Chapitre dix-huit : Lâcher la proie pour l'ombre

Le passé

Severus Snape ne bougea pas pendant un long moment. Les mangemorts étaient toujours rassemblés autour du corps tremblant de l'adolescent. Celui-ci s'était recroquevillé sur lui-même. Ils avaient déjà violé et tué sa petite sœur ; son corps gisait à quelques mètres de là. Severus ne pensait pas pouvoir un jour oublier ses cris.

C'était la première fois qu'il rencontrait des mangemorts plus âgés. Il avait été choisi, avec Lucius et quelques autres triés sur le volet, pour commencer à participer à des réunions complètes où l'on 'faisait quelque chose'. Enfin, c'est ce qu'on lui avait dit.

Il essaya de ne pas regarder au centre du cercle, mais une fascination morbide le poussait à observer la scène. La petite fille n'avait pas plus de douze ans. Elle était blonde et ses cheveux étaient légèrement frisés. Etait, jusqu'à ce que le sang forme une mare autour de sa tête et qu'ils deviennent rouges. Elle était jolie, comme le sont les petites filles. Et maintenant elle était morte.

Les magemorts s'étaient mis à trois pour la torturer. Deux l'avaient tenue pendant qu'un troisième déchirait la jupe qu'elle portait. C'est lui qui l'avait battu jusqu'à ce qu'elle arrête de crier. Mais quand il s'était introduit en elle, elle avait hurlé. Lucius avait sourit à Severus alors qu'il retenait le garçon, l'obligeant à regarder sa sœur se faire violer. Elle était morte en silence.

Voldemort leur avait expliqué que ça devait être fait. Que c'était une moldue et donc quelqu'un d'inutile. Qu'elle était trop répugnante pour être tuée par magie. Ils avaient envoyé une photo à ses parents. Son frère allait retourner chez lui et serait rendu responsable du viol et du meurtre de sa soeur.

Ils en avaient trop fait mais il avait l'impression d'être le seul à s'en rendre compte. Son regard glissa sur le garçon qui dut le sentir. Ses yeux s'ancrèrent dans les siens. Il n'y avait plus de vie dans ces yeux. Severus frissonna.

Quelqu'un devait avoir aperçu le léger mouvement de tête du garçon. « Endoloris. » Severus ne pouvait détacher ses yeux de l'enfant qui se tordait, se convulsait de douleur. Cette dernière demi-heure, il avait subi le doloris de nombreuses fois.

Le sort se termina aussi abruptement qu'il avait commencé. Severus regarda le garçon prendre de grandes bouffées d'air. Sa poitrine se soulevait péniblement. Du sang ruisselait sur son menton, il avait dû se mordre la lèvre. Severus détourna rapidement les yeux, il ne supportait plus de regarder cette scène.

Severus reporta son attention sur Lord Voldemort. Il se tenait à l'extrémité du cercle, un sourire froid et méprisant sur le visage. Il était très différent de l'homme qu'il avait rencontré le jour de son initiation et aux réunions duquel il avait assisté par la suite. Voldemort s'était alors montré sous un jour favorable et Severus avait voulu lui plaire.

Severus se rendait maintenant compte qu'il n'avait plus d'autre choix que de lui plaire. L'échec le conduirait sans nul doute à la vision qui l'avait accueilli lorsqu'ils étaient arrivés.

Un homme avait été magiquement dépecé et écartelé. Les morceaux de son corps étaient accrochés le long du mur. Le masque blanc de mangemort était toujours sur son visage : c'est la seule chose qui avait permis à Severus de comprendre qu'il avait été l'un d'eux.

Une fois que le cercle traditionnel avait été formé, Voldemort leur avait montré le corps. « Une leçon pour nos nouveaux amis. » Severus avait compris qu'il s'agissait d'un avertissement pour lui et pour tous ceux qui n'avaient jamais assisté à ce genre de réunion.

C'est alors qu'on avait amené la fille et son frère.

Severus avait envie de vomir. Il avait reconnu la voix qui avait jeté le dernier doloris sur le jeune garçon. C'était celle de son père. Il s'était empêché de le chercher du regard dans le cercle. Il n'aurait pas pu le reconnaître à cause de son masque de toute façon.

Il essayait d'entendre les mots qui sortaient de la bouche de son Seigneur mais les roulements de son estomac le distrayaient. Il sentait sa salive épaissir dans sa bouche et elle avait un goût amer. Sa gorge se serrait en sentant l'odeur métallique du sang de la fille. Il déglutit ; il n'avait pas l'intention de vomir devant ces gens.

Il entendit quelqu'un lancer le sort d'oubli. Il tourna la tête et regarda l'homme agenouillé devant le garçon. Il remodelait sa mémoire. Lui disait qu'il avait enlevé sa sœur, l'avait attachée et l'avait violée. Il lui disait que lorsqu'elle avait commencé à crier, il l'avait frappée puis avait cogné sa tête contre le sol jusqu'à ce qu'elle meure. On lui disait qu'il avait pris une photo pour la montrer à ses parents.

Le garçon ouvrit les yeux en tremblant et regarda sa sœur. Un son guttural lui échappa et les larmes roulèrent sur son visage. « Sarah, non ! » Il secouait la tête. « NON ! Je n'ai pas fait ça ! Non ! » Le dernier mot était à peine reconnaissable tant il pleurait.

Severus suivit le regard du garçon qui se posait sur ses mains avec horreur. Elles étaient couvertes de sang. Il regarda ses vêtements. Ils étaient aussi couverts du sang de sa sœur. « Oh mon Dieu, Sarah ! » Il le leva et chancela vers la porte, abandonnant le corps de sa soeur.

Severus sut que lorsque le garçon retournerait chez lui, on trouverait la photo. Il deviendrait certainement fou de culpabilité.

Lorsque la porte se referma derrière le garçon éperdu, des mangemorts éclatèrent de rire. Voldemort sourit simplement. Severus se dit que ce n'était pas le sourire d'un homme sain. Ce n'était pas la première fois depuis le début de la réunion qu'il se demandait ce qui lui avait pris de se joindre à lui. Il ne parvenait pas à se souvenir des raisons qui l'avaient poussé à faire une chose pareille.

La réunion se termina peu après. Severus avait hâte de s'échapper. La fille gisait toujours sur le sol, son corps oublié. Il se força à la regarder, gravant l'image de son corps brisé dans son esprit. Il avait participé à sa mort.

Une main se posa sur son épaule. Pensant que c'était Lucius, il regarda derrière lui. Son père avait enlevé son masque. Pour la première fois de sa vie, Severus vit son père lui sourire.

« Je suis fier de toi, Severus. Je sais que ton regard a fait bouger ce garçon. Tu as bien fait, mon fils. »

Severus parvint à retourner à Poudlard et à atteindre la salle de bains de son dortoir avant de vomir.

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Harry se réveilla brutalement en entendant frapper de manière erratique à sa porte. Une fléchette atteignit la porte de la salle de bains avant qu'il ne se rende compte que le bruit venait de la porte d'entrée.

Il se leva et se dirigea vers la porte. Il jeta le sort Tempus. Il était 5h30.

Dès qu'il vit la porte, il fit un geste de la main pour l'ouvrir. Une silhouette portant une robe noire s'effondra sur le sol.

« Bon sang, que se passe-t-il ? » Harry se dirigea vers le tas de membres et de tissu. Il était certain que c'était Severus Snape. « M. Snape ? » Au moment où Harry prononçait son nom, celui-ci tomba.

Il parvint à s'agenouiller. Severus s'accrochait à lui, en tremblant violemment. Il sentait les larmes ruisseler sur les joues du jeune homme qui avait enfoui son visage contre sa poitrine. Harry enveloppa le garçon de ses bras et caressa son dos de manière apaisante.

« Chuutt. » Harry inspira profondément. Il ne savait pas ce qui se passait. « Dites-moi ce qui ne va pas. »

Severus secoua la tête.

Harry s'était déjà occupé d'élèves en colère, surtout des premières années qui souffraient de l'absence de leurs parents. Ca n'avait rien à voir avec les sanglots à fendre l'âme de Severus. Harry n'avait jamais rien vu de tel.

Il repoussa légèrement Severus pour le regarder. Le jeune homme avait la tête basse, ses cheveux humides et plats tombaient en vagues autour de son visage, assombrissant ses traits. Ses épaules tremblaient. Harry l'entendait haleter.

Il le prit par le menton et l'obligea à le regarder. Ses yeux étaient rouges.

« Parlez-moi, Severus. Je vous écoute. »

Le jeune homme acquiesça et Harry enlaça à nouveau le jeune homme tremblant.

Après une minute, Severus se mit à parler d'une voix calme mais chevrotante.

Severus raconta son histoire et Harry sentit son cœur se briser. Son Severus ne lui racontait jamais ce qui se passait aux réunions de mangemorts. Et il évitait de parler de ce qu'il avait vu plus jeune.

« C'est aussi de ma faute, Professeur. Je faisais parti du groupe. J'étais là et je n'ai rien fait pour les arrêter. J'aurais très bien pu la tuer moi-même ! » La voix de Severus se brisa et il se remit à sangloter.

Harry sentait les larmes lui piquer les yeux. Il s'obligea à les refouler. Il ne pouvait pas se laisser aller.

Harry aurait souhaité savoir quoi dire. Il continuait à murmurer de petits riens réconfortants.

Harry connaissait Severus et il savait que Severus, même jeune, ne croirait jamais qu'il n'était pas responsable de la mort de cette petite fille. Il savait aussi que ce n'était pas le moment de lui faire une leçon de morale. Il ne pouvait que réconforter la jeune version de son amant et espérer.

Harry raffermit la pression de ses bras autour de Severus et bougea pour placer ses jambes sous lui. Une fois fait, il se leva, le jeune homme de seize ans dans ses bras, et s'assit sur le canapé. Il les installa et Severus s'appuya contre lui.

Finalement, les sanglots de Severus s'arrêtèrent et son souffle se calma. Lorsqu'il sentit les muscles de Severus se détendre il sut que le jeune homme avait tant pleuré qu'il s'était endormi.

Harry soupira et fit venir à lui sa baguette puis alluma un feu dans la cheminée.

Il remercia le ciel que ce soit le week-end et que ni lui ni le jeune M. Snape ne soient attendu pour le petit-déjeuner ou en cours.

En attendant le réveil de Severus, Harry contempla le feu.

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Severus commençait à se réveiller de son cauchemar. Il était allongé, le souffle court, essayant de comprendre la raison qui l'avait poussé à faire un rêve aussi horrible lorsque les souvenirs de la nuit précédente lui revinrent en mémoire. La réunion de mangemorts, sa course auprès du professeur Tyler, son effondrement émotionnel. Pouvait-il avoir été aussi stupide ? La dernière chose qu'il voulait était bien de ne plus se contrôler devant son professeur.

Mais c'était ce qu'il avait fait la nuit dernière. Quand son père était venu le voir après la réunion, il avait perdu tout contrôle. L'approbation de son père était la dernière chose qu'il voulait. Il détestait cet homme. Son père l'avait ignoré toute sa vie. Il ne s'était jamais soucié de sa scolarité ou des ennuis qu'il avait eus au fil des années. Il ne se souciait de rien d'autre que de la boisson, de ses femmes, de sa position politique et de son argent. Pour son père, Severus n'avait été qu'une erreur commise par une de ses conquêtes. Une erreur qu'il avait été obligé d'adopter et d'accepter comme hériter parce que son grand-père l'avait exigé.

Severus se retourna dans le canapé et c'est là qu'il comprit où il se trouvait. Il s'assit rapidement, espérant que Tyler ne serait pas dans les environs et qu'il pourrait sortir en douce sans avoir à répondre à ses questions. Mais la chance n'avait jamais vraiment été du côté des Serpentards.

« Je vois que vous vous êtes finalement décidé à rejoindre le monde des vivants. Et moi qui commençais à croire que vous alliez dormir toute la journée. »

Severus regarda autour de lui et aperçut finalement son professeur qui se tenait sur le seuil de sa chambre, appuyé contre le chambranle, les bras croisés sur sa poitrine. Pour une fois, l'homme plus âgé n'avait l'air ni sévère ni intimidant. Il y avait dans ses yeux et sur son visage une gentillesse qu'il avait du mal à associer avec l'image qu'il avait de son professeur.

Le professeur Tyler se déplaça, passa à côté du canapé et s'arrêta à côté d'une petite table. Il prit un plateau et le posa devant Severus.

« Je n'ai pas faim, professeur. »

Tyler acquiesça mais enleva le couvercle qui recouvrait le plateau. « Je m'en serais douté. Alors, il y a des tranches de pain grillé et du jus de fruit. Prenez une tranche de pain. Je veux que vous la mangiez entièrement. Quand vous aurez terminé, nous aurons une petite discussion. »

Ce n'était pas ce que Severus voulait faire. Il prit son temps, réduisit son pain en morceaux avant d'en mettre un dans sa bouche.

« Prenez tout le temps dont vous aurez besoin, M. Snape. J'ai toute la journée. » Il y avait une trace de rire dans sa voix.

Severus prit son temps pour manger. Le professeur Tyler ne le regardait pas. Il était retourné dans sa chambre. Severus se demanda s'il devait jeter ce qui restait du pain dans le feu et allait le faire lorsque la voix Tyler résonna dans l'autre pièce.

« N'y pensez même pas, Snape. Je veux que vous mangiez le pain grillé, pas que vous nourrissiez le feu avec. Je n'ai jamais aimé l'odeur du pain brûlé. » Il y avait encore cette trace de rire dans sa voix.

Severus ne savait pas comment cet homme savait ce qu'il pensait. Il tournait tout à la plaisanterie. Cette facette de sa personnalité était énervante. Il fronça les sourcils en réfléchissant. C'était presque comme si son professeur s'attendait à ce qu'il agisse ainsi en se réveillant, comme s'il savait exactement comme il allait réagir. Mais ça n'avait pas de sens. Lui-même ne savait pas comment il allait réagir.

Il décida que la meilleure chose à faire était d'arrêter de réfléchir et de manger son toast.

A la seconde même où il termina, le professeur Tyler sortit de l'autre pièce. « Comment était votre petit-déjeuner ? Dégoûtant ? J'aurais dû le savoir. Il n'y a pas moyen de faire plaisir à des gens comme vous. » Il prit le plateau et le reposa sur la petite table. Severus supposa que les elfes de maison le reprendraient plus tard.

« Les gens comme moi ? »

Tyler lui sourit complaisamment. « Vous savez bien. Sombre et ténébreux. Ceux qui pensent que s'ils regardent au fond de leur chaudron suffisamment longtemps ils comprendront pourquoi l'univers ne tourne pas comme ils pensent qu'il le devrait. »

« Préparer des potions - »

« - est un art noble et pur. Je sais. » Lorsqu'il vit le regard interrogateur de Severus, le professeur Tyler expliqua. « Je connais un ou deux Maître des Potions. » Tyler plissa les yeux. « En fait, un Maître, et quelqu'un qui pense l'être. C'est une citation tirée d'un vieux livre qu'ils aiment me jeter à la figure quand ils pensent que je suis trop 'insolent'. » Le regard de Tyler se durcit. « Comment vous sentez-vous ? »

Severus se sentait décontenancé. Il ne s'était pas attendu à ce que son professeur ait cette attitude. Mais c'était ce dont il avait besoin même s'il ne s'en était pas rendu compte tout de suite. Tyler ne se comportait pas comme d'habitude, mais c'était comme si cela aurait dû l'être. Et c'était ce dont Severus avait besoin, un sentiment de normalité. « Eh bien, je n'ai plus l'impression que le monde ne tourne pas rond. »

« Eh bien, c'est une bonne chose, je détesterais voir ce qui arriverait à la gravité si le monde se mettait à tourner dans l'autre sens. »

Severus écarquilla les yeux. « C'est la chose la plus stupide que j'ai jamais entendu. » Il savait que son dédain pouvait s'entendre mais il s'en moquait.

Son professeur lui sourit. « Maintenant je suis sûr que vous êtes redevenu vous-même. » Son sourire disparut un instant plus tard et Severus fut à nouveau du mauvais côté de l'un de ses regards inquisiteurs. « Vous ne saviez pas ce que vous faisiez en décidant de vous joindre aux mangemorts, n'est-ce pas ? »

Ce changement brutal de sujet surprit Severus. Il se rendit compte que l'homme gentil et rieur qu'il avait vu quelques minutes auparavant avait disparu et qu'il faisait maintenant face au professeur qu'il avait passé l'année à essayer de connaître. Severus voulait retrouver l'atmosphère reposante d'il y a quelques secondes. « Non, monsieur. »

« Pourquoi avez-vous fait une chose pareille ? C'est comme si vous aviez vendu votre âme au diable ! »

Severus se lécha les lèvres. Sa bouche était soudain devenue sèche. Il ne pouvait pas prononcer un mot, dire que ce n'était pas si mal. Il savait que Tyler avait raison.

« Je ne peux pas vous le dire. »

Le professeur Tyler plissa les yeux, en colère. « Vous ne pouvez pas ou vous ne voulez pas ? » Sa voix était froide, comme s'il s'était attendu à cette réponse et qu'il était fâché que Severus la lui ait donnée.

« Je ne veux pas. » Severus savait que sa voix ressemblait à celle d'un enfant. Mais après la nuit dernière, il ne pourrait jamais plus se considérer comme tel.

« Qui pensez-vous protéger en refusant de parler ? Je vous assure que ce ne sera pas vous. Ca va vous ronger de l'intérieur. »

« J'ai été stupide. Je n'aurais pas dû faire ça, mais je l'ai fait. Et c'était pour une raison stupide. » Severus s'affaissa dans le canapé, rentra les épaules et croisa les bras. « Et pourquoi est-ce que ça vous intéresse, d'abord ? »

« Parce que vous êtes sous ma responsabilité. Parce que vous m'avez donné le droit de mettre mon nez dans votre vie quand vous êtes venu me voir la nuit dernière. »

« Je suis venu vous voir la nuit dernière parce que je pensais que vous vous souciez de moi. »

« C'est le cas. »

« En tant qu'amant ou en tant qu'élève ? »

Le professeur Tyler détourna les yeux un instant avant de les poser une nouvelle fois sur lui. « Est-ce important ? »

« Oui. »

« En tant qu'élève. »

Severus tressaillit. Il avait eu l'impression de recevoir une gifle. « Alors qu'étais-je pour vous ? Un bouche-trou quand votre amant vous manquait ? Est-ce que ce sont ses initiales, professeur ? T.M.R, a-t-il gravé -»

« Taisez-vous ! »

Severus referma rapidement la bouche. L'homme assis en face de lui n'était pas son professeur et n'était pas non plus celui qui l'avait salué quand il s'est réveillé. Il se demanda combien le professeur Tyler avait de facettes.

« Ne parlez pas de choses dont vous ne connaissez rien. » Tyler murmurait, mais sa voix parvenait à être énergique.

Severus comprit qu'en plein combat ce serait cet homme qu'il devrait affronter. C'était cet homme qui portait toutes les armes qu'il lui avait si soigneusement montrées. Et maintenant Severus savait pourquoi. Tyler savait qu'ils n'étaient pas du même côté. Il avait su quel genre d'homme était le Seigneur des Ténèbres.

« Pourquoi ne m'en avez-vous pas empêcher ? » Murmura Severus.

« Vous empêcher de faire quoi ? »

« M'empêcher d'aller aux réunions. Quand je suis venu vous voir la première fois, je vous ai dit que j'avais rejoint le Seigneur des Ténèbres, mais vous n'avez rien fait. »

« Exactement. Vous l'aviez déjà rejoint, que vouliez-vous que je fasse ? »

« C'est de votre faute, Octavian ! » Severus se leva et le regarda avec des yeux noirs. « Je l'ai rejoint à cause de vous. C'est pour cela que j'ai 'vendu mon âme'. Etes-vous content maintenant ? Vous savez. »

Severus se détourna et ne vit pas son professeur fermer les yeux et serrer les poings. Il ne le vit pas passer ses doigts dans ses cheveux et enlever l'élastique qui les attachait. Et il ne vit pas la larme qu'il essuya avec colère.

« Pourquoi ? »

« Parce que je vous ai vu avec votre amant et que j'ai pensé que la seule chance que j'avais venait de disparaître. » Severus ne se retourna pas. « Parce que j'ai écouté Lucius qui m'a dit que le Seigneur Noir me donnerait le pouvoir. Et quelle personne saine d'esprit refuserait d'aimer une personne puissante ? »

« Vous ne comprenez pas ? Je n'en vaux pas la peine. Je ne suis pas quelqu'un d'important. Je vais partir à la fin de l'année. Vous n'avez jamais eu la moindre chance. » La voix de Tyler avait été calme au début mais avait augmenté en volume à chaque mot.

Severus se tourna vers son professeur. Il ne pouvait pas voir son visage, caché derrière ses cheveux. « Vous ne pouvez pas partir. Si je ne vous ai pas, je n'ai plus rien. J'ai détruit ma vie et vous êtes la seule chose qu'il me reste. Je vous aime ! »

Tyler secoua la tête. Et resta silencieux un moment. Finalement, il leva les yeux vers Severus. Ses yeux étaient noirs. « Je suis désolé. Mais je ne vous aime pas. »

« Alors qu'y a-t-il entre nous ? »

« Du désir et ma stupidité de m'être laissé aller au caprice d'un enfant. »

« Je ne suis pas un enfant. C'est à cause de ma marque, hein ? Parce que j'ai fait ça. Parce que je suis un mangemort. »

« Non, ce n'est pas pour ça. La marque noire sur votre bras ne m'aurait pas arrêté. Et il est évident que vous n'êtes pas heureux d'avoir fait ce choix. La vérité est que je ne peux pas vous aimer parce que vous êtes un enfant. Avoir un unique avant-goût de l'enfer n'est pas suffisant pour vous faire grandir en une nuit. »

Severus regrettait de ne pas pouvoir voir le visage de son professeur. Mais Tyler n'avait pas bougé. « Mais je veux être avec vous. » La voix de Severus paraissait rageuse même à ses propres oreilles.

« Mais vous ne pouvez pas. »

Severus ne répondit rien. Il avait l'impression qu'on lui serrait la poitrine dans un étau, l'empêchant de respirer. Il se détourna et courut vers la porte, la claquant derrrière lui.

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Harry soupira lorsque la porte claqua. Il avait su exactement comment la conversation allait se dérouler. Ils avaient eu pratiquement la même lors de sa sixième année (le pluriel est plus compréhensible en français). Il en avait détesté chaque minute et la dernière chose qu'il aurait voulue avait été d'obliger Severus à traverser cette même épreuve. Mais il l'avait fait. Parce qu'il voulait rentrer chez lui et retrouver son futur. (je sais que je transforme le texte, mais si le jeu des temps en anglais suffit, ce n'est pas le cas en français.)

Harry repoussa les cheveux de son visage. Des mèches tombaient toujours sur ses yeux. Mais il savait que c'était une bataille perdue d'avance, il ne pourrait jamais discipliner ses cheveux et ce, peu importe leur longueur.

Les paroles de Severus résonnaient dans sa tête. « C'est de votre faute, Octavian ! Je l'ai rejoint à cause de vous. » Il ne s'était pas attendu à cela. Ca lui avait laissé un goût amer.

Harry contempla le feu. Il ne pouvait pas y penser maintenant. Il devait terminer l'année et ressasser la raison invoquée par Severus ne ferait que le ronger inutilement de l'intérieur. Il attendrait donc de retourner dans le futur pour y réfléchir.

Il repensa à la jeune version de son amant. Il avait été amusé par la manière dont il avait réagi à son réveil quand il avait vu comment il agissait. Le pauvre garçon n'avait pas compris ce qui était arrivé à son professeur.

Harry aurait été le premier à admettre qu'il ne savait pas tout. En fait, parfois, il croyait Severus quand il lui disait qu'il ne savait absolument rien. Mais il savait une chose. Et c'était ce dont son amant avait besoin après une réunion avec les mangemorts qui s'était particulièrement mal passée.

Severus disait toujours qu'il voulait être seul. Cependant, Harry connaissait Severus et il savait qu'il avait besoin d'être distrait. Il avait besoin que les choses soient normales. Et le seul moyen qu'Harry connaissait était de faire ce qu'il faisait toujours. L'énerver.

Severus ne pouvait jamais avaler de nourriture le matin après une réunion mais s'il ne mangeait pas, il se retrouvait à l'infirmerie avant son premier cours. Harry avait vu cela se produire encore et encore. C'est pourquoi, quand il était venu vivre avec lui, il avait fait en sorte qu'il y ait du pain grillé tous les matins. Ca l'avait amusé de se rendre compte que ce Severus voulait jeter les toasts au feu. Harry ne pouvait se souvenir du nombre de fois où son amant avait réussi à le faire avant qu'il ne développe un sixième sens pour ce genre de choses.

Harry soupira. Il venait de jouer un rôle qui lui était familier. Celui du gamin Gryffondor impertinent. C'était celui qu'il connaissait le mieux, mais le jouer avec ce jeune Severus lui avait paru bizarre. Il ne voulait pas que ce jeune homme connaisse ce côté de sa personnalité. Il ne voulait pas qu'il le connaisse du tout.

Harry regarda à nouveau le feu. Les volutes de fumée noire formaient des formes abstraites. Il ne voulait pas blesser ce Severus. Il savait que s'il l'était, le sien le serait aussi. Et pourtant il l'avait fait. Son Severus dirait probablement quelque chose du genre 'ce qui part dans un sens revient de l'autre' , puis il hausserait les épaules quand Harry lui demanderait une explication. Harry pensait maintenant avoir compris ce qu'il voulait dire. Il n'avait qu'un problème : où commençait le cercle punitif ?

Il avait répété certaines paroles que Severus avait prononcées au cours de sa sixième année. « Je n'ai pas d'importance… Mais je ne vous aime pas… Parce que vous êtes encore un enfant… Vous ne pouvez pas être avec moi. » Le souvenir était douloureux. Severus avait accusé Octavian de ne pas l'aimer à cause de sa marque. Harry l'avait accusé de ne pas l'aimer à cause de sa cicatrice. Il ne se voyait pas non plus comme un enfant. Avant d'avoir seize ans, il avait eu plus qu'un 'avant-goût de l'enfer'. Mais a posteriori il se rendait compte qu'il était alors effectivement un enfant.

Mais là, les choses s'étaient passées différemment. Harry avait dit au jeune Severus qu'il n'était qu'un enfant. Alors que Severus avait accepté qu'Harry n'en soit pas un -

Non, ce n'était pas vrai. Severus avait accepté le fait qu'Harry n'avait pas vraiment eu la chance d'avoir pu être un enfant, mais pour sa santé mentale, il avait dû le considérer comme un enfant. Avoir une enfance et être un enfant étaient deux choses totalement différentes. Harry n'avait pas eu d'enfance mais sa façon de penser était celle d'un enfant. Alors Severus avait pu lui dire en toute honnêteté qu'il avait vu des choses qu'un enfant n'aurait pas dû voir, mais qu'il en était toujours un.

Et comme un enfant, Harry avait exigé qu'il le lui prouve. Et avec une logique qu'il ne pouvait pas comprendre, certainement parce qu'il discutait avec Severus, l'homme lui avait répondu : « Je n'ai rien à vous prouver M. Potter. Et c'est ce qui fait de vous un enfant. »

Harry s'appuya contre le dos de sa chaise et regarda le plafond. « Tu n'as pas pu le faire, Sev. Tu n'as pas pu me prouver que j'avais tort, sauf sur un point. Les enfants attendent des réponses et les adultes savent que les réponses n'existent pas toujours. »

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Le Futur : Harry a 20 ans

« Ron, la dernière fois que j'ai regardé, mon bureau n'était pas une chaise. » Harry passa à côté d'un secrétariat départemental et entra dans le bureau du Ministère de la Magie, division des Aurors.

« La dernière fois que j'ai regardé, tes chaises n'étaient pas censées servir de placard. » Ron fit un geste de la main pour lui montrer les deux chaises sur lesquelles s'entassaient des papiers. « Et la dernière fois que je me suis assis sur ta chaise, ça t'a mis en colère. »

« Arrête ton char, Weasley. » Harry dissimula son sourire et s'assit sur sa chaise derrière le bureau.

« Tu passes trop de temps à Poudlard avec ces Serpentards visqueux. »

« Je ferais attention à ce que je dis si j'étais toi, Ron. Tu ne sais jamais qui est derrière toi. »

Ron se retourna pour voir s'il y avait quelqu'un derrière lui et tomba du bureau. L'expression du rouquin fit rire Harry.

« Très drôle, Harry. » Ron se leva et se frotta le bas du dos.

« Que veux-tu ? »

« Vous ne m'avez pas donné le tableau des missions, monsieur. Je dois savoir ce que je suis censé faire cette semaine. » Harry leva la tête. La bonne humeur de Ron venait de disparaître et l'Auror Ronald Weasley réclamait son attention.

Harry leva les yeux au ciel. Il commençait à détester son travail. « Arrête, Weasley. » Ron se détendit légèrement, mais il sentait toujours la tension qui avait mis fin à la bonne humeur qu'ils avaient partagée. « Es-tu certain qu'il n'est pas prêt ? Je sais que je l'ai mis quelque part. Attends une minute. »

Harry fouilla parmi les papiers sur son bureau.

Il finit par se lever et regarda les deux chaises. Il devait demander au chef du département quelques placards. Il trouva finalement ce qu'il cherchait, la copie du tableau des missions de la semaine. Le nom de Ron n'était pas dessus.

« Qu'ai-je prévu pour toi ? »

Ron se mordit la lèvre pour s'empêcher de rire.

« Il y a quelque chose de drôle ? »

« Hermione ne serait pas aussi désorganisée. »

« Je vois que tu n'as pas été dans son bureau récemment. »

Le professionnalisme de Ron s'évapora. « Tu plaisantes. Le bureau de Hermione est en pagaille ? Je ne te crois pas. »

« C'est vrai. Aha. » Harry trouva un parchemin couvert de son écriture illisible. Il le tourna plusieurs fois pour trouver le haut du bas et plissa les yeux pour le lire. « Tu dois être dans l'équipe qui va s'occuper du Manoir des Malfoy. »

« Non ! Allez Harry. Pas ça. »

« Tu es le chef d'équipe. Je t'ai assigné deux autres personnes. Tu entres chez Lucius Malfoy et tu rassembles tout ce qui peut être utilisé contre lui. » Harry plissa les yeux. « Sois sélectif, Ron. »

« Je suis dans cette équipe parce que tu veux protéger le petit bâtard, hein. »

Harry devait choisir ses mots avec prudence. La dernière chose dont il avait besoin était que la mauvaise personne entende ce commentaire. Il se retrouverait devant le bureau du conseiller dans la seconde. « Je veux que tu fasses ce qui est juste. »

Ron serra les dents. Harry avait déjà vu ce regard. Il bouillait. « Bien. »

« C'est tout. Je refais le tableau et je te le donne d'ici quelques heures. »

Ron tourna les talons et se dirigea vers la porte. Harry n'entendit que des bribes de son marmonnement. « Stupide… petit ami… tricher… bâtard… » étaient mélangés avec de nombreux grognements inintelligibles.

« Weasley n'a pas l'air d'apprécier la mission que vous lui avez confiée, Potter. »

Harry leva les yeux de son bureau et vit le Ministre qu'il appréciait le moins entrer dans son bureau. Cornelius Fudge. « Bonjour, monsieur le Ministre. Que puis-je pour vous ? »

Fudge entra dans la salle et regarda autour de lui avec un regard désobligeant. Il s'arrêta sur les piles de papiers qui s'entassaient sur les chaises avant de se tourner vers Harry. « Je cherchais le tableau des missions et - »

« Je sais. Je le termine immédiatement. »

« Je suis content de le savoir, Auror Potter. Nous ne pouvons nous permettre de vous envoyer sur le terrain pour l'instant. »

« Quoi ? »

Fudge prit un mouchoir et s'essuya le front. « Je suis certain que vous comprenez que nous devons garder nos Aurors les plus forts ici. Ce sont des gens comme vous qui font fonctionner la division. »

« Je ne me retirerai pas du planning. On manque de bras cette semaine. On a besoin de moi. »

« Bien sûr. Ce n'est pas vraiment mon travail de vous dire ce que vous devez faire, » Dit Fudge en faisant une boule avec son mouchoir. « Je vais simplement demander à Maugrey de vous empêcher d'aller sur le terrain. »

Persuader Alastor 'Fol Oeil', Maugrey, de quitter sa retraite et de devenir le chef de la division d'Auror du Ministère était probablement la pire idée que Dumbledore avait eue ces dernières années. La moitié des Aurors qui travaillaient pour lui pensait que c'était un génie, l'autre moitié que c'était un vieux fou cinglé. Harry se situait entre les deux.

« Il n'y a aucune raison d'impliquer Alastor, monsieur le Ministre. »

« Au contraire. Si vous avez peu de temps alors prenez quelques juniors pour remplir les vides. Ils doivent faire l'expérience du terrain. »

Harry secoua la tête. Les Juniors n'avaient pas l'expérience nécessaire. « Je suis désolé, Monsieur, mais je n'ai pas de JA. Ce n'est pas moi qui planifie leurs missions. »

Fudge rangea le mouchoir dans sa poche et posa ses paumes grassouillettes sur le bureau. « Alors écoutez, Potter. Il vaut mieux que ce tableau soit prêt sans quoi vous allez vous retrouver devant le conseil pour insubordination. Suis-je clair ? »

« Très clair, monsieur le Ministre. Je vais informer Alastor que vous mettez votre nez un peu partout, que vous jouez à nouveau avec les emplois du temps et que c'est la raison pour laquelle mon nom n'est plus sur le tableau. »

Fudge respira bruyamment par le nez. « Il n'y a aucune raison de faire cela. Après tout, je n'ai que vos intérêts à cœur. » Fudge se dirigea vers la porte. « Je m'en vais maintenant. J'espère entendre de bonnes choses à votre sujet, Potter. Oh, une dernière chose. En plus des dossiers et des rapports, j'ai besoin de leurs copies en trois exemplaires pour la fin de la semaine. Signés par toutes les personnes concernées. » Fudge se dirigeait vers la porte mais se retourna. « J'avais presque oublié. Faites attention à inscrire toutes les informations pertinentes. J'ai tendance à m'enliser dans le travail, ça rendra ma vie beaucoup plus facile. »

Harry soupira et regarda autour de lui. Les piles sur ses chaises ne comprenaient que le tiers de la paperasse dont il devait s'occuper. Le reste était sur son bureau, le sol et même sur le rebord de la fenêtre. Avec toutes les choses que la magie pouvait faire, pensa Harry, c'était vraiment une honte que personne n'ait trouvé un sort pour accélérer le travail administratif.

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« Ecoute, Potter, je sais que tu veux aller en mission, et je sais que je t'ai dit qu'il serait préférable que tu t'en charges. Mais avec Cornelius qui fourre son nez partout comme la petite taupe qu'il est, je ne peux pas te laisser partir. »

Harry ferma les yeux et serra les dents. Alors c'est ce qu'avait ressenti Ron lorsqu'il lui avait assigné la mission. « Mais, monsieur… »

Maugrey haussa un sourcil en entendant le ton formel. Harry se détendit visiblement. « Harry, fais-en sorte que la paperasse pour Fudge soit prête pour ce soir. Et ne sois pas trop en colère lorsqu'il la jettera à la poubelle devant toi demain. »

« Alastor, à quoi ça sert ? Tous les meilleurs agents sont obligés de rester derrière un bureau pour au moins six mois. La moitié des Aurors ont peur d'avoir une bonne note. S'ils en ont trop, ils se retrouveront certainement derrière un bureau. »

« Tu sais aussi bien que moi que Fudge minimise l'importance des Aurors. Il essaye encore de convaincre la population -»

« Que tout va bien dans le meilleur des mondes et que Dumbledore est un vieux fou qui panique. »

« Exactement. Reste calme pendant que je termine ce que j'ai à dire. » Maugrey tapota sur le bureau, son oeil de verre flottant librement, comme d'habitude. Harry évitait de le regarder. « Demain, quand Fudge aura eu sa paperasse, je vais te confier à toi et à d'autres une autre mission. Ce sera temporaire. Albus m'a parlé de quelque chose et il pense que l'Ordre n'aura pas le pouvoir de s'en occuper. J'envoie cinq de mes meilleurs Aurors — dont toi — rencontrer cette source anonyme. Je suis certain que tu seras capable de t'en occuper. »

« Oui, monsieur. »

Maugrey fit un mouvement de baguette vers la porte qui s'ouvrit sans un bruit. « Allez Potter, vous avez de la paperasse à faire. »

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« Qu'est-ce que tu n'as pas compris dans la phrase: 'dîner à dix-neuf heures avec moi et Hermione ce soir' ? »

Harry s'assit sur le canapé de Ron. Hermione avait quitté l'appartement une heure auparavant. Harry venait d'arriver, chancelant, hors de la cheminée. « Le 'à dix-neuf heures'. » Harry soupira et prit sa tête entre les mains. Il avait une migraine.

« Il est vingt trois heures trente. »

« Je sais. »

« Que faisais-tu ? » Ron s'assit sur le repose-pieds pour pouvoir le regarder.

« De la paperasse. » Harry leva la tête. « Je suis désolé, Ron. C'est juste -»

« Tes excuses ne m'intéressent pas vraiment, Harry. Je sais que le Ministère te surcharge de travail. Je pensais pourtant qu'il te serait possible de partir en douce et de venir dîner avec tes deux meilleurs amis. » Ron se leva et fit se dirigea vers la cuisine. « Nous te voyons à peine depuis que tu as déménagé. Et c'est beaucoup dire puisque tu es à Poudlard et qu'Hermione vit à Pré-au Lard. »

Ce n'était pas comme s'il n'avait pas essayé de les voir : il n'avait simplement pas le temps. Par l'Enfer, il ne voyait presque plus Severus alors qu'il vivait avec lui. « Ron, Je… Je ferais mieux de rentrer. »

« Ouais, nous ne voudrions pas que le bâtard avec lequel tu vis s'inquiète pour toi. »

Harry haussa ses deux sourcils.

« J'ai vu Drago avec une fille au Chaudron Baveur la semaine dernière. Et la semaine précédente il était avec ce gars à la Tête de Sanglier. »

« Depuis quand vas-tu à la Tête de Sanglier ? »

« C'est Sirius qui l'a vu mais il ne voulait pas te le dire. » Ron se tourna pour lui faire face. « Si vous avez encore des problèmes -»

« Ca va, Ron. Dray et moi allons bien. Je le savais déjà ; ce n'est pas ce que tu penses. S'il te plaît ne t'inquiète pas. »

« Tu es mon meilleur ami, Harry. Bien sûr que je m'inquiète pour toi. »

« Je sais. Mais ce n'est vraiment pas ce à quoi tu penses. Drago et moi nous nous entendons bien. » Mais pas aussi bien que tu le penses, ajouta-t-il silencieusement.

« Bien. Souviens-toi simplement que tu peux revenir vivre ici. Avec l'emploi du temps que le Ministère te prépare, ce serait peut-être mieux. »

« Peut-être. » Harry n'avait pas particulièrement envie de revenir vivre avec Ron, mais cet arrangement avait des avantages.

« N'oublie pas de t'arrêter pour me prendre sur le chemin demain. »

« A quelle heure dois-je y être ? »

« L'équipe part à oh- cinq-heures. Ca veut dire que nous devons y être à 4h30. »

Harry soupira. Il n'allait pas encore beaucoup dormir cette nuit. Le temps qu'il transplane à Pré-au-Lard et marche jusqu'au château… « Très bien, je serai là à 4h15. A demain. »

« Aujourd'hui Harry. Il est tout juste minuit. » Dès que Ron eut prononcé ces mots, la vieille horloge sonna l'heure.

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« Merde. »

Severus grogna et roula sur lui-même. Il posa ses bras à la place où devrait se trouver son amant, mais elle était vide.

« Chercher dans le noir ne te servira qu'à avoir les doigts de pieds couverts de bleus et de sang, Harry. »

Harry grogna.

Severus regarda le réveil moldu de Harry. 3h30. Il ne se souvenait pas l'avoir vu rentrer la nuit dernière. « Comment était le dîner ? »

« Tu es horriblement bavard aussi tôt le matin. »

« Tu rentres horriblement tard. Le moins que tu puisses faire est de laisser un vieil homme décrépit comme moi dormir. »

« Tu dormais quand je suis rentré à 00h30. Si je ne m'étais pas cogné le pied, tu dormirais encore. » Il jeta un faible Lumos et regarda sous le lit. « En fait, rendors-toi, Severus. Je suis déjà assez en retard. »

« En retard ? Il est 3h30 du matin et tu es en retard ? »

Harry se leva. Malgré la faible lumière, Severus vit les yeux rouges et les traits tirés de son amant. « Oui, en retard. Je dois être chez Ron à 4h15. Ce qui veut dire que je dois y être dix minutes plus tôt pour tirer Ron du lit. » Harry se retourna. « Putain, où sont mes bottes ? »

« Près de la porte, là où elles sont toujours. » Severus s'assit, les draps tombant sur sa taille. Il regarda Harry sortir de la pièce. « Pourquoi dois-tu partir aussi tôt ? »

« Je ne sais pas, peut-être parce que c'est ce qu'on exige de moi ? »

Severus haussa un sourcil en entendant le ton coupant. « Veux-tu me répéter cela autrement, Potter ? »

Harry soupira lourdement et difficilement. « Désolé. Je dois voir une équipe sur le terrain. Faire en sorte que pendant le travail préliminaire on vérifie que… laisse tomber. »

Severus eut un sourire en coin. Harry le connaissait bien. Il aimait les détails quand il s'agissait de potions et d'espionnage, mais il n'était pas intéressé par la minutie du travail de Harry. « C'est de ta faute si tu restes aussi tard. Si tu étais revenu à la maison plus tôt, tu ne serais pas de si mauvais poil. »

Severus le vit, du coin de l'œil, lever les yeux au ciel.

« Si tu veux vraiment le savoir, je ne suis pas aller à ce dîner. »

« Pourquoi pas ? Drago m'a dit que tu l'attendais avec impatience. »

« J'avais de la paperasse à faire. Et ne sois pas en colère parce que je parle plus à Drago qu'à toi ces derniers temps. Il m'aide à organiser la rafle au Manoir Malfoy. » Harry le regarda rapidement. « C'est là que je dois aller. Je dois être certain qu'il n'y aura pas de problème ce matin. »

Severus passa une main dans ses cheveux. Il grogna plusieurs fois et le regarda avec des yeux noirs. Il avait été momentanément jaloux de Drago. Il n'avait pas aimé. « Ils te surchargent de travail, Harry. »

« Tu crois que je ne m'en rend pas compte ? » Harry boutonna rapidement sa chemise.

« Tu peux faire bien mieux que du travail de bureau. Le Ministère gâche ton talent. »

« Eh bien, dis-le à Fudge. Il m'a retiré de l'équipe de terrain hier. »

Severus plissa les yeux. « Pourquoi ? »

« Parce que c'est un con. » Il mit une botte. « Je ne sais pas. Et Maugrey est d'accord avec lui. » Il glissa son pied dans l'autre botte. « Je n'ai pas l'impression d'être utile à quoi que ce soit. »

« Retourne travailler avec l'Ordre. »

Harry se dirigea vers le lit et mit une main sous son oreiller. « Je ne peux pas. Je ne veux vraiment pas enseigner la Défense. Nous en avons déjà parlé. » Il posa ses lèvres contre celles de Severus. Quand il se recula sa dague était dans sa main. Il la glissa dans sa botte. « De plus si je tiens suffisamment longtemps, je serai nommé chef du département. Alors peut-être que je pourrais faire avancer les choses. En passant par-dessus le conseil. »

« Tu veux changer officiellement les choses. Bonne chance. Mais tu n'y arriveras pas avec Fudge comme Ministre. »

Harry s'assit sur le bord du lit. Severus le vit fermer les yeux et déglutir. « Ca ne sert à rien, hein, Severus ? »

« Tu agis comme un Gryffondor stupide. N'as-tu donc rien appris ? Rien ne se fait 'par-dessus le conseil'. Pourquoi crois-tu que la majorité des politiciens sont des Serpentards ? »

« Je suis un Serpentard. »

« D'après toi, tu es Sans Maison. »

Harry le regarda avec des yeux noirs.

« Et pour moi tu seras toujours un gamin Gryffondor impertinent et irascible. »

« Je t'aime aussi, Sev. » Harry soupira, se leva et sortit de la chambre.

Je t'aime aussi. Severus ne lui avait en fait jamais dit qu'il l'aimait mais ce n'était pas la première fois qu'Harry répondait ainsi quand il le traitait de Gryffondor impétueux.

Severus sortit du lit et entra dans le salon. Harry fouillait dans une pile de papiers, il en sortit certains et les mit dans un cartable.

« Je ne serais peut-être plus longtemps derrière un bureau. Alastor me fait sortir. Il a parlé d'un service à rendre à Albus. » Il leva les yeux. « Tu ne sais rien là-dessus, si ? »

« Non. » Tout ce qu'il savait c'était que ce n'était pas bon et qu'il ne pourrait pas aider Harry. Il découvrirait les détails suffisamment tôt. Mais si Harry était blessé…

« Harry ? »

Harry s'arrêta pour le regarder. « Quoi ? »

Severus déglutit. « Unis-toi à moi. »

Harry renifla et referma son sac. « Je ne te croyais le genre de personne à vouloir unir ton âme. »

« Je ne te parle pas de ça. »

« Alors quoi… Pas le truc du puits ? Tu ne parles pas de ça ? » Harry posa le sac sur la table.

« Si. »

« Pourquoi ? » La voix de Harry était à peine plus forte qu'un murmure.

« Je veux être sûr que, en stupide Gryffondor que tu es, tu ne te feras pas tuer. »

« Non. » Harry secoua la tête, prit son sac et se dirigea vers la porte. « Je verrai -»

« C'est parce que je t'aime. » Les mots étaient sortis avant qu'il ne puisse les arrêter.

Harry se retourna et le regarda sans prononcer le moindre mot.

« Unis-toi à moi, Harry. »

Harry tourna la poignée. Alors qu'il passait le pas de la porte, il regarda Severus par-dessus son épaule. « Tu es fou. » ♦