous êtes certain que la captivité m'attend, dit-elle, pourquoi avez-vous perdu du temps et de l'argent dans l'organisation d'un assassinat ?
— Je ne suis pas celui derrière l'idée et l'argent n'était ni le mien ni celui de ma division, répondit le directeur d'InGen Security avec un haussement d'épaules. D'autres ont jugé que vous laissez en vie était trop risqué.
— D'autres ? Qui ça ? Wu ? Lynton ? Silverman ? Qui est le pleutre qui se sert de vous comme intermédiaire ? Qu'il ait au moins la décence de se montrer !
— Je ne me suis pas opposé à leur avis car votre cas aurait été réglé une bonne fois pour toute. Un nouveau chapitre dans l'histoire d'InGen commencera ce soir. Vous serez de l'histoire ancienne, tout comme le programme IBRIS.
Il se tourna vers Owen.
— Faire de vos achillobators des drones biologiques était le délire d'Hoskins. Je ne le partage pas et je n'en ai rien à faire de Blue. Pour moi, elle est un dinosaure comme les autres et elle sera bientôt envoyée dans je ne sais quel zoo. De plus, nous avons des sujets bien plus prometteurs qu'elle, ajouta-il.
— L'Indoraptor…, devina le soigneur.
— C'est ça…
Torres regarda ensuite sa montre.
— Je dois vous laisser, dit-il. Les premiers invités arrivent bientôt. Je reviendrais vous voir demain pour vous apporter de bonnes nouvelles…
Lui et Hawkes sortirent de la cabane et avec son aiguillon, un des deux soldats restants leur pointèrent les sacs plastiques que le couple n'avait pas encore déballé.
— Dépêchez-vous de bouffer, grogna l'un d'eux. On n'a pas que ça à faire…
Dehors, Hawkes rappela le collègue de Valentine et celui-ci vint monter la garde devint la cabane. Alors qu'il regardait le chef d'escouade disparaître derrière un tournant du sentier, il entendit les buissons sur sa droite bruisser. Il se releva, prêt à dégainer son taser et à appeler les deux soldats dans la cabane si besoin, mais se détendit aussitôt en voyant ce qui avançait entre les buissons.
— C'est moi, lui dit Valentine.
— Tu étais où ?
— J'étais partit pisser.
Le garde hocha de la tête.
— Ok.
Valentine le rejoignit et s'alluma une cigarette. Tout en fumant, il repensa à ce qu'il venait d'apprendre. Caché derrière la cabane, entre celle-ci et les arbres, il avait été aux écoutes à une des fenêtres. Il avait entendu toute la conversation que son patron avait eue avec le couple. Il souffla longuement.
