Titre : L'absent- chapitre XI

Auteur : Kestrel21

Base : X/1999

Genre : Yaoï, à priori pas trop OOC, quelques spoilers mais rien de bien méchant et… je crois que c'est tout !

Résumé : Après son combat avec Fuma, Subaru a perdu la mémoire (j'ai toujours eu le don des résumés !).

Disclaimer : Aucun des persos de X ne m'appartiennent et c'est tant mieux comme ça tout le monde peut en profiter (quoi que je dirais pas non si on me proposait Subaru ou Seïshiro !) ! Ah, j'oubliais, les pensées des personnages sont entre guillemets !

Petit changement dans la légende : Ces 5 petits ¤ ¤ ¤ ¤ ¤ indiquent toujours un changement de scène, et désormais, un seul de ces petits ¤ indique un changement de POV. Voilou ! Et les réponses aux reviews se trouvent à présent à la fin, histoire d'éviter les spoilers avant même la lecture ! Que je vous souhaite bonne !

Pendant un instant, un bref instant, mais ô combien intense, il eut peur.

Une peur viscérale, une peur qui sembla décupler la douleur, peur au point qu'il failli perdre connaissance pour de bon.

Une terreur qu'il avait crû n'avoir jamais à ressentir, à laquelle penser le faisait rire, naguère.

La peur terrible, l'angoisse atroce de la mort.

Il se souvint, cela n'avait duré qu'une seconde, une seconde qu'il avait essayé d'éviter en comprenant ce qu'il se passait, mais il était déjà trop tard.

Kamui aurait dû disparaître, définitivement, plus jamais il ne voulait voir ce sourire, qui lui montrait sa défaite, et ce regard, qui paressait s'en régaler.

Oh, et tout cela ne serait déjà plus si seulement…

Si seulement Subaru ne s'était pas interposé.

Son œil droit le lançait douloureusement, il le percevait plus encore que son ventre, pourtant déchiré par la douleur.

Il l'avait crû mort, cet œil et pourtant il lui faisait si mal… Presque autant que ce jour-là…

¤

Arashi ne s'était pas attendue à voir cela. Comment se faisait-il que le pont n'ait pas encore succombé à la violence des coups échangés, c'était un mystère.

Kamui était à terre, les yeux fermés, le visage blême, il paressait au plus mal.

Elle reconnut le Sakurazukamori, et celui-ci ne la remarqua même pas.

Son long manteau de cuir maculé de larges tâches de sang, ses vêtements brûlés à divers endroits, son attitude ramassée et sa main gantée crispée sur son ventre dénotaient la plus intense des douleurs.

Et son visage était méconnaissable, déformé par la rage.

Et là, entre eux deux, si apeuré, si déplacé dans ce paysage d'apocalypse…

Subaru se tenait là, accroupi devant Kamui, étonnamment préservé des souffrances et des blessures, comme protégé par le diable.

Plus aucune trace de cette énergie phénoménale déployée par l'amnésique il y avait à peine un instant, plus rien dans l'air si ce n'est cette lourde et capiteuse odeur de sang.

Le pont allait s'écrouler, ce n'était plus qu'une question de temps, tendre un kekkaï maintenant lui paressait aussi inutile de dérisoire.

¤

Le pont frémit, mais ce fut si infime que Subaru crû avoir rêver.

Mais une effroyable secousse suivit, faisant trembler le sol, son cœur s'arrêta presque de battre mais il n'eut pas le moindre tressaillement, le moindre frisson.

C'était comme si on venait de l'enchaîner à un mur, un soudain épuisement rendait son corps si lourd que le moindre mouvement était presque une souffrance.

Il vit, comme au travers d'un épais brouillard, le Sakurazukamori se relever, l'éclat de son œil ambre le transperça aussi durement qu'un sabre.

Subaru releva la tête, ferma les yeux, comme en attente.

Il sentait sous lui le sol se mouvoir, il entendait les débris rouler, le fracas lointain des pylônes s'arc-boutant, puis se brisant net.

Ce n'était plus qu'une question de secondes, il en était certain…

Et pourtant, il attendait. Quoi ? Qu'attendait-il au fond ? La mort ?

Si ce pont s'écroulait, il mourrait probablement, enseveli sous les décombres, écrasé, noyé…

Sa main chercha à tâtons le corps de Kamui, la referma sur son poignet inerte et froid.

Mon Dieu, si froid…

Il ouvrit grand les yeux.

¤

Elle vit Subaru se relever, lentement, défiant le tueur des yeux, plus assuré que ne l'indiquait son attitude, à la fois pathétique et pourtant étrangement digne.

Se concentrant, elle sentit bientôt le fourmillement familier s'emparer de son bras droit.

Quelques instants plus tard, elle tenait l'épée dans son poing crispé.

Crispé jusqu'à la douleur.

¤

La rage et la souffrance ne font pas bon ménage, Seïshiro l'expérimenta à ses frais quand, ivre de colère, il voulut se précipiter sur Subaru, le prendre contre lui, enfoncer sa main dans ses chairs fragiles et chaudes, entourer de sa main son cœur palpitant.

Son cœur si chaud…

« Si tu essayes de tuer Subaru… De la même manière que tu m'as tué… »

La menace d'Hokuto flotta un instant dans son esprit, il n'y prêta aucune attention.

Oui, le prendre dans ses bras…

¤

La dernière arche céda dans un fracas innommable. Plus rien ne les retenait à présent, et surtout pas le sol qui se déroba sous ses pieds.

On le tira en arrière, il aperçut en un éclair le regard pressant et affolé d'Arashi.

Elle lui cria quelque chose mais ses lèvres remuaient en vain, il n'entendait plus rien.

Puis la réalité se rappela à lui, incisive et désespérée.

Il se baissa, prit et maintint fermement le corps immobile de Kamui contre lui, courut, Arashi le précédant.

Il eut à peine le temps de se retourner, pour constater que le Sakurazukamori avait disparu.

Envolé.

¤ ¤ ¤ ¤ ¤

La porte automatique s'ouvrit devant lui, libérant la voie.

A l'intérieur de la pièce immense régnait un froid polaire, mais l'écart brusque de température ne provoqua chez lui qu'un léger frisson, à peine perceptible.

Il avait l'habitude.

L'écho de ses pas lui fut renvoyé amplifié par l'espace alors qu'il s'avançait lentement.

Au centre de cette caverne aux murs lisses trônait la créature artificielle la plus hideusement superbe qu'il lui ait été donné de voir.

Gigantesque et frémissant comme s'il avait été vivant, Beast se tenait là, impassible et droit dans le froid glacial, tel un fémur de mammouth millénaire enfermé dans la glace.

Alors qu'il s'en approchait, des nuages de fumée s'élevèrent d'une de ses extrémités, comme alertés par sa présence, un bruit sec et métallique se fit entendre.

C'était l'heure.

L'instant d'après, il recevait entre ses bras ouverts le corps fin et blanc, légèrement vêtu, d'une jolie jeune fille.

Lorsqu'il la posa à terre, souriant distraitement, de longs et minces filaments parcourus d'électricité sortirent du corps de la créature électronique.

Ils s'enroulèrent un bref instant autour de la jeune fille, comme les bras caressants d'un amant et déposèrent dans sa main tendue une paire de lunettes de vue.

Celle-ci les chaussa, donna une petite tape amicale sur les fils de métal qui se résorbèrent dans un chuintement apathique.

D'un geste, elle remonta la fermeture éclair de sa veste, dérobant à la vue de l'homme son décolleté plongeant.

- Je suis venu te chercher pour le thé, fit simplement celui-ci avec son habituel sourire de séducteur. J'espère que je ne t'ais pas dérangé.

Elle secoua la tête.

- Non… A vrai dire, je commençais à m'ennuyer.

Un tremblement parcouru la pièce de part et d'autre, comme si Beast soupirait de désarroi.

Alors que la porte épaisse se refermait derrière eux, l'homme se retourna vers sa compagne.

- J'ai écouté les informations tout à l'heure, commença-t-il. Le Rainbow-Bridge s'est effondré, tu n'as donc pas tant perdu ton temps !

La jeune fille le regarda, son regard étonné agrandi trois fois par le verre grossissant de ses lunettes.

- Yuto, de quoi parles-tu ? demanda-t-elle avec méfiance.

Cela ne décontenança pas l'interpellé, qui décida de s'expliciter davantage.

Après tout, il était coutumier de ce genre d'excentricité.

- On a rapporté un séisme d'amplitude 5 qui a fait s'écrouler le Rainbow-Bridge cet après-midi. Ce n'était pas Kamui, je viens de le voir partir pour je ne sais où. Et comme tu as passé la journée avec Beast…

- Désolée Yuto mais je n'ais rien à voir avec ça, l'interrompit la jeune fille, son ton aussi neutre que son expression.

Puis, souriant à peine, elle proposa :

- Mais si nous rejoignions Kanoé ? J'avoue que je meurs de soif.

- Si vous voulez bien vous donner la peine…, invita l'homme en lui ouvrant la porte.

¤ ¤ ¤ ¤ ¤

Arashi ferma les yeux, les rouvrit instantanément avec un sursaut.

Il ne lui fallait pas s'assoupir, pas tout de suite, pas avant de savoir…

Depuis combien de temps au juste attendait-elle ?

Peut-être dix minutes, peut-être dix heures… C'était comme si l'irréalité de son existence l'avait soudain rattrapé, lui faisant perdre toute notion du temps.

Elle se leva et, silencieuse comme une ombre, s'approcha de la baie vitrée.

Dehors, il faisait déjà nuit, pour autant qu'il puisse faire nuit à Tokyo.

Une porte s'ouvrit non loin, lui faisant dresser l'oreille.

Une lumière froide jaillit du plafonnier, elle cligna des yeux.

Mais lorsque sa vision se fit plus nette, elle reconnut Subaru dans l'embrasure de la porte.

Ses bras étaient recouverts de bandages, un pansement ornait son front, à demi-masqué par de longues mèches noires qu'on avait débarrassé du sang coagulé.

Derrière lui, un homme d'âge mûr, aux cheveux aussi blancs que sa blouse.

- Dites-moi, docteur, s'il vous plaît…

Subaru paressait épuisé mais sa voix vibrait d'anxiété.

Le praticien baissa les yeux.

- Je ne peux rien vous dire pour le moment, j'en suis désolé mais je vous tiens au courant, soyez-en sûr.

Un instant, Subaru parut sur le point de lui tordre le coup, dans une bouffée d'agressivité mais finalement se résolut à s'asseoir prés d'Arashi alors que l'homme quittait la pièce.

Mais même là, il ne parvenait pas à garder son calme, ne cessait de se tordre les mains, de croiser et de décroiser les jambes, de se balancer d'avant en arrière inlassablement, en proie à la plus vive inquiétude.

Puis cessa soudain, posa une main tremblotante sur le bras de la jeune fille.

- Arashi, tu penses que… ?

- Oui, je pense sincèrement qu'il s'en sortira, il ne faut pas avoir peur, fit-elle d'une voix aussi calme que possible.

Subaru était suffisamment énervé comme ça, nul besoin de lui montrer à quel point elle aussi était rongée par l'appréhension.

Savoir qu'à cette heure-ci, personne n'aurait pu dire ce qu'il adviendrait de Kamui la mettait dans un état de peur confinant à la panique.

Et Subaru également. Peut-être était-ce même pire. Et lui n'était capable de le dissimuler que partiellement.

- Il ne faut pas que… Qu'il… !

Fixant l'amnésique que l'anxiété laissait balbutiant, elle hocha la tête, signe qu'elle comprenait, qu'il n'avait pas besoin d'aller jusqu'au bout de sa pensée.

- Sinon je ne pourrais pas lui dire… Quelque chose…

Sans savoir pourquoi, elle sentit son cœur se serrer.

- Tout à l'heure, fit-elle alors. Tu as crée un kekkaï, c'était bien toi, pas vrai ?

Le médium la fixa, éperdu.

- Quand j'ai compris qu'il voulait le tuer… Mais je ne peux pas expliquer, je n'y comprends plus rien ! s'emporta-t-il.

- Tu t'es interposé, c'est ça ?

Subaru soupira.

- Oui. J'ai à tout prix voulu faire quelque chose, je n'ais même pas réfléchi. Et puis… Je ne sais pas.

- Ce n'était pas vraiment un kekkaï…

La prêtresse réfléchissait tout haut.

- Tu l'as crée pour protéger Kamui, c'est grâce à lui… Mais cette barrière a renvoyé au Sakurazukamori son propre sort.

Elle eut un maigre sourire.

- Je pense qu'il ne s'attendait pas à ça.

- Personne ne s'attendait à ça !

Le médium se leva soudainement, s'approcha de la fenêtre, plaqua ses paumes contre la vitre, fixant l'une des dizaines de milliers de petites lueurs fantômes.

Ce n'était pas la tour de Tokyo, songea-t-il. Mais on voyait bien la ville d'ici.

« Kamui… »

Il ferma les yeux un court instant puis se retourna vers la jeune fille.

- … Il s'est passé autre chose…, murmura-t-il dans un souffle.

Arashi ouvrit de grands yeux, l'écoutant.

- Quand j'ai renvoyé le sort… Et qu'il l'a touché, qu'il l'a blessé… J'ai vu des choses, des images, j'ai entendu des sons, j'ai senti des odeurs…

- Des souvenirs ? demanda la prêtresse, comme n'osant y croire.

Subaru hocha la tête, bien qu'il ne parut pas très sûr de son diagnostic.

- Et… Est-ce que tu as vu… ?

Elle laissa sa phrase en suspens, constatant que Subaru ne l'écoutait pas, tout entier qu'il était à ressasser ses pensées.

Elle posa ses mains sur ses genoux, décidée à attendre qu'il parle de lui-même.

Et cela ne tarda pas.

- Je me suis vu, petit, puis un peu plus grand… Je suis sûr que c'était moi ! J'avais deux yeux, et puis…

Il posa sa tête contre la vitre froide, soupira de bien-être lorsqu'elle rencontra son front brûlant.

- J'ai vu une jeune fille qui flottait dans les airs, une femme qui tenait dans sa main la tête de son chien décapité, un bébé qui hurlait… Qu'on battait.

Il se tut un bref instant et resta ainsi, les yeux fermés.

- Je l'ais vu, lui.

Nul besoin d'aide pour comprendre qui était ce « lui ».

- Et elle…

Arashi releva les yeux.

- Qui « elle » ?

- Hokuto…

La jeune fille songea alors avec une certaine tristesse qu'il allait lui falloir se résoudre : Jamais elle ne connaîtrait Subaru autant qu'elle l'aurait voulu.

Et pourtant, elle aurait tellement voulu partager ça avec lui…

L'amnésique se taisait, la tête toujours appuyée contre la fenêtre, le visage invisible aux yeux de la jeune Miko.

Mais son attitude avait changé, c'était infime mais Arashi perçut malgré tout la modification et cela lui serra le cœur.

Son dos s'était voûté, ses épaules abaissées, ses mains s'appuyaient davantage contre le verre glacé, une petite tâche de buée sur la vitre trahissait sa respiration.

Comme si l'épuisement s'était soudain abattu sur lui et que ce mur était désormais son unique soutien, celui qui l'empêcherait de tomber et sombrer.

Elle le vit s'essuyer la joue d'un geste rageur.

Elle se leva sans s'en apercevoir.

Si Subaru pleurait, s'il pleurait réellement…

Mais elle eut à peine le temps de s'approcher de lui qu'un discret « Hum, hum… » les fit se retourner.

Le médecin aux cheveux blancs se tenait là, droit comme un I, une liasse épaisse de feuille entre les mains, Subaru traversa la pièce en coup de vent pour se planter devant lui.

Le praticien toisa le jeune homme de haut en bas puis, laissant un silence crispant et déplaisant s'installer.

- Alors ! fit Subaru après quelques instants, tendu comme un arc.

Sa voix s'était faite plus agressive qu'il ne l'avait voulu mais ce petit jeu lui était insupportable.

- L'opération est terminée, commença l'homme. Il doit être en salle de réveil à l'heure qu'il est. Il est hors de danger.

Subaru crût un instant défaillir de soulagement.

Un sourire éclaira le visage d'Arashi, alors qu'elle sentait un poids disparaître de ses épaules.

- Nous ne savons trop comment vous remercier…, murmura-t-elle.

Le médium quant à lui, ne dit rien, il semblait ailleurs.

Le médecin eut un sourire vague et haussa les épaules, coutumier de ce genre de réflexion.

- Il est très assommé, continua-t-il comme si de rien n'était. Mais après un tel choc, quoi de plus normal ? Il ne se réveillera sans doute pas avant demain matin.

Arashi posa une main sur le bras de Subaru.

- Tu es rassuré à présent ? demanda-t-elle d'une voix douce. Je pense que nous pouvons rentrer, tu ne crois pas ?

Subaru n'eut pas la moindre réaction, au point que la prêtresse se demanda s'il l'avait réellement entendu. Elle serra encore une fois la main de l'homme.

Ils quittèrent la salle d'attente, parcoururent les couloirs sombres et vides.

Subaru l'avait finalement comprise, elle entendait ses pas derrière elle qui résonnaient dans le silence.

Mais lorsque, atteignant le large hall d'entrée, elle se retourna, ce fut pour constater qu'elle était seule.

Retournant sur ses pas, elle tendit l'oreille, comme si elle espérait entendre un souffle ou une cavalcade lointaine mais rien, rien de plus que la respiration tranquille de l'hôpital.

L'idée fit alors son chemin en elle, elle chercha des yeux des plaques indicatives, espérant y trouver ce qu'elle cherchait.

Elle refit le chemin en sens inverse, tomba nez à nez avec le docteur qui visiblement s'apprêtait à partir, il avait laissé sa blouse formelle pour revêtir sa tenue de tous les jours.

- Tiens, vous n'êtes pas partis ? s'étonna-t-il dans un chuchotement, comme s'il craignait d'être entendu.

- Pas encore, murmura-t-elle. Dites-moi où se trouve la salle de réveil s'il vous plaît.

L'homme lui jeta un regard de biais.

- Suivez-moi.

Mais alors qu'ils se trouvaient finalement devant la salle en question, regardant au travers de la petite vitre pratiquée dans la porte, Arashi sentit son envie de l'ouvrir la quitter.

Subaru était là, comme elle l'avait pressenti, assis au chevet de Kamui, son menton posé sur ses mains jointes, dévisageant l'adolescent comme si ce simple regard avait le pouvoir de le faire s'éveiller.

La position de Kamui était semblable à celle d'un gisant mais quelques couleurs décorait ses joues, ce qui soulagea la jeune fille.

- … Il tient beaucoup à lui, pas vrai ?

Arashi hocha la tête.

Elle était incroyablement troublée, un trouble dont elle mit quelques instants à définir l'origine.

Cette scène lui en rappelait une autre, exactement semblable.

A une exception prés, ce n'était pas de Kamui dont on avait alors redouté la fin mais de celui qui à cet instant se trouvait à son chevet.

- Venez, murmura l'homme à ses côtés.

Elle le suivit.

¤

Subaru poussa un petit soupir de soulagement sentant les deux regards braqués sur lui au travers de la porte disparaître et les bruits de pas s'évanouir peu à peu.

Enfin seuls…

La poitrine de Kamui se soulevait et s'abaissait régulièrement, en un rythme monotone et rassurant, qu'il suivit des yeux pendant de longs instants.

Dans un sursaut incontrôlé, le médium attrapa entre les siennes la main inerte de Kamui, la serra, souffle dessus pour la réchauffer, caressa du bout des doigts les lignes compliquées de sa paume, l'embrassa finalement, se figurant qu'il aurait aimé embrasser autre chose ainsi.

- Demain…, murmura-t-il, plus pour lui-même que pour Kamui. Il replaça la main sur le drap. Demain… En attendant, repose-toi bien…

Il bailla et, sans pouvoir s'en empêcher, se laissa presque tomber sur le lit.

Sa tête reposait contre le flanc de Kamui, il sentait son ventre se soulever, entendait presque le battement lointain et tranquille de son cœur.

- Demain… Moi aussi, je suis fatigué…

¤ ¤ ¤ ¤ ¤

- Ben tiens, ça m'aurait étonné…

Mais la voix de Sorata ne contenait aucun sarcasme.

Arashi eut un petit sourire entendu, Sorata posa une main hésitante sur son épaule.

- Et… Comment dire… ça ne te dérange pas ?

La prêtresse coula vers lui un regard interrogatif.

- Pourquoi ?

Le moine haussa les épaules, détourna les yeux.

- … Pour rien. J'avais juste crû…

Arashi comprit. Aussi ferma-t-elle les yeux un bref instant, pour en chasser toute trace de tristesse.

« Oui, mais je me suis fait une raison. Et ça n'a pas été si difficile… »

- Non, fit-elle finalement. Tu t'es fait des idées je pense.

Sorata parût un rien interdit puis sourit.

- Tu as sans doute raison.

¤ ¤ ¤ ¤ ¤

- Je me doutais bien que tu étais là…

Il avait murmuré cela d'un ton neutre, car ce n'était qu'une simple constatation, comme il y en avait tant.

Une voix lointaine et basse lui répondit.

- Vas-t-en. Tout de suite.

Kamui eut un petit sourire entendu, fit un pas de plus dans la sombre demeure.

- Crois-tu réellement que ce genre d'ordre fonctionne avec moi, Seïshiro ? fit-il avec un rire, comme s'il venait de raconter une histoire drôle. Décidément, tu me connais bien mal.

L'assassin n'était pas à l'intérieur, aussi le jeune homme se dirigea-t-il vers le jardin.

Un jardin extraordinaire, si luxuriant malgré la saison, et aux fleurs largement ouvertes malgré la pénombre croissante.

Et, comme il s'y attendait, le Sakurazukamori était là.

Mais il fallait voir dans quel état.

Assis par terre, adossé contre un camélia au tronc vigoureux et aux fleurs rouge carmin épanouies, les yeux fermés, les stigmates suintantes de son combat rendues visibles par ses vêtements déchirés, il paressait presque mort…

Mais ses yeux s'ouvrirent brusquement, se braquèrent sur l'adolescent, qu'il devait pourtant mal distinguer dans la noirceur ambiante.

Et la lueur qui animait son regard était presque ironique.

- Puis-je te demander ce que tu fais encore ici ? demanda Seïshiro dans un souffle alors qu'il se redressait tant bien que mal.

S'il avait vraiment décidé d'humilier le Sakurazukamori, Kamui se serait approché, dans le but non dissimulé de l'aider à se relever.

Mais il n'était pas si mesquin, aussi ne bougea-t-il pas.

Seïshiro s'avança vers lui à pas lents, le leader des Dragons de la Terre parcourut son corps des yeux, critique.

- Tu es vraiment en piteux état, constata-t-il. Si tu ne te fais pas soigner, tu en as pour une bonne semaine.

Seïshiro roula les yeux.

- Tu n'es pas venu ici uniquement pour un contrôle de routine, j'imagine, murmura-t-il, piquant. Alors dis-moi tout de suite ce que tu veux et vas-t-en.

- Ne sois pas si pince-sans-rire, murmura Kamui. Tu n'es pas vraiment en position de jouer au plus fin, si je puis me permettre.

Seïshiro se tut et le plus jeune des deux remarqua avec plaisir qu'il avait marqué un point. Mais décida de ne pas en abuser et alla droit au but.

- Il serait capable de te tuer à présent, s'il le voulait. Je pense qu'il l'a suffisamment prouvé.

Seïshiro ne répondit pas.

- Que comptes-tu faire maintenant ? demanda Kamui d'un ton sans nuance.

- Réaliser ce souhait qui a toujours été le sien, à n'en pas douter…

Le tueur avait murmuré cela les yeux levés vers le ciel, vers les étoiles rendues invisibles par les nuages qui s'amoncelaient.

Et davantage pour lui que pour son compagnon, comme s'il avait soudain oublié sa présence.

- Et exaucer le mien, une fois pour toutes.

L'adolescent sourit. Seïshiro était parfois si naïf.

- Son souhait a changé et tu le sais aussi bien que moi, fit-il dans un murmure vague. Mais le tien aussi, alors pourquoi te voiler la face ? Ta vie, et même la sienne, ont désormais moins d'importance que ce que tu désires maintenant.

Seïshiro soupira, eut un petit rire las.

- Et qu'est-ce donc, d'après toi ? demanda-t-il, un brin moqueur. Qu'est-ce qu'aurais pour moi plus d'importance que sa vie, pour laquelle j'ai déjà sacrifié la mienne ?

- Le souvenir qu'il a de toi.

A cela, l'assassin ne répondit rien, aussi Kamui se permit-il de continuer.

- Je le vois, ce désir en toi, il prime sur tous les autres…

L'adolescent haussa les épaules.

- Egoïste jusqu'au bout, encore une fois.

Le silence du tueur ne faisait que renforcer Kamui dans sa conviction d'avoir vu juste.

- … Mais un amour véritable peut-il s'encombrer d'altruisme ou d'équité ? finit par demander Seïshiro. Et puis, sans lui, je serais sans doute encore vivant, vivant comme se doit de l'être un Sakurazukamori…

Il soupira, un sourire un peu fou illumina son visage.

- Mais grâce à lui, vivant, je le suis tellement davantage…

¤ ¤ ¤ ¤ ¤

Il avait chaud. Mais en y réfléchissant, ce n'était pas si désagréable que ça. Ni moite ni brûlante, pas inopportune.

Il voulu bouger, se retourner, faire quelque chose mais il s'aperçut bien vite qu'il était comme entravé.

Il ouvrit difficilement les yeux, et ce qu'il vit n'était rien d'autre que de larges aplats de couleurs, sans formes distinctes ou reconnaissables.

Et lorsqu'il put entrevoir ce qui l'entourait avec un peu plus de netteté, ces formes pourtant familières se mouvaient, se dédoublaient, au point qu'il finit par avoir mal au cœur.

Il referma les yeux brièvement et lorsqu'il les rouvrit, l'environnement autour de lui se stabilisa, laissant place au décor qu'il connaissait bien d'une chambre d'hôpital.

Les morceaux du puzzle, jusque là épars, se mirent d'eux-mêmes en place, il se souvint, comprit.

Il était vivant, il n'avait pas succombé aux attaques du Sakurazukamori.

Mais avait dû perdre conscience en chemin, il se rappelait de l'écroulement du pont, dont le fracas avait fait trembler le moindre de ses os.

Ce fut alors qu'il découvrit Subaru, profondément endormi, les bras et la tête reposant sur son matelas, le reste de son corps dans un petit fauteuil, dans une position étrange, à la fois assise et couchée.

Et il s'était endormi la main refermée sur celle de Kamui.

Celui-ci fit bouger ses doigts les uns après les autres, lentement. La prise de Subaru était lâche, il aurait pu s'en défaire comme rien mais ne le fit pas.

Il n'en avait pas la moindre envie.

Une lumière pâle et grise parvenait non sans mal à se frayer un chemin entre les persiennes closes et, ne voyant l'heure marquée nulle part, Kamui en déduisit qu'il était très tôt.

Ainsi, Subaru l'avait veillé toute la nuit. Fixant le médium qui dormait comme un bienheureux, il songea un instant à le réveiller.

Puis se ravisa. Il dormait si bien…

Et s'était donc suffisamment inquiété pour lui au point de rester à son chevet.

Il se souvint alors de cette sensation, éprouvée dans les derniers instants où il avait gardé conscience.

On avait crée un kekkaï, tout prés de lui. Et dans sa tête, il avait vu Subaru.

N'osant comprendre la signification de tout ceci, il décida néanmoins que cela méritait une plus ample réflexion.

Se renfonçant dans les oreillers, les yeux toujours fixés sur l'exorciste endormi, il caressa à peine les doigts détendus qui reposaient contre les siens.

Puis, à regret, retira précautionneusement sa main, afin de se redresser un peu plus dans son lit.

Mais il ne put aller bien loin.

- Non, reste s'il te plaît…

Le regard surpris de l'adolescent croisa alors un œil vert grand ouvert qui le fixait, avec presque de la supplication.

- Ce… Tu es réveillé depuis longtemps ? demanda Kamui, qui avait du mal à s'imaginer que le simple fait de retirer sa main ait pu sortir Subaru de son sommeil en apparence profond.

Mais il n'y avait pourtant aucun doute, cela le rendait extatique.

- Je ne pense pas avoir jamais été endormi, concéda le médium en se redressant et ne cessant pourtant de cligner des yeux. je devais être trop inquiet pour réussir à fermer l'œil.

Et avant que Kamui ait pu dire un mot, Subaru se pencha vers lui, le regard perçant.

- Comment te sens-tu ?

- … Mieux. Bien mieux, murmura le plus jeune avec un certain trouble.

Ce qui après tout était la stricte vérité. Et il lui paressait impossible que Subaru n'y soit pour rien.

Celui-ci sourit, se rassit, et Kamui ne pu s'empêcher d'être déçu.

Il y eut un silence, un de ceux que l'adolescent aimait bien, surtout lorsqu'il le partageait avec le médium.

Subaru le fixait, immobile et muet, d'une façon qui aurait sans doute déconcerté n'importe qui. Mais Kamui se sentait étrangement bien, comme démarqué et existant vraiment avec ce regard posé sur lui.

- Est-ce que je peux faire quelque chose pour toi ?

Le lycéen ouvrit de grands yeux, et Subaru semblait parfaitement sérieux.

Kamui hésita. Oui, effectivement, il avait envie de demander quelque chose au médium. Très envie, besoin même mais il ne savait comment le formuler.

- Oui, fit-il avant d'avoir pu songer à se taire.

Presque aussitôt, et alors que rien ne l'y prédisposait, il se sentit paniquer, cherchant à toute vitesse quelque chose à dire, pour s'expliciter.

Quelque chose qui ne serait pas aussi… embarrassant que ce qu'il aurait vraiment voulu.

Tout à sa réflexion, il ne s'aperçut que Subaru s'était levé que lorsque celui-ci s'assit à côté de lui, faisant s'affaisser le matelas.

Des doigts un peu tremblants effleurèrent sa joue.

- … Quelque chose que je pourrais faire pour toi…

Subaru avait murmuré cela si bas que Kamui l'entendit à peine.

Et maintenant, il n'entendait plus rien.

Car à cet instant, Subaru l'embrassait.

A suivre…

J'implore pitié aux fans du Seïshiro/Subaru, qu'elles me laissent vivre !

Oui, enfin, ce chapitre vous a plu tout de même ? Dans tous les cas, laissez moi une petite review !

K21

Réponses aux reviews :

Lie-chan : J'espère vraiment que ce chapitre t'aura plu autant que le précédent ! Et tes reviews me font toujours autant plaisir quoi qu'il en soit !

Kokoroyume : Aïe, aïe, aïe, une fan incorruptible du Subaru/Seï ! Contente de voir que cette histoire te plaît toujours autant ! J'espère que tu auras aimé ce chapitre !

Roxane : Et oui, être sauveur de l'humanité n'empêche pas de s'en faire coller une bonne de temps en temps ! Mais bon, si ça peut lui valoir de se faire consoler par Subaru, quel mal à ça ! J'espère que tu auras aimé ce chapitre !

Naelle : Contente de voir que le Subaru/Kamui ne te dérange pas tant que ça finalement, je ne sais pas si tout le monde peut en dire autant ! J'espère que ce chapitre aura été à la hauteur !

Subarukun-senseï : Merci de me lire, malgré cette absence de Seïshiro/Subaru ° ! J'espère que ce chapitre t'aura plu tout de même !