Notes
Suggestions musicales :
L'arrivée des invités de Mills et d'Eversol :
- Patron's Arrive et The Gala, John Debney, Relic.
Les agents français :
- The Medallion — John Williams, Raiders of the Lost Ark (De 00:52 à 02:05).
La vente de Mills :
- Shock and Auction — Michael Giacchino, Jurassic World: Fallen Kingdom (Jusqu'à 02:05).
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Alors que le commissaire-priseur annonçait le lot suivant, Guillaume nota sur son calepin l'acheteur ayant remporté le précédent, agrandissant une liste qu'il comptait envoyer à ses subordonnés au CSMD dès qu'il serait de retour à San Francisco.
Il y avait quelques chuchotements çà et là mais dans l'ensemble, l'assemblée était assez silencieuse et la voix du commissaire-priseur bien audible tandis que certains de ses assistants se tenaient sur les côtés ou derrière les acheteurs, aux aguets et prêt à pointer ceux se manifestant.
Contrairement à ce qu'ils avaient prévu, InGen eut bien plus de mal que prévu à vendre les plus gros dinosaures, pourtant autrefois assez populaires auprès des visiteurs de Jurassic World et donc des attractions de choix pour n'importe quel zoo de la planète, du moins en théorie. Ayant écouté attentivement tout le long, Guillaume avait entendu divers murmures inquiets. Certains acheteurs craignaient que les grands prédateurs et les plus gros herbivores représentent un risque trop important pour la sécurité de leur établissement, d'autres craignaient que certaines espèces soient prise pour cible par des criminels qui chercheraient à les braconner, d'autres considéraient les prix de départ comme trop élevés… Après une brève concertation avec la direction d'InGen, le commissaire-priseur avait même été contraint de baisser ces derniers et les organisateurs de l'évènement avaient été ensuite rassurés de voir des mains enfin se lever parmi les acheteurs.
Environ une heure après le début de la vente, Mills reçut un message sur son téléphone, le consulta et soupira doucement de soulagement. Un des gardes venait de lui annoncer le retour de Maisie et d'Iris au domaine. Ça avait été une petite source d'inquiétude et il était satisfait de ne pas avoir eu à demander à l'homme qu'il avait envoyé les surveiller de les encourager à rentrer. Voyant l'heure dans la partie supérieure de l'écran, il sut qu'il devait quitter le chapiteau pour s'occuper d'une affaire importante et il se tourna vers Susan, assise à côté de lui. Ils eurent un regard entendu et il se leva, prenant la direction de la sortie. Lorsqu'il arriva en vue de l'entrée du manoir, il vit Iris et Maisie monter les marches et franchir le seuil.
En attendant le dîner, Maisie se retira dans sa chambre et pendant de longues minutes, elle resta assise sur son lit, avec toutes ses pensées tournées vers son grand-père. Elle était inquiète, très inquiète. Elle craignait qu'il ne se réveille jamais. S'il mourrait, qu'allait-elle devenir ? Après sa mésaventure de la veille, elle n'avait pas envie de rester au manoir, pourtant la seule demeure qu'elle n'ait jamais connue. Eli lui faisait peur à présent alors qu'elle l'avait toujours vue comme un père de substitution… Elle voulait descendre voir Iris et la supplier de l'emmener loin, de profiter de la soirée pour disparaître. Mais si jamais elle décidait de faire ça, elle savait qu'elle devait faire quelque chose de très important avant : Elle devait en savoir plus sur sa mère.
Malgré sa bienveillance à son égard, son grand-père s'était toujours montré avare en informations la concernant. Bien que la tristesse jouait un grand rôle derrière cette retenue, Maisie avait l'impression qu'on lui cachait délibérément des choses, comme si la vérité menaçait de la blesser ou qu'elle était trop jeune pour la comprendre. Qu'importe, elle devait savoir. Les réponses se trouvant dans la chambre de son grand-père, Maisie envisagea de s'y rendre pendant la soirée et si on l'en empêcherait, elle trouverait le moyen d'y accéder.
La porte de son balcon étant ouverte, elle entendit soudain un piétinement de graviers, venant du pied du manoir. Puis elle discerna la voix d'Eli.
Prise d'une curiosité mêlée à une grande méfiance, elle se leva, s'avançant sur son balcon et doucement, elle s'approcha du garde-corps pour regarder en contrebas le plus discrètement possible. Juste devant l'escalier d'entrée, elle vit Eli en compagnie de cet Eversol. Ils regardaient vers le pont et au-delà, où une file de véhicules noirs était en train de dépasser la pelouse devenue parking.
Les voitures noires s'arrêtent devant l'escalier d'entrée, laissant des hommes et des femmes bien habillés descendre et être accueillis par Mills et Eversol tandis que des vigiles veillaient à ce que personne de la vente officielle ne vienne les déranger, bien que des écriteaux indiquaient que le manoir était une zone à accès restreint pendant toute la durée de l'événement. Alors que leurs invités empruntaient l'escalier les uns après les autres, Eversol pointa un groupe arrivant à son complice, lui présentant ses membres.
— Cet homme est Ricky Rathrow, un représentant de Darius Pharmaceuticals.
— Fantastique.
— Et le barbu est un mandataire de Gregor Aldrich, un marchand d'armes slovène.
Ils parlèrent ensuite d'un autre individu, un certain Magnus.
— Quel est son intérêt ? Demanda Mills.
— Strictement personnel. Son fils veut un bébé herbivore, quelque chose comme un tricératops de préférence.
Ils accueillirent ensuite un trentenaire brun de cheveux et à la barbe taillée court, un homme du nom d'Anton Orlov. Il était accompagné de sa petite-amie, une femme blonde en talons hauts et un peu trop maquillée pour l'occasion au goût de Mills.
Eversol échangea quelques mots en russe avec l'homme et ce dernier emprunta ensuite l'escalier avec sa compagne.
— Il ne veut que des carnivores. Deux, précisa-il à Mills. Je sens qu'on va passer une bonne soirée.
Eversol salua alors leur invitée suivante, une jeune femme de haute stature en tailleur et pantalon.
— Madame de Mafart, dit le commissaire-priseur dans un français dépourvu d'accent.
— Bonsoir, leur dit-elle en redressant ses lunettes.
L'agente de la DGSE échangea une poignée de main avec les deux hommes puis monta l'escalier, suivant les autres invités. Eversol se tourna vers Mills.
— Sophie de Mafart, gouvernement français.
— Le gouvernement français ? Répéta le gérant de la fondation Lockwood non sans inquiétude. Vous ne m'avez pas dit que vous alliez faire venir des représentants de gouvernements.
— Je sais ce que je fais, ce n'est pas la première fois que je fais affaire avec des agents de services secrets. Ce genre de soirées est une aubaine pour eux. Ils peuvent acquérir des informations et des actifs très importants sans déclencher une levée de boucliers ou un scandale. Et leur ministre de l'intérieur traînait avec des mafieux quand il était plus jeune… Ni elle, ni ses supérieurs vont nous dénoncer, rassurez-vous. Depuis la chute d'Isla Nublar, la France nourrit un fort intérêt pour les dernières avancées d'InGen. Si les choses se passent bien, vous permettrez même à Madame Lynton et Monsieur Torres d'obtenir un contrat bien juteux…
— Vous lui avez parlé de…
— Non, elle savait déjà à son sujet lorsqu'elle est venue me voir. Elle est prête à mettre le prix fort.
— Espérons alors qu'elle n'ait pas de concurrence…
— Le professeur Wu est-il au courant de notre soirée ?
— Non, et il n'as pas besoin de l'être…
A l'intérieur du manoir, De Mafart avait commencé la traversée du musée et tout en se dirigeant vers l'ascenseur au fond, elle sortit son téléphone et composa le message suivant :
Je suis dans le manoir.
Elle l'envoya et alors qu'elle descendait au sous-sol avec d'autres invités, elle reçut une réponse :
Bien. On a le visuel et l'audio. N'oublies pas, c'est comme le poker. N'hésite pas à bluffer mais quand ce sera le tour du gros lot, là tu mettras le paquet. Si tu réussis, le boss saura te récompenser.
Les portes de l'ascenseur s'ouvrirent et ses passagers en sortirent, s'avançant dans la salle de conférence du deuxième sous-sol. Partant d'une grande double-porte à l'extrémité opposée, un convoyeur s'étirait au centre de la salle et de part et d'autre de celui-ci, on avait alignés des rangées de chaises. Au fond, dans le coin à gauche du convoyeur, il y avait une estrade sur laquelle on avait dressé une petite table accompagnée d'une chaise et un pupitre. Dans chacun des coins du fond de la salle, un grand écran était fixé au mur.
Dès qu'elle prit place sur une chaise près du convoyeur, duquel elle était séparée par une allée, De Mafart écrivit :
Je réussirais !
Elle envoya ce nouveau message à son contact, dont le nom était affiché plus haut sur l'écran : Nicolas.
Nicolas Prieur n'était pas loin, juste aux limites du domaine, dans un van garé sur le bord d'une route. Venant de consulter son téléphone, il se tourna vers leur collègue, Hubert Hunebelle. Tout comme Prieur, ce dernier était grand et attirant mais il était plus large d'épaules, ses cheveux noirs étaient plus courts et son visage impeccablement rasé avait une mâchoire carrée. Assis sur une chaise de bureau, il regardait l'écran en face de lui, où une partie de la salle de conférence était visible. Ils pouvaient voir une partie des chaises et des invités s'installant ou déjà assis ainsi que le convoyeur et un des écrans. Soudain l'angle de la caméra prenant ces images changea, adoptant une contre-plongée, filmant les jambes d'un pantalon de femme et un portable, celui de De Mafart. Ils virent le portable être rangé et l'angle se modifia à nouveau, pour remontrer le fond de la salle de conférence. Au travers d'une micro-caméra cachée dans la monture des lunettes de leur collègue, Prieur et Hunebelle allaient pouvoir assister en direct à la petite soirée d'Elijah Mills. Ils virent d'ailleurs ce dernier aller s'installer derrière la table sur l'estrade tandis qu'Eversol rejoignait le pupitre. Prieur consulta l'heure : Il était dix-sept heures trente. Ils étaient dans les temps.
L'agent de la DGSE regarda son collègue et lui demanda :
— Ça enregistre ?
— Ouaip.
Hunebelle lui tendit alors un paquet de bonbons Haribo.
— Installe-toi, dit-il. Ça dure deux bonnes heures je crois. Il y a aussi des chips si tu veux.
Prieur s'installa sur une deuxième chaise, prit un des ours Haribo et le mangea tout en regardant Eversol s'éclaircir la voix.
— Mesdames. Messieurs. Bienvenue à cette soirée extraordinaire, déclara le commissaire-priseur en regardant l'assemblée. Commençons dès à présent avec le lot numéro un.
Un vigile mit en marche le convoyeur et la grande double-porte à droite de l'estrade s'ouvrit, laissant passer un socle sur lequel était posée une cage contenant les bébés pectinodons que Maisie avait vu la veille. Au même moment, les deux écrans dans les coins s'allumèrent et affichèrent tout un tas d'informations sur cette espèce, y compris des photos d'individus adultes et le nom scientifique : Pectinodon bakkeri sorkini.
— Des bébés pectinodons. Un petit carnivore nocturne. Ne vous laissez pas attendrir. A l'âge adulte, ce sont des animaux extrêmement dangereux. Non seulement ils chassent en meute mais ils sont également venimeux. Ils sont pires que les célèbres dilophosaures et on dit que bien des prédateurs les craignent.
Tout en regardant l'assemblée, en clignant fréquemment des yeux à cause de la luminosité trop forte de certains des projecteurs, les dinosaures émirent des pépiements inquiets. Lorsque la cage arriva au bout du convoyeur, celui-ci fut arrêté et Eversol annonça le prix initial du lot. Un certain nombre de mains se levèrent, puis il augmenta le prix et le nombre de mains se réduisit. Quand il n'en resta plus qu'une, il dit :
— … une fois, deux fois…
Personne d'autre ne décidant de lever la main, le commissaire-priseur frappa le pupitre avec son marteau.
— Vendu !
Le vigile aux commandes du convoyeur le remit en marche mais cette fois-ci dans le sens inverse, ramenant les pectinodons vers la grande porte. Dès que leur cage la franchit et revint dans le couloir adjacent, d'autres hommes à la solde de Mills l'enlevèrent du convoyeur et posèrent le lot suivant sur le socle. Pendant ce temps, le gérant de la fondation Lockwood regardait l'écran de son ordinateur, où le profit de la vente des pectinodons venait d'apparaître. Il sourit.
Alors que la pause dîner approchait et que Lord Clayton et Xun Sung débattaient au sujet du Yi qi, chacun prétextant qu'il aurait été mieux dans son parc que celui de l'autre, Guillaume se leva, prétextant une envie d'aller aux toilettes. Il sortit du chapiteau et afin de brouiller les soupçons de Lynton ou tout autre membre de la direction d'InGen l'ayant vu subitement sortir, il passa aux toilettes, y resta quelques minutes et tira la chasse avant de ressortir. S'éloignant ensuite des chapiteaux, il retraversa le pont en face de l'entrée du manoir et regagna la pelouse où il avait laissé son véhicule. En chemin, il ne vit pas les voitures noires ayant déposé les invités de Mills et d'Eversol mais du haut de son balcon, Maisie les avaient vues faire demi-tour, retraverser le pont et tourner à droite, comme pour aller au vieil atelier. Cependant, malgré ses sérieux doutes à l'égard du gérant de la fondation Lockwood, Guillaume ignorait encore qu'il avait organisé sa propre petite soirée dans le sous-sol du manoir. Cela allait bientôt changer mais la cabane était son objectif premier.
Dans son véhicule, Guillaume alla prendre son sac à dos puis, s'assurant d'abord que personne ne le regardait, il traversa en vitesse l'allée et disparut derrière les fourrés les plus proches. Après s'être suffisamment enfoncé dans le bois du domaine, il s'arrêta et déballa le contenu de son sac à dos. Il y avait une paire de rangers, un T-shirt, un pull et un pantalon cargo noirs, une pochette contenant du matériel d'enregistrement, une autre contenant une carte annotée du domaine, non pas une mais trois cagoules, une trousse de soins et du mercurochrome, une autre trousse contenant des tournevis, ainsi qu'un pistolet et son étui. Le directeur du CSMD se changea, enlevant ses habits de soirée pour mettre ceux qu'il venait de sortir avant d'enfiler ses rangers. Il fixa l'étui et son pistolet à sa ceinture, mit une des cagoules sur sa tête, et rangea le reste de ses affaires dans son sac. Redevenu l'agent d'Interpol qu'il était jadis, Guillaume Vuillier prit la direction de la crête. En chemin, il passa en vue du quai de déchargement du vieil atelier et de la grande surface gravillonnée qui s'étirait entre ce dernier et le bois. Guillaume fut surpris d'y voir un certain nombre de véhicules, principalement de grosses voitures noires, garés sur cette surface. Aux entrées de cette aire ainsi que sur le quai, il vit plusieurs gardes armés et sut que quelque chose se tramait sous le manoir. Mais d'abord, il devait libérer Claire Dearing et son concubin.
