39. Épilogue : Encore des Feux d'Artifice

Quand j'arrivais au rez-de-chaussée, mes chaussures de running à la main, les enfants étaient toujours scotchés devant la télévision. Mike était dans la cuisine, je le rejoins donc. Il venait juste d'ouvrir le lave-vaisselle.

"C'pas un temps à sortir d'z'hommes ou d'bêtes," remarqua-t-il.

Il avait raison. La nuit était froide et un crachin sinistre emplissait l'air. Aurais-je couru seule, un simple regard à la pluie goutant sur les vitres aurait suffi à me persuader de m'avachir en boule devant la télé. Avoir une partenaire de footing était essentiel. Cela m'assurait de ne pas être celle qui annulerait.

"Un peu d'eau ne va pas m'arrêter," répondis-je. Assise sur un tabouret, j'enfilais mes chaussures.

"Tu as vu les infos aujourd'hui ?" demanda Mike.

"Non," admis-je.

"Ginny avait raison. Les deux frères responsables des meurtres de Sheffield ont tous les deux plaidé coupable. Ils ont été incarcérés leur condamnation aura lieu dans quelques semaines."

"Ouais." Je hochais la tête. "Elle pense qu'ils vont tous les deux écoper d'un minimum de trente ans."

"Quand est-ce qu'elle t'a dit ça ?"

"Lundi soir, pendant qu'on courrait," admis-je. "J'ai oublié de te le dire, désolée."

"D'autres bribes de ragots que je devrais connaître ?"

"Tu te souviens du 'Petit Chaperon Rouge' ? Elle a été autorisée à démissionner," dit-elle.

"Est-ce qu'elle n'était pas responsable d'une faille de sécurité au travail de Harry ?"

"Ouais," dis-je. "Elle s'en sort bien, je trouve. Au début ils parlaient de l'inculper pour quelque chose, puis ils pensaient la virer. Mais, au final, ils ont décidé de la laisser démissionner."

"Pourquoi ?"

"Ginny pense que c'est parce que s'ils emprisonnaient les gens pour être des imbéciles profonds, la moitié du monde serait en prison," répondis-je.

"Vrai," approuva Mike. "En y repensant, elle devait être fonctionnaire. Ça fera bien moins de paperasse pour ses supérieurs si, au lieu de la pousser, c'est elle qui saute."

"Hmm" approuvais-je.

Finissant mes doubles nœuds, je me levais et attrapais mon téléphone. Je pars maintenant. J'étais à la moitié du deuxième mot quand mon téléphone proposa la suite de ce récent message régulier. Après avoir appuyé sur 'envoyer', j'accrochais mon téléphone sur mon bras et enfilais mon pull, ma cagoule, mon gilet haute-visibilité et ma lampe frontale.

"Amuse-toi bien !" les mots de Mike étaient joyeusement taquins, avec juste une pointe de sarcasme. Il stoppa son remplissage du lave-vaisselle, traversa la cuisine et m'offrit un baiser d'adieu rituel. Tout en effleurant mes lèvres, il agrippa mon derrière et le pressa. Pendant ce temps, je levais la main et allumait ma lampe. Il tituba théâtralement en arrière, les mains devant les yeux, criant "Ça brûle, ça brule."

"Ciao, dingo," dis-je avec un sourire. "Au-revoir, les enfants," criais-je.

"Au revoir Maman," répondirent-ils depuis le salon.

Sortant à l'extérieur, je fermais la porte de la cuisine et m'élançais dans l'allée. En me retournant, je vis Mike me faire signe à travers la vitre. Lui faisant un signe en retour, je trottinais jusqu'à la route. La pluie n'était pas forte, mais le vent soufflait du nord en rafales glaciales et il me poussait dans la descente vers Harbottle.

Tout en courant le long de la rivière, seule dans le noir, mes pensées revinrent à la fête pour Henry. Je repassais mon programme, essayant de m'assurer que je n'avais rien oublié. Parcourant mentalement ma liste, je décidais que tout était prêt. Tout, en fait, sauf les feux d'artifice.

Avant que je ne m'en rende compte, j'avais atteint le chemin menant à la Ferme de Coquetside, le point où la partie circulaire de mon chemin de course commençait et se terminait. Quand j'atteindrais à nouveau cet embranchement, je dirai au-revoir à Ginny et courrai vers la maison. Je courrai aussi en montée face au vent qui était pour le moment dans mon dos.

Vivre dans une région du monde non éclairée rend le footing après la tombée de la nuit difficile. Toujours basse dans le ciel, la lune gibbeuse décroissante aurait dû fournir un éclairage raisonnable. Malheureusement, les nuages de pluie errants travaillaient dur pour l'obscurcir. À cause de l'inconstance de la lune, mon univers se réduisait aux quelques mètres imbibés de pluie du faisceau de ma lampe.

Bien que je ne vois pas à une très longue distance, la rambarde métallique à côté de moi et le son de l'eau s'écoulant sur des pierres m'indiqua rapidement que j'avais atteint le pont au-dessus de la Coquet. Alors que je traversais la rivière, une chouette hulula. Je me risquais à regarder en l'air, bien que le besoin constant de surveiller où je mettais les pieds rendis mon coup d'œil furtif. Je ne repérais pas la chouette et ce fut une bonne chose que je baisse les yeux immédiatement. J'eus à raccourcir ma foulée afin d'éviter un hérisson roulé en boule. Marcher dessus aurait été un mauvais présage pour le gâteau d'anniversaire de Henry.

Le monde était silencieux. La pluie s'était changée en bruine si fine qu'elle ne faisait aucun bruit en tombant. À peine plus qu'un brouillard, elle recouvrait mes vêtements et me glaçait les doigts. Il n'y eut pas d'autres hululement. Le vent dans les arbres, le tambourinement mouillé de mes chaussures de running tandis qu'elles battaient le bitume à un rythme régulier et le son de ma propre respiration étaient mon univers. Il n'y avait pas de circulation, pas de voix lointaines, pas d'enfant réclamant mon attention. Je courus à travers les ténèbres, libre.

Lorsque j'approchais du parking du château, j'aperçus une autre lampe frontale. Cette boule de lumière rebondissait régulièrement vers la route. Il était difficile d'estimer les distances, mais j'étais certaine que Ginny était un peu plus proche de a barrière de Drakeshaugh que moi. Agrandissant ma foulée, j'essayais d'arriver en même temps qu'elle. Mon timing était bon, mais pas parfait. J'étais à moins de vingt mètres du chemin montant vers Drakeshaugh quand elle déboucha en courant sur la route devant moi.

"Fait froid ce soir," lança Ginny par-dessus son épaule. Ralentissant un peu, elle me laissa la rattraper, puis adapta sa foulée à la mienne.

"Les nuits s'allongent. L'hiver approche. Ça ne va aller qu'en se refroidissant," approuvais-je en la rejoignant. "J'aurais dû mettre des gants."

"Moi aussi !" approuva Ginny en agitant les doigts. "Enfin, on va survivre, et Harry a promis qu'il aurait un bain chaud qui m'attendrait à mon retour."

"Bon sang, si seulement j'avais pensé à ça," répondis-je alors que nous entamions la descente vers l'école.

Pendant un moment, nous ne parlâmes pas. Dans le silence, je me retrouvais encore et encore à prévoir le programme pour le lendemain soir.

"Tout va bien ?" demanda Ginny.

"Très bien", lui assurais-je.

"Tout est prêt pour demain soir ?" Une fois de plus, Ginny démontrait son talent pour découvrir ce qui tournait au fond de ma tête.

"J'espère," dis-je. Mike a posé une bâche au-dessus du bucher pour le feu de joie avant que tout ça ne commence." J'agitais la main à travers le crachin. "Ce truc serait une tannée à allumer sur les branches étaient trop mouillées. Heureusement, la météo pour demain annonce une nuit claire. Des nouvelles de Ron à propos des feux d'artifice ?"

"Harry ne t'a pas dit ? Tout est arrangé. Ron a prévu quelque chose de spécial, du moins c'est ce qu'il a dit. Il les amènera avec lui demain. Il prétend que c'est expérimental," me dit Ginny. "Il dit aussi qu'il ne veut pas te les faire payer. C'est son cadeau."

"Je ne peux pas accepter…" commençais-je à protester alors que nous trottinions en direction du pub du village.

"Il a dit à Harry que personne sain d'esprit ne voudrait courir plus de cinq kilomètres dans le noir – trois fois par semaine – et tout spécialement en novembre. Il a dit qu'on s'arrêtait probablement au pub pour un verre ou deux de vin et qu'on prétendait juste être allé courir !" interrompit Ginny.

"L'enfoiré insolent ! Dans ce cas, je peux accepter son offre," dis-je. "Comment c'était au Pays de Galles ?"

"Impeccable, les deux filles qui emménagent dans notre propriété d'Anglesey semblent suffisamment bien sur le papier, mais je voulais m'entretenir avec elle, juste pour être sûre."

Une fois de plus, ma curiosité eut raison de moi. "Une maison à Londres et une autre au Pays de Galles ! Combien de propriété toi et Harry avez ?"

"Juste ces deux-là, plus Drakeshaugh bien sûr," dit-elle. "Ron nous dit qu'on a de la chance. Dans un sens, c'est vrai. On est passé d'une propriété à trois en dix ans, mais on est des propriétaires accidentels. J'ai acheté la maison de Beaumaris quand j'étais célibataire et que je travaillais à Holyhead. Quand on s'est marié, j'ai emménagé avec Harry et on a décidé de la louer plutôt que de vendre. On n'a toujours pas de réel revenu avec. Le loyer couvre simplement l'emprunt et les charges. On peut se permettre de la garder, parce que la maison de Harry à Londres est à lui. C'était un héritage. Elle appartenait à son parrain, qui est mort très jeune et n'avait pas de famille. Il a laissé sa maison, et tout ce qu'elle contenait, à Harry."

"Désolé de l'apprendre," dis-je. "Est-ce que Harry était proche de son parrain ?"

"Jusqu'à sa mort, très proche. Sirius était le lien le plus direct des Harry avec ses parents."

"Sirius… James Sirius !" m'exclamais-je alors que nous approchions du pont piéton au-dessus de la Coquet. Le pont étroit nous força à passer l'une devant l'autre, donc Ginny ne répondit pas avant que nous ayons tourné sur le chemin pour remonter vers le haut de la vallée.

"James pour le père de Harry, et Sirius pour son parrain," confirma Ginny. "Est-ce que j'ai raté beaucoup de ragots de grille d'école, hier ou aujourd'hui ?"

Le changement de sujet était flagrant, mais je ne pouvais pas l'en blâmer. Harry semblait avoir vécu tant de tragédies dans sa vie. Ce n'était pas étonnant qu'il ne veuille pas en parler. Il n'y avait pas grand-chose que je puisse lui dire. Avec l'affaire de Harry désormais close, le sujet brûlant pour les potins au portail de l'école était devenu le divorce de Mary.

"Hier, c'était le lendemain de la pleine lune," dis-je. "Donc Angela a été enfin forcée d'admettre que le tueur de la pleine lune avait bel et bien été arrêté. Aujourd'hui…"

Je pris un temps pour reprendre mon souffle. Ginny menait un bon rythme et nous avions atteint la portion montante du parcours.

"Aujourd'hui ?" demanda Ginny.

"Mary est après une demie part des Transports Saville !" dis-je, décidant de partager mon opinion. "Je ne sais pas si c'est une nouvelle femme ou si je l'avais juste mal jugée. Peut-être qu'elle n'est pas si horrible après tout. Je me demande quel genre de relation elle et Bobby entretenaient. Est-ce qu'elle a toujours été malheureuse ? Est-ce que la trahison et un divorce compliqué lui font du bien ?"

"Je ne suis pas sûre qu'elle ait changé," dit Ginny prudemment. "Tu as de la sympathie pour sa situation, Jacqui, et moi aussi, ne te méprend pas. Mais c'est possible de ressentir de la sympathie pour quelqu'un et de ne toujours pas l'apprécier. Quand j'ai rencontré Mary pour la première fois, j'ai pensé que c'était une connasse arrogante et imbue d'elle-même, et toi aussi ! Maintenant tu veux croire qu'elle est une meilleure personne que cette première impression."

"Ce n'est pas le cas ?" demandais-je. Je connaissais suffisamment Ginny pour être capable de prévoir sa réponse, mais je voulais l'entendre la donner.

"Non." La réponse de Ginny fut brutale. "Tu la vois en mieux parce que, pour le moment, elle n'est pas désagréable envers toi, ou moi, ou personne spécifiquement. Ça ne veut pas dire qu'elle est gentille, Jacqui. Ça veut dire qu'elle n'a qu'un volume limité de bile et de colère à libérer, et actuellement tout est dirigé exclusivement contre son très bientôt ex-mari."

Les paroles de Ginny me donnèrent matière a réflexion et je les considérais soigneusement.

"Tu dois avoir raison," admis-je, repensant à mes années d'école. "C'est facile d'oublier combien quelqu'un nous a martyrisé quand ils décident de nous laisser tranquille et de s'en prendre à quelqu'un d'autre."

"Exactement," approuva Ginny.

Lorsque nous poursuivîmes notre montée du chemin boueux, la section de côte la plus raide de notre parcours, la conversation s'interrompit. Nous nous concentrions pour garder notre vitesse et éviter les flaques. Dans le silence, mon esprit s'égara vers les conversations de devant l'école.

"Où est ton amie ?" La même question m'avait été posée le soir précédent.

"Ginny est au Pays de Galles ils ont une propriété qu'ils louent à Beaumaris."

"Vous faites toujours du jogging ?" demanda Angela.

"On court trois soirs par semaine. Ce n'est que notre deuxième semaine complète, mais ça nous fait clairement du bien," avais-je dit. La plupart des autres mères ne restaient pas convaincues, mais cela ne me dérangeait pas. J'adorais ma nouvelle routine et je ne voulais pas que quiconque l'interrompe.

La course, la natation, les cafés et les discussions à Drakeshaugh. Depuis que la nouvelle année scolaire avait débuté en septembre, ma vie avait changé pour le mieux. Tout ça parce que mon fils était devenu ami avec le fils de Ginny. Mike essayait de me persuader que nous pouvions acheter une moto et il avait suggéré que je recommence à jouer de ma cornemuse.

Ginny me tira de mes pensées vagabonde en demandant : "Qu'est-ce que je peux amener ?"

Je fus surprise de découvrir à quel point nous avions progressé. Nous passions la Ferme de Coquetside et entamions notre descente vers la rivière.

"Toi et ta famille," dis-je. "Et les feux d'artifice de Ron et sa famille, évidemment. Tu peux laisser Ron chez toi, si tu veux."

"Je lui dirais que tu as dit ça," rit Ginny.

"S'arrêter au pub !" grommelais-je. "Il peut venir courir avec nous vendredi. On verra comment il s'en sort !"

"Très mal, il n'arriverait même pas à courir jusqu'au pub," dit Ginny. "Ron, Hermione, Rosie et Hugo devraient arriver à Drakeshaugh demain vers midi. Est-ce que tu veux te joindre à nous pour le déjeuner ?"

"J'aimerais bien, mais je ne peux pas. Merci de proposer, mais il me reste énormément à faire," haletais-je. Je commençais à avoir le souffle court. "J'organise une fête d'anniversaire demain soir, tu te souviens ?"

"On sera là," m'assura-t-elle. "Est-ce que je peux aider ? Est-ce que tu as besoin de quoi que ce soit ?"

"Besoin, non," lui dis-je. "Mais les deux hommes de ma vie ont laissé échapper des sous-entendus gros comme des maisons que, si jamais tu demandais, je devais te rappeler qu'ils sont très friands de tes croquants maison gingembre et sucre roux."

"J'en préparerai demain matin et je les mettrai sous clef avant l'arrivée de Ron. Si je ne les cache pas, Mike et Henry n'en auront pas de toute façon." Elle jeta un coup d'œil à sa montre. "Presque un minute de moins de Drakeshaugh jusqu'ici," ajouta-t-elle quand nous approchâmes la route d'Alwinton à Harbottle. "À demain devant l'école, Jacqui."

"A demain, Ginny."

Nous atteignîmes la route et nous fîmes signe. Elle tourna à gauche et pris la descente vers Drakeshaugh, je pris à droite. En me dirigeant en montée vers Lintzgarth, j'essayais d'accélérer ma foulée. Je voulais être capable de sprinter le dernier demi-kilomètre jusqu'à la maison. C'était une dure épreuve.

~~~oooOOOooo~~~

"Quand c'est qu'ils viennent ?" demanda Henry pour la n-ième fois.

"Avant demain et après hier," dit une nouvelle fois Mike.

Je serrais les dents. L'échange devenait vraiment usant.

"Mais quand, z'actement, Papa ?" demanda Henry.

Maman souriait tendrement à son petit-fils et également à mon mari. J'avais mes gants à four dans les mains et, si Mike avait répondu 'aujourd'hui', juste comme il l'avait fait lors des précédentes occasions, je crois que j'aurais risqué l'ire d'à la fois ma mère et ma belle-mère et les lui aurais jeté à la figure.

À la place, il dit : "Exactement maintenant, Henry. Des phares approchent. C'est eux. Tous à vos postes ! Tous à vos postes !"

"Youpi !" hurla Henry. Annie commença à danser.

Mes enfants étaient à la porte de la cuisine et essayaient de l'ouvrir avant même que les moteurs soient éteints. Henry y parvint et nos invités furent accueillis à l'extérieur. Le chaos s'ensuivit. Les cadeaux furent remis et, avant que je ne puisse intervenir, un Henry tout fou éparpillait du papier cadeau déchiré comme des confettis. Harry et Ginny le dorlotaient. Les enfants couinaient et criaient et se couraient après autour des voitures en riant.

Au cœur de ce remue-ménage, Ron m'offrit une bouteille de Bordeaux Grand Cru portant une étiquette disant : 'Attention : Ne pas tout boire en une seule fois !" Hermione s'excusa auprès de moi pour le sens de l'humour de son mari, au moment même où Mike le complimentait pour cela. Tout cela se passait alors que j'essayais de nettoyer derrière Henry. Au moins Mike réussit à faire son devoir, présenter nos invités à mes parents et aux siens. Alors que je grattais dans le gravier à la recherche de morceaux de papier cadeau, Ginny s'approcha et m'aida.

Quand les choses se calmèrent enfin et que nous eûmes tous admiré les cadeaux de Henry, je confiais à Mike la tâche de s'assurer que nos invités aient tous à boire. Une fois cette action accomplie, les enfants, sous la supervision des adultes, furent autorisés à sortir pour regarder l'ardent feu de joie.

Les jeunes enfants et les grands feux m'avaient toujours rendu nerveuse, mais Mike, Ron, Papa et mon beau-père étaient là pour garder un œil sur eux. Mike, Ron et Papa avaient tous des bières, des pintes de Riggwelter. Le père de Mike était le seul des hommes à ne pas boire. Ma belle-mère et Hermione se dirigeaient elles aussi vers l'extérieur, mais elles s'arrêtèrent dans la cuisine et offrirent de m'aider. J'annonçais que j'avais tout en main et les envoyait aider à surveiller les enfants.

Quand Harry, Ginny et Maman arrivèrent enfin du salon, je coupais des petits-pains et retournais des steaks-hachés frénétiquement. Ils avaient bavardé. Il s'avérait que, bien des années plus tôt, Harry avait logé dans son Bed & Breakfast. Il l'avait reconnue immédiatement.

Incroyablement, étant donné le nombre de visiteurs qu'elle avait accueilli au fil des années, Maman se souvenait également de lui. Il était arrivé à l'improviste à sa porte par une horrible soirée de février, gelé et trempé. Plus tard, il l'avait interrogé sur la Pierre Tremblante. Une seule de ces choses l'aurait rendu mémorable pour Maman les deux ensemble l'avaient rendu inoubliable.

"La Pierre Tremblante, ces rochers sinistres en haut de la Crête du Bosquet Sanglant ?" Je pouvais sentir la chair de poule se former sur mes bras lorsque je mentionnais le nom de l'endroit. Il y avait quelque chose d'étrange autour de ces pierres et ma grand-mère m'avait toujours prévenu de me tenir à distance de cet endroit les nuits de pleine lune. Par déférence à l'affaire juste bouclée de Harry, je ne mentionnais pas l'avertissement de ma grand-mère. À la place, je dis simplement : "Je suis surprise qu'un sudiste comme toi ait entendu parler de la Pierre Tremblante, Harry."

"C'est arrivé dans la conversation que j'avais avec ta mère au sujet des noms de lieu étranges," dit Harry.

"C'était le cas," approuva Maman, "parce que vous l'aviez mentionné."

"Ah bon ?" Harry haussa les épaules.

"Tu as besoin d'aide, Jacqui ?" interjeta Ginny.

"Je peux m'en sortir," lui assurais-je.

"Ne sois pas ridicule, Jacqueline," dit Maman. "Ces saucisses sont presque cuites, et les steaks aussi. Est-ce que les oignons ne devraient pas être en train de revenir ?"

"Je peux faire revenir les oignons," proposa Harry.

"Ginny, pouvez-vous couper les tomates ?" demanda Maman. "Et je vais beurrer ces petits pains."

"Vous êtes mes invités," protestais-je.

"Je suis de la famille, trésor," me rappela Maman.

"Et on est des amis," dit fermement Ginny. Choisissant un couteau dans le bloc, elle commença à trancher. "Tous les autres sont dehors, Jacqui. On ne va pas te laisser toute seule ici à trimer."

"Je peux gérer," protestais-je.

"Mais tu n'es pas obligée de le faire," répondit-elle. "Sinon à quoi ça sert, les amis ?"

~~~oooOOOooo~~~

Mike et Ron étaient proches du feu de joie et bavardaient. Je m'avançais tranquillement pour les rejoindre.

"… notre voyage à Londres, avant qu'on ait les enfants," disait Mike à Ron. "Bonsoir, mi amore, t'ai-je dit combien tu étais formidable ?" Sur cette reconnaissance de mon arrivée, il revint à son histoire. "Tu vois ces petits sachets de moutarde qu'on trouve dans les hôtels ?"

Ron hocha la tête.

"Il y avait ce type Américain à la table à côté de nous. Super bruyant. Tu vois le genre. Bref, il n'était pas fan du buffet de petit-déjeuner Anglais typique, et il était littéralement horrifié par la présence de haricots blancs à la tomate et de Black Pudding, donc il s'est pris un petit pain et a mis une saucisse dedans. Ensuite il a pris une pleine poignée de sachets de moutarde, au moins une demi-douzaine."

"Il n'a pas fait ça !" Ron riait en anticipation. Mike avait clairement trouvé un égal en humour. Je poursuivis son récit.

"Il l'a fait," confirmais-je. "Il a mis au moins six sachets de moutarde sur une seule saucisse."

Mike hocha la tête, écarquilla les yeux et gonfla les joues. Le ricanement de Ron tourna au rire.

"Exactement," dit Mike. Hermione, un Hugo à l'air fatigué dans les bras, nous rejoint. "Le type a pris une bouchée, a ouvert le pain et a gratté toute la moutarde."

Ron croisa mon regard. "Ce sont d'excellentes saucisses, Jacqui, pas besoin de moutarde," dit-il en agitant son pain devant moi. "Super assaisonnement, en fait. Je ne sais pas comment tu l'as fait, vache…" Le regard noir d'Hermione aurait pu faire fondre du plomb. "Carrément génial." Il termina sa phrase sans presque marquer de pause. "Est-ce qu'il reste des patates ?"

"Juste une," dis-je. Il se dirigea vers la cuisine.

Tous les autres avaient terminé de manger, même les enfants. Mike, Hermione et moi rejoignîmes les autres. "Où diable met-il tout ça ?" demandais-je à Ginny alors que son frère revenait avec la dernière pomme de terre en robe des champs et un autre hot-dog.

"Je n'en ai aucune idée," admit-elle. "Mais puisque Ron est occupé à terminer ta dernière pomme de terre, il est peut-être temps pour Harry d'aller sortir les croquants au gingembre du coffre."

"Des croquants au gingembre ? Pas juste," protesta Ron.

"Si quelqu'un veut plus que quelques biscuits, il reste encore deux hamburgers…" dis-je.

"Un hamburger," me corrigea Ron. "Et une saucisse."

"Il y a un plateau de fromage sur la table de la cuisine. À moins que Ron ne l'ait aussi mangé," annonçais-je. Il secoua la tête. "On a du cheddar vieux, du bleu de Blagdon, du Coquetdale et du Redesdale, qui est un fromage de brebis."

~~~oooOOOooo~~~

Il y avait d'autres feux d'artifices tirés dans le village, et encore d'autres plus bas dans la vallée, mais aucun ne fut aussi lumineux et brillant que celui que tira Ron. La dernière fusée fut plus bruyante que toutes celles qui l'avaient précédée. Alors que ses étoiles colorées s'estompaient et que son explosion finale résonnait à travers les collines, Ron posa une question. "Est-ce que c'est un anniversaire ?"

Les enfants hurlèrent leur confirmation.

"C'est l'anniversaire de qui ?" demanda Ron.

"Moi !" hurla Henry.

"Henry," approuvèrent James, Al et Rosie.

"Henny," ajoutèrent Annie, Hugo et Lily.

"Excellent," annonça Ron. "C'est le dernier feu d'artifice et il est exprès pour celui qui fête son anniversaire. Tu vas avoir besoin d'aide pour souffler tes bougies, Henry. Est-ce que tout le monde est prêt à t'aider ?"

"Oui !" répondirent en chœur les enfants.

"Et vous autres ?" nous demanda Ron.

"Oui," répondîmes-nous, bien que moins fort.

Ron croisa les bras et essaya à nouveau. "C'était pourri montrez un peu d'implication !" Les enfants se retournèrent et nous regardèrent fixement. "Est-ce que les adultes vont t'aider ?" demanda Ron.

"Oui," hurlâmes-nous.

"Eh bien, voilà qui était mieux, pas vrai ?" demanda Ron aux enfants.

"Ouais," approuvèrent-ils.

"On y est, denier feu d'artifice. Croisons tous les doigts et prions que tout aille pour le mieux, hein ?" demanda Ron.

"Canons !" hurla James, levant le poing en l'air.

Je jetais un coup d'œil vers Ginny. "Longue histoire," dit-elle, secouant la tête vers Ron. Il ne lui prêtait pas attention, il levait les pouces en direction de James.

"Et c'est pour ça que tu es mon neveu préféré du monde entier, James," dit Ron. "Reculez, tout le monde."

Il alluma la dernière mèche du gros feu d'artifice final, un simple cylindre de carton d'environ la taille d'un pot de peinture de cinq litres. Au début, rien ne se produisit. Subitement, il y eut une forte explosion et le cylindre fut projeté dans les airs. Il n'y eut pas de couleur, rien. Il disparut simplement dans les ténèbres.

"Qu'est-ce que…" commença Henry. Cela se produisit alors.

Je n'avais aucune idée de comment Ron y était parvenu, mais un cylindre coloré apparu doucement tournoyant dans le ciel au-dessus de nos têtes. Un instant plus tard, cinq épaisses lignes rouges brillantes apparurent au-dessus.

"Feu de tifice gâteau de niversaire !" hurla Rosie. C'était un gâteau d'anniversaire, avec cinq bougies, et il était fait d'un feu d'artifice étincelant.

"Allez, les flammes," murmura Ron. Presque immédiatement, une flamme jaune apparue au sommet de chaque bougie lumineuse. "Tu dois faire un vœu et souffler tes bougies, Henry," annonça Ron. "Tout le monde aide. À trois. Un, deux, trois !"

Nous soufflâmes tous, les flammes jaunes scintillantes s'éteignirent et tout le monde applaudit. Le gâteau lui-même resta suspendu dans les airs pendant quelques secondes supplémentaires avant, lui aussi, de s'estomper dans la nuit.

"Va… Sacrément impressionnant," dit Mike à Ron. "Comment tu as fait ça ? Programmer les flammes pour s'allumer en dernier et s'éteindre en premier était un coup de génie. Tu savais combien de temps elles resteraient allumées, n'est-ce pas ? Très intelligent."

Ron secoua la tête, fit un clin d'œil à Mike et baissa les yeux vers les enfants. "Ne sois pas bête, Mike. Si Henry ne les avait pas soufflées, les bougies seraient restées allumées jusqu'à la toute fin."

"Mon mien l'en avait quatre de bougies," annonça Rosie.

J'étais sur le point de l'interroger sur son anniversaire, mais Mike parla le premier. "Debout gît ?" demanda-t-il joyeusement. "C'est la nuit de Guy Fawkes, pas de Romero !"

Mes parents ricanèrent, tout comme le père de Mike. Personne d'autre ne le fit. Rosie le regarda comme s'il était fou et il comprit son erreur.

"Très vieille référence à un très vieux film, Rosie. Ce serait trop long à expliquer," admit-il.

"La fête de Rosie était dimanche – un rassemblement de famille dans le Dorset," me dit Ginny à mi-voix pendant que Mike parlait. "Et le 'gâteau' de Rosie n'a pas aussi bien fonctionné que celui-ci. Je pense que c'est probablement pour ça que Ron n'a pas voulu être payé."

"C'est juste. L'anniversaire de Rosie était mon premier test celui-ci était mon second," admit Ron.

"C'était brillant, Ron, merci beaucoup," dis-je.

"Pas de quoi," répondit-il.

"Il ne reste plus qu'une seule chose à faire maintenant," dis-je. "Tu as encore d'autres bougies à souffler, Henry."

"Gâteau de 'niversaire !" cria Henry.

J'avais préparé un énorme gâteau hérisson au chocolat, avec des Corn Flakes pour les épines. Ce fut un réel succès. Même ma belle-mère fut impressionnée.

~~~oooOOOooo~~~

Le feu de joie était devenu un tas de braises, les enfants baillaient et j'avais emballé une partie du gâteau pour que les gens en emportent avec eux. Ginny m'aidait à remplir le lave-vaisselle quand Harry arriva, Lily dans les bras.

"L'heure du dodo pour Lily-lou," annonça-t-il. "Hugo dort déjà dans les bras de Ron. On va devoir y aller, Ginny. Merci pour cette excellente soirée, Jacqui."

"Merci d'être venu," dis-je. "J'espère que Henry vous a remercié pour son cadeau."

"Il l'a fait," m'assura Harry.

"Et merci de nous avoir fait nous sentir bienvenus lorsque nous avons emménagé, Jacqui," dit Ginny. "Je ne sais pas comment on s'en serait sorti sans toi et Henry."

Derrière nous, Mike lui tira la langue en faisant un bruit de pet. Je fus horrifiée, mais Ginny rit.

"Et Annie," ajouta-t-elle d'un ton entendu en me faisant un clin d'œil.

"Oh, quelle douleur," dit Mike.

"Pas autant que quand j'va t'sonner l'caboche 'vec ça," annonçais-je en agitant la poêle que je m'apprêtais à mettre dans le lave-vaisselle.

"Michael Charlton !" Ginny ne parvint pas tout à fait à imiter mon accent, mais elle reproduit à la perfection mon ton. "Tu sais ce que mon amie Jacqui m'a dit la toute première fois qu'elle est venue à Drakeshaugh ?"

Pendant que Mike secouait la tête, j'essayais frénétiquement de me souvenir de ce jour.

"'Mon mari peut être idiot par moment'," lui dit-elle. Je pouvais m'entendre prononcer ces mots.

"C'est un idiot," approuvais-je. "Mais c'est mon idiot."

"C'est moi." Riant, Mike s'approcha et m'étreignit. "Sérieusement, merci beaucoup Ginny. Merci d'être l'amie de Jacqui, merci pour tout."

"J'ai perdu contact avec mes amies d'école et mes amies de piscine sont éparpillées à travers tout le pays," admis-je. "Je pense que je commençais à ne plus tenir en place, enfermée avec les enfants. Merci de m'avoir délivrée."

Ginny me serra contre elle. "Tout ce que vous venez de dire s'applique aussi pour moi, pas vrai Harry ?"

"Oui, enfin… c'est du hockey, pas de la natation, mais sinon…" approuva-t-il.

"Hermione est mon amie, mais c'est une femme avec une grande carrière, ce qui n'est pas mon cas," admit Ginny. Elle regarda autour de la cuisine, mais Ron, Hermione et les enfants étaient toujours dehors, parlant à mes parents et beaux-parents. "Et Luna est mon amie, mais je ne sais jamais où elle est dans le monde."

"Même quand elle est ici !" suggérais-je.

Ginny rit.

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Tandis que nous faisons des signes aux Potter et Weasley qui partaient, Annie dormait dans les bras de son père et les deux grands-mères étaient engagées dans un petit débat poli ridicule pour savoir laquelle des deux devait la mettre au lit. Toutes deux voulaient s'en charger, aucune ne voulant quelque chose d'aussi impoli qu'une vraie dispute pour ça.

En les écoutant, je réalisais que je préparais déjà le récit de leur discussion dans ma tête. Ce serait quelque chose à raconter à Ginny devant le portail de l'école le lendemain matin.

"Celle qui ne couche pas Annie pourra se charger de Henry," suggérais-je. Elles se mirent rapidement d'accord. Les feux arrières des voitures disparaissaient au coin de la route quand elles nous rejoignirent. Tout ce que nous pouvions voir était la lueur des phares au loin.

"Qu'est-ce que vous en pensez ?" demanda Mike à mon père.

"Très gentils," dit-il.

"Très," approuva ma mère.

Mes beaux-parents approuvèrent également.

"Déjà entendu parler des Canons de Chudley ?" demanda le père de Mike. "Ron est un de leur supporters."

"Probablement sa petite équipe locale," suggéra Mike.

"Une équipe de football appelée les Canons de Chudley ?" demanda son père.

"Les Spartiates de Blyth, les Fox-Terriers de Bedlington," répondit Mike.

"Exactement !" dis-je, d'accord avec mon mari.

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FIN

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Note de l'Auteur :

Des Inconnus à Drakeshaugh est désormais terminée, mais les relations entre les Charlton et les Potter sont explorés plus en détail dans :

'Jour des Sports', 'Le Dragon de Drakeshaugh', 'Frénésie de Noël', 'Hibou Postal', 'Amours de Jeunesse', et 'James et Moi'.