Bonjour à toutes, bonjour à tous !

Du coup je me suis surpris en mettant ce chapitre sur FFNet de voir qu'il faisait 12'000 mots, alors avec mes élucubrations c'est sûr qu'on va finir vers les 13'000... Je savais qu'il était long, mais à présent je suis certain que c'est le 2e plus long de l'histoire ! Je vous ai pas menti, y a plein de choses dans ce chapitre mais surtout deux scènes particulièrement intenses... J'espère qu'elles vous plairont !

Petite anecdote sur ce chapitre... J'ai eu un mal de chien à le rendre lisible. Ça a été un travail infini de le lire, relire et rerelire jusqu'à ce qu'enfin tout soit compréhensible, ordonné et cohérent. Les longues descriptions qu'il contient ont longtemps été un sac de nœuds inextricable. Il m'a fallu un nombre de relectures que je n'ose évoquer pour le rendre mangeable, ainsi que toute l'aide de mes bêtas qui ont été fantastiques !

C'est le tout dernier chapitre qui se passera entièrement dans l'annexe de l'infirmerie, on arrive doucement à la fin de cet arc. Après cela on entrera dans le tout dernier arc de l'histoire, on se dirige donc enfin vers sa toute fin. Vos retours comptent toujours autant pour moi, continuez à commenter, dire ce que vous pensez, c'est vraiment important pour moi chaque semaine !

Comme souvent avec ces chapitres importants je suis hyper stressé à l'idée de vous le présenter. Je ne vous retiens donc pas plus longtemps, shoutout à Pouik et Shik-Aya-chan pour leur relecture surtout de ce chapitre difficile à corriger et comprendre. Et merci à vous !

Bonne lecture


Chapitre 22

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La potion de perceptivité


Albus suait à grosses gouttes. De sa main droite, un peu tremblante, il tenait fermement sa baguette tandis que dans sa gauche se trouvait un bocal qui contenait dix centilitres d'un impeccable sérum de saulier tout juste préparé. Sur sa paillasse, son chaudron fumant était placé sur un feu vif et contenait une décoction nette et transparente qui bouillonnait tandis que, sur sa droite, un autre chaudron contenait un liquide froid. En face de lui, Monsieur Malefoy avait dans les mains un chronomètre et sa baguette, prêt à lancer un sortilège de protection à tout moment.

Durant les quelques jours qui s'étaient écoulés entre la découverte de leur lien et sa nouvelle tentative de préparer une potion de perceptivité, une certaine routine s'était installée dans l'annexe de l'infirmerie et ce n'était pas pour lui déplaire. Les choses avaient tellement changé entre Scorpius et lui !

Leur proximité physique était devenue une condition indispensable au bien-être d'Albus. Chaque fois qu'il le pouvait, quand ils étaient seuls, il venait se placer contre lui pour profiter un peu de cette chaleur qui le nourrissait, désormais. Si Scorpius lisait un livre sur son lit, il venait se blottir contre lui pour repasser une quelconque leçon de métamorphose. S'ils jouaient aux échecs, il étendait son pied sous la table pour venir caresser ses chevilles. Et surtout, le plus important : ils dormaient ensemble chaque nuit, dans l'un ou l'autre de leur lit, selon comment la soirée se terminait.

Cela posait un certain problème logistique, puisque pour ne pas se faire disputer par Madame Shelby, ils étaient obligés de se réveiller avant son arrivée, si bien que les nuits étaient parfois courtes. Pourtant, cela restait à leurs yeux préférable à des nuits séparés. Albus dormait mieux depuis qu'il pouvait s'assoupir et se réveiller dans la douce chaleur de Scorpius, ses bras autour de lui, avec sa respiration lente qui lui chatouillait la nuque ou son cœur qui battait doucement dans sa poitrine. Il se sentait abrité, protégé de tout, et cela lui faisait un bien fou. Pour une fois que c'était lui qui profitait d'une étreinte protectrice ! C'était comme si rien ne pouvait leur arriver tant qu'ils étaient ensemble.

Ils s'embrassaient souvent, aussi ! Albus s'était très vite rendu dépendant des lèvres de Scorpius. L'embrasser faisait tempêter son cœur, voltiger son cerveau, papillonner son estomac… C'était thérapeutique tant cela lui faisait oublier les mois horribles qu'ils avaient passés loin l'un de l'autre. Chaque fois, il sentait une vague d'affection et de bien-être transpirer dans l'esprit de Scorpius, ce qui l'encourageait à continuer, encore et encore.

Et puis, il y avait le reste. Ce reste.

Plus le temps passait, plus Albus avait envie d'explorer cette partie de leur relation. À ce stade, il n'avait pas du tout pris la moindre initiative sur le sujet, bien trop intimidé par le fait que Scorpius avait plus d'expérience que lui dans le domaine. Par conséquent, la chose la plus osée advenue entre eux avait été involontaire. C'était ce lundi matin et il en rougissait encore lorsqu'il y repensait. Il s'était éveillé quelques minutes avant la sonnerie de son réveil, si bien qu'il avait eu le temps de se blottir un peu contre Scorpius qui dormait encore. Là, la joue posée contre son torse et le bras l'enlaçant, il avait laissé divaguer son esprit dans les limbes du demi-sommeil au réveil.

Ce fut à ce moment-là que son esprit à la dérive se rappela à lui sous le tour inévitable et si gênant que prend souvent le flot de pensées d'un garçon de seize ans. Les yeux fixés sur le torse de son ami, il se mit à imaginer comment changerait leur contact si Scorpius ne portait pas sa chemise de pyjama. Grossière erreur. Il se retrouva tout à coup solidement excité, collé à lui alors qu'ils ne portaient tous les deux que des vêtements légers, au moment exact où le réveil se mettait à sonner.

Il avait essayé de s'éloigner autant que possible de Scorpius et surtout d'éloigner de lui son entrejambe, en espérant éviter un contact malheureux, mais celui-ci, encore un peu endormi après avoir éteint le réveil, le chercha dans le lit et finit par l'attirer de nouveau à lui. Ce qu'il sentit contre sa cuisse acheva de l'éveiller d'un seul coup. Albus se débattit un peu pour échapper une fois de plus à son emprise, mais le mal était fait. Scorpius, les yeux grands ouverts, l'observait avec un large sourire moqueur.

— Quoi ? Quoi ? avait alors stupidement dit Albus, comme si la réponse n'était pas évidente.

— Tu ne me la fais pas, Albus…

— Je vois pas de quoi tu parles, bredouilla-t-il, les yeux vissés au plafond, la couverture tirée sur lui.

Scorpius eut un petit rire. Il vint l'embrasser avec douceur, les lèvres fermées – il était difficile de s'embrasser le matin, avant de s'être brossé les dents – puis il dit, le ton moqueur :

— Tu oublies un truc, patate excitée que tu es, c'est que je peux sentir ce que tu as en tête ! Et c'est curieux, mais il n'y a là-dedans que des idées affreusement perverses depuis quelques minutes…

Albus devint écarlate, horrifié à l'idée que Scorpius puisse connaître tout ce qui tournait dans sa tête depuis son réveil.

— Hey ! T'as pas le droit ! se plaignit-il. Sérieux, Scorp, je déconne pas, tu n'as pas le droit de lire dans ma tête et de t'en servir pour me coller la honte, c'est horrible…

— Hé ! Al ! Calme-toi, je plaisante vieux ! Je sens juste que tu es un peu excité, il n'y a pas de mal… Je… Je dois bien avouer que moi aussi, parfois, je pense à toi et, euh… Enfin bref. Tu sais très bien que je ne vois pas précisément dans ta tête, je ne suis pas un légilimens !

— Donc tu peux pas lire dans mes pensées ?

— Mais évidemment que non, et tu le sais ! Tu pourrais le faire aussi, sinon !

— Oh, c'est juste… Mais… Ça t'arrive aussi ? Quand tu penses à moi ?

Scorpius soupira. Albus avait toujours un peu de mal à croire que l'attirance de son ami pour lui était réelle. Chaque soir, il avait la peur irrationnelle que tout cela ne durerait que le temps d'un rêve et pourrait avoir disparu au réveil, comme si tout n'avait été qu'une vaste farce, une caméra cachée.

— Évidemment, patate. Tu n'as pas le monopole de la perversité.

Il y eut un silence. Albus se sentait un peu rassuré par le ton doux et pas dérangé le moins du monde de l'autre garçon. Il avait du mal à imaginer que l'on puisse prendre avec tant de légèreté une situation aussi terrible pour lui.

— Bon, je vais aller à la douche, finit-il par dire une fois qu'il eut retrouvé le sourire. Shelby va débarquer et on va se faire déchirer si elle nous voit comme ça.

Scorpius approuva. Tout le long du trajet jusqu'à la petite salle de bains, Albus put sentir le regard insistant de l'autre garçon l'observer de haut en bas. Et surtout en bas. Heureusement pour lui, la vague était passée, car il n'aurait jamais osé sortir du lit sans cela.

— Ça ne me dérangerait pas de mettre en pratique ce qu'il y a dans ta tête… murmura Scorpius.

Albus ne l'entendit pas, il était déjà dans la salle de bains.

Mis à part cet événement ponctuel assez gênant, le temps s'écoulait avec lenteur dans l'annexe de l'infirmerie. Lorsqu'ils n'avaient pas cours, ils travaillaient leurs BUSE ou un quelconque devoir, mangeaient parfois avec Rose ou Lily, parlaient, jouaient… Ils ne ressentaient plus le besoin de s'échapper de leur petit royaume. D'autant que les murs chaleureux de l'annexe étaient rassurants, ils s'y étaient habitués et se sentaient chez eux à présent. Albus n'osait pas trop en parler, mais l'extérieur lui faisait peur. Il craignait toujours que les Fils du Phénix mettent la main sur Scorpius. Ils étaient devenus si proches, à présent, leurs destins étaient si liés, qu'il ne savait pas ce qu'il deviendrait si l'on faisait du mal à son ami.

À vrai dire, Albus commençait à franchement s'inquiéter du retour à la réalité. Neville était venu leur raconter un soir que les Fils du Phénix se tenaient tranquilles depuis la disparition de Maury et que par conséquent, ils retourneraient sans doute dans leur dortoir plus tôt que prévu, avant les vacances de Pâques.

L'idée de se retrouver à l'extérieur, de devoir feindre une certaine distance devant Poudlard et surtout dans l'intimité de leur dortoir à cause de Nigel et Kyle, cela le paniquait. D'autant que leurs deux colocataires allaient se poser des questions au sujet de leur réconciliation, vu comme Scorpius parlait de lui aux dernières nouvelles...

Albus avait toujours du mal à se trouver éloigné de Scorpius, or une fois de retour dans les couloirs de Poudlard, il n'aurait plus le choix. Certes, il avait la chance d'être dans la même maison que lui, dans le même dortoir même ! Si bien qu'ils n'auraient pas non plus à prétendre être de complets inconnus, mais il faudrait tout de même élever une barrière entre eux qui le terrifiait. Comment ferait-il pour garder tous ces petits contacts qui lui étaient nécessaires ? Leurs câlins, leurs embrassades, Albus n'avait aucune idée du temps qui s'écoulerait avant qu'il puisse y avoir droit de nouveau, or il n'était pas prêt à s'en passer !

Sortir voulait également dire que Scorpius devrait gérer le cas Oriana, ce qui promettait au moins un mauvais moment à passer, et peut-être bien plusieurs.

Albus secoua la tête. Il n'avait pas le temps de penser à cela à cet instant. Sa potion bouillonnait, sa main tremblait et il était terrifié par ce que pourrait dévoiler un nouvel accident avec la potion de perceptivité. Depuis la dernière tentative, il s'était écoulé un nombre incalculable d'événements dont chacun donnerait dix raisons suffisantes à son professeur pour l'assassiner sur place. Il n'aurait qu'à ne pas lui faire avaler un bézoard, et le tour était joué ! Il ne serait même pas accusé de meurtre !

Albus prit son courage à deux mains et versa le sérum de saulier d'un seul coup. Monsieur Malefoy déclencha son chronomètre et annonça les secondes à voix haute, une à une. Comme la dernière fois, la potion commença par rester calme, puis tout à coup, elle se mit à bouillonner avec violence, à siffler, briller et changer de couleur sans cesse… L'odeur caractéristique de pétrole du sérum s'échappait du chaudron et rendait l'air irrespirable puis, aux alentours de la neuvième seconde, des flammèches apparurent au-dessus de sa surface.

— Dix ! annonça son professeur.

C'était presque trop facile. Scorpius était en vol, en ce moment, si bien qu'Albus sentait sa présence palpiter dans ses veines. C'était vif, c'était intense et frénétique ! S'il n'avait eu les pieds solidement posés sur terre, il aurait cru que le sentiment de liberté de ce beau voltigeur était le sien, tant il était éclatant et puissant. Cette joie qui bouillonnait en lui autant que la potion dans son chaudron l'emplissait d'une confiance absolue dans tous ses sorts, il savait que tout se passerait bien. Il le savait.

Accio sérum ! ordonna-t-il d'une voix dont l'assurance l'impressionna.

Sans aucune hésitation, lentement mais sûrement, les grosses bulles de sérum s'élevèrent au-dessus de la surface du chaudron. Albus, d'un geste calme et assuré, les éloigna du chaudron pour éviter tout accident, et finit par les déposer dans le liquide du second chaudron afin de les rendre inertes. Il coupa le feu sous sa potion, en contrôla la belle couleur ambrée et l'odeur neutre qui s'en échappait sous l'œil pensif de son professeur, puis, lorsqu'il décida que sa préparation était terminée et qu'il avait réussi son coup, il se dirigea vers le fauteuil de la chambre que l'on avait repoussé dans un coin et s'y laissa tomber, épuisé.

Il se prit le visage dans les mains. Cela faisait plus de trois heures qu'il enchaînait les préparations, les découpes, les sorts de stase et les manipulations d'ingrédients dangereux ou instables. Après trois heures de travail sous haute pression durant lesquelles il n'eut jamais le temps de se reposer et qui avaient culminé avec l'exercice éprouvant du sérum de saulier, le contrecoup était violent. Il se rendit compte qu'il était en nage, qu'il avait atrocement mal au dos et aux pieds, et qu'il était épuisé par le niveau de concentration qu'il avait dû maintenir toutes ces heures. Il était aussi soulagé que tout se soit bien passé, et que sa vie intime avec Scorpius n'eut pas été une fois de plus étalée au grand jour devant son père.

Du coin de l'œil, il vit Monsieur Malefoy, toujours aussi impassible, s'approcher du chaudron, en prendre une cuillère, contrôler la couleur, la viscosité, tout. Albus n'avait aucune idée de ce que pensait son professeur et commençait même à être un peu agacé par son petit manège. Si quelque chose n'allait pas avec sa potion, il n'avait qu'à le dire !

Après quelques minutes, celui-ci finit enfin par se tourner vers lui et annonça d'une voix calme :

— J'ai un problème, Monsieur Potter. Je cherche les mots pour vous faire prendre conscience de la rareté de l'exploit que vous venez d'accomplir, et je n'en trouve pas. Cette potion… est d'une complexité aberrante. Avec le Felix Felicis, c'est le test ultime pour un maître potionniste. D'ailleurs, ils se divisent en deux catégories : ceux qui ont réussi à en produire une, et les autres. Nombre de brillants potionnistes et inventeurs sont incapables de la produire, voyez-vous, et encore moins après seulement deux essais.

— Vraiment ?

Albus se redressa sur son fauteuil. Dire qu'il n'avait eu aucun mal à la faire aurait été un mensonge, cela dit il n'avait jamais douté qu'il en était capable.

— Oui, vraiment. Regardez. J'ai amené cette photo de l'unique fois où j'ai eu le courage de me lancer dans cette préparation. Je voulais tester mes capacités et je me suis lancé cette recette comme un défi personnel. Il m'a fallu deux semaines d'essais pour arriver à ce résultat.

Il lui tendit la photo. Le chaudron de son professeur avait lui aussi une belle couleur d'ambre et frémissait avec paresse sur le feu doux.

— Oh, c'est un résultat superbe ! commenta Albus, peu sûr de ce qu'il aurait dû voir.

— Regardez mieux, Monsieur Potter.

Albus se concentra. Après quelques secondes, il commença à distinguer une par une de multiples imperfections.

— La couleur est un peu terne, admit-il. Et il y a des impuretés dans la préparation, vous aviez mal appliqué votre sortilège de confinement ?

— Exact. Et d'autres petites erreurs. Les branches de cœur de mandragore étaient dans une stase imparfaite et ont attendu trop longtemps avant d'être ajoutées, ce qui amoindrit leurs effets, et je pourrais encore en citer une demi-douzaine d'autres.

— Mais la potion a l'air correcte tout de même !

— Correcte oui. Après une vingtaine d'essais et des heures d'efforts ininterrompues, j'ai obtenu un résultat correct. Monsieur Potter, ce que vous avez produit là est proche de la perfection ! Je suis moi-même incapable d'un tel niveau de précision et de détail ! Quant aux autres en capacité de produire, comme moi, un résultat correct, eh bien… En Grande-Bretagne, je dirais qu'ils sont moins d'une centaine.

— Vraiment ? demanda-t-il encore, toujours interloqué d'avoir réussi une chose que si peu de monde maîtrisait.

Sérieusement ? Lui, le magicien raté, le cancre de Serpentard, il avait réussi un tour de force que très peu de monde n'accomplissait dans sa vie ? Lui avait réussi à briller dans une discipline magique ? Il avait tout le mal du monde à y croire. Et pourtant…

— Absolument, reprit Monsieur Malefoy. Je vous conseille d'ailleurs d'étudier le côté lucratif de la chose. Le chaudron que nous avons devant nous vaut plusieurs milliers de Gallions.

— Sans déconner ? s'exclama vivement Albus en sautant sur ses pieds.

— Tout à fait, Monsieur Potter. Ne comptez pas revendre celui-ci : il appartient à Poudlard. Vous n'avez pas idée du prix des ingrédients qui composent cette recette, or une telle potion dans une école est un outil fantastique ! Nous allons donc la mettre en bouteille pour Madame Shelby, entre autres.

— Je ne peux même pas l'essayer ? se plaignit Albus.

Son professeur leva les yeux au ciel. Albus eut l'impression qu'il avait redouté cette question. Comme si d'un côté il savait qu'il ne pourrait pas refuser cette simple faveur à son élève dont il était, en cet instant, particulièrement fier... Mais que de l'autre il redoutait quelque chose qu'Albus ne parvenait pas à comprendre. Un genre de crainte à l'idée qu'il boive cette préparation.

Monsieur Malefoy finit par remplir trois fioles en verre avec tout le contenu du chaudron, puis il en racla le fond afin de remplir un petit gobelet qu'il laissa sur la table de chevet d'Albus.

— Vous avez là environ une demi-heure d'effet. Profitez, Monsieur Potter. Boire une telle potion est une aventure à part entière. D'ailleurs, tant que j'y pense, je vous conseille de fermer tous les volets, éteindre les lumières, ainsi que d'appliquer un puissant sortilège de silence sur la pièce.

— Bien Monsieur.

Son professeur lui adressa un sourire et ajouta :

— Et restez éloigné de la fenêtre ! Qui sait quand est-ce que ces deux babouins vont la fracasser pour faire une entrée remarquable, et je ne tiens pas à avoir à vous rafistoler les os encore une fois. Il serait dommage de perdre un tel talent.

Albus observa son professeur quitter la pièce avec une fierté dans le cœur qu'il n'avait jamais ressentie. Lui ! Du talent ! Voilà deux mots qu'il n'avait jamais entendus dans la même phrase auparavant. Il soupira, partagé entre le soulagement et un sentiment de vertige. Cela faisait deux semaines que tout son monde était chamboulé, bringuebalé d'avant en arrière, et il commençait à ne plus savoir où regarder pour donner du sens à tout cela.

Il se retrouva soudain seul et ne put s'empêcher de se demander si Monsieur Malefoy n'en faisait pas un peu des tonnes. Il s'approcha du gobelet. La potion avait une belle couleur, il fallait bien l'avouer. Et maintenant qu'il la voyait de près, il constatait qu'elle était bien plus nette que celle qu'il avait vue sur la photo. Elle avait une odeur indéfinie, comme un mélange de soupe de poisson et de sucre. Ce n'était pas vraiment agréable, mais cela avait le mérite de le distraire de celle de pétrole produite par la réaction avec le sérum de saulier et qui avait empli la pièce.

Il était impatient. Scorpius prenait son temps pour rentrer, alors qu'il l'attendait, trépignant, avec une potion que peu de monde pouvait se vanter d'avoir déjà bue. Évidemment, il avait déjà prévu de ne pas l'essayer seul. Si le gobelet contenait assez de potion pour durer trente minutes, à deux ils auraient quinze minutes chacun, ce qui était suffisant pour s'amuser un peu et profiter. L'expérience promettait d'être particulière, et elle serait encore meilleure s'il la partageait avec son ami.

Pour se changer les idées et cesser de tourner en rond dans la petite pièce, Albus essaya sans grand succès de se mettre à étudier l'imposant rouleau de parchemin que Teddy Lupin leur avait fait parvenir et qu'ils devaient potasser avant leur premier cours au sujet de la transformation d'animagus. C'était, malheureusement, sans espoir, car son esprit ne cessait de retourner vers la potion, de s'imaginer ce qu'ils allaient vivre et comment on pouvait ressentir le monde autour de soi lorsqu'on avait une perception dix fois plus puissante qu'à l'accoutumée. Tant pis, il lirait le parchemin demain.

Il retourna vers le petit gobelet, mais fut interrompu en chemin par l'ouverture violente de la fenêtre. Elle donnait cette fois-ci sur l'extérieur de la Tour des Escaliers comme si leur petite chambre se trouvait dans la Tour d'Astronomie. L'entrée des voltigeurs fut un peu plus maîtrisée que la dernière fois : au lieu de manquer de s'écraser contre le mur, ils n'eurent qu'à s'éviter l'un l'autre de justesse. « Techniquement, il y a du mieux », pensa Albus avec un rire.

Les deux babouins, comme les avait appelés Monsieur Malefoy, mirent pied à terre tandis que Harry commentait les derniers mouvements qu'avait effectués son élève.

— Superbe virage, Scorpius ! Et je pense que l'on peut cesser de travailler la roulade du paresseux : tu l'exécutes aussi bien que moi désormais !

— Al ! Si tu avais vu comment j'ai pris ce dernier virage ! s'écria Scorpius, surexcité, sautillant presque sur place. Je ne sais pas à quelle vitesse j'allais mais c'était dingue ! J'étais assez rapide pour tenir sur le balai en étant, tu sais, entièrement sur le côté ? Genre quatre-vingt-dix degrés !

— Woah, super ça ! Mais attends, j'ai aussi…

— Avant je tombais tout le temps, c'est la première fois que je réussis, Al !

Albus l'observait trépigner en sentant pour lui une affection débordante. Le fait qu'il tienne à ce point à obtenir des compliments de lui et non de son professeur le touchait étrangement. Mais lui aussi, il avait son propre accomplissement à partager, et n'arrivait pas à se faire entendre !

— C'est génial, Scorp, mais attends ! Regarde, j'ai aussi un truc !

— Deux secondes ! Je file sous la douche, j'ai l'impression de puer et j'ai les muscles en compote. Au fait, c'est toi qui sens comme ça ? Vous avez fait quoi avec mon père, vous avez brûlé un scroutt ? Ça pue !

— Non, c'est le sérum, mais, Scorp, attends !

— J'en ai pour deux secondes, Al.

Il s'engouffra dans la salle de bains. Albus hésita pendant une demi-seconde à aller l'en sortir par le cou, quitte à le traîner nu hors de cette maudite douche avant de se souvenir que son père était toujours là. Bordel ! Il était obligé de patienter ? Si seulement Scorpius savait ce qu'il retardait avec sa coquetterie…

Son père le regardait avec un petit sourire un brin moqueur. Il s'approcha de la table de chevet et observa un léger instant le gobelet qui y trônait.

— C'est quoi ? On dirait du jus de citrouille qui a tourné.

— Une potion de perceptivité, expliqua Albus. Et si cette patate savait de quoi elle est capable, il serait pas en train de me faire perdre mon temps !

Son père n'eut pas l'air impressionné par l'exploit.

— Une potion de perceptivité tu dis ? Et c'est compliqué à faire ? Comparé au polynectar ?

— Comparé au polynectar ? répéta Albus, abasourdi. Papa, le polynectar à côté c'est un potage aux légumes !

— Oh. Je vois. Désolé, je suis pas un très bon potionniste. J'ai jamais accroché, le seul truc compliqué que je connaisse c'est le polynectar parce que j'en ai fait avec Hermione dans les toilettes de Mimi pendant un mois quand j'étais en deuxième année.

— Oui, j'ai déjà entendu ça quelque part, bougonna Albus.

Il y eut un petit silence, comme si son père craignait de l'avoir vexé. Albus se mordit la lèvre, il se sentait un peu méchant de lui avoir répondu aussi sèchement alors qu'il faisait un effort pour essayer de s'intéresser. Il releva donc la tête et reprit, la voix un peu enthousiaste :

— Tu as vraiment jamais fait plus compliqué que le Polynectar ? Je veux dire, pour des deuxièmes années qui travaillent planqués ça doit paraitre dur, mais vraiment c'est plus long que difficile.

— Une fois en sixième année, j'ai fait une goutte du mort-vivant parfaite ! raconta soudain Harry avec entrain.

Albus l'observa, curieux.

— J'ai même gagné un flacon de felix felicis en échange ! Mais c'était un coup de chance, je suivais les conseils d'un petit génie de la potion qui en savait bien plus que moi et me rendait tout très simple.

— Oh ? Qui donc ?

— Celui qui te donna plus tard ton deuxième prénom, lança son père avec fierté et un brin de malice dans la voix. Severus Rogue.

— Je vois… Tu sais, proposa Albus avec un timbre dans la voix qu'il ne se connaissait pas, si tu veux je pourrais te montrer deux trois trucs pendant les vacances !

Son père l'observa avec un air indéchiffrable sur le visage, un peu comme s'il le voyait pour la première fois. C'était si inattendu qu'Albus se demanda s'il n'avait pas dit quelque chose qu'il n'aurait pas dû.

— Enfin, je…

— Oui, cela pourrait être amusant, le coupa-t-il.

Albus se reprit et lui envoya un petit sourire. Ils parlèrent pendant encore quelques minutes puis, la conversation terminée, Harry remit de l'ordre dans la pièce d'un coup de baguette magique, avant de lui demander de bien vouloir saluer Scorpius de sa part lorsqu'il sortirait de la douche, puis il tourna les talons et quitta la pièce avec un « au revoir ! » sonore. Presqu'à cet instant précis, la porte de la salle de bains s'entrouvrit et le bras de Scorpius apparut en travers de l'interstice.

— Al ? Tu veux bien me passer mes fringues ? Je les ai oubliées sur mon lit ! fit la voix de l'autre côté du battant.

Albus vit avec amusement que toutes ses affaires s'y trouvaient effectivement, pliées avec soin l'une sur l'autre. Il les lui donna en se moquant de son anticipation « digne d'une chèvre » selon ses propres mots, puis il attendit que son ami achevât de s'habiller.

Ce mot commençait à résonner étrangement en lui. « Ami. » Pouvait-il vraiment encore considérer Scorpius comme un simple ami ? Un simple ami qu'il câlinait, embrassait, contre lequel il dormait la nuit et au sujet duquel la moindre pensée un peu trop aventureuse suffisait à l'exciter pour une bonne heure ? Le mot commençait à sonner trop faiblard, trop étriqué pour contenir l'entièreté de ce qu'il ressentait pour lui.

Lorsque Scorpius sortit de la salle de bains, il était plus beau garçon que jamais. Il portait un jean sombre bien taillé, ainsi qu'un t-shirt blanc dont le logo était en partie recouvert par sa chemise noire avec de fins motifs à carreaux gris. Pour ne rien gâcher, des pieds nus et ses cheveux décoiffés, encore humides de la douche, achevaient de lui donner un air foutrement attirant. Il tenait dans la main sa robe de vol et l'espèce de bas moulant de couleur crème qui allait avec.

— Al, il faut vraiment que tu cesses de penser ces trucs en me regardant, c'est difficile de ne pas devenir terriblement arrogant.

Albus se sentit rougir. Il détourna les yeux, mais le mal était fait.

— Je suis déjà un Malefoy, alors si en plus tu me donnes l'impression d'être le plus bel homme sur Terre, je ne vais plus rentrer dans mes chaussures !

— J't'emmerde ! grogna Albus en faisant montre d'un vocabulaire de qualité.

Scorpius eut un petit rire, déposa ses affaires de sport dans un coin, puis il s'approcha de lui. Albus pouvait sentir son intention dans sa tête, et bordel qu'est-ce que cela était bon ! Ils s'embrassèrent avec passion, tous les deux obsédés par l'autre et tout son être.

— Bon, reprit Scorpius une fois qu'il se furent séparés. Tu voulais me montrer quoi, grand fou ? Je te sens sur le point de mourir d'excitation depuis tout à l'heure.

— Regarde !

Albus se saisit du gobelet et le lui donna avec triomphe.

— C'est super, Al ! s'exclama-t-il en le prenant. Et, euh… C'est quoi ?

— Bois-en la moitié, et passe-le-moi. Tu verras bien ce que c'est.

— C'est cette potion dont vous parliez la dernière fois ?

— Bois ! ordonna encore Albus.

Scorpius s'exécuta et avala la moitié du gobelet, avant de le lui tendre à nouveau avec une grimace. Albus le suivit et finit le gobelet d'une traite. Cela avait une belle couleur, mais l'odeur étrange mêlée au goût très terreux de la potion ne lui fit pas très bonne impression.

— Beuh ! Tu pourrais essayer de parfumer un peu tes potions… Pourquoi ça n'a jamais le goût de vanille ?

— J'ai connu pire, commenta Albus en haussant les épaules.

— Et donc ? C'est censé faire quoi.

— Attends.

Ils restèrent là comme deux ahuris, les bras ballants à attendre ils ne savaient trop quoi pendant de nombreuses secondes.

Cela vint peu à peu, goutte à goutte, note à note. D'abord Albus put entendre un faible gémissement dans la grande infirmerie, puis celui-ci devint peu à peu de plus en plus présent, de plus en plus net. Son ouïe devenait à chaque instant plus sensible, le moindre grattement, la moindre vibration de l'air lui parvenait.

— Al, bon sang… Il se passe quoi ?

Albus tourna la tête vers Scorpius et s'aperçut alors que sa vision était devenue aussi perçante que celle d'un aigle. Il distinguait tous les détails du visage de son ami avec une acuité phénoménale, comme s'il n'était qu'à deux centimètres de lui : les pores de sa peau, les tremblements de ses muscles, les battements de ses cils… Ses yeux n'étaient plus deux simples iris bleues, oh que non ! À la place, sous la surface de son œil, il pouvait distinguer des reliefs, des vagues et des creux de couleur, tantôt bleus, tantôt légèrement verts, et qui se perdaient dans un tourbillon jusqu'au centre de sa pupille.

Et cela continuait. Bientôt sa perception fut si développée qu'il pouvait entendre les pas des élèves arriver par écho jusque dans le couloir de l'infirmerie. Dans le mur, le grattement de toutes les araignées, toutes les fourmis et de toutes ces centaines de milliers de petites vies qui grouillaient, vaquaient à leurs occupations sans se soucier des misérables humains, tout cela grondait avec force comme la clameur d'un orage qui arrivait au loin. Il pouvait distinguer à l'œil nu et à travers son t-shirt le battement du cœur de Scorpius qui faisait trembler sa poitrine, et le bruit de sa respiration emplissait à présent l'espace comme s'il soufflait dans un microphone.

À travers la fenêtre, il parvenait à voir le déplacement des brins d'herbe que causait une famille d'écureuils en quête de nourriture à l'orée de la Forêt Interdite. Il y avait aussi des blaireaux, des poules échappées d'un enclos, des lièvres, des souris, des chats sauvages et sa vision continuait de s'améliorer, encore et encore ! Chaque fois, il percevait un peu plus de vie grouillante, chaque fois les sons autour de lui devenaient plus forts, plus nombreux, au point que cela devint insupportable.

— Al… murmura Scorpius d'une voix effrayée qui résonna à ses oreilles comme s'il venait de lui hurler dessus avec un mégaphone. Al, je… J'ai la tête qui tourne, je…

Assurdiato !

D'un seul coup, tous les sons qui venaient de l'extérieur ne franchirent plus les murs de leur petite pièce. Hagard, la démarche troublée par l'étrange effet qu'avait sur lui sa vision décuplée et son toucher hypersensible, Albus essaya de fermer les rideaux de leur unique fenêtre pour soulager ses yeux. De l'extérieur, on aurait pu croire qu'il était saoul, tant il avait du mal à effectuer des gestes simples. Ce qui achevait de sacrer le comique de la scène, c'était la façon qu'il avait d'adoucir tous ses gestes afin d'être le plus silencieux possible, le moindre son étant tel un coup de canon à leurs oreilles. Même ses propres pas sur le sol de pierre résonnaient comme autant de claquements de tonnerre. Cela lui prit presque une minute, mais il parvint enfin à faire tomber l'obscurité dans la petite chambre et à retourner là où il était.

Malgré l'absence quasi-totale de lumière, ils y voyaient encore comme en plein jour. Une fois la portée de leur ouïe et de leur vue réduite, leurs cerveaux purent se concentrer sur les milliers de choses qui se passaient déjà entre ces quatre murs.

— J'ai besoin de m'asseoir, murmura Scorpius en un hurlement.

Albus l'observa, mais il ne bougea pas. Ses pieds restèrent fixes, seul son visage bougeait encore, épiant partout autour de lui. D'un seul coup, il prit conscience que quelque chose dans la pièce sentait diablement bon. Avec une précision effrayante, il parvint à distinguer chaque note de l'odeur complexe qui l'émerveillait. Bouleau, vanille, safran, ambre, muscade, thym, et cette petite fleur blanche qu'on mettait dans le thé parfois et dont le nom lui échappait. Et puis aussi une bonne trentaine d'autres qui lui vinrent en tête aussi naturellement qu'il voyait l'herbe verte. Il ne pouvait pas toutes les nommer, mais il les distinguait avec clarté.

Il comprit après une minute entière passée à inspirer à plein poumons que l'odeur venait de Scorpius. C'était lui qu'il sentait, lui fraîchement douché et son shampoing, lui qui restait toujours planté au centre de la pièce, incapable de bouger pour aller s'asseoir. Leurs regards se croisèrent, et plongèrent l'un dans l'autre comme s'ils allaient trouver la réponse à toutes leurs questions dans le rouge de leur pupille.

Albus tressaillit en voyant pour la première fois les effrayants yeux rouges de Scorpius. Celui-ci eut un mouvement de recul similaire quelques secondes plus tard. Leur vue, si sensible à présent, parvenait à capter le peu de lumière qui ressortait de leurs yeux, et celle-ci était teintée de l'inquiétant rouge que l'on voyait parfois sur les photos des moldus. C'était affreusement dérangeant.

Lorsque leur acuité atteignit son paroxysme, Albus parvint à distinguer quelque chose de merveilleux. Entre eux, comme un million de petits fils qui relieraient une marionnette à son marionnettiste, d'étranges filaments argentés couraient de l'un à l'autre, vibraient, rompaient, se recréaient… Cela bougeait, dansait dans une valse à mille temps qui recelait autant de secrets. Lorsqu'Albus bougeait un peu, tous ces filaments le suivaient, lorsqu'il passait sa main devant lui comme pour les couper, ils la traversaient sans autre forme de procès. Ils se mouvaient avec lui gracieusement, comme suspendus hors du temps, et chaque fois qu'une de ses pensées était dirigée vers Scorpius, ils semblaient briller avec encore plus d'éclat qu'avant.

— Al, c'est… c'est…

— Je crois, oui…

Albus s'approcha doucement de Scorpius. Il comprenait à présent pourquoi Scorpius ne bougeait pas : chaque pas était une torture. Il distinguait chaque fibre de ses chaussettes, chaque imperfection dans les coutures de ses chaussures, le poids de la semelle synthétique, les frottements de ses vêtements contre son corps et le raffut horrible que tout cela produisait. Il essaya d'ignorer ces effets désagréables jusqu'à ce qu'il se trouve à quelques centimètres de l'autre garçon, qui ne parvenait plus à détacher son regard de lui.

À présent qu'ils étaient si proches, Albus avait l'impression de se perdre dans le tourbillon de choses qu'il ressentait. Le vent chaud causé par sa respiration, le battement sourd de son cœur dans sa poitrine, le léger froissement de son t-shirt à chaque inspiration…

Albus voulut le toucher, mais il craignit de surcharger son cerveau une nouvelle fois, comme il en avait fait l'expérience avant de rendre la pièce silencieuse et obscure. Bah, il pourrait toujours arrêter si cela devenait insupportable ! Il leva le bras et passa la main dans la nuque de Scorpius, puis remonta dans ses cheveux. Celui-ci ferma les yeux et inspira bruyamment, de manière chaotique.

Albus, lui, était calme. Le doux glissement des cheveux humides mais aussi fluides que de l'eau entre ses doigts se fit si présent qu'il masqua tout autre sensation dans son esprit. Il n'y avait plus qu'eux, et la distincte sensation que Scorpius était aux anges de le sentir aussi près de lui et qu'il l'aimait avec autant de sincérité qu'il ne le pourrait jamais. Bon sang, que c'était bon de se sentir aimé ainsi ! S'il n'avait pas craint de s'évanouir, il se serait empressé d'embrasser ce beau garçon.

Faute de mieux, Albus glissa sa main le long du dos de Scorpius, s'approcha encore de lui, puis s'aventura sous son t-shirt. Son corps était chaud, presque bouillant. Contre sa main, il pouvait sentir le tremblement de muscles insoupçonnés, enfouis sous sa peau. Il ne savait pas d'où lui venait cet aplomb soudain, car jamais auparavant il n'avait osé passer la main sous les vêtements de son ami. Tant pis, il appréciait trop cela pour arrêter désormais. Et puis, c'était encore innocent ! Grâce à la potion, il comprenait avec plus de clarté que d'habitude les réactions de Scorpius. Dans sa tête, à travers leur lien, il sentait son envie, son appréciation, mais surtout son anticipation.

— Al…

Albus le fixa dans les yeux. Ses pupilles étaient redevenues noires, et il ne voyait plus les milliers de filaments argentés entre eux, mais il pouvait toujours distinguer les tremblements de son iris ou le léger claquement que faisaient ses paupières lorsqu'il clignait.

D'un seul coup, il sentit l'intention de Scorpius aussi clairement que de l'eau de roche, et bien que l'idée le terrifiât, il décida de laisser la chose se dérouler en levant les deux bras au ciel. Bordel qu'il en avait envie ! Scorpius attrapa de ses deux mains le t-shirt d'Albus et le fit passer au-dessus de sa tête avant de le jeter au sol.

L'explosion qui suivit fut sans aucun doute la chose la plus intense qu'il n'eut jamais ressentie. Lorsque Scorpius le serra contre lui, il fut obligé de fermer les yeux pour se concentrer sur tout ce qui le touchait. Ses mains dans son dos, contre lui, comme chauffées au fer blanc, sa tête qu'il vint reposer contre son épaule et ses cheveux qui le chatouillaient, les fibres de son t-shirt que – comble de l'injustice ! – il portait encore. Les ourlets âpres du bord de la chemise qu'il gardait ouverte l'agressaient au niveau du ventre, les boutons en plastique dur appuyaient contre sa peau, et pourtant, tout cela il s'en moquait.

Car ils étaient si proches, à présent, que même à travers les quelques vêtements qui les séparaient encore, Albus pouvait tout sentir. Le cœur de Scorpius qui battait, son sang qui allait et venait, la vibration perpétuelle de leur magie dans ses nerfs… Il pouvait ressentir dans sa chair ses réactions à ses gestes, lorsqu'il osait par exemple glisser une main dans son dos et le caresser.

Albus ne savait plus trop pourquoi il était le seul torse nu, ici, mais Scorpius paraissait se délecter du contact et posait ses mains partout où il le pouvait. Néanmoins il restait encore une manière d'aller plus loin, plus avant… À nouveau, comme s'il sentait son intention, Scorpius s'éloigna un peu de lui et attendit, impatient.

Alors, Albus s'employa à faire glisser sa chemise le long de ses bras, c'était facile. Puis, exécutant les mêmes gestes qu'il avait faits quelques secondes plus tôt, il remonta son t-shirt jusqu'à ce qu'il lui passe au-dessus de la tête, et d'un geste brusque il le plaqua à nouveau contre lui.

Heureusement que les effets de la potion étaient en train de se dissiper, car le premier contact entre leurs torses nus fut comme un détonateur entre eux. Ils ne restèrent l'un contre l'autre que quelques secondes, puis Albus poussa Scorpius jusqu'à ce qu'il tombe à la renverse sur son lit et l'embrassa avec férocité. Il sentit sa tête commencer à tourner comme lorsque la lumière et les sons de l'extérieur leur parvenaient encore. Cela faisait beaucoup de contacts, de goûts, d'odeurs à gérer d'un seul coup, et ils avaient tous les deux l'impression qu'ils allaient s'évanouir s'ils continuaient ainsi. Alors, pour laisser un peu le temps passer, ils s'installèrent l'un contre l'autre, allongés et encore un peu sonnés par la potion, et ils restèrent ainsi jusqu'à ce que ses effets se dissipent.

Albus, la tête posée contre la poitrine de Scorpius, écoutait les battements réguliers de son cœur devenir plus distants, plus sourds, plus diffus tandis que son ouïe retrouvait une acuité normale. C'était si rythmé, si régulier, cela avait un impressionnant pouvoir apaisant sur lui. D'une main, il rouvrit le rideau, car ses yeux ne parvenaient plus à voir à travers l'obscurité.

— Albus, c'était… c'était…

Oui, lui non plus n'avait pas de mot pour décrire ce qui venait de se passer. En plus de l'expérience intense qu'était la prise de conscience soudaine de tous les bruits, les odeurs, les vies qui les entouraient, ils avaient pu ressentir le lien qui les unissait comme jamais auparavant. Si l'un d'entre eux doutait encore de son existence, ils avaient à présent une preuve tangible qu'il était bien là : ils l'avaient vu ! En s'approchant encore, c'était tout ce que faisait tempêter en lui ce garçon exceptionnel qu'il avait pu voir, et bordel, qu'est-ce qu'il aimait Scorpius !

Son ami… Clairement, ce n'était plus son ami, il n'avait plus le droit de penser cela. Alors quoi ? Son amant ? Son amoureux ? Son petit ami ? Ces mots sonnaient si étrangement à ses oreilles…

— J'ai pas de mot, finit par dire Scorpius, peu loquace.

Albus, allongé sur son bras gauche depuis trop longtemps, sentit des picotements l'envahir. Il se redressa, retira ses chaussures et ses chaussettes et vint s'asseoir, adossé contre la tête de lit. Scorpius le rejoignit sans attendre en s'installant contre son torse, étalé entre ses jambes. Albus le trouvait toujours aussi chaud, contre lui, mais à présent sa position le laissait dévorer des yeux son torse fin tel un ogre devant un buffet. Il l'embrassa encore et, subtilement, en profita pour laisser traîner sa main droite indiscrète contre sa hanche, qu'il caressait doucement. Son autre main tenait son petit ami contre lui, quelque part au niveau des côtes.

Scorpius ne protesta pas. Albus, engaillardi par ce qu'ils venaient de vivre, laissa glisser sa main vers le bas, ses doigts passant lentement sur le relief que marquait la ceinture du garçon qui, les yeux fermés, ne réagissait toujours pas. Il continua son chemin jusqu'à s'arrêter quelque-part sur sa cuisse, avant de revenir à son point de départ.

Ce n'était rien, ce qu'il venait de faire. Rien du tout, il avait d'ailleurs soigneusement évité toutes les zones les plus dangereuses... Et pourtant, malgré cette précaution, ce simple aller-retour idiot le mit dans tous ses états. Excité, fébrile, anxieux, il avait tellement, tellement envie d'aller plus loin que c'en était douloureux, et pourtant il n'osait pas faire le moindre geste. Il craignait la réaction de Scorpius.

Albus ramena ses yeux sur son visage et l'observa. Si celui-ci ressentait le combat de boxe qui se déroulait dans sa tête, il n'en dit rien. Scorpius, les yeux toujours fermés, caressait la main sur ses côtes sans tenter quoi que ce soit. Albus baissa de nouveau ses yeux vers le bas-ventre du garçon et entreprit de détailler les fins reliefs que dessinaient ses muscles sous sa peau, et surtout la manière parfaitement arrogante qu'avait l'élastique de son boxer de se laisser apercevoir, quelques centimètres au-dessus de sa ceinture.

Albus observa, au ralenti, presque hors de son corps, sa propre main droite agir contre sa volonté et venir caresser du bout des doigts cette frontière, là où la peau nue du garçon disparaissait sous son sous-vêtement. Scorpius inspira profondément. Lui-même devait fournir des efforts pour maîtriser sa respiration et empêcher le souffle fébrile que réclamaient ses poumons de le faire passer pour un pathétique naïf. Qu'il était, bien entendu.

Sa main se délectait de la chaleur, de la sensation de la peau douce à cet endroit qu'il n'avait jamais touché et, tandis qu'elle carressait cette limite avec lenteur, son esprit divaguait, rêvait, imaginait… C'était un peu stupide, néanmoins cela l'exaltait… Il voulait aller plus loin, mais oserait-il seulement ?

« Et puis merde. »

D'un seul coup, avec délicatesse mais aussi une forme d'assurance feinte, Albus glissa sa main dans le pantalon de Scorpius, au-dessus de son boxer.

— Oh, putain ! souffla celui-ci en prenant une violente inspiration et en courbant un peu le dos, comme pour aller à la recherche du contact.

Albus laissa sa main là en se délectant de ce premier contact. Il sentit l'enclave de l'esprit de Scorpius dans sa tête s'allumer si vivement que la petite flamme devint un authentique incendie. Lui n'était pas en reste. Sentir Scorpius se tendre et chercher, même sans en avoir conscience, à parfaire le contact, cela l'emplit d'une audace sans nom. Sa propre insolence le surprenait : il fallait bien reconnaître que jamais, il y a encore deux semaines, il ne se serait cru capable de… cela.

Sa main avait rencontré immédiatement ce qu'elle était venue chercher. En même temps, vu l'état de Scorpius, il aurait fallu être bien malhabile pour manquer son objectif. Il essaya de bouger un peu, d'apprécier ce qu'il ressentait. Il explorait maladroitement cet endroit qu'il avait si souvent imaginé qu'à présent, il peinait à croire que c'était réel. Son inexpérience l'empêchait de savoir si ce qu'il faisait était bien, aussi il se concentrait sur le visage, yeux fermés, du beau garçon qui se tortillait contre lui afin de ressentir toujours plus de choses. Il aurait aimé, en cet instant, ne pas être le maladroit niais qu'il était, mais il n'avait pas le choix.

Albus observa un frisson parcourir le torse de Scorpius tandis qu'il allait et venait gauchement sous son pantalon. Sa peau se maculait de chair de poule, sa poitrine se soulevait de manière plus erratique à présent, et il avait toujours les yeux fermés. Il était si beau ! Il s'approcha un peu, cherchant ses lèvres pour compléter encore leur contact. Scorpius l'entoura de ses deux mains et plongea à corps perdu dans le baiser, tandis qu'Albus, toujours à son affaire, essayait de ne pas perdre le rythme. Le jean le gênait, il avait un peu envie de s'en débarrasser.

— S'il part, le tien part aussi, souffla Scorpius d'une voix rauque lorsqu'ils se séparèrent.

Albus eut un petit rire crispé. Bon sang, si leurs pantalons disparaissaient, cela voulait dire que… c'était là ! C'était maintenant, ici et maintenant ! Sa première fois ! Ils allaient faire l'amour, comme dans le livre ! Il eut soudain une montée d'angoisse folle à l'idée de faire ce dont le livre parlait, car il n'avait pas eu le temps de se préparer à cet acte en particulier. Il n'avait aucune idée de comment procéder, si cela faisait mal, si Scorpius s'attendait à ce qu'il soit – comment disait le livre déjà ? « Passif » ? Enfin, en-dessous quoi ! Lui n'était pas sûr de vouloir cela, mais s'il voulait l'inverse, alors il serait responsable de tout et cela l'accablait plus qu'il ne voulait l'admettre !

Scorpius se releva alors à demi, tandis qu'Albus avait toujours la main dans son jean, et vint l'entourer de ses bras et le tirer à lui. Albus cessa son exploration et se laissa aller contre lui. Puis ils s'embrassèrent.

— Arrête de stresser, vieux, murmura Scorpius dans son oreille. Tu es parfait !

— Tu trouves ?

— Oui. Et puis on s'en fiche, surtout.

Il s'interrompit le temps de venir plaquer sa main sur l'entrejambe d'Albus, qui ne put s'empêcher de prendre une grande inspiration, surpris par le contact. L'œil de Scorpius était joueur, mais surtout enflammé d'un désir pour lui qui attisa sa propre envie de continuer, d'aller plus loin, bordel de merde, il voulait tellement sentir le corps de Scorpius contre lui !

— Je veux te voir sans ce pantalon, et rien m'en empêchera. Je t'attache s'il le faut !

Albus éclata d'un rire franc cette fois-ci.

— Ok, mais doucement alors. J'veux m'habituer.

— Tant que tu remets ta main où elle était, Al… Je suis à toi. J'ai juste envie de toi.

« Putain » était l'unique pensée qui tournait en boucle dans l'esprit d'Albus. Les mots de Scorpius résonnaient dans sa tête et venaient se graver au fer rouge dans ses os tant ils formaient la phrase la plus bandante qu'il n'eut jamais entendu. Le bel homme contre lui avait le visage rougi et les yeux brûlants, mais il l'observait comme s'il était la plus belle chose du monde. Merlin, il lui aurait donné n'importe quoi en cet instant. Il vivait pour ce garçon.

Albus se redressa et entreprit de défaire la ceinture de Scorpius d'une seule main, sans y parvenir. Une fois qu'il se résolut à utiliser ses deux mains, elle ne tint guère longtemps. Le bouton posa quelques problèmes supplémentaires. C'était étrangement contre-intuitif d'avoir à inverser les gestes dont il avait l'habitude pour parvenir à défaire le bouton de quelqu'un d'autre. D'un autre côté, la simple idée qu'il était en train d'essayer d'ouvrir le pantalon de Scorpius lui donnait envie de se finir au plus vite. Bon sang, c'était si érotique !

Scorpius ricanait en le voyant incapable de venir à bout de son vêtement. Pour finir, Albus se remit sur ses pieds pour laisser à son petit ami le loisir de défaire lui-même le bouton. Il essaya ensuite de l'aider à le retirer d'une centaine de gestes erratiques, fébriles et maladroits. Enfin, Scorpius s'assit sur le bord du lit et ils s'attaquèrent au sien. Albus fut un peu vexé de constater qu'il excella à le lui retirer.

Sentir les mains de Scorpius s'affairer autour de son bas ventre, puis glisser le long de ses hanches pour faire disparaître son pantalon lui donna à nouveau envie de jouir. Albus se maudissait lui-même d'être sans cesse à deux doigts de l'explosion, il avait imaginé sa première fois à de nombreuses reprises et aucun de ces scénarios ne se terminait en moins d'une demi-heure. Il n'avait qu'un seul besoin, qu'une seule envie, et c'était le plaisir de Scorpius. Le garçon qui faisait battre son cœur méritait bien mieux que trente pauvres secondes de rien du tout. Il craignait que son corps ne le trahisse et ne le fasse passer pour un puceau effarouché. « Que je suis ! », ajouta-t-il pour lui-même. « Quel enfer ! »

Après qu'ils se soient tous les deux débarrassés du vêtement de l'autre, Albus se retrouva obnubilé par ce qu'il voyait. Il se tenait debout à côté du lit, dévoré par la fournaise qui le consumait et la tentation folle qui l'accompagnait, ne portant plus qu'un boxer vert qui ne cachait foutrement rien de son excitation. Les deux garçons se bouffaient du regard comme si c'était la première fois qu'ils se voyaient. Albus connaissait par cœur le torse de Scorpius et même le reste de son corps, mais le voir ainsi, les yeux embrasés d'envie et d'excitation, et surtout vêtu d'un boxer rayé rouge et blanc, déformé et atrocement sexy… Il aurait vendu son âme au diable pour avoir l'autorisation de goûter à un garçon aussi parfait.

— Putain, Scorp… murmura Albus.

Il put voir de ses propres yeux le frisson qui remonta le long du corps de son petit ami, pas insensible à ses compliments. Nul besoin de pacte avec les enfers. Scorpius était là et il avait tout aussi envie que lui de ce qui allait suivre. Albus retourna sur le lit et vint s'allonger au-dessus de lui, glissant entre ses jambes jusqu'à ce qu'il fût à la hauteur de son visage. Il passa alors ses bras derrière sa nuque et enserra ainsi leurs corps, achevant la rencontre qui, pour la première fois, était totale. À deux boxers près.

— Oh merde, gémit Albus.

Le contact ne ressemblait à rien de ce qu'il avait connu et à rien non plus de ce qu'il avait imaginé. Tout était plus fort que dans ses rêves, c'était chaud, dur, doux et surtout si sensible ! Le moindre mouvement catapultait son cœur en orbite, envoyait des tsunamis d'une sensation inconnue à travers tout son corps et retournait son cerveau d'une manière qui le rendait incapable de la moindre pensée cohérente. Tout ce qui restait dans son esprit n'était plus que Scorpius, sa chaleur, son odeur, et ces incroyables mouvements qu'il avait contre lui. Leurs hanches glissaient l'une contre l'autre, se rencontraient, s'embrassaient et avec elles ces vagues qui ne faisaient qu'attiser leur appétit.

Albus essayait de se contrôler, il essayait de retenir son plaisir en ne pensant à rien mais il en était incapable. Il avait beau se dire qu'il avait à peine atteint la première étape de ce que leurs corps réclamaient à grands cris, cette unique pensée tournait en boucle dans son esprit : il était en train de faire l'amour avec Scorpius ! L'amour. Avec Scorpius ! Bordel cette suite de mot était si irréelle, si pleine de promesses… Et puis, c'était, genre… Le sexe quoi ! Pour la première fois de sa vie, le vrai truc ! Merde, il devait arrêter de penser à cela, où il allait jouir en deux minutes et il s'en voudrait toute sa vie ! Hors de question de gâcher sa première fois, et il ne devait pas non plus décevoir Scorpius qui était plus expérimenté que lui sur le sujet…

Mais il avait beau faire tous les efforts du monde, vint le glissement de trop, ou peut-être était-ce la pensée excessive, ou encore le gémissement inopportun… Ce fut une chose en plus, en tout cas, qui fit comprendre à Albus qu'il serait incapable d'aller jusqu'à l'acte ultime. Pas même n'allait-il avoir le temps de se mettre complètement nu, à vrai dire. Désespéré, il dut accepter que sa première fois se terminerait dans cette position, comme elle avait commencé, et hâtivement, beaucoup trop hâtivement ! C'était… C'était juste trop bon.

Scorpius ne faisait rien pour l'aider. Avec ses yeux fermés, son visage rougi par le plaisir, sa respiration erratique, ses mouvements désordonnés et chaotiques, ses ongles qui se plantaient dans son dos… De ses lèvres s'échappaient des gémissements qu'il tentait de toute sa volonté d'étouffer, tout dans son corps transpirait du plaisir qu'il prenait. Dans la tête d'Albus, ce même plaisir retentissait et venait s'ajouter à celui qu'il ressentait, ce qui sapait d'autant plus son travail de maîtrise de lui-même.

— Oh, non, oh bordel, Al, putain…

Scorpius arrima ses griffes un peu plus profondément dans sa peau. Ses mouvements de hanches s'accélérèrent d'un seul coup, laissant Albus subir ses assauts sans avoir le temps de se reprendre. Il avait été si concentré sur ses propres performances qu'il mit plusieurs secondes à se rendre compte de ce qui était en train de se passer : Scorpius allait en finir ! Comme ça, contre lui, grâce à lui, bon sang, il avait réussi !

Se mordant la lèvre pour retenir tous les bruits qui s'en échappaient, Scorpius rejeta la tête en arrière et tout son corps se tendit d'un seul coup, ce qui propulsa Albus dans une pente où il ne pourrait plus s'arrêter. Sans trop savoir pourquoi, sans doute pour s'empêcher de crier de plaisir vu la vague qui allait l'emporter, Albus mordilla une partie du cou exposé de Scorpius qui laissa échapper un jappement dans lequel se mêlait tant plaisir que surprise.

Albus sentit tous les muscles du garçon l'emprisonner dans une étreinte si serrée que ses poumons se vidèrent sous la pression. Il se délecta des grognements étouffés de Scorpius et des tressautements qui agitèrent son corps et le poussèrent lui aussi au sommet de cette montagne de plaisir. Lorsque la vague l'emporta à son tour, toutes ses pensées étaient concentrées sur Scorpius, sur son entrejambe et sur le plaisir qui irradiait de là.

Ils retombèrent l'un contre l'autre et restèrent ainsi enlacés, Scorpius sur le dos, les genoux relevés, Albus étalé entre ses jambes. Tous les deux étaient à bout de souffle, tous les deux avaient les yeux fermés, et tous les deux transpiraient. Ils étaient amoureux.

— Al… murmura Scorpius. Tu me fais mal, vieux.

Albus, toujours niché dans le creux du cou de Scorpius, se rendit soudain compte que sous l'effet de l'orgasme, il avait plongé ses dents bien trop loin dans la chair fragile du garçon. Il le relâcha sans tarder. Cela ne saignait pas, mais on pouvait distinguer la marque de chacune des dents d'Albus dans son cou. Bon sang, il ne s'en était même pas rendu compte !

— Oh, non, désolé ! Désolé, j'ai pas fait exprès !

— Non, ne t'inquiète pas. C'est marrant, ça ne m'a fait mal qu'après. Sur le moment je… C'était trop cool en fait. Je t'ai senti partir, et tu t'es tendu de partout, et du coup tu m'as mordu mais… C'était parce que tu perdais le contrôle de toi… Enfin, je ne sais pas, mais c'était plus excitant que douloureux.

— Maso, va.

Scorpius eut un petit rire. Aucun d'entre eux n'avait envie de bouger, ils étaient bien, au chaud l'un contre l'autre, tous les deux perdus dans les limbes de leur plaisir.

— Tu as aimé ? demanda soudain Albus.

Bordel, sa voix sonnait anxieuse. Pourquoi était-il incapable de maîtriser ses émotions ?

Scorpius leva les yeux au ciel.

— Tu veux que j'enlève mon boxer pour vérifier ?

Ce fut à son tour de ricaner. Si son sous-vêtement était dans le même état que le sien, alors il n'y avait aucune raison de vérifier.

— Je t'ai senti angoissé tout le long, Al… Je t'ai donné l'impression de ne pas aimer ?

— Je… Non, je crois pas, mais… Je… C'est gênant, Scorp…

Albus sentit Scorpius se contorsionner un peu pour le fixer dans les yeux.

— Al, tu viens de me culbuter pendant dix minutes jusqu'à ce que je me jouisse dessus sans même avoir à me branler, et tu as peur de me dire ce que tu en as pensé parce que c'est « gênant » ? On a passé ce cap, tu ne crois pas ?

— Euh… Je suppose, oui.

— Patate.

— C'est quand même gênant, alors je veux pas que tu te moques, d'accord ? Tu me promets ?

— Oh, Al… Jamais je ne me moquerai de toi pour ça ! Promis.

Albus acquiesça. Cela le rassurait un peu, mais il ne pouvait s'empêcher de se sentir gêné par les raisons de son angoisse.

— C'est juste que… Toi tu l'as déjà fait, et moi jamais, et du coup… Enfin, voilà quoi. Je voulais pas te décevoir, je voulais aller un peu plus loin que juste faire ce qu'on a fait. Genre au moins qu'on soit à poil, et peut-être te, euh… Enfin te branler, ou les autres trucs que j'ai trop envie de te faire, et j'ai pas tenu parce que j'ai été mauvais ! Voilà !

Curieusement, plus il repensait à son acte, plus il se rendait compte d'à quel point il avait été médiocre. Cela l'emplissait de colère et de honte envers lui-même.

— Et tu exagères en disant dix minutes, j'ai tenu quarante secondes à tout péter. Si j'avais été bon, j'aurais été capable de me contrôler, et d'aller au bout du truc, j'aurais pas fini alors qu'on avait encore nos boxers ! C'est fou, je suis le seul type sur Terre capable de rester un gros puceau après sa première fois, bordel ! J'étais nul et c'est faux de prétendre l'inverse juste pour pas me vexer, ajouta-il avec désespoir.

Scorpius le saisit par les épaules et inversa leur position. Il se trouva au-dessus de lui, ce qui lui permettait de prendre un peu de hauteur et de le regarder droit dans les yeux. Son visage était devenu tout à coup si sérieux qu'Albus craignait de l'avoir mis en colère en disant tout cela, pourtant il ne trouvait pas la moindre trace d'agacement dans son esprit. Il était juste… attendri. Qu'est-ce qui se passait, encore ?

— Al, tu es vraiment trop adorablement con.

— Je… Quoi ?

— C'est tout toi, ça ! continua-t-il en souriant de toutes ses dents. Tu passes tant de temps à espérer me combler que tu te fais des idées absurdes, et tu t'auto-juges comme étant le pire coup de monde sans même demander son avis au premier concerné : moi !

— Mais…

— Al bon sang c'était le meilleur truc que j'ai jamais ressenti de ma vie. Je ne peux pas trouver les mots pour te dire à quel point tu étais beau, adorable, puissant, putain de bandant, ni t'expliquer à quel point je t'aime.

Albus en resta sans voix. Scorpius continua sans s'arrêter.

— Tu as l'air d'oublier que c'est moi qui ai été le premier à finir ! En plus, je ne sais pas d'où tu tiens que je ne suis plus puceau, je n'ai jamais fait quoi que ce soit avant, et surtout je n'en ai mais alors rien à faire de n'avoir pas eu le temps d'enlever mon boxer ! Quant à savoir si on est techniquement encore puceau parce qu'on n'est pas allés jusqu'au bout, on s'en moque tu ne crois pas ? Si je dis que je ne suis plus puceau, personne ne va venir vérifier si c'est vrai ! Moi j'ai eu l'impression de faire l'amour avec toi, et c'est tout ce qui compte.

— Attends, quoi ?

Albus n'y comprenait plus rien. Il avait entendu de ses propres oreilles Scorpius se vanter auprès de Nigel et Kyle de s'être tapé Oriana, bon sang ! Si Scorpius venait tout autant de vivre sa première fois que lui, cela changeait tout !

— On a notre vie devant nous ! Je crois qu'on trouvera le temps de finir nus la prochaine fois. Ou celle d'après ! Peu importe ! À vrai dire, je suis content que tu n'aies pas essayé d'aller plus loin, parce que je ne me sens pas prêt le moins du monde à faire, euh… Ce que le bouquin suggère.

— Non mais je parle pas de ça ! Enfin, si aussi, mais chaque chose en son temps. Tu ne l'as jamais fait ?

— Ben évidemment que non.

— Mais tu as dit à Nigel et Kyle que tu t'étais tapé Oriana !

Scorpius perdit son sourire.

— Oh… Al, c'étaient des conneries… Je… Sans mentir, je regrette tout ce que j'ai dit ce jour-là. Tu n'aurais jamais dû entendre cela, et aujourd'hui je me rends compte que je n'en pensais pas un mot, et surtout que j'ai été un petit imbécile de le dire.

Albus n'en croyait pas ses oreilles.

— Tu te fous de ma gueule, Scorp ?

Scorpius évitait son regard à présent.

— Euh… Non, Al, je te promets qu'on n'a jamais rien fait à part s'embrasser. Elle avait très envie, elle. Elle m'a même mis la main au paquet, une fois, tu sais, pour essayer de m'exciter, mais je ne sais pas pourquoi ça ne marchait jamais. Ça me rendait fou, à vrai dire, parce que je voulais avoir envie, et je me disais que ça me ferait du bien d'arrêter de me faire un sang d'encre pour toi, mais je ne pouvais pas. Quand, euh… Quand Nigel et Kyle m'ont posé cette question, je n'ai pas osé dire la vérité parce que je me disais qu'ils me jugeraient si je leur avouais que cela faisait quatre mois que je sortais avec une fille et que j'étais incapable de bander en pensant à elle.

Albus ne perdit pas une miette du discours. Alors c'était vrai, Scorpius était aussi inexpérimenté que lui ? Ils avaient bel et bien tout ce monde à découvrir ensemble ? Oh, Merlin, il avait envie de hurler de joie. Enfin, bon sang, enfin une chose que ne lui avait pas prise Oriana la Maléfique !

Il tendit les bras, attrapa Scorpius par la nuque et le plaqua contre lui dans un baiser passionné.

— Putain j't'aime, Scorp ! lança-t-il vivement lorsqu'ils se séparèrent.

Scorpius avait l'air aussi confus que l'on pouvait l'être, mais il se laissa tout de même aller et répondit simplement :

— Je t'aime aussi, Al.

Ils restèrent ainsi un moment, blottis l'un contre l'autre. Albus, sur le dos, caressait d'une main la nuque de Scorpius et de l'autre le creux que formaient ses reins, jouant une fois de plus avec la limite du boxer du garçon. Il ne craignait plus d'y plonger à la main, à présent, et pour être honnête, il avait bien envie d'aller tripoter les fesses de Scorpius. Celui-ci ignorait ce qui se tramait dans sa tête, il avait passé ses mains sous les épaules d'Albus et le serrait doucement contre lui, le visage enfoui dans son cou.

— Au fait, lança-t-il après quelques secondes en interrompant les pensées d'Albus sur son fessier. Cette potion… C'était quoi ?

— Une potion de perceptivité.

— Eh ben c'était le truc le plus dingue que j'ai jamais vécu !

Il laissa passer une petite seconde avant de reprendre d'un ton amusé :

— Enfin, non, le truc le plus dingue que j'ai vécu a eu lieu juste après. Tu sais, c'est quand tu m'as fait jouir en trente secondes, sans les mains, rien qu'en me besognant jusqu'à ce que je n'en puisse plus !

— Oh putain Scorp, où est-ce que tu vas chercher des mots pareils ?

Scorpius eut un petit rire.

— Dans les livres ! Sans rire… Je ne me lasserai jamais de sentir ta gêne dans ma tête dès que je suis un peu cru ! Quelle journée, quand même, ajouta-t-il une fois qu'il eut retrouvé son sérieux.

— Je sais pas comment tu fais pour être aussi dégueu et excitant à la fois…

Albus le sentit hausser les épaules.

— J'ai l'impression que tout ce qui est lié au sexe est un peu dégueu et un peu excitant à la fois. Alors ça ne m'étonne pas…

Il n'avait pas tort. D'ailleurs, il se demandait bien pourquoi tous les termes qui parlaient de cela étaient aussi peu appétissants… Albus repensa à la potion, et se décida à expliquer un peu plus en détail ce qu'il s'était passé.

— Cette potion, Scorpius, ton père m'a dit que c'était le truc le plus dur qu'il ait jamais préparé. Je savais dans les grandes lignes ce que ça faisait de la boire, mais je me suis pas du tout attendu à ça… C'était… si incroyable de te voir comme ça, aussi beau, aussi vivant…

— Et, puis… La magie, aussi ? Tu as vu ?

— Celle qui nous relie ?

Scorpius acquiesça.

— Oui. C'était fou… Tu vas te foutre de ma gueule mais… Je me demandais un peu si ce que nous avait dit mon parrain était vrai. Et quand j'ai vu ce truc entre nous, Scorp, je… J'ai juste su que c'était vrai, et surtout j'ai compris que je serai jamais putain d'heureux sans toi. J'ai besoin de toi pour vivre, vieux, sérieusement. J'ai l'impression que je vais mourir si un jour on te fait du mal, que ça me traumatiserait à vie, et ça se pourrait bien que ce soit vraiment le cas.

Scorpius l'observait d'un regard indéchiffrable, mais dans sa tête, Albus sentait qu'il débordait d'amour et d'affection pour lui. Cela se fit d'un seul coup plus tangible lorsqu'il vint l'embrasser férocement.

— Comment veux-tu que je me foute de ta gueule quand tu me dis ça, souffla-t-il lorsqu'ils se séparèrent.

— Pardon ? s'étonna Albus.

— Tu as dit « tu vas te foutre de ma gueule… » Merlin, je ne vois pas comment je le pourrais quand tu me dis des choses pareilles, Al…

Albus, le sourire aux lèvres, haussa les épaules. Scorpius roula sur le côté, si bien qu'ils se retrouvèrent l'un contre l'autre à fixer le plafond, le regard perdu bien au-delà de sa limite étriquée. Ce silence confortable dura plusieurs minutes jusqu'à ce que Scorpius se mette à réciter, d'une voix douce et fluide :

— Alors je levai un à un les voiles. Dans l'allée, en agitant les bras. Par la plaine, où je l'ai dénoncé au coq. À la grande ville il fuyait parmi les clochers et les dômes, et courant comme un mendiant sur les quais de marbre, je le chassais. En haut de la route, près d'un bois de lauriers, je l'ai entouré avec ses voiles amassés, et j'ai senti un peu son immense corps…

Albus l'écouta sans comprendre le moindre mot, ni pourquoi il disait cela. Scorpius se tourna vers lui, et, avec un petit sourire d'excuse, il dit simplement :

— C'est du Rimbaud.

— Je m'en suis douté, rit Albus. T'en as appris beaucoup de ses poèmes ?

— Non. Par cœur, je connais celui-ci, qui s'appelle Aube, et un autre qui s'appelle Ma Bohème. Il en a écrit un génial sur le fait d'avoir dix-sept ans, mais il est long, faudrait que je m'y mette...

— Et tu m'en veux si je te dis que j'ai rien pigé à ce que tu viens de dire ?

Scorpius rit de bon cœur.

— Je n'y comprends pas grand-chose non plus, admit-il. Je pense qu'il ne faut pas trop analyser, c'est juste… beau. J'ai lu des explications, quand même, et en gros il décrit un lever de soleil sur un paysage qu'il aime tellement qu'il finit par avoir envie, euh… Ben de lui faire l'amour. Et la rêverie lui échappe sans cesse, il raconte comment il la poursuit et comment tout s'effondre dès qu'il reprend la notion du temps.

— Oh, je vois… Et que dois-je comprendre quand mon bel homme se met à réciter des poèmes où des gens baisent des paysages, juste après que l'on a fait l'amour ? demanda Albus avec une voix faussement perverse.

Scorpius l'observa avec un air amusé.

— Tu sais que tu as un sourire carnassier, là ? J'ai l'impression que tu vas me manger.

— Ça se pourrait bien, glissa Albus avec envie et en se léchant la lèvre.

Scorpius roula à nouveau sur lui et installa sa tête sur son épaule. Albus en profita pour glisser sa main sous son boxer et alla enfin caresser ce fessier qui lui faisait de l'œil depuis plusieurs minutes.

— Cette fois, tu as intérêt à m'enlever toutes mes fringues, Potter.


Merci de m'avoir lu, j'espère que ça vous a plu !

Alors ? Sacré chapitre, non ? Entre la potion de perceptivité qui leur permet d'enfin voir ce qui les lie puis cette expérience qui devait arriver tôt ou tard, mais qui en bonne première fois est bien foireuse... Enfin, foireuse aux yeux de ces deux petits boulets, mais la plupart des gens savent très bien qu'une première fois comme on la rêve, ça n'existe juste pas.

Comme je le disais c'était le dernier chapitre à se dérouler entièrement dans l'infirmerie. Alors comment supporteront-ils leur vie quand ils seront scrutés par Poudlard ? Parviendront-ils à prendre la distance que le retour à la vie normale va leur imposer ? Et il y a toujours cette transformation en animagus, comment ça va se dérouler ce machin-là ? Eh bien toutes les réponses à ces questions sont à découvrir le vendredi 2 décembre dans le chapitre 23 : La fin du royaume.

Je compte sur vous pour me dire tout ce que vous avez pensé de ce (long) chapitre, c'est super important pour moi et ça me fait toujours trop plaisir de lire vos avis et parler avec vous ! Commentez, mettez en favori et en alerte, n'oubliez pas d'activer les emails dans votre profil FFNet pour ne pas manquer les prochains chapitres ! Et on se retrouve bientôt !

Bonne semaine

PS : à votre avis, "perceptivité", c'est un vrai mot ? :P