Titre : L'absent- chapitre X (champagne !)

Auteur : Kestrel21

Base : X/1999

Genre : Yaoï, à priori pas trop OOC, quelques spoilers mais rien de bien méchant et… je crois que c'est tout !

Résumé : Après son combat avec Fuma, Subaru a perdu la mémoire (j'ai toujours eu le don des résumés !).

Disclaimer : Aucun des persos de X ne m'appartiennent et c'est tant mieux comme ça tout le monde peut en profiter (quoi que je dirais pas non si on me proposait Subaru ou Seïshiro !) ! Ah, j'oubliais, les pensées des personnages sont entre guillemets !

Merci à toutes les personnes qui lisent cette histoire, je crois que je ne le dirais jamais assez !

Un silence suivit la révélation.

- Quoi, au temple Yasukuni ! Vous êtes sûre !

- C'est exact.

La voix d'Hinoto était grave et reflétait sa fatigue, celle de Sorata forte et réjouie.

Le sourire qui éclaira le visage de Yuzuriha était déterminé, on pouvait remarquer que les lèvres d'Arashi s'étaient légèrement retroussées.

Kamui, lui, ne put se joindre à l'allégresse générale, son regard allait sans cesse de la jeune princesse aveugle à Subaru, lequel la fixait de son œil unique avec une insistance frisant l'impolitesse.

Kamui était perplexe, était-ce possible que l'amnésique ressentit la même chose que lui ?

L'aboiement guttural qu'avait poussé Inuki au contact d'Hinoto résonnait encore dans son esprit. Et cette réaction agressive ne faisait que qu'accentuer cette étrange sensation qu'il éprouvait depuis son entrée dans la pièce. Quelque chose qui l'oppressait et qu'il ne parvenait pas à définir.

Mais il n'y avait pas que ça, autre chose occupait son esprit à cet instant.

L'insistance de Subaru à les accompagner avait peut-être été motivée, uniquement motivée par la curiosité de découvrir cette princesse rêveuse dont ils parlaient tant.

Mais la conversation de la veille… Il n'avait pu la chasser de sa mémoire, la repassant sans cesse , retournant dans sa tête des dizaines de questions dont il ne parvenait pas à formuler les réponses.

La main de Sorata s'abattit alors sur son épaule, le faisant sursauter.

- Voilà enfin une bonne nouvelle ! s'exclama le moine, croisant le regard sans expression de l'adolescent.

Kamui ne semblant pas décidé à réagir, Sorata ne chercha pas à retenir un petit soupir exaspéré.

- Kamui…, commença-t-il avec une pointe d'agressivité que ne masqua pas son ton doucereux. Subaru va rester, ici, avec Hinoto. Il ne risque rien, rien, tu m'entends ?

Kamui ne dit rien, chercha le regard du médium mais celui-ci avait détourné les yeux.

- Ça ne sert à rien de t'énerver Sorata…, murmura alors Arashi.

Le mépris à peine dissimulé transparaissant dans sa voix frappa le moine comme une gifle, il lâcha l'épaule de Kamui, laissa mollement retomber son bras.

- Bon, j'ai compris… Rien ne sert de s'attarder alors, fit-il, masquant tant bien que mal son désappointement.

Yuzuriha fut la seule à approuver sans réserve apparente, elle se précipita vers Subaru pour l'embrasser et franchit la porte, le petit chien pataud sur ses talons.

Sorata se demanda un instant si elle faisait ou non exprès de ne jamais s'apercevoir de rien.

Mais quoi qu'il en soit, il bénissait cette attitude.

Arashi quitta la salle d'audience sans mot dire, son dernier regard fut pour le médium.

- Soyez prudents…, lança dans les airs la voix étouffée de la princesse.

Sorata acquiesça, la gratifia d'un salut discret puis se tourna vers Kamui, le fixant avec une insistance qui glaça le sang à l'adolescent.

Désemparé, celui-ci bredouilla sans assurance :

- Partez devant… Je vous rejoins… Bientôt.

Sorata renifla, sans que Kamui pu dire si c'était d'énervement ou de dédain, et le moine quitta la salle sans demander son reste.

Son départ fit soupirer Kamui, de soulagement ou non, il n'aurait su le dire.

- Pourquoi n'es-tu pas parti ? demanda alors Subaru après un instant de silence.

Le lycéen se tourna vers lui. La voix de l'amnésique était calme et sereine, sans aucune once de nervosité ou de méchanceté. Car après tout, ce n'était là qu'une simple question.

Et Kamui ne sut que répondre, ne voulant pas donner l'air de se méfier au point de rester pour surveiller Subaru, même si… Même si c'était exactement ce qu'il était en train de faire.

-… Je ne reste pas, balbutia-t-il en se sentant soudain maladroit et ridicule. Je vais aller les rejoindre, ils vont avoir besoin de moi.

Subaru acquiesça de la tête, ce simple geste créa un grand vide dans la poitrine de l'adolescent.

Le silence se fit, lourd et désagréable, Subaru fixait un point droit devant lui, faisait courir son regard sur les dorures du trône ou sur le riche décor entourant la princesse, comme s'il voulait à tout prix éviter le regard de Kamui.

Cette attitude arracha au jeune garçon le peu de contenance qui lui restait. Il se mit à danser d'un pied sur l'autre avec nervosité. Face à lui, Hinoto était couchée, ses lèvres fardées entrouvertes, ses yeux clos laissant entrevoir la brillance nacrée de ses paupières.

S'en désintéressant, il fixa à nouveau le médium, dont il ne pouvait voir le visage.

Sans qu'il ne sache pourquoi, l'image du Sakurazukamori s'imposa dans son esprit, un homme au sourire mesquin et cruel, son cœur se gonfla de colère.

- Tu attends avec impatience que je partes, n'est-ce pas ? demanda-t-il alors, abrupt et consciemment méchant.

Subaru se retourna et son regard se fit perçant. Il sentait qu'il lui fallait être très prudent quant à sa réponse à cette question qui n'en était pas une.

Tout en sachant qu'une absence de réponse serait également mal prise.

- Je pense juste que tu le devrais…, fit-il, pesant ses mots. Vous ne serez pas trop de quatre là-bas.

Kamui eut un ricanement sardonique, en désaccord criant avec son sourire triste.

- Tu as raison, je me demande bien ce que je fais encore ici, à faire l'empêcheur de tourner en rond alors qu'on m'attend pour sauver le monde…, fit-il de sa voix la plus ironique.

Sur ces mots, il fit volte-face et se dirigea vers la sortie, les épaules basses.

Pendant un instant, Subaru eut envie de lui dire, de lui dire de revenir et de lui raconter, de se faire pardonner de l'avoir blessé…

Mais il repensa à cette lettre, et ce fut comme une voix résonnant dans sa tête.

« …je crains qu'il n'arrive malheur à la personne en question, car je serais ennuyé de te faire du mal. Et si jamais la mort de cette personne te causait du malheur, sache que je serais aussi très mécontent de voir qu'elle a pu ainsi gagner ton affection… »

Kamui était bien trop impliqué dans cette maudite histoire pour qu'il pût se permettre de lui dire quoi que ce soit.

Mais de le voir partir, blessé par lui sciemment…

C'était dur, bien plus dur qu'il ne l'aurait crû.

- Kamui…

- ATTENDEZ !

Alertés par cette voix horrifiée, les deux garçons se retournèrent d'un même mouvement vers son origine, les yeux écarquillés.

- Attendez…, souffla Hinoto. Un autre kekkaï… Va être détruit… J'ai vu…

Kamui revint sur ses pas à toute vitesse, son regard interloqué et inquiet croisa celui de Subaru.

L'adolescent s'agenouilla face à la jeune femme, son regard améthyste plus pénétrant que jamais.

- Où est-il, Hinoto-Hime ?

La tranquillité de sa voix était démentie par la fébrilité de son attitude, le médium voyait distinctement ses mains crispées trembler.

Subaru s'approcha plus encore, voulu poser une main sur l'épaule du garçon accroupi, la serrer. Mais la voix d'Hinoto retentit, couvrant malgré sa faiblesse jusqu'au bruit de leurs respirations oppressées, se répercutant dans la salle immense :

- Au Rainbow-Bridge… Il est là-bas.

La réaction de Kamui à l'entente de ces mots secoua Subaru autant que la révélation de la princesse. Le lycéen se releva brutalement et, sans le moindre regard, le moindre mot pour l'amnésique, se dirigea vers la sortie à grands pas.

- Kamui !

Se précipitant à sa poursuite, le médium se saisit de son bras et le tira à lui, le forçant à le regarder.

- Lâche-moi…

La voix de Kamui était pleine de menaces mais Subaru s'en moquait.

- Kamui, tu n'iras pas là-bas…, fit-il, tentant de rendre sa voix aussi persuasive que possible.

L'adolescent eut un sourire sardonique.

- Que je n'y aille pas ? murmura-t-il d'un ton mordant. Mais tu crois que quelqu'un d'autre ira à ma place peut-être ?

Subaru ne répondit pas, son regard se fit plus féroce, Kamui tenta de le faire lâcher prise sans y parvenir.

- Tu le savais, n'est-ce pas ? souffla-t-il alors, sa voix se réduisant à un filet ténu. Tu le savais qu'il serait là-bas… ALORS POURQUOI N'AS-TU RIEN DIT !

La violence de son exclamation fit sursauter Subaru, il desserra un instant sa prise.

Ce fût suffisant, Kamui se dégagea et le fixa, trop désespéré cette fois pour être délibérément cruel.

- J'avais crû que tu me faisais confiance mais après tout, ce n'est pas grave…, murmura-t-il, son regard blessé se faisant fuyant. Mais peu importe ce qu'il t'ai dit ou montré, je m'en moque…

Il inspira.

- Il n'est pas question que je le laisse te faire plus de mal. Ou t'emmener dans un endroit où je ne pourrais plus te suivre…

Faisant volte-face, Kamui se mit à courir et disparut en un instant dans le couloir, hors de vue du médium.

Celui-ci resta un instant immobile, comme sonné et ne mit qu'un instant à prendre sa décision.

- KAMUI !

Et à se précipiter à sa poursuite.

¤ ¤ ¤ ¤ ¤

C'est ça… Partez donc… Allez donc vous battre, votre mort n'en sera que plus rapide…

Les derniers instants d'une vie sont toujours si distrayants, l'idée de ce spectacle me réjouit d'avance.

Et toi ? Toi qu'au travers de ce miroir d'eau je vois pleurer, toi que j'entends geindre, toi mon autre moi, celle qui m'a gardé si longtemps prisonnière de son cœur… L'idée de la mort de tes chers Dragons du Ciel, comment la ressens-tu ?

Elle t'attriste… Non, mieux, elle te désespère. Je le vois, inutile d'essayer de me le cacher.

Notre apparence est identique, nous occupons toutes deux ce même corps débile, impotent et cet esprit capable de tout voir et de tout entendre.

Et nous sommes pourtant si dissemblables, tout ce qui te bouleverse me séduit, tout ce qui te désole me ravit, lorsque je ris, j'entends tes pleurs, ce qui ne fait qu'augmenter mon hilarité.

Tu aimerais échapper à ce spectacle qui t'anéantirait n'est-ce pas ?

Rien ne me fait plus plaisir que de savoir que tu seras forcée d'y assister, que mes rires ne feront que faire redoubler tes sanglots.

Je m'en délectes d'avance…

Bienvenue dans l'arène, chère Hinoto-Hime, mon autre moi…

¤ ¤ ¤ ¤ ¤

Le pont. Le pont maudit…

Essoufflé par sa course et le cœur battant à tout rompre, Kamui fixait les grandes arches de fer qui semblaient s'élancer sur des kilomètres vers le ciel nuageux.

Il était là, quelque part. Comment pouvait-il en être autrement ? Il était là, à attendre, à attendre une nouvelle occasion de détruire la vie de médium.

Subaru se rappela à sa mémoire, les larmes lui montèrent aux yeux presque spontanément mais il décida de ne pas y penser. Il lui fallait se concentrer sur le Sakurazukamori, sur ce sentiment sans cesse plus puissant de haine qu'il lui portait.

Plus déterminé que jamais, il s'avança jusqu'au centre de l'édifice.

Le vent se mit à souffler, lui faisant plisser les yeux alors qu'il scrutait les alentours, à l'affût du moindre mouvement suspect.

Mais après quelques instants d'écoute attentive, une impression aussi étrange qu'effrayante le prit à la gorge, répandant un grand froid dans son corps.

L'impression d'être soudain devenu sourd. Il ne percevait plus le moindre bruit, le sifflement aigu de la bourrasque qu'il sentait pourtant sur son corps avait disparu, comme la rumeur du centre-ville.

Rien. Rien d'autre que sa respiration hachée, rien d'autre que les battements frénétiques de son cœur.

Il était là… Il le savait, le sentait jusque dans la moindre fibre de son être.

- Je sais que vous êtes là, fit-il, respirant avec difficulté. Montrez-vous.

Silence. Et de nouveau cette impression atroce d'être coupé du monde des vivants.

Qui se prolongea, se prolongea douloureusement. Jusqu'à ce qu'une voix moqueuse ne déchire le silence.

- Mais je suis là… Vous ne me voyez donc pas ?

Kamui fit violemment volte-face, cherchant frénétiquement du regard le propriétaire haï de cette voix narquoise.

Mais devant lui, autour de lui, aucune présence humaine.

« Ne pas montrer de faiblesse, pas de peur… Il est là, il t'observe, il n'attend que ça… »

- Vous êtes un lâche, fit-il au vent. Craindriez vous cette bataille ?

Une pression sur son épaule, infime, comme si un oiseau venait de s'y poser.

Il se retourna d'un coup.

Face à lui, à à peine un pas, se tenait le Sakurazukamori, un sourire goguenard aux lèvres, son regard asymétrique dissimulé par le verre fumé de ses lunettes.

- Je ne m'attendais pas à vous voir ici, Kamui-kun, fit-il avec un sourire de gentleman comme pour souligner l'ironie de la situation.

Kamui le foudroya du regard, bien décidé à lui montrer qu'il ne rentrerait pas dans son jeu.

- Je le sais, murmura-t-il en tentant de moduler sa voix qui tremblait de rage. Vous y attendiez quelqu'un d'autre, n'est-ce pas ?

Le sourire de l'assassin s'agrandit.

- Oh, ainsi vous êtes au courant ! Etrange, je connais pourtant la discrétion de ce cher Subaru, je ne l'aurais pas crû capable de le claironner à tous vents…

Kamui vit rouge.

- Vous ne le connaissez pas, vous ne le connaissez plus ! cracha-t-il. Et il l'aurait certainement révélé si vous ne l'aviez pas menacé !

Seïshiro eut un petit rire.

- Moi, le menacer ? Vous êtes blessant.

S'approchant de l'adolescent que la colère laissait immobile et se retrouvant tout contre lui, il murmura, au creux même de son oreille :

- Mais je le suis également, et dans tous les sens du terme. Et si cela pouvait m'éviter, à l'avenir de vous retrouver en travers de mon chemin…

Retrouvant soudain ses esprits, Kamui s'écarta brusquement avec presque de la répulsion, tremblant de tous ses membres.

Et déjà, il entendait dans le ciel le vrombissement de milliers d'ailes battant à toutes forces, les cris stridents et agressifs qui lui vrillaient les oreilles.

Faisant un bond de côté, il parvint à éviter la première attaque mais les centaines non, les milliers d'oiseaux changèrent leur trajectoire pour à nouveau se précipiter sur lui.

Il se retrouva soudain emprisonné dans une nuée de volatiles hargneux et hurlants, qui tailladaient sans pitié ses chairs.

Et pourtant, le rire du Sakurazukamori lui parvint au milieu de ce chaos.

C'en fût trop, rassemblant ses forces, il leva les mains vers le ciel. Aussitôt, l'énergie afflua au bout de ses doigts, explosa en une formidable décharge qui réduisit au silence les minuscules shikis.

L'assassin le fixait toujours, ironique et séducteur.

Les yeux plissés de rage, Kamui se précipita sur lui, sans penser à l'incongruité de son acte.

D'ailleurs, il ne pensait plus à rien.

¤ ¤ ¤ ¤ ¤

- Hé ho ! Où allez-vous !

Interdit, il se retourna vers l'origine de la voix. Un policier en uniforme le fixait méchamment.

- Oui, c'est à vous que je parle ! N'allez pas par là, c'est dangereux !

Subaru sursauta, dévisagea l'homme avec panique.

- Mais…, balbutia-t-il, pris de court. J'ai un ami là-bas, vous ne comprenez pas… !

L'autre ne semblait pas enclin à la discussion, il le fit taire d'un geste.

- La seule chose que je comprends, c'est que la terre a tremblé et que ce fichu pont risque de s'écrouler à tout moment ! Et que, si votre ami a un minimum de bon sens, il est parti sans attendre que vous veniez le chercher !

Le policier eut un rictus crispé, attrapa le bras de Subaru.

- Et, si vous voulez mon avis, vous auriez tout intérêt à faire de même !

Subaru se tût. Il ne servait à rien de tenter de discuter, sinon à perdre encore plus de temps.

La pression sur son bras était puissante et serrée, il repensa à Kamui, à la façon dont lui-même avait voulu l'empêcher de fuir un peu plus tôt.

Et il se voyait mal expliquer à cet homme que le lycéen était l'une des principales causes de ce séisme.

- Vous m'entendez ! Partez maintenant, c'est la meilleure chose à faire !

Mais a peine eût-il prononcé ces mots qu'une nouvelle secousse ébranla la terre, Subaru crût un instant voir le pont frémir, la vibration du sol se propagea dans son corps entier, le laissant tremblant.

De surprise, l'homme le lâcha, Subaru en profita, se mit à courir, ignorant la voix qui lui hurlait de revenir.

¤ ¤ ¤ ¤ ¤

Kamui tomba à terre, la main douloureusement crispée sur son épaule. Il serra les dents, tenta de retrouver son équilibre, chancela.

Il avait l'impression qu'un brouillard opaque se formait dans sa tête, sa vue se troubla, se dédoubla, il clignait sans cesse des yeux et il lui semblait que même ce mouvement lui causait de la douleur.

Se concentrant, tout autant pour garder son équilibre que pour éviter de gémir sa douleur, il fit quelques pas en direction de la forme vague du Sakurazukamori, qu'il devinait face à lui.

- J'avoue que vous me décevez…, murmura l'autre avec un feint dépit. Votre alter-ego m'avait habitué à une meilleure résistance physique.

Kamui se sentit bouillir. Comme inconscient, il voulut se précipiter sur l'assassin, réduire au silence une fois pour toute celui qui ne l'avait que trop nargué.

Il sentait l'énergie affluer à nouveau dans son corps meurtri, se rassembler dans ses paumes, le brûlant presque.

S'il parvenait à le toucher maintenant…

Quelque chose le frôla alors. Ne s'en souciant guère, il s'apprêtait à frapper lorsqu'une douleur démesurée explosa dans son ventre.

Perdant aussitôt toute concentration, il se tordit en deux, l'énergie se dispersa, créant un froid immense dans son corps. Agité de tremblements spasmodiques, il tomba à terre.

On ne sait comment, il parvint à sentir la présence du Sakurazukamori, penché sur lui.

- Allez savoir pourquoi, vous voir ainsi à ma merci est plus excitant que ce que j'imaginais…

Et pour la première fois, il paressait sincère.

- … Bien que j'aurais préféré que ce fût en d'autres circonstances…, fit Seïshiro avec presque de la déception. Mais après tout, c'est ainsi que je traite ceux qui contrecarrent mes plans, si séduisants soient-ils.

Kamui voulu répliquer, se redressa avec peine, mais un violent haut-le-cœur l'empêcha de proférer un son.

Rassemblant ses forces en un élan désespéré, il banda ses muscles, grimaça sous la douleur mais parvint à se mettre hors de portée du Sakurazukamori.

Celui-ci haussa un sourcil, eut un sourire condescendant et lentement, leva le bras à la vertical.

Kamui vit clairement ses doigts rougeoyer.

Un instant pourtant, l'assassin parut hésiter, comme ayant soudain pitié de ce jeune homme désormais incapable de se défendre. Mais il sembla balayer ce sentiment d'un haussement d'épaule, avec la même nonchalance que s'il avait chassé de la main un insecte ennuyeux.

Il abaissa brutalement son bras.

Une brèche ouvrit le sol en deux, elle se propagea dans un fracas à rendre sourd, soulevant un nuage de poussière, arrivant droit sur lui, comme prête à l'engloutir.

Ne trouvant plus en lui la force de faire le moindre mouvement , il ne pût que fermer les yeux.

Un heurt brutal. Mais pas celui auquel il s'attendait.

On le saisit à bras-le-corps, il se sentit partir, l'onde de choc créée par la secousse faisant trembler jusqu'à la plus petite de ses cellules mais qui pourtant ne l'atteignit pas.

Il ouvrit les yeux. Se trouva couché, dos sur le béton, avec au dessus de lui une silhouette frêle qui se relevait péniblement.

Une masse de cheveux noirs, un œil, un seul, vert émeraude, qui le transperça.

Il aurait voulu l'appeler, parler tout simplement mais il ne parvint qu'à grimacer.

Subaru sourit, essuya d'un geste le sang qui perlait de sa lèvre, sembla vouloir faire un geste vers lui mais se leva, faisant face à l'assassin.

Le rire du Sakurazukamori sembla alors remplir tout l'espace, se répercutant contre les quelques pylônes rescapés.

Souriant, Seïshiro s'avança à pas lents, Subaru recula par réflexe, comme désirant créer pour Kamui un rempart plus efficace.

- Tu es en retard, Subaru-kun, remarqua l'homme en noir, presque sur le ton de la conversation. Et je constate qu'en plus, tu n'as pas suivi mes directives.

Son sourire s'élargit.

- Tu m'avais habitué à de meilleures manières.

Il s'approcha encore, ne se trouvant à présent qu'à quelques pas du médium.

- Je t'avais pourtant prévenu des risques qu'encourraient ceux qui auraient voulu se joindre à nous…

Il désigna Kamui d'un rapide regard, les poings de Subaru se crispèrent.

- Et je suis encore plus déçu de te voir alarmé devant son état… Tu as décidément bien changé.

Franchissant d'un coup la distance les séparant de l'amnésique, il lui saisit les deux poignets et serra, empêchant toute retraite, il approcha son visage du sien.

- … Oui, bien changé…, murmura-t-il, contemplatif.

- Lâchez-moi. Tout de suite.

Mais malgré tous ses efforts, la voix de Subaru trembla, ce qui parut amuser Seïshiro.

- L'agressivité te va si mal…, soupira-t-il en desserrant à peine sa prise. Tu es comme l'oiseau qui gonfle ses plumes en espérant paraître plus imposant.

Il lâcha le médium, celui-ci ne bougeait plus.

- Mais je te connais trop bien, hélas. Ces adorables subterfuges ne font aucun effet.

Subaru trembla, un tremblement qui parut monter du sol pour se propager dans tout son corps, de son échine qui frissonna, jusqu'au bout de ses doigts, jusqu'à ses lèvres qui frémirent.

Et qui ne dura qu'une brève seconde avant qu'il ne redevienne aussi immobile qu'une statue.

Il était pétrifié, le regard et le sourire de cet homme semblait lui ôter tous ses moyens, le rendre incapable du moindre mouvement, de la plus infime pensée.

Quelque chose pourtant le fit se ressaisir, cela ne tint qu'à un fil, il perçut soudain une vague de chaleur brûlante, dont la source paressait être le corps meurtri de Kamui, derrière lui.

Il le sentit bouger, l'entendit tousser douloureusement.

Le médium releva ostensiblement la tête, son œil unique dans celui ambre de l'autre.

- C'est à moi que vous aviez affaire. A moi seul…, murmura-t-il, la voix vibrante.

Seïshiro le regarda, sans sourire. Son visage n'exprimait rien.

Puis il soupira, baissa un instant la tête, comme las et lorsqu'il la releva, son sourire était mélancolique.

- Et dire qu'il y a quelques années, tu aurais vendu ton âme pour pouvoir me protéger de la sorte…

« Un rein… Juste un rein… Pour Yuya… »

Le bruit de la lame rencontrant la chair.

Tout ceci remonta à la mémoire de Subaru d'un seul coup. Le regard fou et désespéré de la femme, celui ironique de son sauveur, sa main plaquée sur son œil en sang.

De ce « sauveur » en face de lui et qui, aujourd'hui, n'était pas un mirage.

Subaru semblait perdu dans ses pensées, son regard fixé sur lui comme s'il ne le voyait pas, comme s'il eut regardé au travers d'une vitre transparente.

Il se jura que bientôt, très bientôt, ce regard ne serait plus fixé que sur lui.

Exclusivement sur lui, à nouveau.

Derrière le médium, l'adolescent s'était redressé, semblait souffrir le martyr.

Mais son regard haineux et noir était centré sur lui. Et il ne dévierait pas, l'assassin le savait.

L'obstacle entre Subaru et ses souvenirs, c'était lui, il en était certain à présent.

Et, Kamui ou pas, il le ferait disparaître…

¤ ¤ ¤ ¤ ¤

- Mais qu'est-ce qu'il fout, cet espèce de… !

Yuzuriha sursauta, se retourna vers le moine.

- Mais, il a peut-être…, tenta-t-elle avec appréhension.

- Mais je m'en balance de ce qu'il a bien pu faire ou pas ! Je veux juste qu'il se ramène ici, et vite ou je ne donne pas cher de sa peau !

Arashi pinça les lèvres, retenant difficilement son envie de le gifler.

- L'heure annoncée par la Princesse est passée depuis longtemps…, se contenta-t-elle de constater, glaciale. Il a dû avoir un problème.

Sorata la fixa, ricana et mima grossièrement une illumination subite.

- Oh, bien sûr, suis-je bête ! Et bien, si son problème s'appelle Subaru, je peux te garantir que le mien est un nain déprimé et borné… !

- T'énerver et être grossier ne sert à rien sinon à te rendre encore plus ridicule.

Sorata s'arrêta net, dévisagea la prêtresse, comme sonné.

- Et en plus, ce serait moi le coupable ? demanda-t-il, son ton radouci ne cachant pas sa colère bien réelle.

Arashi soutint son regard, jusqu'à ce que le moine cille et cligne des yeux puis murmura :

- Si Kamui n'est pas là, c'est qu'il s'est passé quelque chose. Et si aucun Dragon de la Terre n'est venu jusqu'ici, c'est qu'ils avaient une autre idée en tête.

Sorata haussa un sourcil.

- Oui, mais la Princesse…

- Je ne vois pas en quoi lire l'avenir la soustrairait au nombre des humains ! Elle s'est trompée, Sorata, elle n'est pas infaillible !

Le garçon roula les yeux.

- … Admettons que tu ais raison, concéda-t-il, faisant visiblement de gros efforts pour ne pas se mettre à crier. Donc, qu'est-ce qu'on devrait faire maintenant ?

Arashi fit mine de réfléchir.

- Deux d'entre nous devraient rester ici, au cas où la prédiction serait vérifiée.

Mais son ton conciliant montrait à quel point elle en doutait.

- Le troisième retournera auprès d'Hinoto. Et partira à la recherche de Kamui.

- Et Subaru, je suppose ? fit le moine, qui n'était pas dupe. Car si Kamui n'est pas là, je serais vraiment surpris qu'il l'ait quitté…

Il renifla.

- Et je présume que, même si je ne suis pas d'accord, tu t'attribueras cette mission. Non ?

Arashi ne dit rien, se contentant de soutenir son regard.

Quant à Sorata, il décida de se taire.

¤ ¤ ¤ ¤ ¤

- N'approchez pas !

La voix de Subaru se voulait ferme, elle était surtout paniquée.

Il faisait face à Seïshiro avec droiture mais ses jambes tremblotantes menaçaient de le trahir.

- Je te fais peur, c'est ça ? siffla alors l'assassin, son œil unique lançant des éclairs. Ne nie pas, tu es terrifié !

Il avait craché cette phrase d'une voix vibrante de colère.

Il ne fallait surtout pas qu'il perde son calme, il risquait de se trahir.

Mais ce regard… Ce regard dardé sur lui, flamboyant de rage et apeuré comme celui d'un enfant…

Subaru avait reculé à son approche, avec peur, presque avec dégoût.

- Tu crois vraiment que je pourrais te faire du mal ! A toi ! Subaru !

Il avait crié, presque hurlé et ce cri sembla frapper le médium comme un gifle. Mais il ne baissa pas les yeux.

Le regard du Sakurazukamori dévia alors sur Kamui.

Celui-ci, la tête posée à même le sol, dans le prolongement de son corps, comme s'il n'avait déjà plus la force de la tenir droite, avait fermé les yeux.

Il paressait dans un état critique et pourtant, comme s'il avait senti centrée sur lui l'attention de son ennemi, les rouvrit brusquement.

Son regard améthyste voilé le foudroya et Seïshiro aurait alors juré que…

Oui, il aurait juré qu'il souriait.

- Ecarte-toi, Subaru…, fit-il alors d'une voix très basse, lourde de menaces.

Les yeux de l'interpellé s'agrandirent d'horreur, il ne bougea pas d'un pouce.

C'en fut trop.

- ECARTE-TOI !

Laissant soudain éclater sa fureur, Seïshiro s'avança, si vite que Subaru crut avoir rêvé en le voyant soudain à côté de lui.

La bouche tordue en un sourire qui était plutôt un rictus, les yeux flamboyants, l'assassin lui attrapa l'épaule, la serra si fort que l'amnésique grimaça et, d'un mouvement, le força à s'éloigner.

Il sentait Subaru se débattre, résister mais il le repoussa avec une telle violence que le médium tomba à terre.

Seïshiro baissa les yeux, constata que Kamui paressait résigné mais continuait de soutenir effrontément son regard.

Le Sakurazukamori recula, à peine, c'était bien suffisant. Comme rendu sourd par la colère, il n'entendit pas Subaru se relever.

Il leva la main, elle se nimba d'une lumière blanche et aveuglante.

Face à l'adolescent moribond, que pour la dernière fois, il regardait dans les yeux, il abaissa le bras, comme on dégaine un revolver.

Un éclair de lumière, si intense que lui-même dû fermer les yeux.

Et il eut soudain l'impression qu'une main énorme, à la fois brûlante et glaciale venait de lui enserrer le ventre, mettant le feu à son corps, le consumant de l'intérieur.

Que se passait-il ? Comment… ?

Un choc brutal, à nouveau. Et malgré la confusion dans laquelle il se trouvait, Seïshiro comprit qu'il venait de s'écraser violemment contre l'armature métallique du pont, repoussé par une force colossale.

Kamui ne chercha pas à comprendre ce qui venait de se passer, en oublia d'être abasourdi, ahuri, désorienté comme il aurait dû l'être, il n'était même pas sûr d'en avoir la force.

Il ne chercha pas à exprimer avec des mots cette sensation qui si souvent le prenait au ventre, d'autant qu'elle était différente cette fois, plus faible, plus ténue.

Mais proche, si proche…

Il en aurait hurlé de joie…

Arashi n'en avait vu qu'un faible éclat de lumière, qui illumina à peine le pont en face d'elle, le pont qu'elle s'apprêtait à rallier d'un bond.

C'était impossible et pourtant, elle le sentait, c'était bien Subaru…

Une barrière de protection tendue à la hâte, comme inconsidérément, dans le feu de l'action, oui peut-être.

Mais cette sensation, à laquelle elle avait fini par s'habituer…

C'en serait un ? Un petit, maladroit, inefficace sur le long terme, prêt à se briser à tout moment.

Mais un kekkaï tout de même, il n'y avait plus de doute.

A suivre…

0o ! (traduire par : Alors ? Reviews, reviews !)