Réponses aux reviews :
Maeve Fantaisie : Oui, finalement j'ai évité le lemon, ça a fâché une amie mais bon, ça fait tout de même mieux ! Le bac s'est plutôt bien passé pour moi dans l'ensemble mis à part un léger problème à l'oral de français… Oui, j'aime bien Seïshiro sincère, ça lui arrive si peu souvent finalement ! Ravie que ce chapitre t'ait plu, j'espère que tu aimeras cette fin !
Kokoroyume : Mieux vaut tard que jamais et ça ne diminue pas le plaisir de la review pour autant ! Très contente d'apprendre que cette fic te plaît toujours autant, surtout depuis le temps qu'elle dure et le délai monstrueux entre chaque chapitre ! J'espère que tu aimeras cette fin !
Layden : Merci de me lire et d'apprécier d'autant plus ! Voilà la suite et fin !
Roxane : ¤Glups !¤ Bon, et mis à part ce léger détail, le reste du chapitre trouve-t-il grâce à tes yeux ? J'espère que la fin te plaira en tout cas…
Maveck : Tu as de la chance, j'ai posté les derniers chapitres le soir de la réception de ta review, qui m'a fait très plaisir ! C'est très chouette de voir que ma fic motive comme ça ! Merci et j'espère que la fin te plaira !
Titre : L'absent- chapitre XIV
Auteur : Kestrel21
Base : X/1999
Genre : Yaoï, à priori pas trop OOC, quelques spoilers mais rien de bien méchant et… je crois que c'est tout !
Résumé : Après son combat avec Fuma, Subaru a perdu la mémoire (j'ai toujours eu le don des résumés !).
Disclaimer : Aucun des persos de X ne m'appartiennent et c'est tant mieux comme ça tout le monde peut en profiter (quoi que je dirais pas non si on me proposait Subaru ou Seïshiro !) ! Ah, j'oubliais, les pensées des personnages sont entre guillemets !
Voilà. C'est le dernier mais je ne compte pas l'épilogue qui suit. J'espère que cette fin vous plaira.
¤
Kamui eut un petit sursaut, ouvrit les yeux. D'abord il ne vit rien mais s'accoutuma en quelques secondes à la pénombre ambiante. Se redressant sur le coude, il parcourut la pièce du regard.
Elle était telle qu'il l'avait quitté en commençant à sommeiller. A deux différences prés, et non des moindres.
La fenêtre était ouverte et Subaru n'était plus là.
Il eut soudain envie de vomir.
Se relevant brusquement, il repoussa des deux pieds la couverture qui le recouvrait, à la fois dans un excès de chaleur et de colère. Il s'approcha de la fenêtre.
Avec la même précipitation mêlée de désespoir que si Subaru se trouvait encore face à lui et qu'il lui eût encore été possible de le retenir.
Agrippant le rebord de bois avec la même force qu'il eût désiré étreindre le corps du médium, ses ongles lacérant le bois tendre ainsi que des griffes, il se pencha. Mais ne vit rien, ce qui n'était pas étonnant.
Il savait pertinemment qu'il n'y verrait que les arbres ondulant sous la brise et dévoilant au gré des fantaisies du vent les lumières de la ville et pourtant… Il avait espéré, rien qu'une brève seconde…
Une écharde lui pénétra le doigt, alors même qu'une autre lui entrait dans le cœur. Combien de temps avait-il dormi, paisible, naïf et bienheureux, combien !
Pourquoi donc n'avait-il pas su voir que Subaru semblait étrange lorsqu'il était venu le trouver quelques heures auparavant ? Pourquoi n'avait-il pas vu qu'il s'était passé quelque chose, n'avait-il pas compris qu'il allait se passer quelque chose ?
Pourquoi nom de Dieu avait-il été si égoïste, uniquement préoccupé par son propre désir et ses propres envies qu'il avait pu passer à côté de… De cela, incapable de prévoir… ?
Il lui apparût alors qu'il n'avait jamais fait que dormir, que vivre dans des rêves qui soudain allaient dans le sens du bonheur qu'il avait toujours désiré. Et qu'il venait soudain d'en être tiré, de la pire manière qui soit.
Par un vide. Par une absence.
L'air de la nuit cependant semblait atténuer sa sensation de nausée et la caresse que le vent distillait sur sa peau nue lui donna le frisson. Il se rappela soudain la manière dont Subaru l'avait caressé, la manière dont lui-même avait pu toucher Subaru et sa colère comme son sentiment de culpabilité furent un instant dissipés par le souvenir du plaisir indicible qu'il avait ressenti.
Ce souvenir le rasséréna tout autant qu'il l'excita. Se retournant vers l'obscurité de la chambre, son regard se posa sur la couverture qui gisait au pied du lit. Elle ne le recouvrait pas lorsqu'il s'était endormi, il en était certain. Alors, c'était Subaru… ?
Il la reconsidéra un instant, se figurant sans trop savoir pourquoi la manière dont elle avait été posée sur lui, comme si ce détail s'était avéré primordial pour entrevoir les intentions du médium.
Il essaya de se souvenir, à son réveil, comment l'avait-il retrouvée ? Il avait dû la repousser de plusieurs coups de pied, elle n'avait pas d'elle-même glissée sur le sol au premier mouvement.
Subaru semblait l'avoir placé avec soin, non avec hâte, comme une protection. Comme une manière de dire…
« Fais-moi confiance… »
Kamui se sentit apaisé. Rien ne venait étayer son interprétation mais il savait pourtant qu'il ne se trompait pas.
- Promis…, murmura-t-il dans le noir, son regard se portant à nouveau au delà de la frontière du feuillage, là-bas sur la ville illuminée. Je ferais de mon mieux…
¤ ¤ ¤ ¤ ¤
Subaru se retourna une nouvelle fois. Ce ne fut une fois de plus que pour constater que la rue était vide de toute autre présence humaine. Rien, ni personne. Rien d'autre que le silence et les ombres mouvantes et démesurées des papillons de nuit tournoyant là-haut, autour des lampadaires.
Sans doute était-ce cela, d'apercevoir du coin de l'œil ces mouvements fugitifs qui lui donnaient cette sensation étrange…
Tout autant que désagréable. Comme s'il était suivi, épié. Son souffle demeurait toujours aussi saccadé que les battements de son cœur, réveillés par sa cavalcade.
Il avait quitté le Manoir très agité, comme en proie à une transe frénétique, une transe dans laquelle il se complaisait, elle le grisait, faisait tourner des images dans son esprit en une folle farandole. Il avait alors envie de rire, de crier une joie qu'il n'identifiait pas mais qu'il ressentait jusque dans les moindres fibres de son corps.
Mais cet étrange état d'esprit le quitta graduellement, au fur et à mesure de son avancée dans le parc vide et obscurci du Campus.
Pour le déserter tout à fait lorsqu'il en sortit et céder la place à d'autres sentiments, si différents de cette bizarre exaltation qui l'habitait encore voilà quelques instants mais tout aussi violents et en apparence injustifiés.
Cela ressemblait à de la peur, une peur que rien de rationnel n'était en mesure d'expliquer. Mais qui le prit au ventre si brusquement qu'il ne put l'ignorer.
Il essaya pourtant. Tentant de l'étouffer comme il le put, il s'était mis à avancer, le cou rigidifié comme pour s'empêcher de regarder en arrière, les mains au fond des poches, pressées contre le tissu comme pour contenir leur tremblement. Lui qui avait presque chaud quelques minutes auparavant, il resserrait maintenant les pans de son manteau de manière quasi maladive.
Il tenta de penser à autre chose qu'à ce sentiment si irrationnel et qui pourtant faisait durement et sourdement cogner son cœur contre ses côtes, au point qu'il en souffrit. Non, ne pas penser… Et bien malgré lui, il s'était mis à courir, à toute vitesse sans jamais un regard en arrière de peur d'apercevoir quel prédateur inconcevable le poursuivait.
Et à présent il se trouvait là, essoufflé et comme à contre-temps. Il avait couru sans s'arrêter, sans même faire attention à sa destination. Courir, droit devant, toujours, ne pas se retourner…
Pour aller où, même à présent que son malaise se dissipait, c'était bien le cadet de ses soucis. Que pouvait bien lui importer une quelconque destination, quoi qu'il fasse, où qu'il aille, il trouverait. Où il serait trouvé.
Peut-être même lui suffisait-il de rester immobile, ici, dans cette rue vide autant qu'obscure, qu'aucune lumière ne parviendrait sans doute jamais à percer… Il le pouvait, il n'avait sans doute qu'attendre.
Mais quelque chose en lui refoula cette idée. Non, on ne le trouverait pas car c'était à lui de trouver. Il n'attendrait guère plus.
Il était attendu.
Sans réfléchir davantage, il reprit sa marche et il lui apparut bientôt que son corps paressait se mouvoir de son propre gré, sans qu'il ne fit rien pour le commander. Comme si la partie primitive de son être devinait exactement la façon dont tout ceci allait se terminer.
Quelque chose passa devant ses yeux, flottant paresseusement sur un souffle d'air. Instinctivement, Subaru referma sur lui sa main, avant de lentement la rouvrir pour le contempler.
Serrant le poing, il froissa et écrasa consciencieusement entre ses doigts le fin pétale odorant.
Il était arrivé.
Devant lui se dressaient les hautes grilles de fer forgé du parc Ueno. Largement ouvertes, comme en plein jour. Un souffle dans son dos lui apparût comme une invite, il franchit les portes du sanctuaire. Les portes qui ne se refermèrent pas derrière lui, ainsi on ne le garderait pas prisonnier.
Il lui sembla que le froid ici semblait s'être fait plus vif, le vent plus mordant, la nuit plus noire que jamais.
Le large chemin dallé s'étendait à ses pieds mais il le distinguait à peine, tout autour de lui, les cerisiers achevant de se départir de leurs fleurs jaillissaient de l'ombre tels des vaisseaux fantômes.
Il avait le sentiment d'avancer sous l'eau, totalement immergé, à des kilomètres de la surface, écrasé sous la masse de l'eau noire car le ciel était vide.
Parce que le silence était oppressant, obsédant, parce qu'un étau lui enserrait la poitrine, écrasant ses poumons et ralentissant à l'excès les battements de son cœur, parce que chaque inspiration le brûlait.
Mais on l'espérait, il le savait, comme si venait de fuser dans les airs un appel silencieux, à la manière des fusées de détresse maritimes.
Cette comparaison lui parût que les clameurs qui semblaient émaner de tous les coins du parc à la fois, s'ils étaient inaudibles, créaient des ondes qu'inconsciemment, il s'était mis à suivre.
Le tapis de pétales qu'il foulait lui apparût soudain plus abondant, plus épais. De même que le vent sifflait de plus en plus fort à ses oreilles, la parure tombée des arbres se mouvait autour de lui comme si elle eût été vivante, s'enroulait sur elle-même, retombait ensuite comme un animal abattu.
Une lumière changeante et froide filtrait par intermittence entre les troncs, Subaru coupa à travers bois pour en découvrir la source.
La source qui n'était autre qu'un autre arbre mais un arbre qui lui était douloureusement familier, un cerisier au tronc monstrueux, aux branches démesurées et lourdement chargée de pétales blanc rosés, aux racines noueuses. Il était l'unique arbre du parc à être toujours totalement pourvu de ses fleurs, ce qui outre l'aura lumineuse qu'il dégageait renforçait encore sa beauté surnaturelle.
Une silhouette massive toute vêtue de noir était adossée contre le tronc corpulent, dissimulée à la fois par sa position et par l'ombre que les branches à la floraison opaque jetaient sur lui.
Subaru distinguait à peine son profil.
- Je t'attendais.
- Je sais.
Dans l'ombre, Seïshiro eut un petit sourire dépourvu de joie.
- Non, tu ne sais pas. Comment peux-tu seulement avoir idée du temps que j'ai laissé passé dans l'espoir de ton retour.
Le ton malgré sa douceur et sa lassitude s'était fait péremptoire.
- Mais je pense que tu ne l'ignore pas, au fond…
- Je doute. Je ne peux plus faire que cela. J'aurais aimé ne t'avoir jamais rencontré. Un poison me ronge le ventre, et tu en es l'unique responsable.
La silhouette massive du Sakurazukamori lui parut soudain plus proche, sans qu'il l'ait aperçu faire le moindre mouvement. Si son visage demeurait toujours dans l'ombre des branches épaisses, la quasi-totalité de son corps était rendue visible grâce à l'aura lumineuse que l'arbre dégageait.
- Que voilà un étrange compliment…, commenta-t-il en exhalant la fumée de sa cigarette.
Il parût un instant vouloir ajouter quelque chose mais se ravisa, laissant sa phrase en suspens dans les airs.
Subaru sentait une peur irrationnelle l'envahir peu à peu, par vagues successives. Une peur qui ne méritait en réalité guère ce nom car il s'y mêlait comme de la confiance et un autre sentiment, semblable à…
A quoi ? A du désir ? Au désir de voir l'homme qui lui faisait face quitter l'ombre protectrice de l'arbre, le désir de le voir s'approcher, d'apercevoir l'espace d'un instant son propre reflet dans la prunelle fauve… De voir la manière dont il se reflétait, qui il en était sûr, lui apprendrait tant de choses…
Peut-être sans doute ? Seïshiro perçut-il tout cela car il se désolidarisa du tronc rugueux auquel il était adossé et son regard pair croisa celui de Subaru.
- Que cherches-tu ? demanda le Sakurazukamori comme s'il lisait dans ses pensées. La preuve que tout ceci n'est qu'un rêve, un rêve que tu penses pouvoir quitter à tout moment. Tout ce que tu vois autour de toi est un mirage et tu ne peux en sortir que grâce à ma mansuétude. Et je n'ai en ce qui me concerne aucune envie de te laisser partir.
Seïshiro se tût, observa Subaru qui le fixait, raide et immobile, il chercha un instant à décrypter l'expression de son visage.
Mais ne trouva pas. Il lui sembla un bref instant être revenu plusieurs heures en arrière, à l'intérieur de ce rêve qu'il avait contraint Kakyo à tisser. A se trouver ainsi, impuissant, avec de l'autre côté de ce ridicule paravent, Subaru. Subaru dont il devinait à peine la silhouette, silhouette qu'il était capable de reconnaître entre mille mais qui lui avait paru alors si peu désireuse de lui ouvrir son cœur. Ce qu'exprimait à cet instant son visage fermé. Fermé au point qu'il en ait mal.
L'assassin se refusa à songer à ce temps où sa simple présence faisait perdre à Subaru tous ses moyens, faisait tomber toutes ses défenses, où il le haïssait pendant que Seïshiro l'aimait, où il répondait passionnément à son étreinte en se promettant d'un jour venger la mort de sa sœur et ses années d'errance.
- Que se passera-t-il ? demanda Subaru d'une voix blanche et pourtant sereine à la fois. J'ai… J'ai confusément l'impression de ne pas vouloir t'oublier malgré tout. Est-ce donc l'unique manière… ?
- La seule, répondit Seïshiro d'une voix douce. La seule grâce à laquelle je pourrais vivre au travers toi.
Il eut un léger soupir tandis que sa bouche s'ornait d'un heureux sourire. Il s'approcha de Subaru, qui ne recula pas, qui ne détourna pas les yeux. Il sentit la main de Seïshiro se poser sur sa nuque, ébouriffer les courts cheveux noirs
- Pour que je demeure à jamais en toi… Pour toujours car c'est ce que je désire. Quoi qu'en dise le Kamui des Dragons, mon souhait n'a jamais varié, au contraire de la personne qui est pour toujours la seule à se trouver digne de le réaliser.
Subaru eut un instant le désir de s'enfuir, de se mettre à courir à toute vitesse, pour échapper non pas à Seïshiro mais à ce qui allait se passer. Mais le Sakurazukamori le maintenait prisonnier de la pire des manières, en le touchant à peine, rien qu'avec son amour et son inébranlable conviction.
Et Seïshiro le savait, devinait qu'il ne se déroberait pas.
- Face à ce qu'il t'est arrivé, comment continuer de croire au Destin ? demanda l'assassin, sa voix se réduisant à un filet ténu. Tu m'as mis très en colère, Subaru. On dit les Sakurazukamori incapables de sentiments et pourtant j'ai souffert… Est-ce donc ce qui tu as subi durant toutes ces années ? Jamais je ne me l'étais imaginé, auparavant…
Sa main se déplaça avec lenteur, de sa nuque jusqu'à sa joue, que Seïshiro effleura d'un doigt caressant. Subaru fut un instant tenté de la repousser mais ses doigts se refermèrent sur ceux de Seïshiro sans finalement la moindre pression pour les éloigner. Sans même qu'il en soit pleinement conscient.
Le visage du tueur se figea, il lâcha brusquement la main de Subaru, laissa tomber à terre sa cigarette à demi consumée, où il rougeoya encore un instant avant de s'éteindre définitivement.
- … La cendre allait tomber sur ta main, murmura-t-il en guise d'explication.
Subaru aurait voulu pouvoir sourire devant l'ironie de la situation, il n'y parvint pas, l'expression de son visage demeurant d'une confondante neutralité.
Seïshiro s'en trouva attristé.
- Tu as tellement changé, Subaru… Et ce n'est pas moi qui t'ait changé. Mais peut-être cela me servira-t-il…
Subaru haussa les sourcils, lui aussi à présent paraissait triste.
- De quelle manière ? s'entendit-il questionner.
Seïshiro sourit.
- J'ai toujours pensé que ta nature si profondément gentille et tendre ne t'autoriserait jamais le meurtre… Mais qui sait ? Peut-être n'es-tu plus aussi gentil…
- Je ne sais pas, avoua Subaru. J'ignore si je suis capable de mener à bien ce que tu me demandes.
- Ne t'en fait donc pas pour cela. Tu n'es pas seul.
Ce disant, Seïshiro attrapa entre les siennes la main de Subaru, la serra fortement un très court instant puis la plaça contre son propre ventre.
- Il faut que le Destin s'accomplisse, Subaru…, murmura-t-il en se penchant sur lui tandis que derrière eux, l'arbre frissonnait. Il nous faut devenir le reflet du passé dans le miroir des évènements.
La main de Subaru frémit, il tenta de la dégager mais Seïshiro la maintenait avec fermeté.
- Non, je ne te laisserais pas partir, souffla-t-il, semblant soudain manquer d'air. Je ne te laisserais plus partir, plus jamais !
Son expression se fit exaltée, sa voix forte. Subaru ouvrit de grands yeux, contre sa paume, il sentait presque malgré les vêtements la chair chaude palpiter d'anticipation.
- C'est cela et uniquement cela qui te permettra de retrouver tes souvenirs, de te rappeler combien je te suis cher. Le moyen de te garder prisonnier du Cerisier. Et cette fois, pour toujours…
Le prenant par surprise, Subaru dégagea prestement sa main, recula de quelques pas, ses yeux plissés par la méfiance.
- Que veux-tu dire ? s'exclama-t-il. Je sais que te tuer ne te fera jamais disparaître, bien au contraire, cela t'incrustera encore davantage dans mon existence.
Sans trop savoir pourquoi, il songea à Kamui.
- … Mais je ne serais plus prisonnier. Je serais libre, pour toujours.
Seïshiro l'observa quelques instants, comme médusé. Puis partit d'un tonnant éclat de rire qui, se répercutant contre le feuillage qui les emprisonnait, parût remplir tout l'espace.
- Ne sais-tu donc pas ce qu'il advient de qui tue le Sakurazukamori ? demanda-t-il, se radoucissant. Il en devient le successeur, c'est inévitable.
Subaru le considéra un instant, la bouche entrouverte. Seïshiro avait retrouvé ce sourire qui lui était si particulier, mélange d'attendrissement et de férocité.
Subaru ne disait rien, n'esquissait pas le moindre geste, comme s'il analysait patiemment ce que cette révélation signifiait. Puis son regard croisa celui de Seïshiro, qui y lut avec stupeur de l'amusement.
- Tu l'as dit toi-même, face à tout ce qui est arrivé, peut-on continuer de croire en une Destinée choisie par avance ? Certainement pas.
Il y avait dans la voix du médium une détermination prête à glacer le sang.
- … Certainement pas pour moi, acheva-t-il dans un souffle. Je choisirais moi-même mon destin.
Le Sakurazukamori se tint coi. Mais en un instant, son sourire se fit condescendant et comme empli de tristesse.
- Peut-être avais-je besoin de cette preuve…, murmura-t-il. La seule chose qui me manquait pour être tout à fait convaincu du bienfait de cette action.
- Il n'en existe aucun.
Subaru avait à nouveau reculé en disant cela, comme s'il s'apprêtait à tout instant à se retourner puis à disparaître.
Seïshiro parut alors perdre patience, son expression était désappointée.
- Bien plus que tu ne le crois.
Il avait déclaré cela à quelques centimètres du visage de Subaru, ayant en moins d'une seconde couvert la distance qui les séparait.
Le médium sentit alors qu'il croisait le regard de l'assassin quelque chose se mettre à courir le long de son corps, quelque chose de dur et d'étrangement chaud. Il voulut bouger, courir mais se trouva dans la totale incapacité d'user de ses bras et de ses jambes, complètement entravé qu'il était par les racines du Cerisier, derrière lui sorties de terre en créant un cratère monstrueux.
Il s'immobilisa, devinant que la moindre de ses tentatives de fuite ne ferait que se resserrer l'étau des branchages. Les fleurs qui les recouvraient dégageaient elles aussi cette odeur si reconnaissable, ce parfum de cadavre en décomposition et Subaru entendait lui parvenir un bruit d'écoulement quasi imperceptible quoique continu. Un son qui lui évoqua le sang s'instillant et parcourant l'arbre entier en voyageant sous la fine écorce.
Seïshiro était tout proche de lui à présent, son habituel sourire étirant à nouveau ses lèvres. Le médium surprit une main passer derrière sa nuque, les longs doigts du Sakurazukamori s'entortiller dans ses cheveux, les tiraillant. Puis une brusque poussée vers l'avant.
Seïshiro l'embrassa. Subaru le mordit et le goût du sang envahit sa bouche. Seïshiro ne le relâcha pas pour autant, cherchant au contraire à approfondir davantage leur baiser, ignorant le sang qui coulait et tâchait son menton. Sentir le goût de son propre sang sur les lèvres de Subaru l'excita terriblement, il avait soudain le sentiment de sceller le pacte qui les lierait à jamais.
Subaru prit soudain conscience que le prise des branchages autour de ses membres allait en s'amenuisant, il fut quelques instants plus tard totalement libre de ses mouvements.
Peut-être le Cerisier avait-il senti qu'il ne désirait plus partir… Le goût du sang de Seïshiro l'enivrait trop pour cela, plus que de raison. Dés que ses poignets furent libérés, il posa sa main droite sur la nuque de l'autre homme, l'attirant encore davantage contre lui, ce à quoi Seïshiro se montra particulièrement réceptif.
Son autre main glissa sans même qu'il en prenne conscience le long du ventre de l'assassin, caressant pensivement la chair souple et qui lui apparût brûlante. La main du Sakurazukamori vint se poser sur la sienne, l'emprisonnant, il la serra puis la pressa.
La pressa…
- N'hésite plus…
Subaru n'hésita pas.
Il perdit alors pied avec la réalité, sentit à peine le sang qui jaillissait contre sa paume, sa chaleur moite se répandant le long de son bras entier.
Seïshiro n'eut pas une plainte mais son corps massif s'alourdissait contre Subaru d'une manière suffisamment éloquente, il s'affaissait progressivement, ses doigts se refermèrent convulsivement dans le dos de Subaru, s'agrippant à son manteau blanc.
Subaru fut alors parcouru d'un violent spasme. Incrédule, il scruta le dos de Seïshiro, au travers duquel sa propre main apparaissait. Il l'observa encore et encore, les yeux égarés puis la retira d'un coup sec.
Le sang poisseux dégoulina à flots sur le sol et ses jambes, il s'agenouilla brusquement, soutenant de son mieux le corps immobile du tueur, il cala la tête de Seïshiro contre sa propre épaule, de manière à voir son visage.
- Seï…
L'autre entrouvrit à demi les yeux, comme si la lumière lui était soudain trop crue. Son regard égaré voyagea un instant dans le vague mais lorsqu'il aperçut Subaru penché sur lui, un sourire éclaira son visage. Un sourire semblait-il, de pure félicité.
- J'aurais tant aimé que tu ne cesses jamais de poser un tel regard sur moi…, murmura-t-il en levant une main à peine tremblante vers le jeune homme. Subaru ferma les yeux alors que les doigts du Gardien effleuraient ses paupières, sa bouche.
- Sais-tu quelle à été la dernière œuvre de ta sœur avant sa mort ? questionna alors Seïshiro tandis que son souffle se faisait de plus en plus court.
Subaru secoua la tête.
- Son plus grand désir était de ne voir aucun de nous deux mourir…, répondit-il à sa propre question. Si j'avais tenté de te supprimer de la même manière qu'elle, ma technique se serait retournée contre moi. Sans doute espérait-elle que cela nous réunirait, et non dans la mort…
Subaru déglutit, lorsque sa voix s'éleva, elle n'était plus guère que l'ombre d'elle-même.
- Peu-être est-elle satisfaite du cours qu'ont suivi les évènements… Malgré le fait qu'elle soit morte en vain…
Seïshiro soupira, sa bouche se tordit légèrement et sa main désormais d'une pâleur qui la rendait translucide se crispa sur sa blessure.
- Plus rien de ceci ne m'importe. Tu es là et nous sommes à jamais liés… Et je sais qu'un jour, tu te souviendras de moi comme je l'ai désiré…
- Je ne te comprendrais jamais ! s'exclama soudain Subaru avec colère, une larme esseulée dévalant sa joue. Comment peux-tu être heureux… !
Ses derniers mots moururent sur ses lèvres avant même de les franchir tandis que la caresse de Seïshiro sur son visage s'intensifiait.
- Tu es trop attaché à la vie et tu viens pourtant de donner la mort… Moi je n'étais attaché qu'à toi et grâce à ma mort, tu m'appartiens à nouveau, n'ai-je donc pas de raison d'être heureux ? Un Sakurazukamori ne peut mourir que de la main de l'être qu'il aime le plus… Sans doute un jour comprendras-tu qu'il n'y a pas plus grande volupté au monde…
Disant ces mots, il ferma les yeux, son souffle se faisant erratique et douloureux. Se penchant sur lui, Subaru resserra spasmodiquement son étreinte sur son corps immobile, les doigts engourdis et de plus en plus froids de Seïshiro glissèrent le long de son visage…
- Subaru…
La main du Sakurazukamori retomba sur le sol, figée et Subaru sut que c'était fini.
Desserrant son étreinte, Subaru n'en resta pas moins un long moment immobile, ses joues à présent humides de larmes qui coulaient sans qu'il s'en aperçoive. Tout était parfaitement silencieux, et l'air autour de lui semblait se refroidir progressivement, tandis que toute trace de chaleur désertait le corps qu'il abritait contre lui.
Il se sentait inexplicablement mélancolique et abattu, comme s'il venait de laisser s'envoler une partie de son âme, ce qui à la fois le faisait se sentir plus léger mais dont l'absence le tiraillait jusqu'à la douleur.
Les frontières du mirage autour de lui achevaient de s'estomper lorsque le cadavre de Seïshiro se mit à luire étrangement, dégageant à présent une aura lumineuse semblable à celle du Sakura. Le regard de Subaru se porta sur la main qui gisait sur le sol, dont les doigts commençaient à s'effriter curieusement. Abasourdi devant ce phénomène, Subaru resta immobile et silencieux jusqu'à ce que l'ensemble du corps de Seïshiro se fut désagrégé sous forme de pétales de cerisier qui s'éparpillèrent au gré du vent, se mêlant et se confondant à la parure des arbres du parc.
La main de Subaru se referma sur l'un d'eux et lorsqu'il ouvrit son poing pour le contempler et le sentir, il lui apparut que l'odeur du sang l'avait totalement déserté.
L'aura lumineuse de l'arbre et du corps s'étant évaporées, il se retrouva dans la plus totale obscurité. Cela ne le gêna pas outre mesure, il se complaisait dans cette brusque cécité.
Il tomba alors sur le sol, resta les bras en croix, raclant de ses ongles la terre gorgée et encore humide du sang de Seïshiro, les yeux clos.
Quelque chose se passa alors. Son esprit sembla quitter son corps et se projeter dans une autre dimension, dans des lieux, derrière des paroles qui soudain lui parurent familières, des images désordonnées, qui se superposaient les unes aux autres de manière chaotique, dont il ne parvenait à saisir que quelques bribes éparses.
Des images qui véhiculaient des émotions du virulence rare, d'une violence qui le secouait tout entier
« Je ne t'aime pas Subaru… Parce que tu n'es pas comme les autres ! »
Il entendait la pluie, à défaut de la sentir sur son corps. Il revoyait une petite fille qui disparaissait presque sous son parapluie jaune, son sourire si candide alors qu'elle énonçait cette cruelle vérité sans l'ombre d'un remord, cette même fillette qui quelques jours auparavant lui tendait si gentiment son petit mouchoir blanc…
« Hum, voyons… Comment dit-on déjà lorsqu'un jeune homme se doit de raccompagner sa fiancée ? »
Cette attention qui le ravissait mais faisait implicitement de lui une femme…
« Ne devines-tu donc pas ? Que des cadavres sont enterrés à ses pieds ? »
Cette odeur qui lui était maintenant si familière…
« Il a presque couru, tant il était pressé de vous apporter ces bananes… Il savait qu'il s'agissait de votre fruit préféré… »
Une nouvelle victime sacrifiée sur l'autel de l'argent, de la jeunesse, de cette diarrhée démographique dont la terre souffrait déjà tant, pour l'illusion du bonheur. Une victime consentante mais contrainte, comme toujours…
« Allons Seï, ce n'est pas le moment de faire des manières ! Avoue que tu es complètement obsédé par les fesses des garçons ! »
« - Pourtant Seïshiro a l'air bien trop gentil pour être un assassin.
- Oui, c'est vrai. Il a « l'air » gentil… »
Qui en le voyant ainsi eut pu s'imaginer… ?
« Et pendant qu'ils me déshabillaient, ils riaient, ils disaient que c'était un jeu, qu'ils voulaient juste s'amuser… Mais moi… J'aurais préféré mourir… »
« - J'étouffe… J'ai mal… Maman ! Maman, venge-moi de cet homme ! Punis-le !
- Maï… MAÏ ! Que dit-elle, je ne l'entends pas ! Dites-le moi, je vous en supplie ! »
L'impuissance…
Tout ceci le traversait vivement, comme des éclairs lumineux, des éclats de verre émoussés ou au contraire dangereusement affûtés, il se recroquevilla en position fœtale sur le sol, se prit le visage entre les mains, ferma les yeux de toutes ses forces.
« La plupart des gens aiment chanter des chansons d'amour tragiques… Sans doute ont-il ainsi l'impression de ne pas être seuls au monde… »
- Seul au monde… Ne le suis-je pas finalement ?
Il avait murmuré cela à l'intention de quelqu'un dont il ne devinait pas l'identité. Il aurait voulu à cette minute que quelqu'un l'entende et puisse répondre à ces questions…
« Yuya attend une greffe de rein depuis trois ans! Il avale chaque jour tellement de médicaments que ma main ne peut les contenir ! Et trois fois par semaine, il subit une dialyse ! »
« Si mes larmes pouvaient lui ramener la vue, Subaru… Alors je pleurerais, je pleurerais jusqu'à en perdre la raison ! »
- Seïshiro…
Il ne reconnut même pas sa propre voix, tant elle lui parût étouffée, enfantine. Il avait envie de vomir…
« Peut-être… Peut-être avais-je peur que Seïshiro me déteste… ? »
« Je n'éprouve pas de sentiment. Pas le moindre. Jamais »
« Je voulais tant que tu possèdes quelque chose de spécial ! Quelque chose pour lequel tu puisses dire : Je me moque de ce que pensent les autres ! Pour lequel enfin tu vives… »
« C'était donc cela ton dernier souhait, grande sœur ? Celui pour lequel tu as donné ta vie ? Ais-je donc réussi à honorer ta mémoire ? »
Subaru ne savait pas.
« Je n'irais plus en classe, c'est terminé. Comment le vaincre tel que je suis… ? »
Il ouvrit les yeux. Tout autour de lui se dessinait progressivement le contour des objets, éclairés par la pâleur du jour naissant. Une lumière qui lui sembla hideuse. Il avait marché sans en prendre conscience, il était à présent adossé contre le pilier de bois d'un petit temple au toit cannelé dont il avait gravi les marches.
Il se passa une main sur le visage, puis son regard fut attiré par une petite flaque d'eau au bas de l'escalier de bois, derniers vestiges des pluies récentes. Il se releva et s'en approcha, marchant comme un homme ivre, il tomba à quatre pattes et observa longuement le reflet de son visage dans l'eau croupie.
« Alors j'aimerais que, même lorsque tu es fatigué et que tu as beaucoup de travail, tu n'oublie jamais de me dire 'Bonjour'… »
Il tendit une main maladroite vers son image, vers son œil vert qui semblait concentrer à lui seul toute la luminosité du matin naissant. Il effleura l'onde, son reflet se troubla.
- Bonjour, grande sœur…
« Ta sœur te ressemble… ? Non, je ne vois personne là-haut dont le regard soit aussi triste que le tien… »
Se relevant, il grimpa à nouveau les marches puis s'accroupit à l'entrée du temple, abrité par l'auvent. Il avait froid et se sentait plus seul que jamais. Scrutant la cime du cerisier monumental marquant l'entrée du temple, il songea à Seïshiro.
« Peut-être alors que… Que tous les gens qui font du mal sont tristes… »
Sa bouche s'orna d'un maigre sourire, il avait envie d'éclater de rire.
- Tu as gagné Seïshiro…, murmura-t-il, les yeux au ciel. Je ne connais personne au monde qui soit moins abattu et amer que toi…
Portant sa main à son visage, il effleura la paupière qui recouvrait son œil infirme.
« -Pourquoi… Ressembles-tu à Seïshiro… ?
- Mais voyons… Parce que tu le souhaites. »
Entourant ses jambes de ses bras, il se recroquevilla sur lui-même, la tête entre les genoux.
- A qui parlais-tu ?
La voix, douce et calme, le tira net de la torpeur qui le gagnait. Redressant brusquement la tête, son regard abasourdi croisa celui de Kamui. L'autre le fixait depuis le bas de l'escalier, les mains au fond des poches de son blouson. Son souffle créait une légère buée qui masquait à peine la rougeur de sa bouche.
Subaru voulut dire quelque chose mais ses lèvres bougèrent en vain, tant il était surpris par cette apparition. Kamui, sans un mot de plus, gravit les marches qui les séparaient, considéra un instant Subaru recroquevillé à ses pieds puis s'assit à ses côtés, se contentant de le fixer sans un mot de plus.
Le médium s'examina alors, se voyant soudain tel que Kamui le considérait. Blotti dans un coin, sous l'avant-toit du temple comme un chaton mouillé, couvert de boue et de sang.
Kamui devinait probablement ce qu'il s'était passé, songea-t-il mais l'expression de l'adolescent demeurant neutre et tranquille, impossible de savoir s'il en concevait ou non de la joie.
Kamui continuait de le scruter en silence mais à présent son attitude trahissait son appréhension. Il détourna alors le regard, paraissant attendre quelque chose, sans doute un mot de la part de Subaru, tout en semblant le redouter également.
Subaru désirait, lui, que se prolonge le silence, voulait apprécier ce moment de sérénité, d'autant plus agréable en comparaison de la tempête qu'il venait de subir.
La présence de Kamui avait toujours eu le don de le rasséréner, sans doute grâce à cette extraordinaire communion d'esprit qu'ils partageaient depuis ce jour…
« Alors, Kamui, pour ton souhait… Reviens… »
Songeant que ces mots étaient ces propres mots, il fut étonné de voir à quel point rien n'avait finalement beaucoup changé. Il avait désiré au fond de lui voir revenir Kamui à ses côtés, il était arrivé. Et Kamui était venu de son plein gré, son souhait sans aucun doute changé depuis cette époque. Lui aussi.
Cette époque qui lui paraissait si lointaine qu'il lui était difficile d'imaginer y avoir vécu. Et y avoir pris une part active d'autant plus.
Baissant les yeux vers le sol tapissé de pétales au bas des escaliers, il songea à cette nuit et dissimula malgré lui sous son manteau son bras recouvert jusqu'au coude de sang caillé.
Ce sang qui le recouvrait était à présent la dernière preuve accessible de l'existence de Seïshiro, Kamui comprendrait-il s'il avait du mal à s'en séparer… ? Faire le deuil du Sakurazukamori, faire par là même le deuil de toute une vie qu'il venait à peine de redécouvrir, y parviendrait-il lui-même ?
Le temps semblait se réchauffer, au fur et à mesure que le soleil s'élevait dans le ciel, Kamui quitta sa veste, paraissant à présent sur des charbons ardents. Subaru sursauta presque en sentant sur sa joue la main du jeune homme. Celle-ci la caressa d'une manière absente, se retira après quelques instants et Subaru observa Kamui, qui lui-même scrutait sa main rougie.
- C'est le seul endroit où j'ai trouvé ton propre sang…, murmura l'adolescent en guise d'explication en refermant le poing. Jolie balafre…, apprécia-t-il.
Subaru en resta confondu. Passant lui-même sa main sur sa joue droite, il constata en effet la présence d'une fine mais profonde coupure achevant de coaguler.
Les branches de cerisier, songea-t-il d'abord. Puis lui revint en mémoire ce fugace instant où l'ongle du pouce de Seïshiro avait creusé sa joue, en ce dernier mouvement qui avait été le sien. Juste sous l'œil…
Comprenant qu'il en garderait sans doute à vie une cicatrice, un sourire sans joie lui vint, ce qui étonna visiblement Kamui.
- … Effacer ainsi une marque infligée par un autre que lui, voilà bien une idée de Seïshiro, se contenta-t-il de murmurer.
Kamui ne répondit pas, son expression était alors si accablée que Subaru sentit son cœur faire un bond.
- Kamui…
- Que vas-tu faire maintenant ?
Malgré le ton soudain dur employé par Kamui, Subaru comprit qu'il ne s'agissait que d'une simple question, que quelque soit sa réponse, Kamui ne s'y opposerait pas.
Il prit une légère inspiration, se pencha pour chercher le regard de Kamui, qui avait baissé la tête.
- Comment savoir ? fit-il parce que réellement, il se le demandait. Qui sait de quoi le futur sera fait lorsqu'il n'est guidé par personne d'autre que soi-même… ?
Une telle déclaration sortie de la bouche d'un Dragon du Ciel avait quelque chose à la fois de comique et d'infiniment réconfortant. Kamui eut un heureux sourire auquel Subaru répondit. Un sourire qui quoi que faible ne révéla aucune trace de mélancolie.
Ragaillardi, Kamui se releva et, fixant Subaru dans les yeux, lui tendit la main pour l'aider à se relever. L'exorciste la considéra un instant, hésitant à s'en saisir. Une hésitation qui la veille encore n'aurait pas eu lieu d'être.
C'était le point du non-retour, un choix définitif entre l'avenir que lui offrait cette main et le passé qu'incarnait le sang qui tâchait ses vêtements et s'écoulait de sa blessure…
Kamui eut l'air blessé mais sembla néanmoins comprendre que ce geste avait pour Subaru beaucoup plus de symbolique qu'il ne l'avait imaginé, bien qu'il ne comprit pas réellement de quelle manière.
Subaru n'esquissait pas le moindre geste, que se fut pour se saisir de cette main tendue où se relever par ses propres moyens. Il les fixait juste, les cinq doigts tendus en un geste d'invite d'un jeune homme qui eut pu totalement disparaître de sa vie lorsque Seïshiro l'avait quitté et que sa mémoire l'avait repris.
« Je choisirais moi-même mon destin… » Sa propre déclaration lui revint brusquement en mémoire. D'un geste brusque et presque irréfléchi, comme on se jette dans le vide, il se saisit de la main de Kamui et se redressa de toute sa hauteur.
Ils se jaugèrent alors de longs instants, chacun analysant ce que signifiait ce choix, pour l'avenir, pour le passé comme pour le présent.
Mais Kamui cessa bientôt d'y penser, pour se consacrer uniquement au bonheur qu'il ressentait. Se dressant sur ses pieds, il prit entre ses mains le visage de Subaru, masquant volontairement de ses doigts la coupure encore fraîche et lui baisa délicatement les lèvres. Il sentit distinctement Subaru sourire contre sa bouche.
Puis, l'adolescent se détacha de lui et amorça sa marche en direction de la sortie, observant Subaru lui emboîter aussitôt le pas.
« A partir de maintenant, vous allez former une 'paire' et être heureux ensemble… »
Ce fût l'une des dernières paroles qui lui vinrent à l'esprit, tandis qu'il marchait aux côtés de Kamui en direction du Campus, alors qu'il commençait à évoquer au garçon cette nuit qui serait à jamais pour eux la nuit du changement, la nuit où il avait réellement décidé et comprit à la juste valeur ce souhait qui le guiderait jusqu'au jour de la Promesse…
Fin… ?
