Chapitre cinq: Retenues

Le Passé

Severus regarda droit devant lui, sans faire attention à quoi que ce soit, ni à qui que ce soit. Il avait besoin d'un plan. Le professeur Tyler avait repoussé toutes ses tentatives visant à mieux le connaître et avait compris le sens des questions incessantes qu'il posait dans son bureau quand Severus avait par erreur posée une question qu'il avait déjà posée pendant le cours le jour même. Après cela, Tyler n'avait plus été aussi patient avec lui.

Alors Severus réfléchit à d'autres moyens de pouvoir passer du temps avec son professeur. Tyler n'avait jamais besoin d'aide, évitait de dîner dans la Grande Salle assez fréquemment et était succinct lorsque Severus lui posait une question dans son bureau ou tombait sur lui dans le couloir.

Son dernier plan n'était pas l'un de ses meilleurs, il devait l'admettre, mais il fonctionnerait. Severus essayait d'obtenir une retenue depuis deux semaines. La seule qu'il parvint à avoir fut avec Black et Lupin. Il avait eu de la chance que Black se décide à passer des messages. Et ce n'était pas n'importe quels messages, c'était de ceux qui volaient à travers toute de la salle. Le professeur Tyler n'avait pas été amusé.

Black était un idiot. Il aurait dû savoir que Tyler ne tolérerait jamais une mauvaise conduite dans sa classe, mais c'était comme s'il ne 'voulait' pas lui donner de retenue.

C'était sa dernière chance avant les vacances de Noël. Il n'y avait pas un professeur dans l'école qui donnerait de retenue pendant les vacances. Pas même Tyler. Ca n'avait pas d'importance. Il n'était pas autorisé à rester à Poudlard pour Noël de toute façon.

« M. Snape, je vous ai posé une question. » La voix coupante pénétra la petite bulle de distraction de Severus. « Avez-vous une réponse ? »

Severus regarda son livre puis le tableau.

« Apparemment non. Il semblerait que ce qui se passe dehors soit plus intéressant que ce cours. Dommage que les examens de fin de trimestre ne portent pas sur les jardins.

« Désolé monsieur. »

Tyler acquiesça. « Cinq points en moins, Monsieur Snape. Faites attention. »

« Oui, monsieur. »

Mais Severus ne fit pas attention. Il ne lui fallut qu'un instant pour retomber dans ses réflexions. De plus, s'il parvenait à obtenir une retenue parce qu'il ne n'était pas attentif, qu'il en soit ainsi. Soupirant, il regarda dehors, vers le Grand Lac. Etre une pieuvre géante devait être facile. Très facile. S'il en était une, il n'essaierait pas d'attirer l'attention d'un professeur.

Severus sursauta presque lorsqu'un livre claqua sur son bureau. « Monsieur Snape! Dix points en moins pour Serpentard. » Tyler laissa le livre de Severus sur le bureau et croisa les bras sur sa poitrine. « Est-ce que vous faites attention maintenant ? »

« Oui, professeur Tyler. » Peut-être que le mettre en colère pour avoir une retenue n'était pas une si bonne idée que ça après tout.

« Bien. Je ne vous le dirai qu'une seule fois. Si je dois vous réprimander une fois de plus pendant ce cours, vous aurez une retenue ce soir. Est-ce que je suis clair ? »

« Oui monsieur. » Severus déglutit difficilement. Excitation et anxiété se mélangeaient au creux de son estomac. C'était cela. Un petit pas hors de la ligne l'enverrait en retenue même si normalement ça n'avait pour conséquence que des points enlevés. Si c'est ce qu'il voulait, il devait le faire.

Severus regarda le professeur Tyler se diriger vers la rangée du milieu. La manière dont il parlait, la manière dont il bougeait, la passion avec laquelle il enseignait- comme si le cours était vraiment une question de vie ou de mort- tout cela pousser Severus à vouloir repousser les limites de leur relation. Tyler n'était pas d'une beauté classique avec ses cicatrices, ses cheveux désordonnés et sa taille peu imposante, mais il y avait quelque chose et Severus voulait savoir quoi.

Une perturbation de plus. Severus se mit à déchirer en petits morceaux les coins de son parchemin puis les froissa. Il les aligna en une rangée ordonnée et les lança sur Black. L'un frappa sa joue, puis sa main, un autre atterrit sur son oreille. Chaque fois qu'il était frappé, Black se retournait pour le regarder avec des yeux noirs, mais ça n'arrêta pas Severus. L'un atterrit même sur sa bouche et Black se mit à tousser.

Tyler se retourna et les regarda mais ne dit rien avant de reprendre son cours. Il n'avait malheureusement pas vu ce qui s'était passé.

Il n'avait pas vu Black pousser la pile de livres du bureau de Severus et de cela, il en fut reconnaissant. Il ne voulait certainement pas partager une retenue avec Black.

« Que comptes-tu faire, espèce de Gryffondor inutile et idiot ? »

Severus entendit le professeur Tyler retenir son souffle de l'autre côté de la salle. Il se prépara à encourir la réaction du professeur très en colère. Il ne fut pas déçu.

« M. Snape. Je ne sais pas combien de fois j'ai dit que je ne tolérerais sous aucun prétexte, les préjudices entre les maisons dans ma classe, mais je vous ai dit que si vous dépassiez la ligne une fois de plus pendant ce cours, vous écoperiez d'une retenue -»

« Mais -»

« Non. Taisez-vous. Je vous verrai à vingt heures tapantes. Une désobéissance de plus et je devrais en référer à votre Directeur de Maison. »

« Oui monsieur. »

Hpsshpss

Severus serra les poings et se dirigea vers le couloir de Défense Contre les Forces du Mal pour empêcher ses mains de trembler. Il sentait les muscles de son cou se nouer de tension et ce n'était pas la première fois qu'il se demandait si c'était vraiment une bonne idée.

Que Lucius l'ait taquiné toute l'après-midi n'avait pas aidé. Stupide abruti. Et il avait volé son pudding au cours du dîner. En tant que préfet, il avait décidé que les 'vilains enfants' ne devaient pas avoir de bonbons.

Non pas qu'il pensait pouvoir le manger, mais quand même.

Levant la main, il frappa une fois à la porte et entendit Tyler lui dire d'entrer.

La salle ne ressemblait pas à ce qu'elle était cet après-midi. Tous les bureaux étaient entassés au milieu de la salle et les murs du sol au plafond étaient devenus des tableaux noirs. Severus sentait déjà survenir des crampes aux mains.

« Professeur, je suis désolé -»

« Qu'une minute ou deux de retard ne vous inquiète en rien, Monsieur Snape. » Tyler était assis sur son bureau dans un coin, notant des copies sans le regarder. « Comme vous pouvez le voir, la salle a été métamorphosée pour votre retenue. Bien posez votre baguette sur mon bureau, vous pouvez commencer. La phrase pour vos lignes est écrite en haut à gauche sur le mur du fond. »

« Ma baguette ? »

« Oui, pour être sûr que vous ne prendrez pas le chemin le plus rapide. Allons. Je doute que vous désiriez écrire des lignes toute la nuit. N'écrivez pas trop gros et faites en sorte que ce soit lisible. »

Severus acquiesça, posa sa baguette sur le bureau et prit une craie en même temps. Il y en avait plusieurs, toutes d'une dégoûtante nuance de rose, sauf une. Severus détestait le rose. Il prit la blanche. Elle était extrêmement petite.

Severus avait le sentiment qu'elle n'était pas non plus ensorcelée pour durer éternellement. Avec un regard rempli de désir vers sa baguette, il se déplaça au centre de la salle où une petite échelle l'attendait ainsi que les mots 'Je n'insulterai pas Sirius Black pendant les cours', inscrit d'une écriture concise au-dessus du mur.

« Professeur ? »

« C'était votre dernière infraction de la journée, M. Snape. En plus, vous connaissez mes sentiments sur les préjugés entre les maisons. Je pensais que c'était approprié. »

Il était perturbé par le fait que Tyler qui n'avait même pas levé les yeux vers lui sache ce qu'il allait demander. Un soupir lui échappa alors qu'il posait la craie sur le tableau et se mit à écrire- et s'arrêta rapidement. La craie faisait un horrible son.

Il essaya à nouveau. Un horrible crissement haut perché retentit et ce malgré le fait qu'il n'appuyait que très légèrement sur le tableau. Severus regarda la craie avec des yeux noirs puis Tyler de la même façon. Il l'échangea contre l'un des morceaux roses dégoûtants.

La moitié du mur rose semblait scintiller et faire plus tard des étincelles, Severus décida qu'il avait très certainement compris la leçon. Peut-être. Plutôt. Mais malgré tout, il en avait assez de la craie rose. Bien entendu sa retenue ne serait pas terminée tant que Tyler ne le lui aurait pas dit et ça ne faisait qu'une demi-heure qu'il copiait des lignes.

Ce n'était pas ainsi qu'il pensait passer sa retenue. Il ne pouvait même pas voir Tyler à son bureau puisqu'il lui tournait le dos et qu'il était de l'autre côté de la salle : cela ne les aidait pas à entamer une conversation.

Même lorsque Severus dut changer de craie- ce qu'il dut faire assez souvent- Tyler resta penché sur les copies qu'il notait. La seule fois que Severus essaya de dire quelque chose, Tyler lui demanda de se taire et de se tourner vers le tableau.

Ce n'était pas juste.

Et la phrase l'énervait.

« Je n'embrasserai pas Sirius Black pendant les cours. » Au moins c'était une chose qu'il pouvait affirmer : ça n'arriverait pas. En plus, Tyler ne regarderait probablement pas ce qu'il écrivait de toute façon. Il le renverrait simplement.

Changer les mots était prenant et quand il arriva au troisième mur, la phrase était loin de ce qu'elle était au départ.

Hpsshpss

Harry posa sa plume et s'étira sur son siège avant de se lever. Il détestait noter les copies ; les élèves n'avaient pas beaucoup d'imagination lorsqu'ils écrivaient et ne recrachaient que les faits qu'il connaissait déjà.

Au moins, la plupart du temps, Snape était resté calme et avait fait ses lignes sans se plaindre. Et avec de la craie rose. Harry cachait son sourire derrière sa main. Severus détestait le rose. Et ce depuis l'âge de quatre ans, si Harry ne se trompait pas et il savait qu'il ne se trompait pas.

Peut-être que cette retenue serait… Harry secoua la tête. Aucune force de la nature ne serait capable de réconcilier Severus Snape et Sirius Black. Même les menaces de Harry ne les avaient pas incités à se comporter correctement.

« Très bien, M.Snape, voyons voir ce que vous avez fait, d'accord ? »

Il entendit le souffle de Snape se couper brusquement derrière lui, mais il l'ignora. Il s'était probablement relâché dans son travail et avait laissé son écriture se détériorer au point qu'elle devienne cette écriture à peine lisible dont Harry le savait capable. Même si Severus le niait à chaque occasion possible.

Ce n'était apparemment pas le cas. Un sentiment angoissant s'insinua au creux de son estomac alors qu'il parcourait les lignes. A la fin, Harry ne voulait plus qu'une chose: renvoyer Severus et se prendre la tête entre les mains. Mais il ne choisirait pas cette solution.

Malheureusement pour Severus.

« Une manifestation d'affection publique ne saurait être tolérée dans cette salle de classe, c'est donc une bonne chose que vous n'embrassiez pas M. Black. »

Harry entendit le grognement de malaise venant de derrière lui. Serrant les dents il continua à le tourner en ridicule. Ce n'était jamais aussi bien qu'avec Severus, qui par moment s'en délectait.

« M. Snape, je ne me souviens pas que M. Black soit devenu professeur. Il ferait un horrible professeur, je pense. » Et c'était vrai. Professeur, Sirius passait plus de temps à crier contre ses élèves qu'à leur enseigner quoi que ce soit. « Quant à embrasser un professeur, je trouve que c'est une action des plus inappropriées. Et votre dernier changement.-»

« Je le veux. Je le souhaite vraiment. »

« Etre…enculé par un professeur est encore plus inappro -»

« Je m'en fous. »

Un sourire sinistre sur le visage, Harry regarda fixement Snape. « Je pense que vous devriez partir, M. Snape. Je retire vingt points à Serpentard pour cela. »

« Je ne veux pas partir. Je m'en fous. Professeur -»

« S'il vous plait, partez. »

« Non. »

« Alors je n'ai d'autre recours que de partir. Si, quand je reviens dans une heure, vous êtes toujours là, je devrais en parler à votre directeur de Maison. »

« Mais… »

Harry n'attendit pas. Il tourna les talons et s'enfuit. Il se sentit bête de faire ça.

Hpsshpss

Futur: Sixième année de Harry

Tenant fermement le dictionnaire qui menaçait de glisser de ses mains moites, Harry s'arrêta devant le bureau du professeur Snape. Il devenait ridicule. Il avait eu de nombreuses retenues avec Snape. Et il connaissait mieux son professeur maintenant.

Pourtant, ça le rendait nerveux. Il avait l'intention de profiter de sa retenue.

Il espérait simplement que Snape ne le tuerait pas. C'était pourtant une possibilité indéniable. Harry déglutit et ouvrit la porte.

A travers la porte entrouverte, Harry vit Snape penché sur des rouleaux, son doigt suivant les mots alors qu'il griffonnait quelque chose sur une liasse de parchemin à côté de lui. Recherches, devina Harry. Snape avait fait la même chose quand Dumbledore l'avait envoyé dans les cachots pendant les vacances de Noël pour qu'ils puissent partir ensemble, rendant ainsi un 'service' au directeur.

Harry haussa les épaules. Snape avait été complètement différent lors de ce voyage. Il avait surveillé Harry de près et était même parvenu à sauver la vie de Remus quand Harry n'en avait pas été capable.

Remus disait qu'il ne n'avait rien contre le fait d'avoir une dette de vie envers Snape. Il aurait pu devoir sa vie à pire personne.

En y pensant, Harry se rendit compte qu'il avait raison. Peut-être. Snape prenait les dettes de vie très au sérieux. Non qu'il ait demandé quoi que ce soit à Remus. Harry était sûr que Snape se serait empoisonné plutôt que de demander de l'aide à qui que ce soit ou pour quoi que ce soit.

Ce n'était pas nouveau. Harry pensait beaucoup à cela depuis qu'ils étaient revenus. Et à ce que Snape lui avait dit au cours du dîner la nuit où il avait sauvé Remus parce que Harry avait été trop en colère pour agir.

« Laisser vos émotions prendre le dessus, Harry, n'apportera jamais rien de bon. Quand vous en perdez le contrôle, vous faites des erreurs idiotes et vous ne pourrez pas en supporter les conséquences. Faites attention à ce que vous êtes en train de faire. C'est encore plus important dans la vie que dans un cours de potions. »

C'était également la première fois qu'il l'avait appelé Harry. Cela seul avait suffit à le troubler profondément. Le reste, Harry essayait encore de travailler dessus, mais le conseil lui paraissait bon. Et il avait appelé Harry 'Harry' et c'est ce qui tournait en rond dans sa tête. Aussi bien que le fait qu'il en aimait l'intonation.

Harry savait qu'il lui plaisait à moitié d'être amoureux de Snape et s'il n'en était pas amoureux, il le désirait au moins. La première fois qu'il avait entendu la voix de Snape pendant qu'il se branlait sous la douche l'avait choqué. Il était devenu plus dur encore. Perturbant au début, mais finalement…

Les mains de Snape, même tachées de potions ; Harry les avait vues dans ses rêves se refermer autour de son pénis, sa voix murmurant au creux de son oreille. Juste son nom. Le moment où Snape avait été le plus gentil. Une fois il avait vu Snape au-dessus de lui, son visage aussi calme que maintenant alors qu'il faisait des recherches. Cela avait été un rêve plaisant.

Harry n'avait jamais pensé qu'un rêve où il regardait Snape pourrait être plaisant.

Léchant ses lèvres, il poussa un peu plus la porte et entra. S'il avait de la chance, il pourrait rester là une minute à regarder Snape travailler. Plus de traits qu'il pourrait mémoriser et ajouter au répertoire de son rêve. Il le désirait définitivement.

Les premiers signes d'affection pour le connard sournois étaient là aussi.

Harry avait pris pour habitude d'observer Snape. En cours. Aux réunions. Pendant les retenues. Pendant les cours particuliers. Il n'arrêtait jamais. Et alors qu'il ajoutait des éléments à son rêve, il apprenait également des choses.

Remus, bien qu'il ne soit pas un ami à proprement parler, était un camarade de guerre. Albus l'avait toujours traité avec énormément de respect, et était à un certain point, aimant comme un grand-père pensait Harry. Malfoy était traité, Harry l'avait toujours su, comme un neveu préféré. Même si Malfoy n'était pas si mal- il avait, après tout, bloqué ce sort qui allait l'atteindre- il ne devrait pas être favorisé.

Sirius… Snape détestait Sirius. Il avait rendu ce fait parfaitement clair, mais par moments, il écoutait ce que Sirius avait à dire. Même si, le plus souvent, il le contrait immédiatement puis le traitait d'idiot.

Snape était un homme troublant, fascinant. Une énigme. Et une personne qu'Harry ne devrait pas avoir à connaître. Harry décida alors qu'il aimerait le connaître.

« Potter, arrêtez de regarder dans le vide. Je crois que vous avez apporté un dictionnaire comme je l'avais demandé ? »

Harry acquiesça.

« Eh bien, je suis certain que vous avez compris en quoi consiste cette retenue. Je me fiche de savoir quels mots vous utilisez, je vous assure les avoir tous entendus. Commencez. »

« Oui professeur. »

Ses doigts se serrèrent autour du coin épais et il se plaça devant le bureau de Snape. Il espérait simplement que le charme d'Hermione qui devait marquer les pages dans l'ordre avait fonctionné. Elle lui avait probablement donné un charme erroné quand il lui avait dit qu'il comptait choisir les mots avant l'heure pour embêter Snape.

Ron avait pensé que c'était un plan génial. Mais Ron le trouverait génial aussi longtemps qu'il penserait que les mots étaient choisis pour embarrasser Snape ou le ridiculiser. Ce qui n'était pas le cas. Harry grimaça.

« Chat tigré : un chat avec un manteau tacheté. J'avais une nounou qui avait beaucoup de chats, certains étaient tigrés. Soleil : l'étoile centrale du système solaire autour de laquelle les planètes tournent. » Harry soupira. Il pariait que Snape aimait beaucoup cette forme de retenue parce qu'il pouvait faire crever ses élèves d'ennui. « Quidditch, il est devenu incroyablement difficile de jouer lorsque le soleil brille dans vos yeux. »

Snape ne l'écoutait même pas. Il gribouillait sur son parchemin avec sa plume, ignorant Harry.

« Privé : appartenant à une ou plusieurs personnes en particulier. » Harry haussa les épaules. Je me suis toujours demandé ce que l'on pouvait ressentir à être la propriété privée d'une personne. »

Les yeux de Snape se relevèrent un bref instant et Harry ne put s'empêcher de sourire.

« Goût : avoir une saveur particulière. Je parie que vous avez le même goût que les potions que vous concoctez. »

Snape l'ignorait à nouveau.

« Lécher : passer la langue sur une surface. Il est toujours sage de commencer en léchant -»

Snape le regarda avec des yeux noirs.

« Lorsqu'on mange une glace, professeur. » Harry sourit satisfait. « Etude : Application de l'esprit afin d'acquérir des connaissances en lisant, faisant des recherches ou par réflexion. Il est beaucoup plus important de penser aux potions qu'à bécoter. »

Snape renifla mais ne leva pas la tête. Il pensait probablement qu'Harry était habile et il l'était.

« Devoir : travail pour l'école donné pour être fait en dehors de la salle de classe. Les potions seraient plus intéressantes si les devoirs consistaient à vous étudier. » Harry expira profondément et retint son souffle, attendant une réaction, mais il n'y en eut pas.

Snape ne le regarda pas, mais sa plume s'arrêta un instant. Ca ne pouvait être que bon signe.

« Uniforme : vêtements portés pour une profession, dans la vie de tous les jours. Hermione dit que votre robe est typique des maîtres enseignants. Je pense que vous seriez mieux sans. »

Snape posa violemment sa plume sur la table. « Potter, il y avait deux phrases et le mot n'était même pas utilisé dans la seconde. » Ses yeux ne rencontrèrent ceux d'Harry qu'une seule fois.

« Désolé, professeur, ça n'arrivera plus. Baiser : des lèvres qui se joignent en signe d'affection ou d'amour. Je me suis toujours demandé ce que je ressentirais si une personne qui voyait mon moi réel me donnait un baiser.

Harry baissa les yeux et chercha le prochain mot sans lever la tête. Il sentait son visage s'échauffer et pensait que son idée était plutôt stupide.

Mais il n'abandonna pas. Le pire qui puisse arriver serait que Snape se moque de lui et le renvoie dans la Tour avec des points en moins de points pour Gryffondor qu'il n'y en avait au début de la retenue.

« Séduction : acte ou moment de séduction, surtout sexuel. La séduction est une affaire délicate. » Sans s'arrêter, il passa à la définition suivante. « Processus : une série d'actions systématiques dirigée en vue d'une fin. Est en cours le processus qui fait que je me plante ce soir. »

Léchant ses lèvres sèches, Harry jeta un regard vers Snape. Il n'écrivait plus, mais sa tête était toujours penchée sur le parchemin. Ses doigts ne bougeaient plus sur les mots.

« Montrer : prouver ou démontrer. Parfois un individu fera quelque chose de stupide pour montrer ses sentiments à quelqu'un. Vivre : rester en vie. Je pense que je devrais vivre le reste de ma vie sans connaître votre goût. »

Harry savait qu'il était idiot, mais il ne pouvait pas s'arrêter. Il ne pouvait même pas relever les yeux pour voir si Snape l'écoutait Ou si ça l'intéressait.

Son plan allait se retourner contre lui.

« Habile : doué de talent. J'ai remarqué à quel point vous étiez habile de vos mains et je pense que c'est une phrase absolument horrible, mais ça correspond à la définition. »

« C'est une phrase absolument horrible, Potter. »

Harry blêmit et tourna la page plus fort qu'il n'aurait du et la déchira. « Désir. » Snape allait le tuer. « Avoir du désir. Je, euh, je… »

« Laissez-moi deviner. Vous éprouvez du désir pour un joueur professionnel de Quidditch. »

Harry releva la tête. Snape le regardait à travers ses paupières. Les seuls moments où il le regardait ainsi étaient lorsqu'il avait des ennuis. Pourtant le langage du reste de son corps ne parlait pas d'ennuis à venir. Peut-être…

Non. « Non ! Je, euh, j'éprouve du désir pour le professeur qui hante mes rêves. » Pas tout à fait ce qu'il avait eu l'intention de dire au départ, mais ça irait.

« Je vois. »

Avant que Snape ne puisse l'arrêter, Harry continua avec le mot suivant. « Sincère : sans faire semblant ou sans tromperie. Mes mots sont sincères. »

« Arrêtez, Potter. »

Hpsshpss

La nuit avait été un désastre absolu. Se versant un petit verre de brandy, Severus s'effondra dans sa chaise et regarda le feu à travers la grille du foyer. Il y avait toujours du feu dans ses quartiers.

Ses cachots étaient froids. Solitaires aussi s'il devait être honnête.

Ca devait être la raison pour laquelle il avait été tenté par Potter- Harry- Potter.

Il aurait dû s'assurer que le garçon était parti quand il l'avait renvoyé. Il n'aurait pas dû le laisser contourner son bureau. Et il n'aurait surtout pas dû le laisser l'embrasser.

Bien qu'il désirât penser qu'il n'avait pas su ce qui se passait avec Potter pendant cette retenue, il le savait. Il y avait des signes. Qu'il soit aussi nerveux, qu'il ne parvienne pas à croiser son regard, qu'il paraisse absolument déterminé quand Severus lui avait demandé de partir…

Qu'il ne soit pas parti.

Potter avait contourné le bureau et était tombé à genoux devant Snape avant qu'il n'ait le temps de bouger et de tirer le gamin par l'oreille. En regardant Harry remonter son visage, il vit quelque chose qu'il voulait, mais il savait qu'il était trop âgé pour l'avoir.

Il se demandait…

Severus n'avait pas pensé à Tyler depuis des années. C'était ironique que le garçon qui avait la même cicatrice et les mêmes yeux l'ait coincé de la même façon que lui avait autrefois coincé son professeur, si longtemps auparavant.

La cicatrice et les yeux étaient leurs seules similitudes. Tyler était un homme, pas un jeune garçon. Harry, cependant n'était pas vraiment un jeune garçon. Il était dans cet âge difficile dont Severus se souvenait si bien, entre le jeune garçon et l'homme. Il s'était suffisamment ridiculisé cette année-là.

Il ne venait pas de penser à Potter en tant qu'Harry.

Il soupira et se couvrit les yeux d'une main. Le goût des baisers trop doux au chocolat et au jus de citrouille était toujours là. Lui rappelant qu'il n'avait pas repoussé le garçon, mais au contraire, l'avait pris dans ses bras et l'avait rapproché de lui avant qu'un semblant de raison ne réapparaisse et qu'il repousse Potter aussi loin qu'il le pouvait. Severus était maudit.

Au moins Potter n'était pas suffisamment idiot pour prononcer des paroles sur le dévouement éternel et l'amour. L'amour n'existait pas à seize ans.

Severus l'avait découvert de la pire des manières.