Petit mot de l'auteure : écrit pour le défi de la Sainte Catherine : écrire sur une femme célibataire de 30 ans


Contexte : pré série

Personnage : Regina


Regina savait qu'elle pouvait prendre la mouche facilement – trop facilement, même. Elle savait qu'elle devait s'efforcer de laisser couler certaines choses. Toutefois, quand l'impudente qui l'avait agacé eu l'outrage de lui dire qu'il n'y avait pas de raisons de tant s'énerver, elle explosa de rage. Non, elle n'allait pas se calmer car, pour une fois, ce n'était pas elle qui prenait mal les choses. En toute objectivité, elle trouvait avoir eu raison de s'agacer.

Elle avait en effet surprit deux femmes parler d'elle, sans être consciente de sa présence. D'ordinaire, la mairesse n'y faisait pas attention plus que cela – elle écoutait consciencieusement pour être au courant de ce que l'on pouvait dire, mais n'intervenait qu'en montrant sa présence, ce qui suffisait à effrayer les médisants. Mais cette fois-ci, ce que les malotrues disaient lui fit mal : selon ses deux femmes, Regina avait raté sa vie. Et pourquoi ? Parce qu'elle avait trente ans, et était toujours célibataire.

En entendant cela, la mairesse avait explosé.

Elle n'était pas contre l'idée même de couple, simplement... ce n'était pas pour elle. Elle avait été mariée – vendue serait plus exact – à un homme beaucoup plus âgé qu'elle, qui ne l'avait pas aimé et qu'elle-même avait haï. Elle avait subi en silence leur relation, par peur de sa mère, par désir de vengeance, par peur d'être seule, également. Alors aujourd'hui, être célibataire était pour elle le plus beau des accomplissements : celui d'avoir réussi sa vie.

Elle avait le plus beau des fils, Henry. Elle avait un poste à responsabilité et un travail qu'elle adorait. Elle avait obtenu sa vengeance – personne n'était au courant, certes, mais elle était heureuse, en un mot. Pour elle, le bonheur passait par ces éléments, pour d'autres il aurait pu s'agir d'amitiés réussies, de passions assouvies, de voyages réalisés. Et pourtant, aux yeux de ces commères, tous ces rêves, ces actes, ces projets n'avaient aucune valeur si aucun homme n'était dans l'équation.

Cela la révulsait. Ces femmes avaient oublié jusqu'à leur véritable prénom. Et pourtant, demeurait inscrit dans leur mémoire cette idée archaïque qu'une femme ne pouvait rester sans homme. Pourquoi fallait-il que ces préjugés soient-ils si tenaces ?

Elle se jura alors qu'un jour, elle parviendrait à faire accepter l'idée d'une femme de pouvoir, seule, et heureuse de l'être.

En attendant, elle reprit vertement les deux médisantes, qui devinrent bleues de terreur.